Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « enfin ! », serais-je tentée de dire… Après une décennie à esquisser les ébauches d’une maison commune de la musique, ses fondations sortent finalement de terre. Il reste des questionnements substantiels à régler, en particulier son financement et sa gouvernance, mais nous aurons l’occasion d’en débattre prochainement.
En attendant, réjouissons-nous que tous les acteurs de la filière, dans leur entière diversité, puissent échanger, partager leurs analyses et réfléchir collectivement aux mutations constantes qui traversent le secteur au sein d’un même forum. Au regard des changements qui bouleversent le monde de la musique, établir un espace de dialogue commun était devenu impérieux.
Dès lors, le Sénat a pleinement œuvré à ce projet. D’ailleurs, presque la totalité des apports validés en première lecture ont été confirmés au cours de la commission mixte paritaire. Je voudrais remercier notre rapporteur, qui, dans un esprit constructif, a effectué un important travail et a permis de dégager une unanimité autour de cette proposition de loi.
Ainsi, le texte a été enrichi à de multiples endroits. Je ne ferai pas une liste à la Prévert, mais j’aimerais néanmoins insister sur plusieurs points.
En premier lieu, dans la continuité de la loi NOTRe et de la loi LCAP, la mention des droits culturels et le renvoi à la convention de l’ONU me paraissent fondamentaux. Outre l’accent mis sur la promotion de la diversité culturelle, il s’agit aussi de reconnaître le rôle émancipateur de la musique par la pratique et la participation de toutes et tous à la sphère musicale.
En deuxième lieu, il était inconcevable que l’artiste soit complètement invisible dans cette proposition de loi. Au travers du « soutien à l’écriture, à la composition et à l’interprétation », qui figure désormais à l’alinéa 4 de l’article 1er, nous revenons aux sources de la création et marquons notre profond attachement aux auteurs, compositeurs et interprètes sans qui nulle création musicale ne serait possible.
Vous savez que, à titre personnel, j’aurais aimé aller plus loin, en proposant une expérimentation, via un fonds de soutien. J’espère que cela se fera plus tard.
Enfin, le numérique impactant massivement le secteur musical, la prise en compte des usages et de la valeur de la donnée est essentielle. À cet égard, la mission de l’observatoire de l’économie sera décisive, car elle favorisera l’innovation et l’adaptation permanente des acteurs aux mutations socio-économiques, mais aussi aux comportements des usagers.
Maintenant que le CNM devient réalité, plusieurs paramètres me semblent cardinaux afin de garantir sa réussite.
Tout d’abord, sa représentativité, à tous niveaux, doit être assurée. Je pense singulièrement au conseil professionnel, « instance réunissant des représentants des organisations directement concernées par l’action du Centre national de la musique », en vertu de l’article 2. Cette représentativité doit également intégrer des critères de nature et de taille des structures, incluant des entités publiques comme privées, certaines de taille modeste, d’autres constituant un réseau plus important. En somme, elle doit témoigner de la diversité du secteur. En parallèle, la représentativité fait écho à la pluralité des esthétiques, soulignée par la très belle expression d’« égale dignité des répertoires » qui composeront nécessairement le futur CNM.
Par ailleurs, comme je l’ai spécifié précédemment, je crois que les missions du CNM doivent dépasser les attributions originelles du CNV, sous peine de manquer le changement d’envergure que nous prônons collectivement. Par-delà la fonction de soutien financier au secteur musical, des préoccupations « d’intérêt général » devraient l’animer – d’ailleurs, cette conception se reflète dans ses missions.
Sans aucunement se substituer à l’action menée par le ministère de la culture, le CNM n’en demeure pas moins une enceinte où l’État sera majoritaire et garant de cette mission de service public. Par conséquent, nous attendons de l’État qu’il joue un rôle actif, qu’il soit force de propositions à destination de la filière, mais aussi très mobilisateur sur les dossiers épineux du moment et stratège sur les grands enjeux.
Finalement, le CNM sera ce que les acteurs du secteur décideront d’en faire. Ces derniers se l’approprieront, établiront leurs priorités, feront émerger des problématiques nouvelles et renforceront probablement son action sur certaines questions majeures. Je pense au soutien à la diversité musicale, à l’émergence de nouveaux artistes, au partage de la valeur, à la mise en œuvre du pass culture, à l’égalité entre les femmes et les hommes ou encore à la formation professionnelle.
En outre, la place et le positionnement du CNM seront déterminés par les coopérations qu’il entendra mener avec ses différents partenaires. Je souhaite que celles-ci, ouvertes par l’alinéa 15 de l’article 1er, qui dispose qu’il « associe les collectivités territoriales et leurs groupements à l’exercice de ses missions », soient le plus larges possible. La possibilité de conclure des contrats et de nouer des partenariats avec les collectivités est un formidable levier pour conférer un ancrage territorial au CNM.
Au final, la concrétisation du CNM arrive à point nommé. Nombreux sont les chantiers qui l’attendent. J’en citerai quelques-uns, et d’abord le soutien public à la production et à la création musicales, à travers la pérennisation et la montée en charge des crédits d’impôt production phonographique et spectacle vivant. M. le ministre de la culture devra s’assurer que, contrairement à l’année dernière, il n’y ait pas de tentative de rabotage sur ces deux crédits d’impôt, dont l’impact social et économique est extrêmement positif, car ils participent de la vitalité et de la structuration de notre paysage musical.