Intervention de Marta de Cidrac

Réunion du 17 octobre 2019 à 10h30
Adhésion de la macédoine du nord à l'otan — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Marta de CidracMarta de Cidrac :

… et de son rapporteur, notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam.

Ce nouvel élargissement s’inscrit réalité dans le droit fil de la politique de la « porte ouverte » de l’OTAN à l’égard des anciens pays du bloc soviétique, après la chute du rideau de fer. Après plusieurs siècles de conflits meurtriers, l’adhésion des pays des Balkans occidentaux à l’OTAN permettra de sceller la réunification du continent européen et sera un gage de paix et de sécurité pour l’Europe.

Cet élargissement consacre les efforts importants réalisés par la Macédoine du Nord dans son processus de transition démocratique et sa contribution à la stabilité de la région.

En particulier, je pense au compromis trouvé avec la Grèce sur la question sensible de la dénomination du pays, entériné par l’accord de Prespa du 17 juin 2018, ou à la politique d’apaisement des tensions entre les différentes composantes de sa population.

Depuis l’occupation par l’Empire ottoman et les guerres balkaniques jusqu’aux conflits meurtriers de Bosnie-Herzégovine et du Kosovo, nous savons combien cette région a souffert des tensions entre les différentes communautés. Comme le disait Churchill à son propos : « Cet espace produit plus d’histoire qu’il n’en peut consommer ! »

L’adhésion de la Macédoine du Nord à l’alliance atlantique aura des répercussions positives sur la région des Balkans, mais elle répond aussi à une cohérence stratégique dont le continent européen a besoin.

Cet élargissement de l’OTAN intervient toutefois dans un contexte géopolitique particulier.

L’intervention de la Turquie, membre fondateur, au nord de la Syrie contre les combattants kurdes, qui ont été nos alliés contre les groupes terroristes de Daech, pose problème, nous amenant à nous interroger sur l’essence même de l’alliance, sur ses valeurs comme sur la nécessaire communauté d’objectifs. Cette offensive présente un risque majeur de déstabilisation, alors que des centaines de djihadistes étrangers, dont plusieurs Français, sont détenues par les combattants kurdes dans cette zone.

Il faut également considérer la place de la Russie dans l’architecture européenne de sécurité et l’évolution des relations transatlantiques face à la politique unilatéraliste du président américain Donald Trump.

Une réflexion sur l’évolution du rôle de l’OTAN et de l’architecture européenne de sécurité est indispensable. Il est temps de rappeler que l’alliance doit d’abord reposer sur un partage de valeurs, comme le respect des droits humains. L’organisation ne peut fonctionner en « réaction contre une nation ». Monsieur le secrétaire d’État, la France et tous ses alliés doivent prendre des initiatives communes à ce sujet.

Permettez-moi de conclure mon intervention en évoquant la question de l’élargissement de l’Union européenne, en ma qualité de présidente du groupe d’amitié France-Balkans occidentaux du Sénat.

Entendons-nous bien : cette question est tout à fait distincte de l’adhésion de la Macédoine du Nord à l’OTAN. Notre collègue rapporteur Joëlle Garriaud-Maylam l’a rappelé en commission des affaires étrangères : il n’y a aucune « automaticité ».

Néanmoins, les chefs d’État et de gouvernement devront se prononcer, lors du Conseil européen qui se tient aujourd’hui même, sur la question de l’ouverture des négociations d’adhésion à l’Union européenne avec l’Albanie et la Macédoine du Nord. Or la majorité de nos partenaires européens y sont favorables.

Cette adhésion ne représente qu’une étape sur le chemin de l’adhésion de ces pays à l’Union européenne, qui ne serait envisageable qu’à l’issue d’un long processus de plusieurs années et d’une profonde refondation de l’Union européenne après le Brexit.

Dans ce contexte, monsieur le secrétaire d’État, quelle sera la position de la France ? Au regard de l’expérience des derniers élargissements ou des négociations laborieuses avec la Turquie, ne faudrait-il pas mener une réforme en profondeur du processus d’élargissement, avec une plus forte conditionnalité et une nouvelle approche de la négociation par chapitres ?

Certes, les pays des Balkans ont encore d’importants efforts à accomplir pour respecter l’ensemble des critères, notamment en matière de lutte contre la corruption, contre les trafics sous toutes leurs formes, contre les mafias qui gangrènent l’économie et pour le respect de l’État de droit.

Quelle que soit la décision du Conseil européen, il nous faudra être attentifs à l’aspiration profonde de ces peuples qui frappent depuis plus de vingt ans à notre porte.

De la même manière, il nous faudra engager une coopération sur des thèmes majeurs. Ces pays doivent faire face aux crises migratoires et ont besoin d’aide. Pour mémoire, la Macédoine du Nord a dû gérer l’afflux de près de 90 000 personnes en 2016.

Rien ne serait plus dangereux que de laisser ces pays se détourner de l’Europe pour se tourner vers d’autres partenaires, comme la Turquie ou la Chine.

Nous avons des intérêts à faire valoir, par exemple en ce qui concerne la lutte contre la criminalité et l’immigration clandestine, face au risque d’une nouvelle vague de migrants venant de Turquie.

Comme l’a souligné le Président de la République le 29 avril dernier, la France a un rôle important à jouer dans les Balkans. Nous devons renforcer notre place et notre influence dans cette région en matière politique, économique et culturelle, notamment par rapport à nos amis allemands.

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