En effet, il était visionnaire, et c’est cette vision lucide et réaliste de l’avenir qui l’a amené à proposer la création de la Fondation du patrimoine.
Il existe en France une tradition du mécénat, mais du mécénat pour le grand patrimoine : Versailles – je parle sous le contrôle d’Alain Schmitt, qui connaît ce département beaucoup mieux que moi – a été sauvé par de grands mécènes américains, mobilisés par un conservateur remarquable.
En revanche, le mécénat ne s’était jamais intéressé au petit patrimoine rural non protégé, qui est l’appellation inscrite dans la nomenclature actuelle. Aussi, ce patrimoine se trouvait en grand péril dans beaucoup de départements à l’époque où la Fondation du patrimoine a été lancée.
Il fallait donc un double dispositif : une défiscalisation et, bien sûr, une fondation avec un statut juridiquement établi, pour gérer l’argent ainsi collecté.
La fondation a très vite trouvé sa place. Elle a joué un rôle essentiel pour le patrimoine rural, dont, je le répète, de nombreux éléments avaient disparu : lavoirs, fontaines, croix de mission, chapelle, etc. Aujourd’hui, la rapidité de réaction et le succès des souscriptions – je puis en témoigner pour mon département – ont permis d’avancer utilement.
Je veux aussi saluer, ici, le dévouement et la compétence de cette armée de bénévoles qui animent la fondation dans les départements. À nouveau, je puis en témoigner s’agissant du mien. Mais plus largement, pour ce qui est de la région Grand-Est, le conseil régional a décidé de subventionner le petit patrimoine à une seule condition : que le dossier soit accompagné par la fondation, avec une souscription complétant la subvention, afin d’en garantir le sérieux et l’intérêt patrimonial. Je suis bien placé pour le savoir, étant membre de la commission de la culture de ce conseil.
La fondation s’est par ailleurs parfaitement insérée dans le cadre de la mission confiée à Stéphane Bern et du loto du patrimoine, dont chacun, ici, a reconnu le succès, ainsi que dans le programme de sauvegarde de Notre-Dame de Paris, évoqué voilà un instant par le ministre.
Les années passant, on a néanmoins fait le constat qu’il fallait compléter le dispositif. C’est tout l’intérêt de la proposition de loi déposée par notre collègue Dominique Vérien, qui a pour but d’améliorer le fonctionnement de la fondation et d’en élargir le périmètre. Je ne puis que m’en féliciter !
J’aperçois trois points positifs dans ce texte.
Tout d’abord, il s’agit de l’élargissement du label jusqu’aux communes de 20 000 habitants. Des villes petites et moyennes, lesquelles disposent souvent d’un patrimoine tout à fait considérable dans leur centre, pourront ainsi bénéficier de ce dispositif, dont je ne doute pas un instant qu’il permettra de réussir de très belles opérations.
Il me paraît toutefois essentiel, j’insiste sur ce point, de garantir que cette extension ne portera pas préjudice au patrimoine rural, car beaucoup reste encore à faire dans la plupart de nos départements. Il est positif de sauver les centres des bourgs et villes moyennes, mais cela ne doit surtout pas se faire au détriment du patrimoine rural !
La fondation a garanti que ses moyens, aussi bien humains que financiers, lui permettraient de continuer son effort en faveur du patrimoine rural non protégé. Mais je tiens à affirmer très clairement cette nécessité, ici, dans cette assemblée où nous avons le sens de l’équilibre des territoires.
Ensuite, il s’agit de l’extension du champ d’application aux parcs et jardins. Il avait été envisagé un temps d’y inclure le patrimoine industriel. On m’a indiqué que celui-ci serait déjà « concerné » par les textes.
Peut-être parce que je suis élu lorrain, j’attache une certaine importance à cette question. Nous avons trop tardé, à mon sens, à prendre en compte le grand patrimoine industriel – minier, sidérurgique, textile, verrier, etc. – dans notre pays et de nombreux éléments magnifiques ont disparu, corps et biens. Pour un succès comme celui de Noisiel, combien de bâtiments dont il ne reste aujourd’hui plus rien, si ce n’est quelques poutrelles ou quelques pans de murs ?
Or, dans des pays voisins comme l’Allemagne, on a obtenu de magnifiques réalisations en matière de patrimoine minier et sidérurgique, qui, de plus, drainent un véritable flux touristique. À l’aspect patrimonial, s’ajoute donc une véritable attractivité économique.
C’est pourquoi j’insiste aussi sur ce point : nous devrons avoir une politique plus active en matière de patrimoine industriel.
Enfin, et ce point est un peu controversé, il s’agit du déblocage de l’argent des souscriptions non utilisé, alors que les besoins sont immenses. Certes, il est un peu difficile, sur le plan juridique, d’imaginer réorienter des souscriptions données pour un objet particulier. Je crois néanmoins essentiel de tenter de trouver une solution à ce problème.
Voilà donc un excellent texte, mes chers collègues, allant dans le sens de ce qu’il faut faire pour défendre et sauver le patrimoine sous toutes ses formes, et en premier lieu le patrimoine rural non protégé. C’est pourquoi le groupe Les Républicains le votera.