Intervention de Colette Mélot

Réunion du 23 octobre 2019 à 22h00
Fondation du patrimoine — Vote sur l'ensemble

Photo de Colette MélotColette Mélot :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la sauvegarde du patrimoine bâti est un versant essentiel de notre politique culturelle, mais le patrimoine n’est pas exclusivement une affaire de l’État. Il touche tous les Français, et ce bien au-delà de nos frontières, comme en témoigne la mobilisation mondiale autour de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui entend moderniser la gouvernance et les statuts de la Fondation du patrimoine, créée par la loi du 2 juillet 1996 pour sauvegarder et valoriser le patrimoine remarquable, mais non protégé par la puissance publique au titre des monuments historiques.

Dans une démarche complémentaire, la Fondation apporte une réponse novatrice à la question de la protection et de la mise en valeur de plus de 400 000 édifices qui forment « le tissu conjonctif du patrimoine », selon l’expression de Jacques Rigaud.

Elle mobilise l’ensemble des amateurs de patrimoine en s’appuyant avant tout sur les forces individuelles et associatives, ainsi que sur un réseau d’entreprises mécènes offrant, à l’heure de sa création, une forme inédite de participation citoyenne à la vie de la cité. Ses leviers d’action sont de trois ordres : la labellisation de travaux ouvrant droit à déduction fiscale, des campagnes de souscription publique et le mécénat d’entreprise.

Le texte présenté par notre collègue Dominique Vérien vise à moderniser le fonctionnement de la Fondation du patrimoine à plusieurs niveaux.

Tout d’abord, il étend, tout en le limitant, le champ d’application du label aux villes de moins de 20 000 habitants, pour un coût estimé à 5 millions d’euros supplémentaires par an, ce qui contribuera au doublement des labels délivrés.

Ensuite, il s’agit d’élargir le label, notamment aux jardins remarquables et aux parcs. Aussi, il est prévu de réorganiser le conseil d’administration de la fondation pour le rendre plus efficient.

Enfin, un mécanisme spécifique permettra de réaffecter les dons à un autre projet en cas de non-réalisation des travaux financés.

Nous partageons l’objectif du rapporteur : renforcer la mission première de la fondation qui demeure la préservation du petit patrimoine non protégé, le plus caractéristique du monde rural.

Notre groupe soutient naturellement l’ensemble de ces évolutions, qui émanent d’ailleurs des besoins exprimés par la fondation elle-même. Elles s’inscrivent dans plus d’un siècle de mobilisation du Gouvernement et du Parlement pour protéger et valoriser le patrimoine local remarquable, qui fait la richesse de notre pays.

Dès l’époque où Malraux était ministre de la culture, l’inventaire général des monuments et des richesses artistiques de France mettait en lumière deux pans oubliés des politiques patrimoniales : les patrimoines vernaculaire et industriel.

Au-delà des hauts lieux de l’histoire de France, tels que le château de Versailles, les Invalides ou le Louvre, il existe, disséminées aux quatre coins du pays, d’innombrables traces remarquables de notre culture commune. Chapelles, pigeonniers, lavoirs, moulins ou maisons à colombage sont parfois les derniers témoins d’un monde disparu et de savoir-faire oubliés.

La France, pays aux 90 millions de touristes, n’est pas un îlot parisien cerné de vide, comme en témoigne le succès de la mission « Patrimoine en péril » menée par Stéphane Bern. Notre identité nationale est faite de l’identité de l’ensemble des territoires.

Le paysage en fait partie. Les labyrinthes d’eau et de végétation de la côte d’Opale, la côte sauvage de Belle-Île-en-Mer, Bougival et ses impressionnistes, Monet, Pissarro, Renoir, sont autant de paysages empreints d’une culture, d’une histoire et d’une identité propres, qui appellent attention et protection.

Le patrimoine industriel que la proposition de loi prévoyait, à l’origine, d’intégrer dans le champ de la labellisation constitue un autre versant, resté oublié jusqu’aux années 1970, de notre richesse nationale. Anciennes tapisseries, usine de fabrication de corsets, papeteries, sites miniers, raffineries en disent long sur notre histoire sociale et sur les mutations récentes des modes de production. Les tanneries et moulins du pays de Cocagne, dont Toulouse est le berceau, racontent l’histoire du pastel, qui sera le seul bleu porté dans toute l’Europe jusqu’au milieu du XVIIIe siècle.

Sans entrer dans l’ère du tout-culturel, il s’agit non pas de figer le passé, mais de lui donner une seconde vie en l’intégrant pleinement au présent.

Moderniser la Fondation du patrimoine, c’est contribuer à cette évolution bénéfique pour nos territoires. C’est permettre à des milliers de passionnés, qu’ils soient bénévoles, salariés ou donateurs, de continuer à s’investir dans la sauvegarde du patrimoine dans les meilleures conditions possible.

Cette proposition de loi répond à une demande forte des communes, notamment celles qui se trouvent engagées dans des projets de redynamisation des centres-villes et des centres-bourgs. Notre groupe lui apporte tout son soutien.

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