Intervention de François Bonhomme

Réunion du 23 octobre 2019 à 22h00
Régulation du marché de l'art — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de François BonhommeFrançois Bonhomme :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le secteur des enchères est aujourd’hui fortement encadré et la présence d’une autorité de régulation constitue, à ce titre, une singularité française.

Bien sûr, cette singularité ne manque pas de susciter des interrogations.

La proposition de loi de Catherine Morin-Desailly s’inscrit dans la continuité de la mission installée par Mme la garde des sceaux sur l’avenir de la profession d’opérateur de ventes volontaires.

Quarante et une propositions avaient été formulées dans ce cadre pour encourager le développement d’un état d’esprit plus entrepreneurial, mais aussi pour ouvrir davantage l’activité de ventes volontaires.

Cette proposition de loi s’inscrit dans cet objectif de réformer en profondeur le système français de régulation des ventes volontaires de meubles aux enchères, en modifiant notamment la dénomination, la composition, les missions et le fonctionnement du Conseil des ventes volontaires.

Naturellement, j’y souscris pleinement ; je salue en particulier les apports de la commission des lois pour préciser et compléter les dispositions proposées et, par-là, poursuivre l’effort de mise à jour de notre législation et accompagner la transformation des maisons de vente françaises, dans un contexte de concurrence internationale de plus en plus féroce.

Je pense notamment à l’article 2, qui prévoit de rendre aux personnes qui tiennent le marteau le titre de « commissaire-priseur » à compter du 1er juillet 2022, date de la création de la profession de commissaire de justice par regroupement des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires.

Je pense aussi à l’extension du régime légal des ventes de meubles aux enchères aux meubles incorporels.

Ces différentes mesures contribueront à réformer le système français de régulation des ventes aux enchères.

Ce texte représente, en ce sens, une amélioration, que nous saluons et que nous évaluons favorablement.

Il n’empêche que cette amélioration doit être resituée dans un contexte qui est celui d’un bouleversement total du marché de l’art, lequel a abouti – cela a été dit – au contournement du marché français.

Les rapports annuels relatifs au marché de l’art mondial nous confirment, année après année, que les records d’adjudications sont sans cesse battus.

Quand on sait qu’un plus grand nombre de musées ont été construits entre 2000 et 2019 que durant l’ensemble des XIXe et XXe siècles réunis, on comprend que c’est l’industrie muséale qui est le moteur de ce marché, expliquant largement sa croissance spectaculaire et son bouleversement.

Les artistes chinois représentent plus du quart de ce marché, au détriment des artistes européens et français.

Toutes les maisons de vente dans le monde sont aujourd’hui présentes sur internet – elles n’étaient, songez-y, que 3 % dans ce cas en 2005. C’est une réalité que l’on ne peut ignorer !

Cela fait certes bien longtemps que la France a dégringolé dans le classement mondial des ventes aux enchères. Elle détenait 50 % du marché de l’art dans les années 1950, contre 5 % environ aujourd’hui – et je ne parle pas de son rang anecdotique sur le marché de l’art contemporain. Ce sont désormais les maisons chinoises, américaines et anglaises qui dominent le marché. Drouot est en état de léthargie et observe impuissante Sotheby’s et Christie’s se développer.

Ce constat permet de prendre la mesure de la place réduite et malheureusement modeste de la France, et de s’interroger sur le rôle quelque peu ornemental de l’État, en tout cas du ministère de la culture.

On ne peut s’empêcher de penser à l’appréciation que portait l’historien de l’art et conservateur du patrimoine Jean Clair sur la situation de l’art en France il y a vingt ans : « Jamais [l’art] n’aura joui de pareille considération. Officialités, institutions, maisons de la culture, musées, livres, revues, biennales, rétrospectives, expositions géantes, foires, ventes aux enchères alimentent son souvenir, entretiennent son regret, exaltent ses sursauts, enregistrent les traces les plus minces de son agonie. »

Il ajoutait : « Peu d’époques comme la nôtre auront connu pareil divorce entre la pauvreté des œuvres qu’elle produit et l’inflation des commentaires que la moindre d’entre elles suscite. »

Je ne suis pas sûr que cette situation ait véritablement changé. Quoi qu’il en soit, cette appréciation nous permet de prendre la mesure des défis que la France, patrie de l’art, doit relever concernant la place de ses artistes, et donc la sienne, sur le marché de l’art mondial.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion