Pour ma part, j'ai été greffé quatre fois. En tant que receveur, je peux vous dire qu'on n'est jamais à la recherche des origines du donneur. Aujourd'hui, si on ne s'inscrit pas sur un registre des refus, on est par principe donneur. Auparavant, il fallait l'inscrire sur une pièce d'identité ou une carte de donneur sanguin. Certes, on bénit le donneur tous les jours, car il a eu un geste de supra-citoyenneté, estimant pouvoir être encore citoyen après sa mort. En revanche, les familles des donneurs décédés ont tendance à essayer de projeter le parent défunt dans celui qui a reçu l'organe. Le manque de donneurs décédés en France ou en Europe et l'importance des critères de cross-match amènent à poser le problème des dons intrafamiliaux. La gêne et la honte sont surtout du côté du futur receveur, qui ne souhaite demander l'identité du donneur. Une épouse peut même donner un rein à son mari, vu l'avancée de la recherche.
Le problème de l'extension de l'AMP relève de la même logique : il ne faut surtout pas qu'on puisse remonter aux donneurs. Le droit du mariage entre parfois en contradiction avec l'AMP. Certains des articles du code civil qui l'encadrent datent du code napoléonien. Ainsi de l'article 215, qui prévoit que « les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie » : les jeunes d'aujourd'hui vivent sous le même toit avant de se marier ! En cas de divorce, si vous avez un nouveau projet de vie et que, pour des raisons de santé, vous voulez avoir recours à l'AMP, mais que vous n'êtes pas divorcé, les services hospitaliers vous refusent l'accès à cette technique. Il va falloir trouver dans ce projet de loi de bioéthique un moyen de répondre à la problématique de la durée de la procédure de divorce.