Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la République décentralisée a aujourd’hui atteint l’âge de la maturité et celui d’un nouveau bilan.
Annoncée de longue date, la réforme qui nous est proposée constitue une véritable nécessité.
Depuis le lancement du processus de décentralisation avec les lois de 1982, les structures territoriales de notre pays ont connu de nombreuses adaptations et se sont considérablement développées. Or force est de constater que toutes les conséquences n’ont pas été tirées de ces bouleversements. La décentralisation a souffert tout à la fois de son application à un paysage territorial figé et des difficultés de l’État à accepter la nouvelle donne.
D’une part, ni l’empilement pyramidal des trois niveaux de collectivités territoriales ni le format de chacun d’eux n’ont été remis en cause. S’y sont en outre intercalés les regroupements communaux.
D’autre part, la logique de la décentralisation aurait dû conduire l’État à ne plus intervenir dans les secteurs transférés aux institutions territoriales et à renoncer au pouvoir de pilotage et de gestion dont il était le seul détenteur dans la tradition jacobine. Force est de constater qu’il a très tardivement réagi ; c’est le Gouvernement qui a lancé, en 2007, la refonte de ses services déconcentrés dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. Il conviendra cependant d’en évaluer la pertinence et l’adéquation.
En tout état de cause, l’architecture territoriale actuelle n’est plus lisible pour les citoyens ni satisfaisante pour les acteurs locaux. L’enchevêtrement des structures et des compétences, auquel répond celui des financements, en est la preuve la plus évidente. Il est donc indispensable, afin de garantir la bonne marche de la décentralisation dans les années à venir, de renforcer l’efficience et la clarté de l’action locale.
Conscient de cette nécessité, le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, a anticipé le processus législatif en conduisant sa propre réflexion. Pendant huit mois, la mission temporaire présidée par Claude Belot a ainsi élaboré, sur le rapport de nos collègues Jacqueline Gourault et Yves Krattinger, des propositions constructives, sur lesquelles l’ensemble du Sénat a eu l’occasion de prendre position lors de deux débats dédiés à l’organisation territoriale.
La Haute Assemblée a ensuite été saisie, le 21 octobre dernier, des quatre projets déposés par le Gouvernement visant à rationaliser les structures territoriales, à moderniser les conditions d’exercice de la démocratie locale, à clarifier la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités et à donner aux élus locaux des outils plus efficaces.
En tant que rapporteur, je me suis attaché à conduire de larges consultations afin de dépasser ma propre expérience d’élu local et d’avoir une vision globale de l’évolution de nos territoires et des problèmes qui leur sont spécifiques. Pour prendre toute la mesure des blocages, des préoccupations et des espoirs des acteurs locaux sur le terrain, j’ai ainsi effectué plus de trente déplacements sur l’ensemble du territoire, participant notamment à plusieurs assemblées générales de maires.
Parallèlement, la commission des lois a organisé deux débats réunissant les ministres et l’ensemble des sénateurs et une table ronde avec les trois principales associations d’élus locaux, à savoir l’Association des maires de France, l’Assemblée des départements de France et l’Association des régions de France.
La réforme des collectivités territoriales, sous peine d’être vouée à l’échec, doit s’élaborer en recueillant la plus large adhésion des acteurs qui la feront vivre. Elle doit offrir les simplifications, les ajustements nécessaires pour faciliter l’action des élus, trop souvent alourdie par la multiplication des normes et rendue plus difficile par les exigences accrues des usagers.
Fort de cette conviction, j’ai axé mon travail autour de quatre principes : le pragmatisme, le respect des libertés locales, la souplesse et la simplification.
La commission des lois a adhéré à ces principes pour modifier le projet du Gouvernement. Elle a globalement respecté sa logique, mais elle y a introduit de nombreuses modifications afin de mettre davantage l’accent sur la liberté des collectivités territoriales et d’accroître leur capacité à exercer leurs compétences.
Ses travaux ont également été enrichis par les amendements déposés par plusieurs de nos collègues.
La création des conseillers territoriaux est l’une des mesures les plus controversées de la réforme et suscite de nombreuses craintes : les élus départementaux y voient le prélude à une suppression des départements, …