Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est la demande de notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées que nous examinons aujourd’hui en séance publique le projet de loi autorisant la ratification du protocole au traité de l’Atlantique Nord sur l’accession de la République de Macédoine du Nord.
Un nouvel élargissement de l’OTAN, en effet, n’est pas quelque chose d’anodin. Malheureusement – force est de le souligner –, celui-ci survient à un moment où l’Alliance euro-atlantique est mise à mal par ses divisions et ses contradictions.
Face à la crise qui se déroule actuellement dans le nord-est de la Syrie, l’OTAN semble paralysée, incapable de réagir à l’intervention militaire de l’un de ses membres, la Turquie, contre nos alliés dans la lutte contre Daech, les Kurdes. Quant aux États-Unis, ils ont laissé faire la Turquie et ont opté pour le retrait de leurs troupes. Nos débats d’hier en commission ont mis au jour des inquiétudes pour l’avenir de l’Alliance.
Toutefois, à titre personnel et en tant que présidente d’une des cinq commissions de l’assemblée parlementaire de l’OTAN, qui a siégé à Londres le week-end dernier, je tiens à rappeler combien cette alliance a été, selon les mots mêmes de Jens Stoltenberg, « l’alliance la plus réussie au monde ».
Elle fête ses soixante-dix ans d’âge ; aucun pays n’a jamais demandé à la quitter et nombre d’États cherchent encore à la rejoindre, grâce à la protection sécuritaire qu’elle offre à ses membres. Pour la France, elle constitue également un forum d’influence : il nous appartient d’y faire croître, par notre présence, nos propos et notre action, l’autorité et le rayonnement français.
Ces précisions étant apportées, revenons à ce projet de loi, dont le Sénat est saisi en premier.
Au terme du processus de ratification, la Macédoine du Nord deviendra le trentième pays de l’Alliance atlantique. Au total, vingt-trois des États membres de l’OTAN, ainsi que la Macédoine du Nord elle-même, ont déjà ratifié le présent protocole. Si tout se passe bien, l’accession de la Macédoine du Nord à l’OTAN sera entérinée lors du prochain sommet de l’OTAN, à Londres, en décembre 2019. J’espère que l’Assemblée nationale se saisira très vite après nous de ce dossier !
Depuis son indépendance, la Macédoine du Nord a fait le choix résolu de se tourner vers l’OTAN et vers l’Union européenne. Toute la génération née après l’indépendance a grandi dans la promesse et le rêve d’un avenir euro-atlantique. Pourtant, si cet État s’est vu accorder le statut de pays candidat à l’Alliance et le bénéfice du plan d’action pour l’adhésion en 1999, toute avancée est restée longtemps bloquée du fait du litige avec la Grèce sur la fameuse question du nom.
De fait, en 2008, lors du sommet de l’OTAN organisé à Bucarest, qui a donné le feu vert aux négociations avec l’Albanie et la Croatie, les alliés ont soumis l’ouverture de négociations avec l’Ancienne République yougoslave de Macédoine, l’ARYM, à la résolution de la question du nom.
Après des années de statu quo, les négociations entre les deux voisins ont repris en 2017 grâce à une volonté politique des gouvernements grec et macédonien. De manière assez inattendue, elles ont abouti à la signature de l’accord de Prespa le 17 juin 2018. Aux termes de cet accord, l’ARYM a pris le nom de Macédoine du Nord, tant vis-à-vis de l’extérieur qu’au plan intérieur.
Cet accord a ouvert au pays la voie de l’accession à l’OTAN. Dès le mois suivant, en juillet 2018, les négociations d’adhésion ont été lancées, aboutissant à la signature du présent protocole le 6 février 2019.
Indéniablement, la perspective de l’adhésion à l’OTAN a favorisé les réformes et les progrès en Macédoine du Nord. En attestent les rapports établis chaque année dans le cadre du plan d’action pour l’adhésion : renforcement des standards de la police, lutte anticorruption, coopération avec Europol, adoption de documents stratégiques dans le domaine de la défense, renforcement de l’interopérabilité avec les forces de l’OTAN, etc.
Bien sûr, la Macédoine du Nord doit encore progresser en matière d’État de droit et de lutte contre la corruption et la criminalité organisée. Néanmoins, s’agissant du dossier otanien, force est d’admettre que, avec la signature de l’accord de Prespa, la Macédoine du Nord a surmonté le principal obstacle qui s’opposait encore à son adhésion.
Certes, la contribution financière de la Macédoine du Nord au budget de l’Alliance sera modeste, de l’ordre de 1, 7 million d’euros par an. Il en est de même de son budget de la défense, qui s’élève à 101, 3 millions d’euros en 2018, soit un peu plus de 1 % du PIB du pays. Il devrait toutefois être augmenté de 0, 2 % par an jusqu’en 2024, afin de tendre vers l’objectif des 2 %. Cet effort permettra au pays de moderniser ses forces armées, qui sont pour l’essentiel terrestres, et surtout de renouveler leurs équipements qui sont totalement obsolètes.
En outre, la Macédoine du Nord prend part aux opérations extérieures de l’OTAN, avec une contribution de 47 soldats à l’opération Resolute Support en Afghanistan et un soutien logistique de la KFOR au Kosovo. Elle participe également à la mission européenne Althea en Bosnie-Herzégovine et pourrait envoyer prochainement, dans le cadre d’un arrangement bilatéral avec la France, deux officiers au titre de l’opération EUTM RCA, ce qui va dans le sens de nos objectifs en Afrique et constitue un signe fort de bonne volonté de la part d’un pays peu habitué à ce type de théâtres extérieurs.
Cela étant, pour l’Alliance atlantique, cette adhésion a pour principal intérêt de renforcer la stabilité des Balkans occidentaux. À ce titre, elle se révèle complémentaire de l’adhésion de la Croatie, en 2009, de l’Albanie, en 2009 également, et du Monténégro, en 2017. Elle s’inscrit dans la politique dite « de la porte ouverte », appliquée aux pays de l’est de l’Europe après la fin de la guerre froide. Cette démarche est d’abord politique : elle vise à conforter la sécurité des alliés en promouvant la paix, la liberté et la démocratie.
Comme l’a dit l’une des personnalités que nous avons auditionnées lors de la préparation de mon rapport, « l’adhésion de la Macédoine du Nord à l’OTAN cimente une dynamique vertueuse d’apaisement des tensions régionales ».
Pour la Macédoine du Nord, l’enjeu de l’adhésion à l’OTAN est double : garantir la sécurité du pays, mais aussi, et surtout, entrer dans la communauté euro-atlantique et, ce faisant, se rapprocher de l’Union européenne.
Certes, les considérations géopolitiques ne sont pas absentes, compte tenu du rôle joué dans la région par des puissances extérieures comme la Russie ou la Chine. Pour autant, la Macédoine du Nord ne ressent pas de menace extérieure particulière.
L’adhésion à l’OTAN est avant tout perçue, notamment par sa population, comme le corollaire d’un rapprochement avec l’Union européenne, qui nourrit de fortes aspirations pour des raisons avant tout socio-économiques. En effet, elle porte en elle l’espoir d’un développement économique du pays, massivement touché par l’émigration des jeunes.
Avant de conclure, je dirai un mot de la position française quant à cette adhésion. La France se montre traditionnellement prudente, pour ne pas dire réticente, face aux élargissements de l’OTAN : elle a pour préoccupation d’atténuer les malentendus qui pourraient en découler dans ses relations avec la Russie. Pour elle, l’élargissement de l’OTAN ne saurait être une fin en soi, toute candidature à l’adhésion devant être évaluée à l’aune de sa capacité à contribuer à la stabilité de l’Alliance.