Intervention de François-Noël Buffet

Réunion du 19 janvier 2010 à 21h30
Réforme des collectivités territoriales — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de François-Noël BuffetFrançois-Noël Buffet :

Beaucoup a déjà été dit sur cette réforme, dont de nombreux orateurs ont rappelé les objectifs : adapter notre organisation territoriale aux réalités du temps, optimiser l’usage de l’argent public, mutualiser au mieux les moyens des collectivités. Réduire le nombre d’élus n’est pas l’alpha et l’oméga de la réforme ; ce qui importe, c’est la volonté de rassembler les collectivités, de mutualiser leurs moyens et de rationaliser l’organisation, pour être au plus près des attentes de la population et des élus.

Le texte soumis aujourd'hui au Sénat résulte d’une importante concertation entre le Gouvernement, les associations d’élus, les forces vives de la nation, le Parlement et tous ceux qui ont bien voulu s’engager dans la réflexion.

Bien sûr, l’objet principal du texte est la création du conseiller territorial, ce nouvel élu qui siégera à la fois à l’échelon départemental et à l’échelon régional.

Bien sûr, le texte, et ce n’est pas le moindre de ses mérites, renforce la commune et l’intercommunalité. Il maintient pour cette cellule de base la clause de compétence générale, parce que les maires doivent avoir les moyens de conduire les politiques qu’il leur est demandé de mettre en œuvre.

Bien sûr, le texte contient des éléments nouveaux : la création des métropoles traduit la volonté de répondre au fait urbain, quarante ans après la création des communautés urbaines, décidée par le général de Gaulle. Ce fait urbain, par son poids économique et démographique, participe à l’équilibre de notre territoire national. La création de métropoles permettrait à un certain nombre de communautés urbaines de France de jouer dans la cour européenne, voire au-delà. Le projet de loi prévoit par ailleurs la mise en place de pôles métropolitains. À cet égard, j’ai entendu avec beaucoup d’intérêt M. Collombat les qualifier de « métropoles pour insuffisants démographiques »… Ceux des membres de son groupe qui soutiennent ce projet n’auront pas manqué d’apprécier !

Un double constat s’est imposé ces dernières années, au fil des différents rapports consacrés à l’organisation territoriale de la France : d’une part, cette dernière n’a pas suffisamment pris en compte la montée en puissance du fait urbain, qui réclame la mise en œuvre de politiques publiques très intégrées ; d’autre part, la compétition entre les grandes agglomérations, européennes ou internationales, n’a cessé de s’accentuer.

Il est donc aujourd’hui nécessaire de proposer un nouveau cadre de gouvernance, plus adapté que celui des actuelles communautés urbaines. La création du statut de métropole par les dispositions de l’article 5 du projet de loi répond à cet objectif.

Cette métropole sera un nouvel EPCI regroupant, sur la base du volontariat, plusieurs communes qui forment un ensemble de plus de 450 000 habitants, d’un seul tenant et sans enclaves. Elle sera constituée pour conduire un projet d’aménagement et de développement économique, écologique, éducatif et culturel de son territoire. Elle disposera à cet effet de compétences élargies en matière de développement économique, d’urbanisme, d’habitat, de transport et d’infrastructures, d’éducation, dont certaines par transfert des départements et des régions. Au-delà d’un socle obligatoire, elle pourra passer des conventions avec les autres collectivités territoriales et l’État pour exercer des compétences supplémentaires, nécessaires pour son développement et sa compétitivité. Les charges transférées par les communes sont compensées par le transfert à la métropole des principales recettes fiscales et de la DGF. De plus, l’évaluation des charges transférées est placée sous le contrôle d’une commission consultative.

Au-delà du statut de la métropole, qui ne concernera qu’un nombre limité de grandes agglomérations – cinq, peut-être six, au plus sept –, il est nécessaire de favoriser une coopération renforcée, à une plus large échelle, entre territoires urbains. C’est l’objet de l’article 7 du projet de loi, qui instaure les pôles métropolitains, présentés sous un jour si séduisant par M. Collombat… Ce dispositif est conçu comme un instrument souple, permettant la mise en œuvre d’une véritable politique d’aménagement du territoire.

Le pôle métropolitain est un établissement public constitué, sur une base volontaire, par des EPCI à fiscalité propre formant un ensemble de plus de 450 000 habitants, dont l’un des membres a une population supérieure à 200 000 habitants. Sa création, après accord entre les collectivités, est laissée à l’appréciation du préfet. Les pôles métropolitains obéissent au régime juridique des syndicats mixtes dits « fermés ».

Le travail de la commission des lois du Sénat a permis de préciser le champ d’intervention des pôles métropolitains en matière de développement économique, écologique, éducatif et universitaire, de promotion de l’innovation, d’aménagement de l’espace et de développement des infrastructures et des services de transport, ainsi que les modalités de représentation de leurs membres au sein de leur organe délibérant.

Il s’agit donc de développer un réseau de métropoles pour relever le défi de la mondialisation, dans un univers ouvert et compétitif, sans pour autant oublier les territoires ruraux, ainsi que la nécessité d’assurer un équilibre au sein de cette organisation générale, et même une grande cohérence, les uns ne pouvant pas vivre sans les autres. Par conséquent, il s’agit non pas d’opposer les territoires, mais de les rendre complémentaires.

La deuxième avancée considérable du présent projet de loi concerne la rationalisation de l’intercommunalité.

Historiquement, l’intercommunalité a constitué la réponse originale de la France à son émiettement communal à la suite de l’échec du mouvement de fusion des communes dans les années soixante-dix. Elle n’a cessé de se développer, particulièrement depuis la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale. Désormais, la majeure partie du territoire national est couverte par des structures intercommunales. Cela nous a permis, à nous élus, d’apprendre à travailler en commun, en dépassant le cadre, devenu souvent trop étroit, de la commune, afin de nous inscrire dans une perspective de solidarité territoriale. Nous avons tous en tête des exemples d’élus qui, d’abord réservés, ont finalement compris l’intérêt d’une telle démarche.

Il est maintenant essentiel de conforter l’acquis de l’intercommunalité en franchissant une nouvelle étape. En la matière, le Gouvernement se fixe donc trois objectifs : la couverture intercommunale intégrale du territoire français à l’horizon du début de l’année 2014, la rationalisation des périmètres des structures intercommunales à la même échéance et l’approfondissement de l’intercommunalité à travers la rénovation de son cadre juridique.

Les préfets seront chargés d’élaborer avant la fin de l’année 2011, au terme d’une large concertation avec l’ensemble des conseils municipaux des communes et des organes délibérants des EPCI et des syndicats concernés, un schéma départemental de coopération intercommunale, qui sera soumis à la commission départementale de la coopération intercommunale. S’ouvrira ensuite une période de deux années, 2012 et 2013, durant laquelle les préfets seront dotés de pouvoirs temporaires destinés à faciliter la déclinaison du schéma, qui devra être achevée au 1er janvier 2014.

Un tel travail d’élaboration et de déclinaison d’un schéma partagé avec les élus englobera évidemment le chantier de la rationalisation des multiples structures intercommunales – syndicats et EPCI –, dont les périmètres ou les compétences se chevauchent encore trop souvent.

Enfin, plusieurs mesures permanentes, distinctes du dispositif temporaire d’achèvement et de rationalisation de la carte intercommunale, permettront d’approfondir l’intercommunalité.

Le présent projet de loi a suscité beaucoup d’inquiétudes. Fallait-il supprimer tel ou tel échelon, le remplacer par un autre ? En tout cas, le Gouvernement semble ouvert à la discussion sur la question du mode d’élection des nouveaux conseillers territoriaux. Ce qui est certain, c’est que nous ne pouvions plus rester sans rien faire !

Certes, il aurait été possible d’aller plus loin et d’avoir encore plus d’ambition, notamment s’agissant des métropoles. Mais il est aussi un principe de réalité : il faut que les objectifs de ce texte puissent être largement partagés. Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui répond bien à cette exigence.

Oui, ce texte est fondamental pour moderniser l’organisation territoriale de notre pays ! Il a sans doute un caractère historique, et s’inscrit dans la droite ligne d’un processus engagé par François Mitterrand, poursuivi par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin et porté par le Président Sarkozy. Il permettra de renforcer la décentralisation et les libertés locales en France : c'est la raison pour laquelle je le voterai.

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