Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis que l’idée d’une maison commune de soutien à la création musicale, véritable serpent de mer de la politique culturelle française, puisse enfin se concrétiser dans le texte que nous allons adopter aujourd’hui. En effet, si la musique est la première pratique culturelle et la deuxième industrie culturelle dans notre pays, elle sera la dernière filière artistique à disposer d’un centre national.
Je rappelle que le projet a été lancé par le Président Sarkozy, à l’issue d’une mission dont l’actuel ministre de la culture était le rapporteur, au moment où l’industrie musicale traversait le plus fort d’une crise liée aux nouveaux modes d’écoute, au développement du streaming et au piratage de masse. L’alerte était lancée alors que le chiffre d’affaires de la filière avait baissé de 60 % en quinze ans. On comprend donc l’inquiétude qui fut celle des acteurs concernés lorsque le projet a été délaissé sous le quinquennat de François Hollande.
Depuis, l’industrie musicale connaît un nouvel essor. Les acteurs français ont finalement su tirer parti du streaming et la fréquentation des concerts a augmenté. Toutefois, cet équilibre reste fragile. La crise a bien montré le danger, pour l’industrie musicale, de demeurer une filière morcelée. Il est aujourd’hui essentiel que celle-ci puisse défendre ses intérêts collectifs, dans une stratégie de long terme. À cet égard, ce texte est particulièrement attendu.
Le Centre national de la musique jouera un rôle important d’observation du fonctionnement de la filière, afin de déterminer les actions politiques à mener. Il pourra justifier auprès de l’administration l’impact de concours financiers bien souvent remis en cause. Son rôle sera majeur en matière de diversité culturelle.
Je me réjouis que la Haute Assemblée ait pu préciser et élargir ses missions lors de l’examen de la proposition de loi. Je citerai notamment le rôle du CNM dans la collecte d’informations économiques et statistiques au sein de la filière musicale, le soutien qu’il apportera à l’exportation des productions françaises et à la mobilité des artistes ou encore l’introduction du « respect de l’égale dignité des répertoires ».
Surtout, en tant que représentants des territoires, nous nous sommes attachés à mieux reconnaître la place des collectivités dans la mise en œuvre de la politique musicale : il est mentionné expressément qu’elles pourront conclure des contrats et nouer des partenariats avec le CNM et qu’elles seront associées au comité professionnel.
Je tiens à remercier le rapporteur Jean-Raymond Hugonet de son travail constructif et de son investissement personnel sur cette proposition de loi.
Un texte commun ayant été élaboré avec l’Assemblée nationale, le CNM devrait être juridiquement fonctionnel au 1er janvier 2020.
Il restera cependant plusieurs points à préciser pour l’avenir : d’abord, la gouvernance du Centre national, qui sera définie dans un décret statutaire, en cours de préparation, dont nous souhaitons qu’il respecte la présence des différents acteurs de la filière ; ensuite, le budget alloué au CNM pour mener à bien ses missions, qui devra comporter des moyens nouveaux.
Je rappelle que ceux-ci ont été estimés par la mission de préfiguration à 20 millions d’euros en année pleine. Par conséquent, monsieur le ministre, je m’associe aux préoccupations exprimées par notre rapporteur concernant la somme de 7, 5 millions d’euros qui a été annoncée pour 2020.
Le CNM sera le fer de lance et la vigie de la diversité musicale. Encore faut-il qu’on lui en accorde les moyens…
Je veux, pour terminer, évoquer la question du piratage. Si une enquête de la Fédération internationale de l’industrie phonographique a relevé une progression de la consommation de musique, 27 % des consommateurs utilisent des moyens frauduleux. L’écosystème illicite se complexifie, avec l’apparition d’une pluralité d’acteurs intervenant en amont ou en aval des pratiques de piratage pour mieux les organiser et le perfectionnement des mesures de contournement.
Dans ce contexte, il faut revoir notre système de protection. J’espère que nous aurons prochainement des précisions sur les mesures envisagées par le Gouvernement, puisqu’une fusion du CSA et de la Hadopi a été annoncée dans le cadre de la réforme de l’audiovisuel, sans que nous connaissions les aménagements que cette décision induira pour la protection des droits d’auteur.
La musique est un secteur particulièrement soumis aux évolutions technologiques. Dans ce contexte, le législateur doit savoir adapter rapidement notre droit. La présente proposition de loi contribuera à garantir l’équilibre de la filière.
En dehors des points de vigilance que j’ai indiqués, les membres de notre groupe adhèrent bien évidemment aux dispositions de ce texte et lui apporteront tout leur soutien.