Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 6 novembre 2019 à 15h00
Violences au sein de la famille — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Il y a urgence à agir !

Ces violences s’exercent dans tous les milieux sociaux, à tous les âges et sur l’ensemble du territoire, et elles ne semblent pas décroître.

Les féminicides ne sont pourtant pas une fatalité. En Espagne, en 2005 et en 2009, deux lois majeures contre les violences faites aux femmes ont été adoptées. Les résultats sont tangibles, puisque le nombre de meurtres de femmes par leur conjoint est passé de 71 en 2003 à 44 en 2019.

Il y a lieu de saluer le travail de notre collègue député Aurélien Pradié et le dépôt par ses soins de la présente proposition de loi. Celle-ci dégage en effet de véritables solutions de fond pour combattre les féminicides, quand le Gouvernement paraît se contenter de faire de la communication sans effets concrets. On attend les conclusions du fameux Grenelle…

Nos politiques publiques ne sont tout simplement pas à la hauteur, tant sur le plan budgétaire qu’en termes d’arsenal juridique.

Nous n’avons consacré cette année que 79 millions d’euros à la lutte contre les violences faites aux femmes, alors même que celle-ci devait être l’une des grandes causes du mandat du président Macron. Vous conviendrez, mes chers collègues, qu’il s’agit là d’une dépense résiduelle au regard du budget total de l’État. À titre de comparaison, rappelons que nos voisins espagnols, eux, mettent en œuvre des stratégies de long terme, au travers de plans quinquennaux dotés de quelque 1 milliard d’euros.

Selon le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, 500 millions d’euros par an seraient nécessaires pour protéger les femmes qui portent plainte, et 1, 1 milliard d’euros pour protéger toutes les femmes en danger. Il est à espérer que l’exécutif aura ces chiffres en tête lorsque la dernière main sera mise au projet de loi de finances pour 2020…

Notre arsenal juridique se révèle lui aussi insuffisant face aux dangers que tant de femmes courent au quotidien au sein même de leur foyer.

Plusieurs mesures contenues dans cette proposition de loi vont dans le bon sens.

Je pense à la réforme de l’ordonnance de protection. Actuellement, la durée moyenne de délivrance est de 42 jours. Ramener légalement le délai à 144 heures sera un gage de protection renforcée pour les victimes. En outre, le fait que ce dispositif puisse désormais être sollicité par tout moyen, sans dépôt de plainte préalable, devrait faciliter sa mise en œuvre.

L’aide personnalisée au logement pour les personnes cibles de violences conjugales ou l’extension du déploiement du téléphone grave danger sont aussi de véritables progrès.

Ajoutons que, si la répression des violences conjugales est évidemment un devoir, elle restera insuffisante si elle n’est pas accompagnée par la formation des personnels accueillant les victimes de ces violences et par l’éducation de nos enfants, dès le plus jeune âge, à l’égalité entre garçons et filles, entre hommes et femmes, pour en finir, s’il est possible, avec le fléau de la domination masculine.

Dans un esprit constructif, les membres de notre groupe déposeront quelques amendements, afin non pas de dénaturer la proposition de loi, mais d’en accroître l’efficacité.

Nous voterons en faveur de l’adoption de ce texte, parce que la lutte contre les féminicides devrait être l’une de nos priorités. Nous le devons à Monica, Yaroslava, Taïna, Moumna, Leïla, Gulçin, Nadine et aux dizaines d’autres femmes mortes sous les coups de leur conjoint. Que nul ne les oublie !

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