Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, le point urgent de l’ordre du jour du Conseil européen était l’approbation du nouvel accord de sortie du Royaume-Uni, ce nouvel accord qui, à l’heure actuelle, n’a toujours pas trouvé de majorité chez les députés britanniques.
Ceux-ci font preuve d’une grande créativité pour reculer sans cesse l’échéance du Brexit et pour ne pas respecter le verdict du référendum. Ils ne sont d’accord sur rien, sauf sur le fait de ne pas retourner devant les électeurs… pour ne pas se faire renvoyer. Et, quand les manœuvres politiques ne suffisent pas à ficeler le gouvernement, ils font appel aux juges.
Jusqu’à présent, le Royaume-Uni était cité dans toutes les écoles de sciences politiques comme le modèle de la démocratie parlementaire. Après ce triste feuilleton du Brexit, cela ne sera plus le cas…
Mais le mal est bien plus étendu. En effet, l’élite politico-économique occidentale tient de plus en plus souvent le peuple pour quantité négligeable. Cela a commencé en 2005, avec la France et les Pays-Bas, dont les référendums défavorables à la Constitution européenne ont été contournés par les gouvernements et les parlements. Les Pays-Bas ont recommencé en contournant le référendum défavorable à l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine.
Aux États-Unis, c’est pire. Élu par les « déplorables », comme les qualifiait la candidate démocrate, Donald Trump a vu son élection contestée avant même son installation. Et, depuis lors, les députés mènent une véritable guérilla, en mobilisant, là aussi, les juges, à tous les niveaux et à tout propos.
Avec le déclassement des classes moyennes et populaires, l’attitude désinvolte de l’élite politico-économique à l’égard du peuple nourrit les mouvements d’extrême gauche et d’extrême droite dans tout l’Occident.
Le Conseil européen a également renvoyé à plus tard l’ouverture des négociations d’adhésion avec l’Albanie et la Macédoine du Nord. Donald Tusk et Jean-Claude Juncker n’ont pas réussi à surmonter le veto de la France, des Pays-Bas et du Danemark.
Il faut dire que l’Albanie et la Macédoine du Nord ne sont pas les meilleurs élèves de la classe préparatoire à l’entrée dans l’Union européenne ! Ces deux pays ont encore beaucoup de réformes à faire avant d’être au niveau. Par ailleurs, l’Albanie se singularise par le nombre de ses ressortissants qui viennent demander l’asile politique en France, avec 7 133 demandes enregistrées dans notre pays en 2018.
On relèvera aussi que l’Albanie, déjà membre de l’OTAN, et la Macédoine du Nord, qui le sera d’ici peu, bénéficient de la part des États-Unis du programme d’aide appelé « ERIP » pour remplacer leur matériel militaire d’origine soviétique par du matériel américain. Pour ceux qui se posent la question de l’utilité de l’OTAN, voilà la réponse : alimenter les carnets de commandes du complexe militaro-industriel des États-Unis !
La France demande que l’Union européenne commence par la révision complète des procédures actuelles d’élargissement. Mais, au-delà, c’est le fonctionnement de l’Union européenne qu’il faut réformer avant de l’élargir.
À présent que les Britanniques, qui ont toujours veillé à ce qu’elle ne soit qu’un marché unique, en sortent, l’Union peut enfin s’approfondir, au lieu de s’élargir sans fin. C’est ce que Jacques Delors demandait déjà vainement en son temps.