Intervention de Frédérique Espagnac

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 9 octobre 2019 à 9h00
Zones de revitalisation rurale zrr — Communication

Photo de Frédérique EspagnacFrédérique Espagnac, rapporteure :

Nous avons souhaité faire des ZRR un zonage pivot pour maintenir un soutien actif aux territoires ruraux et pour adapter les moyens des politiques publiques de la ruralité à la situation de chaque espace, d'ici au 31 décembre 2021.

Pour construire la réforme que nous envisageons, nous souhaitons nous appuyer sur les dispositifs financiers actuels, dont nous avons pu mesurer les effets positifs directement sur le terrain, et les adapter aux différents zonages ZRR 1, 2 et 3 présentés par mon collègue rapporteur.

J'évoquerai d'abord le principal dispositif : les exonérations d'impôt sur les bénéfices. Pour les entreprises et les professions libérales qui s'installent en ZRR, les bénéfices sont intégralement exonérés pendant les cinq années qui suivent la création ou la reprise de l'activité, puis l'exonération est dégressive les trois années suivantes, avec un abattement qui passe de 75 % à 50 % puis à 25 % des bénéfices la dernière année. Le dispositif d'exonération d'impôt sur les bénéfices a représenté, au niveau national, plus de 145 millions d'euros d'économies pour près de 24 000 bénéficiaires en 2018.

Concrètement, cela signifie qu'un artisan, un commerçant ou un restaurateur peut recevoir un avantage situé entre 3 000 et 7 000 euros par an. Cette économie d'impôt est souvent réinvestie pour pérenniser des projets qui sont souvent plus fragiles que s'ils étaient implantés dans des territoires plus densément peuplés et plus dynamiques. Le dispositif permet également de rendre ces territoires beaucoup plus attractifs pour les professionnels de santé. Les exonérations d'impôt sur les bénéfices doivent être maintenues pour continuer à compenser le différentiel d'attractivité dont sont victimes les territoires ruraux, et ce à tous les niveaux de zonage - ZRR 1, 2 ou 3.

Toutefois, les exonérations ne concernent aujourd'hui que l'installation et la reprise d'activités. Dans les territoires qui seraient classés en ZRR 3, à savoir les plus fragiles, nous considérons que le dispositif devrait pouvoir être étendu au maintien de certaines activités.

Un deuxième type de mesure concerne les allègements de cotisations patronales. Les exonérations ZRR actuelles recouvrent deux dispositifs distincts. D'une part, le dispositif d'exonération de cotisations patronales spécifique aux organismes d'intérêt général (OIG), qui représente l'essentiel du montant total des exonérations. D'autre part, le dispositif d'aide à l'embauche pour les augmentations d'effectif des entreprises de moins de 50 salariés situées en ZRR. Le coût global de ces deux mesures s'élevait à 101 millions d'euros en 2017, composé de 91 millions d'euros pour les contrats OIG et de 10 millions d'euros pour le dispositif de soutien à l'embauche.

Or, les contrats OIG sont en extinction : seuls sont concernés par l'exonération OIG les contrats signés avant le 1er novembre 2007. Les OIG sont menacés par la disparition progressive des contrats bénéficiant de l'exonération. Le nombre de contrats est passé de 61 000 en 2007 à 17 000 aujourd'hui, et décroit à présent à un rythme de 5 % en moyenne par an. Cette disparition constitue un manque à gagner pour les OIG qui ne bénéficient plus du dispositif sur les nouveaux contrats. Aussi, nous sommes particulièrement inquiets de voir cette mesure disparaître sans être compensée par aucun dispositif permettant d'accompagner les OIG concernés. En 2014, pour les 134 principaux établissements concernés, le montant global moyen de cette exonération représentait 200 000 euros. La disparition des contrats exonérés conduirait donc à une augmentation importante des coûts pour ces structures. Ces conséquences doivent impérativement être mieux chiffrées afin de mieux accompagner les établissements.

L'autre dispositif d'exonération concerne les allègements de charge pour les nouvelles embauches. Ils sont applicables un an et sont strictement conditionnés à une augmentation nette d'effectif. L'intérêt de ce dispositif a été progressivement réduit par l'augmentation des allègements généraux. Les entreprises devant opter pour l'un ou l'autre des dispositifs, les allègements généraux sont désormais plus intéressants que les allègements ZRR entre une fois et 1,15 fois le SMIC. Ils sont en revanche plus attractifs pour les salaires compris entre 1,15 et 2,4 fois le SMIC. L'intérêt des exonérations ZRR peut parfois atteindre des niveaux substantiels : à 1,5 fois le SMIC, l'avantage représente 5 712 euros de plus pour l'année de l'embauche que les allègements généraux.

Toutefois, compte tenu de la répartition des revenus dans les territoires ruraux, ce ciblage n'est plus adapté : 80 % des embauches se faisant à des niveaux de rémunérations inférieurs à 1,4 SMIC, les dispositifs d'exonérations devraient être recentrés à ce niveau de rémunération. Surtout, la condition d'augmentation nette d'effectif, qui constitue un critère d'éligibilité, n'est pas satisfaisante. D'abord, elle crée une complexité administrative qui limite le recours au dispositif. Ensuite, elle n'est pas en phase avec les problématiques de la ruralité, qui sont parfois celles du déclin. La priorité ne doit pas être seulement de faire croître le niveau d'activité mais également de préserver l'existant en soutenant les entreprises qui embauchent.

Pour répondre à ces difficultés, il convient de repenser le système actuel d'allègements en l'appliquant à toutes les nouvelles embauches et en définissant, en fonction du niveau de zonage et du secteur d'activité, des durées d'allègement différenciées.

Enfin, le dispositif de ZRR actuel comprend un volet de majoration de dotations. Depuis 2005, la fraction bourg-centre de la dotation de solidarité rurale est majorée de 30 % pour l'ensemble des communes situées en ZRR. Cette majoration a été appliquée sur les dotations des communes concernées lors de la création du dispositif et représente un total de 35 millions d'euros de dotation pour 2 434 communes.

La question des majorations de dotation doit être posée dans le nouveau dispositif. Le niveau de classement en ZRR 1, 2 ou 3 devrait mieux se ressentir dans l'attribution des dotations d'investissement. Elles devront être progressives en fonction de ce zonage et un coefficient multiplicateur devra être appliqué pour aider les communes les plus en difficulté à réaliser les investissements indispensables à leur attractivité.

De plus, nous avons pu constater que plusieurs dispositifs sectoriels dépendaient du zonage ZRR. Les communes sortantes risquent de perdre un soutien important et les menaces qui pèsent sur le zonage, pourraient mettre en péril ces dispositifs. Il existe en particulier des bonifications d'indemnité des agences postales communales mais également pour les agences de l'eau, qui offrent des aides renforcées en direction des communes situées en ZRR. L'agence de l'eau Loire-Bretagne prend en compte le zonage ZRR, de même que l'agence Rhône-Méditerranée-Corse qui s'est d'ailleurs fixée pour objectif de contractualiser avec 75 % des EPCI situés en ZRR d'ici à 2024. Le nouveau zonage ZRR doit demeurer une référence pour les acteurs publics et privés qui assument des politiques publiques et des services structurants. Il est indispensable de disposer d'une géographie prioritaire pour coordonner l'ensemble des actions en faveur des territoires.

Enfin, notre dernière proposition concerne uniquement les territoires les plus fragiles, classés en ZRR 3. Il est nécessaire de mettre en place un fonds de soutien à l'activité orienté vers ces territoires. Ce fonds servira de levier pour soutenir les entreprises, les commerces et les artisans et pourrait éventuellement servir de co-financement à des fonds européens.

Toutes nos propositions visent à construire une politique de la ruralité qui soit cohérente, avec des objectifs clairs et des moyens adaptés aux enjeux. Il est impossible de faire l'économie de ce chantier.

Un dernier mot sur le projet du Gouvernement, intégré au PLF pour 2020, de créer un nouveau zonage ad hoc pour soutenir les commerces et curieusement appelé « zones de revitalisation commerciale » : alors que le Gouvernement dit être engagé dans une démarche de rationalisation des zonages et devra remettre au Parlement un rapport sur ce sujet d'ici fin 2020, la sortie de ce dispositif est bien la preuve d'une absence de vision globale de la ruralité et de la proximité des élections municipales.

Voilà les grandes lignes du rapport que vous nous avez confié et que nous souhaitons approfondir grâce à des simulations précises, pour préserver un dispositif essentiel mais qu'il faudra aménager.

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