Madame la présidente, madame la garde des sceaux, madame le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui peut, je pense, constituer un tournant majeur et marquer véritablement une rupture dans le traitement du fléau des violences au sein de la famille.
En France, en 2019, il faut en moyenne un mois et demi pour protéger une femme en danger. Le délai des ordonnances de protection n’est ni tenable ni compatible avec l’urgence de protéger une femme dont la vie est en danger.
En fixant à six jours le délai maximal de délivrance d’une ordonnance sans dépôt de plainte, l’ordonnance doit constituer un moyen nouveau et décisif.
Or il y a encore trop de manquements graves, puisque, dans un cas sur cinq, le juge ne statue pas sur la restriction du droit d’hébergement des enfants, et, dans un cas sur deux, il ne traite pas de la question pourtant essentielle du logement. La situation actuelle n’est donc pas acceptable en l’état.
Renforcer l’ordonnance de protection, c’est aussi créer une interdiction de paraître pour les auteurs de violences. Il faut les empêcher d’attendre devant l’habitation. Désormais, certains lieux entiers leur seront interdits, au-delà même du seul contact physique.
Enfin, le dispositif du bracelet anti-rapprochement (BAR), au motif de deux expérimentations, l’une en 2010, l’autre en 2017, s’est révélé peu utilisé. Cette proposition de loi doit donc permettre sa généralisation.
La pose d’un BAR dès l’ordonnance de protection dans un cadre préventif et pour les situations les plus graves, ainsi que la possibilité donnée au juge aux affaires familiales de décider d’agir dans un délai réduit peuvent constituer une mesure déterminante pour éviter ces drames trop souvent répétés.
Raccourcir les délais de prononcé des ordonnances de protection est une nécessité, tout en veillant à l’articuler avec le respect du principe du contradictoire et en rappelant la nature spécifique de la procédure civile, qui repose sur des principes différents de la procédure pénale.
Cette proposition de loi peut donc ouvrir la voie à des solutions opérationnelles rapides, qui viendront, je l’espère, conforter votre circulaire pénale du 9 mai dernier, madame la garde des sceaux, par laquelle vous avez rappelé aux procureurs l’importance de cette question des violences conjugales, en les invitant à mieux utiliser les possibilités offertes par l’arsenal législatif existant.
Je crois, madame la garde des sceaux, que nous pouvons faire converger de manière décisive une prise de conscience très forte de ce fléau et l’impératif de lui donner une portée opérationnelle déterminante.
Il est réjouissant que cette proposition de loi de notre collègue Aurélien Pradié soit l’occasion de faire converger nos forces, y compris et peut-être surtout quand un texte ne vient ni du Gouvernement ni de la majorité.
C’est l’honneur du groupe parlementaire d’opposition à l’Assemblée nationale de nous permettre de dépasser nos différences pour réduire ce sinistre bilan de 119 femmes ayant à ce jour perdu la vie en 2019 sous les coups de leur conjoint.