Intervention de Jean-Pierre Leleux

Réunion du 23 octobre 2019 à 22h00
Fondation du patrimoine — Vote sur l'ensemble

Photo de Jean-Pierre LeleuxJean-Pierre Leleux :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat a toujours été très attaché à l’action de la Fondation du patrimoine. Rien d’étonnant, me direz-vous, au regard de la mission principale qui lui est dévolue : la protection du petit patrimoine dans les territoires.

Le fait que cette fondation soit née d’une idée de notre ancien collègue Jean-Paul Hugot n’y est sans doute pas étranger. Celui-ci est le premier à avoir suggéré de créer une fondation privée chargée de mobiliser le secteur privé pour compléter l’action de l’État en matière de protection du patrimoine, car, nous le savons tous, l’État concentre l’essentiel de son action sur les monuments historiques.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui nous donne l’occasion de dresser le bilan de l’action de cette fondation et de réaffirmer le rôle que nous souhaitons lui voir jouer dans les années à venir, aux côtés de l’État et des collectivités territoriales.

C’est d’autant plus important que les années récentes ont été marquées par un nouvel élan en faveur du patrimoine. Sa contribution à l’attractivité des territoires, au développement économique, à la construction d’une identité locale et à la cohésion sociale est désormais clairement identifiée.

C’est ce qui explique que sa sauvegarde et sa valorisation soient devenues, en quelques années, de véritables enjeux de politique publique, d’où l’intérêt que la fondation du patrimoine puisse être aussi efficace que possible et que ses outils soient suffisamment adaptés pour lui permettre l’action de l’État et des collectivités territoriales en matière de protection du patrimoine.

Avec son label, la fondation dispose d’un levier d’action important pour protéger le patrimoine qui n’appartient ni à l’État ni aux collectivités territoriales, mais à des propriétaires privés.

L’intérêt de ce label est double : d’une part, identifier le patrimoine de proximité, constitué de tous les immeubles qui ne justifient pas une protection au titre des monuments historiques, mais qui présentent tout de même un intérêt artistique, historique ou ethnologique suffisant pour donner à nos territoires leur cachet et rendre souhaitable leur conservation ; et, d’autre part, encourager les propriétaires privés à le restaurer grâce à la déduction fiscale qui lui est associée, et qui s’applique pour les travaux réalisés sur celui-ci.

La délivrance de ce label est aujourd’hui soumise au respect d’un certain nombre de critères fixés par une instruction fiscale. Celle-ci en a notamment restreint l’octroi à la sauvegarde du patrimoine rural, donc principalement aux immeubles situés dans des communes de moins de 2 000 habitants.

La proposition de Mme Vérien vise à élargir le périmètre géographique du label aux immeubles situés dans les communes de moins de 20 000 habitants, pour mieux couvrir l’ensemble du patrimoine rural, mais aussi le patrimoine non protégé urbain et industriel, et permettre aux labels de contribuer aux enjeux de revitalisation des centres-bourgs et centres-villes.

Cette proposition rejoint une recommandation de la Cour des comptes, qui appelait de ses vœux une adaptation du label.

La commission de la culture a accueilli favorablement la fixation d’un nouveau seuil permettant aux communes de moins de 20 000 habitants de bénéficier du label, tout en reconnaissant les faiblesses inhérentes à la fixation d’un seuil. Celui-ci présente l’avantage de couvrir l’ensemble du territoire à dominante rurale, ce qui explique qu’il ait été retenu pour la dotation d’équipement aux territoires ruraux et pour la dotation de solidarité rurale.

Il permet également au label de pouvoir être mobilisé au profit de plusieurs villes sélectionnées dans le cadre du plan « Action cœur de ville » ou dans le cadre du programme d’appui aux petites centralités que le ministère de la cohésion des territoires devrait lancer dans les prochains mois.

La commission a supprimé toute condition géographique pour la labellisation des immeubles non habitables. Elle a également étendu le bénéfice du label à l’ensemble des immeubles bâtis ou non bâtis pour intégrer les parcs et jardins dans son champ.

Le surcoût pour les finances publiques de ces évolutions devrait rester modéré, de l’ordre de 5 à 6 millions d’euros, ce qui n’aurait pas été le cas si nous avions décidé de faire sauter toute condition d’implantation géographique. L’augmentation massive du coût de la dépense fiscale qui en aurait résulté aurait non seulement été préjudiciable à nos finances publiques, mais elle aurait aussi pu fragiliser à terme le maintien de l’avantage fiscal.

Ce n’est pas souhaitable au regard de l’incitation que constitue cet avantage pour que les propriétaires engagent des travaux, notamment en ce qui concerne les immeubles non habitables – les pigeonniers, les lavoirs, les fours à pain, les puits, etc.

Pour éviter que la protection du petit patrimoine rural ne se retrouve marginalisée par l’extension du périmètre d’application du label, nous avons adopté un amendement visant à garantir que la moitié des immeubles labellisés chaque année appartiennent au patrimoine rural.

La Fondation du patrimoine nous a indiqué être en mesure de doubler le nombre de labels qu’elle délivre chaque année, et s’est engagée à piloter la délivrance des labels, afin d’assurer une meilleure répartition géographique des labels octroyés et de garantir que la protection du petit patrimoine rural reste assurée.

Les autres articles de la proposition de loi visent à redonner du souffle à la fondation. Je souhaite plus particulièrement insister sur l’article 3, qui réforme la composition du conseil d’administration de la fondation et en réduit l’effectif pour faciliter l’organisation des débats et améliorer la prise de décision.

Nous avons adopté un amendement du Gouvernement ayant pour objet de rapprocher cette composition de celle des fondations reconnues d’utilité publique. Nous avons néanmoins tenu à garantir la présence d’un représentant des communes rurales au sein de ce conseil, car elles nous paraissent intéressées au premier chef par la mission de la fondation en matière d’identification, de conservation et de mise en valeur du patrimoine de proximité.

Nous avons également jugé indispensable de maintenir la présence d’un représentant d’associations nationales de sauvegarde en son sein, au regard de l’appui que ces associations apportent à la fondation dans le territoire, charge à elles de s’entendre pour choisir la personne la plus à même de les représenter –, ce qui ne devrait pas être trop délicat puisqu’elles organisent régulièrement des réunions communes.

Je dirai un dernier mot sur l’article 5, qui instaure un mécanisme permettant à la fondation de réaffecter à d’autres projets de sauvegarde du patrimoine les sommes qu’elle a collectées dans le cadre des souscriptions populaires pour des projets aujourd’hui achevés ou devenus caducs, et qui n’ont pas été utilisées. Les montants ne sont pas négligeables, puisqu’il s’agit d’environ une dizaine de millions d’euros.

J’ai bien, compris monsieur le ministre, que vous estimez que ce dispositif comporte des faiblesses juridiques, notamment parce qu’il pourrait remettre en cause des contrats passés. Au demeurant, vous conviendrez que la situation actuelle dans laquelle des dons qui ont bénéficié d’une défiscalisation sont immobilisés plutôt que de servir la trésorerie générale est tout simplement inacceptable.

J’espère que vous parviendrez à nous présenter une solution juridiquement satisfaisante en deuxième lecture pour cet article.

Quoi qu’il en soit, le texte qui résulte des travaux de notre commission devrait permettre à la fondation d’être plus efficace dans l’avenir. Nous estimons que c’est dans ce domaine que l’action de la fondation est la plus décisive.

C’est un moyen de compenser la disparition de la réserve parlementaire en 2017, qui a privé les communes, en particulier les communes rurales et les associations d’un outil qui, chaque année, contribuait grandement à la sauvegarde de ce patrimoine de proximité.

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