La mission « Action et transformation publiques », créée en 2018 pour cinq ans, est censée constituer le vecteur budgétaire de la rationalisation des administrations et contribuer à la réalisation du Grand plan d'investissement.
C'est encore loin d'être le cas. Nous considérons qu'il y a, cette année, encore, un risque criant de sous-exécution des crédits. Si le Gouvernement avait pu s'en sortir en 2018, en expliquant que la sous-consommation constatée provenait des retards pris dans l'élaboration des règles d'appels d'offres, il ne pourra pas recourir à la même justification cette année. De même, les crédits inscrits en projet de loi de finances pour 2020 sont très inférieurs au plafond prévu dans la loi de programmation des finances publiques 2018-2022. Il est assez surprenant de voir qu'une mission qui est supposée aller vite et participer à la transformation de nos administrations met autant de temps avant d'atteindre sa pleine vitesse d'exécution.
Par ailleurs, nous avons pu constater que les fonds portés par les différents programmes de la mission venaient, dans les faits, compenser l'insuffisance des crédits inscrits sur les programmes traditionnels. Il en est ainsi de la DGFiP et de la DGDDI, qui ont participé à plusieurs appels d'offres afin de financer leurs projets informatiques innovants. Le Fonds pour la transformation de l'action publique leur permet ainsi de contourner les obstacles créés par leur dette technologique. Le Gouvernement en a bien conscience puisque, comme l'a affirmé devant nous le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, M. Olivier Dussopt, le critère de la rentabilité des projets est devenu moins déterminant dans leur sélection.
S'il est bien un autre programme qui a bénéficié de la création de cette mission, c'est le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». En effet, c'est la mission « Action et transformation publiques » qui porte le milliard d'euros dédié, sur les cinq ans à venir, à la rénovation des cités administratives et des sites multioccupants, et non ce CAS. Pour mobiliser un tel montant, il aurait fallu que le CAS y consacre la quasi-totalité de ses dépenses sur cinq ans, au détriment de toutes les autres opérations structurantes et d'entretien lourd qu'il est urgent de mener sur notre patrimoine immobilier.
Celui-ci couvre près de 97 millions de mètres carrés, pour une valeur comptable estimée à 63,4 milliards d'euros. Pour autant, les moyens du compte d'affectation spéciale ne sont pas à la hauteur de ces enjeux, avec des recettes qui connaissent une nouvelle baisse de 8 %. Or les dépenses de ce CAS, pourtant essentielles pour assurer l'entretien du parc immobilier de l'État et sa valorisation, sont conditionnées aux produits tirés des cessions. Malgré un rebond attendu en 2019, ces produits connaissent une baisse tendancielle. Cela s'explique par le fait que les biens les plus rapidement vendus étaient les plus faciles à céder : 75 % des biens restant dans le stock à céder sont classés comme difficiles, voire très difficiles, à céder. Ainsi, 524 biens sont en vente depuis plus de trois ans.
C'est pour toutes ces raisons que nous recommandons depuis plusieurs années de diversifier les modes de valorisation du patrimoine immobilier de l'État. Une mission sur la valorisation locative des biens inutiles aux besoins de l'État a ainsi été confiée par le ministère de l'action et des comptes publics à M. Jean-Marc Delion. Nous en suivrons attentivement les retours.
À ces problèmes s'ajoute la faiblesse de la direction immobilière de l'État. Censée illustrée la séparation entre l'État propriétaire et les ministères occupants, elle a dû mal à trouver sa place. 62 autres programmes concourent à la politique immobilière de l'État ; ce CAS ne représente que 6,5 % des crédits qui y sont dédiés et environ 10 % des personnels. La direction immobilière de l'État (DIE) elle-même reconnaît souffrir d'une pénurie de compétences techniques, qui l'empêche de disposer d'un réseau mobilisable sur l'ensemble du territoire. Nous nous étonnons également de voir que, depuis le mois de juillet, aucun nouveau directeur n'a été nommé à la tête de la DIE.
Dès lors, le bilan du compte d'affectation spéciale est décevant. La rationalisation des surfaces utiles nettes par agent, indicateur de performance du compte, piétine depuis cinq ans. Nous devrions avoir une surface utile nette par agent de 12 mètres carrés, nous sommes au-delà de 14. Le CAS est également supposé contribuer au Grand plan d'investissement et à la transition énergétique. Nous considérons plutôt que c'est un simple effet d'affichage. Il est par exemple impossible de connaître précisément le montant des crédits consacrés aux travaux d'amélioration de la performance énergétique des bâtiments de l'État.
Enfin, les règles de gestion du CAS sont contournées. Les produits de cessions sont en principe répartis à égalité entre les anciens ministères occupants et le CAS. Cette règle de gestion vise, en reversant aux ministères une partie des produits issus de leurs actions de valorisation, à les encourager à rationaliser leurs emprises et à respecter les principes de la politique immobilière de l'État. Cette règle a déjà fait l'objet de plusieurs exonérations, dont une, très importante, au profit du plateau de Saclay.
Tout aussi problématiques sont les octrois d'avances sur cession. Nous parlons de 100 millions d'euros au profit du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, alors même que nos collègues Vincent Delahaye et Rémi Féraud ont montré que les produits de cession de ce ministère étaient de plus en plus faibles. C'est à se demander si le CAS sera un jour remboursé ! Nous avons eu également la surprise de constater qu'une avance de six millions d'euros serait attribuée à l'Élysée. Enfin, malheureusement, la disparition des loyers budgétaires en loi de finances pour 2019 ne s'est pas encore traduite par la mise en oeuvre d'un dispositif véritablement incitatif à destination des ministères occupants.
J'en viens pour terminer à la mission « Crédits non répartis », mission particulière dont les deux programmes sont prévus par la LOLF.
Le programme 551 « Provision relative aux rémunérations publiques » fait de nouveau l'objet d'une ouverture de crédits, à hauteur de 26 millions d'euros pour 2020. Ces crédits doivent couvrir le déploiement du forfait mobilité durable pour la fonction publique d'État, ainsi que deux mesures de revalorisation décidées lors du dernier rendez-vous salarial de la fonction publique. L'absence de répartition des crédits pour ces deux mesures interroge, alors que ce rendez-vous salarial a eu lieu il y a plus de quatre mois.
Les crédits du programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » s'élèvent à 124 millions d'euros pour 2020 ; elles sont inférieures de 700 millions d'euros à la prévision de la programmation triennale. Le Gouvernement a en effet réparti ces 700 millions d'euros dès la présentation du projet de loi de finances pour 2020, afin d'augmenter les plafonds de missions soumises à des dépenses plus dynamiques que prévu. Toutefois, cette répartition n'est guère détaillée. D'après le Gouvernement, elle a notamment permis d'abonder le plafond de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », au titre de la revalorisation de la prime d'activité.
Considérant par ailleurs que le programme 552 a couvert en 2018 des sous-budgétisations qui risquent de se reproduire en 2019 et 2020, nous présenterons un amendement visant à inciter le Gouvernement à entreprendre une budgétisation plus sincère.