Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le constat est clair : depuis plusieurs années, les maires se sentent dépossédés et impuissants face à la baisse des dotations de l’État et à la marche forcée vers les grandes intercommunalités, notamment durant la précédente mandature présidentielle.
Aussi, à cinq mois des élections municipales, le Gouvernement en nous soumettant ce projet de loi a l’ambition de replacer les maires au cœur de l’action publique locale et d’enrayer la crise des vocations.
Je ne peux que m’en réjouir !
En effet, les 600 000 élus locaux sont épuisés par les nombreuses réformes successives. Le transfert de la gestion des déchets, de l’eau, de l’assainissement, de la voirie, du tourisme et du plan local d’urbanisme aux intercommunalités a donné aux maires et aux conseillers municipaux le sentiment d’être dépouillés et éloignés des décisions.
Il est urgent de donner dès à présent aux élus la capacité d’agir, de décider librement et en responsabilité de la meilleure organisation pour leur territoire. En effet, le maire est l’interlocuteur naturel des administrés. Lorsqu’un habitant rencontre un problème, une difficulté, c’est au maire qu’il s’adresse spontanément, et non à l’intercommunalité.
Vis-à-vis de leurs concitoyens, les maires doivent être en situation de rester des décideurs. Or il existe chez les élus locaux un fort sentiment de dépossession, qui est souvent lié à l’organisation intercommunale, et qui est relayé par les travaux du Sénat.
Si le projet de loi que nous allons examiner vise à apporter des corrections à la loi NOTRe, afin d’en expurger un certain nombre d’« irritants », comme le disait M. le ministre, la commission des lois a amélioré très significativement ce texte, ce dont je me félicite.
Lors de l’examen des amendements, j’aurai l’occasion de revenir sur divers sujets qui auront pour vertu, je l’espère, d’assouplir les relations entre communes et intercommunalités, mais aussi entre communes, intercommunalités et départements. À mon avis, le nombre de communes en France n’est pas un problème. Je crois même qu’il s’agit plutôt d’une chance.
Je souhaite aborder plus particulièrement la question des compétences eau et assainissement.
La loi NOTRe a prévu le transfert obligatoire de la distribution de l’eau potable et de l’assainissement des eaux usées aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération à compter du 1er janvier 2020, malgré les réserves exprimées par le Sénat.
Dans certaines communes, le transfert obligatoire de ces compétences avait fait craindre une augmentation du coût de l’eau, une gestion moins directe de la ressource, ainsi qu’une perte de la connaissance du réseau.
La loi du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes a toutefois apporté quelques assouplissements bienvenus, sans être suffisants.
Cette loi a permis aux communes membres d’une communauté de communes qui n’exerce pas les compétences eau ou assainissement de s’opposer au transfert obligatoire de ces deux compétences ou de l’une d’entre elles, si, avant le 1er juillet 2019, au moins 25 % des communes membres de cette communauté de communes, représentant au moins 20 % de la population, ont délibéré en ce sens . Je vous l’accorde, il s’agit d’une disposition extrêmement technique.
Ce dispositif, qui institue une minorité de blocage, ne répond toutefois aux problèmes que de manière transitoire puisque, si ces conditions sont réunies, le transfert n’est repoussé que de six ans et prend effet au 1er janvier 2026.
L’article 5 du présent projet de loi apporte des assouplissements bienvenus, mais qui ne vont pas aussi loin que je l’aurais souhaité.
Ainsi, le mécanisme de délégation proposé par le Gouvernement démontre la prise en compte de ces difficultés, mais demeure limité en raison de sa complexité : en excluant les syndicats de communes du dispositif, il ne permet en effet pas l’exercice des compétences eau et assainissement au niveau pertinent.
Au vu de ces difficultés, je me félicite que la commission ait préféré faire confiance aux élus locaux, suivant ainsi la position désormais traditionnelle du Sénat sur le sujet. Elle considère que, lorsque les transferts sont pertinents, ceux-ci sont réalisés. S’ils ne le sont pas, c’est qu’ils ne correspondent pas aux spécificités locales.
Plutôt que d’imposer des directives extrêmement verticales, je préférerais que l’on fasse confiance aux élus locaux : les résultats d’analyse de l’eau transmis par les ARS obligent les maires, soit à opter pour l’interconnexion, soit à améliorer la qualité de cette eau au niveau des stations d’épuration. Arrêtons d’embêter les élus locaux : ils savent ce qu’il y a à faire. Selon moi, il est inutile de légiférer. Je demeure favorable à un transfert facultatif de ces compétences.
Avant de conclure, je voudrais saluer ici, à cette tribune, le travail accompli par nos collègues Françoise Gatel et Mathieu Darnaud, et souligner la qualité de leur rapport.
Particulièrement attentif aux préoccupations exprimées par les collectivités territoriales, notre groupe Les Indépendants demeure très attaché à une meilleure reconnaissance de la place centrale des maires et des élus, ainsi que de leur engagement. Il votera donc ce projet de loi amélioré par les travaux de la commission.