Intervention de Dominique Braye

Réunion du 19 janvier 2010 à 21h30
Réforme des collectivités territoriales — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Dominique BrayeDominique Braye :

Vous comprendrez donc aisément que cette question conditionne mon approbation à ce projet de loi : en tant que sénateur, je suis un représentant des collectivités territoriales. Je tiens d’ailleurs à préciser, monsieur le ministre, que je ne m’exprime pas seulement à titre personnel, mais aussi au nom de l’Assemblée de communautés de France, qui regroupe 1 100 EPCI et plus de 35 millions d’habitants !

Le texte initial du Gouvernement était à cet égard insatisfaisant, et je salue la position de la commission des lois et de son rapporteur, Jean-Patrick Courtois, qui ne l’ont pratiquement pas modifié, souhaitant que le débat sur ce point essentiel soit tranché en séance publique.

Il en résulte donc que, sur le problème de la représentation des communes au sein des conseils communautaires, le texte sur lequel nous devrons débattre n’est pas plus le texte initial du Gouvernement que celui de la commission ; c’est celui qui sera présenté par deux de nos collègues, Gérard Collomb et Pierre Hérisson, au travers de deux amendements identiques.

Mes chers collègues, ces amendements sont techniques et compliqués. C’est pourquoi je les ai fait analyser. J’ai en outre demandé à l’Assemblée des communautés de France de procéder à des simulations sur de nombreuses intercommunalités. Ces amendements marquent incontestablement un progrès, mais le compte est loin d’y être : le risque est toujours présent de voir des dizaines de milliers de petites et moyennes communes mises sous la coupe de communes un peu plus peuplées.

La seule question, mes chers collègues, est de savoir ce que nous voulons.

Voulons-nous que, dans une intercommunalité de trente à quarante communes comportant une ville-centre, cette dernière puisse, en s’alliant à deux ou trois petites communes périphériques, imposer sa volonté à toutes les autres ?

Voulons-nous que, dans de très nombreuses intercommunalités, des communes de 200 et de 7 000 habitants aient la même représentation ?

La Haute Assemblée, chargée constitutionnellement de représenter toutes les collectivités locales, a-t-elle le droit de sacrifier ainsi des dizaines de milliers de petites et moyennes communes sur l’autel du seul critère de la démographie ?

La Haute Assemblée a-t-elle le droit d’opposer à ce point population et territoire, dont on a toujours dit, dans cet hémicycle, qu’ils étaient complémentaires et que nous devions les concilier ?

La Haute Assemblée pense-t-elle que nos compatriotes et leurs élus, si attachés à leurs communes, lui pardonneront de les sacrifier de la sorte ?

À ces cinq questions, mes chers collègues, je crois que nous pouvons tous répondre par la négative ! Or le danger que j’évoque n’est pas écarté par les amendements Collomb et Hérisson. C’est pourquoi, sans remettre en cause leur équilibre et leur économie, je présenterai des sous-amendements tendant à les améliorer.

Mes chers collègues, s’il paraît tout à fait anormal qu’au sein d’un conseil communautaire une commune ayant beaucoup plus d’habitants qu’une autre bénéficie de la même représentation, il est tout aussi anormal que le critère démographique devienne la seule clef de répartition des sièges.

L’intercommunalité n’est pas qu’une addition de populations – combien de fois l’avons-nous dit dans cette assemblée ! –, mais le regroupement de territoires communaux ayant chacun un long passé et une existence propre. Nous aurons le temps de nous en expliquer, monsieur le rapporteur.

Il nous faut donc impérativement trouver cet équilibre subtil entre territoire et population, et c’est certainement nous, sénateurs, qui sommes les mieux placés pour y parvenir. C’est d’ailleurs bien en raison de notre compétence et de notre connaissance des territoires que la Constitution a confié à notre assemblée la responsabilité d’examiner la première les projets de loi relatifs à l’organisation des collectivités territoriales.

Notre responsabilité, mes chers collègues, est lourde, et nous avons le devoir de ne pas voter des dispositions sans les avoir évaluées, même si elles paraissent complexes, comme c’est le cas aujourd’hui, je le reconnais bien volontiers.

S’il existe dans notre Haute Assemblée des adeptes du seul critère démographique, ceux-ci peuvent être pleinement satisfaits par d’autres articles du présent projet de loi, qui se réfèrent au principe « un homme, une voix », comme c’est le cas pour la création des communes nouvelles, monsieur le ministre. Mais attention : les communes nouvelles ne relèvent pas de l’intercommunalité ; au contraire, leur création signe la disparition de celle-ci.

Il nous faut donc être clairs dans la définition de nos objectifs : soit nous croyons, à l’instar de notre président Gérard Larcher, que le maire est, avec le Président de la République, le responsable public le plus plébiscité par les Français et que la commune est l’échelon institutionnel auquel nos compatriotes sont le plus attachés – combien de fois avons-nous dit, dans cet hémicycle, que la commune était à la démocratie ce que la cellule est au corps humain, et qu’elle devait être préservée coûte que coûte ! –, soit nous estimons, au contraire, que cet échelon est complètement dépassé.

Dans le premier cas, il ne saurait être question d’affaiblir nos communes, et encore moins de concentrer tout le pouvoir local entre les mains des élus des plus peuplées d’entre elles.

Dans le second cas, n’hésitons pas à faire disparaître toutes nos petites et moyennes communes, mais alors sans nous revendiquer comme des partisans de l’intercommunalité, qui s’inspire d’une philosophie exactement inverse !

Mes chers collègues, ne dévoyons pas l’esprit intercommunal. L’intercommunalité, ce n’est pas l’emprise d’une grosse commune sur des communes moins peuplées, c’est la recherche d’un consensus fort entre communes différentes mais complémentaires, en vue de la réalisation d’un projet de territoire ambitieux et audacieux ! Dans nos intercommunalités, ne reléguons pas les élus des petites et moyennes communes sur des strapontins, depuis lesquels ils regarderaient passer les trains sans pouvoir le moins du monde en changer la direction. C’est dans cet esprit que je défendrai un sous-amendement crucial, tendant à imposer, en cas d’échec de l’accord local pour la répartition des sièges communautaires, qu’un pourcentage maximal de 25 % des sièges puisse être redistribué aux petites et moyennes communes les moins bien pourvues, pour rééquilibrer leur représentation face aux communes les plus peuplées.

Permettez-moi enfin de regretter que la commission des lois ait supprimé un certain nombre de dispositions présentées par le Gouvernement, qui allégeaient et assouplissaient grandement le fonctionnement des communautés, leur conférant ainsi plus de dynamisme et d’efficacité. Nous aurons l’occasion d’en reparler au cours du débat.

Mes chers collègues, l’intercommunalité s’est toujours épanouie dans le dialogue, le débat et la conviction, en aucun cas dans l’obligation et la contrainte. Ne changeons pas ces règles qui ont fait le succès et la force de l’intercommunalité ! Laissons nos communes vivre une intercommunalité de liberté, de souplesse et de solidarité, ne bâtissons pas une intercommunalité de domination, de rigidité et de contrainte, sinon les petites et moyennes communes s’organiseront pour se défendre contre les plus grosses et nous provoquerons la paralysie de nos territoires !

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