Nous examinons ce matin le rapport de notre rapporteur général Albéric de Montgolfier sur les principaux éléments de l'équilibre du projet de loi de finances (PLF) pour 2020.
Les grandes masses n'ont guère évolué depuis le débat d'orientation des finances publiques (DOFP) de l'été dernier. L'optimisme gouvernemental doit être tempéré : alors que le Gouvernement se félicite de ses prétendus bons résultats, plusieurs éléments ne peuvent que nous inquiéter, au premier rang desquels l'abandon du redressement des comptes publics et nos marges de manoeuvre réduites en cas de nouvelle crise.
Le scénario macroéconomique constitue, cette année encore, une base crédible pour construire le budget, mais il est entouré de fortes incertitudes. Le Gouvernement revoit légèrement à la baisse ses hypothèses de croissance, en raison notamment du faible dynamisme du commerce extérieur. Après 1,4 % en 2019, l'évolution du produit intérieur brut (PIB) serait limitée à 1,3 % en 2020, comme en 2021, contre une prévision de 1,4 % dans le cadre du DOFP. Le Gouvernement maintient en revanche sa prévision de croissance à 1,4 % pour 2019, ce qui semble un peu optimiste au regard du rythme de croissance de l'économie française au cours des derniers mois : la croissance de trimestre à trimestre s'est établie à 0,3 % depuis le début de l'année ; or, un tel rythme aboutirait à une croissance annuelle de 1,3 % à l'issue de l'exercice, soit un niveau inférieur de 0,1 point à la prévision gouvernementale. Pour être atteinte, l'hypothèse de croissance gouvernementale supposerait un rythme de croissance supérieur à 0,5 % au dernier trimestre, ce qui n'a pas été observé depuis 2017 et paraît difficilement compatible avec le contexte international et les dernières enquêtes de conjoncture ; c'est donc un scénario difficilement atteignable. Ce n'est en tout cas pas l'hypothèse retenue par la majorité des prévisionnistes, qui considèrent que la croissance de l'économie française devrait se limiter à 1,3 % en 2019. Le scénario de croissance gouvernemental me semble donc très légèrement optimiste pour 2019. Il est toutefois inutile d'épiloguer trop longuement car les enjeux sont modestes pour les finances publiques : une croissance inférieure de 0,1 point à la prévision se traduit par une augmentation du déficit public de seulement 0,06 point de PIB.
S'agissant de 2020, la prévision de croissance retenue par le Gouvernement se situe dans la moyenne des estimations disponibles - OCDE, Banque de France, FMI, etc. - et paraît plausible, à défaut d'être raisonnable.
D'autres hypothèses jouent un rôle important pour les finances publiques, notamment l'élasticité des prélèvements obligatoires à l'activité économique et la question d'une éventuelle remontée des taux d'intérêt. Depuis le début du quinquennat, le Gouvernement a ainsi pu bénéficier non seulement d'une croissance de rattrapage, mais aussi d'un fort dynamisme des prélèvements obligatoires et d'une baisse de la charge de la dette, qui ont grandement facilité l'atteinte de ses objectifs budgétaires.
Dans le cadre du présent budget, le Gouvernement fait l'hypothèse raisonnable d'un retour à une élasticité unitaire en 2019 et en 2020. Le scénario de remontée des taux d'intérêt est significativement revu à la baisse par rapport au programme de stabilité d'avril dernier, dont nous avions souligné le caractère conservateur, mais il reste très prudent. Le Gouvernement anticipe ainsi une remontée du taux d'intérêt des obligations assimilables du Trésor (OAT) à 10 ans à 0,7 % en fin d'année 2020, alors que les marchés financiers et les conjoncturistes estiment qu'il sera toujours à zéro. Selon le consensus global, les taux devraient rester bas encore un certain temps. Nous pourrions donc bénéficier à nouveau d'une bonne nouvelle sur ce plan en exécution budgétaire. Au total, le scénario macroéconomique constitue donc une base crédible pour asseoir le budget, ainsi que l'a d'ailleurs souligné le Haut Conseil des finances publiques.
Ce budget est cependant entouré de fortes incertitudes et Bruno Le Maire a souligné de nombreux risques lors de son audition devant notre commission. Ces incertitudes tiennent notamment aux aléas susceptibles de peser sur le scénario de croissance gouvernemental, en particulier au plan externe. J'ai, comme à l'accoutumée, élaboré deux scénarios macroéconomiques alternatifs à partir des prévisions les plus optimistes et les plus pessimistes des instituts de conjoncture afin de mesurer la sensibilité de la trajectoire budgétaire aux hypothèses macroéconomiques retenues. La réalisation du scénario défavorable conduirait à dégrader le niveau du déficit de 0,5 point de PIB en 2020, tandis que la réalisation du scénario favorable l'améliorerait de 0,3 point de PIB : les aléas baissiers l'emportent donc sur les aléas haussiers. La réalisation du scénario défavorable conduirait par ailleurs à porter le ratio d'endettement au niveau du seuil symbolique de 100 % du PIB dès 2020.
Alors qu'il serait donc nécessaire de retrouver des marges de manoeuvre budgétaires, il apparaît clairement, à mi-quinquennat, que le Gouvernement a totalement renoncé à redresser les comptes publics, profitant des taux bas. Les grandes déclarations ministérielles sur « la dette, c'est le cancer de la France », c'est du passé !
Les objectifs budgétaires du Gouvernement sont une nouvelle fois revus à la baisse. Sur le plan du solde public, l'amélioration prévue en 2020 est inférieure de 0,1 point à celle attendue dans le DOFP. Cela traduit non seulement la révision à la baisse de l'hypothèse de croissance précédemment décrite, mais également une moindre maîtrise de la dépense publique. Le Gouvernement s'éloigne un peu plus encore de son objectif de retour à l'équilibre à la fin du quinquennat : alors que le programme de stabilité 2018 anticipait un excédent de 0,3 % du PIB en 2022, le Gouvernement prévoit désormais un déficit de 1,5 % du PIB à cette date. Sur l'ensemble du quinquennat, la réduction de l'endettement ne serait que de 0,7 point de PIB, soit un niveau dix fois inférieur à celui attendu dans le cadre du programme de stabilité de l'an dernier !
Dans sa communication, le Gouvernement met en avant la forte baisse du déficit prévue l'an prochain, qui passerait de 3,1 % à 2,2 % du PIB. Cette présentation est toutefois trompeuse, car ce recul du déficit nominal est exclusivement lié à la conjoncture et au contrecoup de la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ; le solde structurel pour 2020 est d'ailleurs strictement identique à celui attendu pour 2019.
Ce phénomène n'est pas nouveau. Depuis le début du quinquennat, le Gouvernement a en effet pu bénéficier de la conjoncture et de la baisse des taux pour réduire le déficit nominal, sans effort structurel. Sans le rebond de la croissance et la baisse de la charge de la dette, le déficit serait ainsi plus élevé en 2020 qu'en 2017 et dépasserait toujours le seuil maastrichtien de 3 % du PIB.
Le Gouvernement explique cette absence d'amélioration de la situation structurelle des comptes publics par le financement des mesures de diminution des prélèvements obligatoires : l'effet défavorable des baisses d'impôts sur les indicateurs structurels masquerait ainsi un effort de maîtrise de la dépense publique de grande ampleur. Cette thèse résiste mal à l'analyse : l'effort de maîtrise de la dépense apparaît aussi faible sous la présidence d'Emmanuel Macron que sous celle de François Hollande, une fois la diminution de la charge de la dette neutralisée ; encore faut-il ajouter que l'effort en dépense réalisé en 2018 est gonflé par les facteurs exceptionnels que constituent le contrecoup de la recapitalisation d'Areva effectuée en 2017 et le moindre remboursement de la taxe à 3 % sur les dividendes. Le bilan à mi-parcours de la présente majorité apparaît donc aussi décevant que celui du quinquennat précédent.
En l'absence d'effort structurel de redressement des comptes publics et compte tenu de l'effet anesthésiant de la baisse des taux d'intérêt, la stratégie budgétaire attentiste du Gouvernement n'est pas exempte de risques, tant sur le plan politique qu'économique. Alors même que la Commission européenne est en cours de renouvellement et que la France n'est donc pas assurée de bénéficier de la même souplesse qu'auparavant, le scénario budgétaire gouvernemental n'a jamais été aussi éloigné des règles budgétaires européennes. Pour 2020, la déviation maximale autorisée sur un an serait dépassée par la France pour les trois règles auxquelles nous sommes soumis : le Gouvernement ne prévoit aucun ajustement structurel en termes de déficit et de dette et la croissance des dépenses publiques pilotables sera plus de deux fois plus rapide que recommandé.
Quelle que soit la réaction des institutions européennes, le choix du Gouvernement de reporter le redressement des comptes publics risque de fragiliser encore un peu plus l'architecture de la zone euro. Alors que les pays peu endettés tels que les Pays-Bas et l'Allemagne pourraient dépenser davantage, les pays très endettés comme la France ou l'Italie devraient au contraire reconstituer des marges de manoeuvre budgétaires en vue de la prochaine crise. Or, c'est l'inverse qui se produit ! La comparaison des trajectoires d'endettement de la France, des Pays-Bas et de l'Allemagne depuis la mise en place de la monnaie unique est, de ce point de vue, particulièrement éclairante : alors que l'endettement des trois pays était comparable en 1998 et que tous les pays ont eu recours à l'endettement après la crise de 2008, l'écart d'endettement s'est accentué à compter de 2012 et atteindra 54 points de PIB avec les Pays-Bas et 47 points de PIB avec l'Allemagne d'ici la fin du quinquennat.
Surtout, la France risque de ne pas pouvoir faire face au prochain ralentissement économique, faute d'avoir reconstitué à temps ses marges de manoeuvre budgétaires. La situation est d'autant plus préoccupante que la politique monétaire est déjà fortement mobilisée et pourra donc difficilement prendre le relais. Avec sa politique budgétaire attentiste, le Gouvernement me semble donc jouer avec le feu et risque de se retrouver dans une situation comme l'Italie, dans laquelle il ne sera plus en capacité d'emprunter.
Le Gouvernement s'est engagé dans une baisse des prélèvements obligatoires depuis le début du quinquennat. On notera toutefois la hausse et la création d'un florilège de taxes prétendument écologiques qui ne sont en réalité que de simples taxes de rendement : l'écologie a bon dos ! Hors transformation du CICE, les mesures nouvelles portées par le Gouvernement devraient ainsi réduire les prélèvements obligatoires de 10 milliards d'euros en 2020, dont 90 % au bénéfice des ménages.
Cette baisse des prélèvements obligatoires devra s'accompagner d'un effort de maîtrise de la dépense publique pour que le Gouvernement puisse respecter sa trajectoire budgétaire, aussi peu ambitieuse soit-elle.
Apprécier la répartition des efforts demandés impliquerait de comparer l'évolution de la dépense publique de chaque sous-secteur à la croissance de la dépense qui serait observée à politique inchangée. Malheureusement, le Gouvernement n'a jamais communiqué aux parlementaires ses estimations de la croissance tendancielle de la dépense, contrairement à ses prédécesseurs. Afin d'essayer de surmonter cette difficulté, j'ai tenté de lister et répartir les principales mesures d'économies en dépense prévues l'an prochain. La répartition de l'effort de maîtrise de la dépense prévu au titre de l'année 2020 peut alors être comparée au poids que représente chaque sous-secteur dans la dépense publique totale : si la contribution de la sphère sociale à l'effort de maîtrise de la dépense correspond exactement à son poids dans la dépense publique - 47 % -, on observe une surcontribution de la sphère locale - qui représente 31 % des mesures d'économies en 2020, pour un poids dans la dépense publique de 20 % -, qui vient compenser la faiblesse de l'effort de maîtrise de la dépense prévu au niveau de l'État. L'effort collectif de maîtrise de la dépense pèsera une nouvelle fois l'an prochain de façon disproportionnée sur la sphère locale alors que l'État, pour sa part, s'exonère de tout effort.
Le déficit budgétaire de l'État pour 2019 devrait finalement être de 96,3 milliards d'euros, alors que les mesures votées l'an dernier à la suite des mouvements sociaux l'avaient porté à 107,7 milliards d'euros en loi de finances initiale. Une évolution aussi importante en exécution est absolument inédite au cours des années récentes. Elle résulte de rentrées fiscales meilleures que prévu, mais aussi de ce qu'il faut bien appeler une réserve de budgétisation : comme nous l'avions dénoncé, la charge de la dette avait été surestimée et crée une petite marge de manoeuvre. L'année 2019 a aussi été marquée par la transformation du CICE qui a eu un impact temporaire d'environ 10 milliards d'euros sur le déficit ; celui-ci aurait donc dû s'améliorer mécaniquement en 2020, d'autant qu'il a bénéficié de l'évolution spontanée des recettes. Or le déficit ne diminue que de 3,2 milliards d'euros. Il serait même stable si l'État avait compensé à la Sécurité sociale les mesures décidées dans la loi portant mesures d'urgence économiques et sociales de décembre 2018. Les raisons de cette évolution du déficit sont claires : les diminutions de prélèvements obligatoires ne sont pas compensées par des baisses de dépenses, puisque celles-ci augmentent au contraire de 7,7 milliards d'euros.
La charge de la dette continue à s'alléger presque chaque année tandis que la dette négociable de l'État, elle, s'alourdit, pour atteindre 1 915 milliards d'euros, sans compter la reprise, par l'État, d'une partie de la dette de SNCF Réseau. L'État prévoit d'émettre l'an prochain un montant record de 205 milliards d'euros d'OAT : pour la première fois, l'État empruntera l'an prochain une somme supérieure aux recettes qu'il retire des deux plus gros impôts, à savoir la TVA et l'impôt sur le revenu. Ceci est soutenable tant que les marchés le décident, mais jusqu'à quand ?
L'évolution des recettes est marquée par un paradoxe apparent : le Gouvernement annonce des baisses de prélèvements obligatoires, mais les recettes fiscales augmentent. La principale raison est la fin du CICE, qui accroît mécaniquement, d'une quinzaine de milliards d'euros, les recettes nettes d'impôt sur les sociétés, d'autant que la baisse des taux de cet impôt devrait être, une nouvelle fois, partiellement reportée, comme nous le verrons à l'article 11 du PLF.
La mise en place du prélèvement à la source améliore les recettes d'impôt sur le revenu de 2020 par rapport à 2019 : l'impôt sera perçu en année pleine - contre 11 mois en 2019 - et sera calculé sur les revenus de l'année n et non plus n-1.
La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) reversée au budget général augmente, notamment, car les charges du compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » diminuent avec l'extinction progressive de la dette de l'État à l'égard d'EDF.
Enfin, les recettes de TVA baissent, non à cause de l'évolution spontanée qui reste positive, mais parce qu'une nouvelle part de TVA est transférée à la Sécurité sociale, à hauteur de 6,5 milliards d'euros. La TVA représentait traditionnellement une part majoritaire des recettes fiscales de l'État ; or ce n'est plus le cas en raison des transferts successifs de parts de TVA aux régions, à la sécurité sociale, demain aux départements, aux intercommunalités...
Les ressources de l'État sont donc de plus en plus dépendantes de la conjoncture : on sait que l'impôt sur les sociétés, en particulier, surréagit à des chocs économiques, alors que la TVA a une élasticité proche de 1. On peut donc craindre, en cas de crise, que l'État ne soit tenté de préserver ses ressources par la création de nouvelles taxes additionnelles à l'impôt sur les sociétés. C'est une méthode dangereuse !
Si le déficit n'est pas réduit alors que les recettes augmentent, on ne sera pas surpris de constater, malgré les discours de maîtrise de la dépense publique du Gouvernement, que les dépenses des ministères dépassent - et de loin - tous les objectifs précédemment fixés. Le Gouvernement affirme que les dépenses des ministères en 2019 sont inférieures à ce qui était prévu en loi de finances initiale : c'est exact, mais la raison est que cette cible était nettement plus élevée que celle prévue un an plus tôt par la loi de programmation des finances publiques.
Le présent projet de loi de finances (PLF) ne mentionne même plus la loi de programmation, mais propose au contraire un nouveau triennal qui s'en écarte de plus de 8 milliards d'euros en 2020, et de plus de 13 milliards d'euros en 2022. On comprend que, avec une telle augmentation des dépenses, il soit impossible de respecter les objectifs de diminution de la dette publique pendant le quinquennat.
Si l'on observe maintenant les grandes masses du budget général, la mission la plus importante en crédits demeure la mission « Enseignement scolaire », qui représente 22 % des crédits du budget général. Les crédits de la mission « Défense » sont désormais supérieurs de 20 % à ceux de la mission « Engagements financiers de l'État », alors qu'ils étaient équivalents il y a quelques années. Les crédits de la mission « Défense » augmentent de 1,7 milliard d'euros, en application de la loi de programmation militaire. L'accroissement de 1,1 milliard d'euros des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est dû au dynamisme naturel des prestations servies par les programmes de cette mission, mais aussi aux mesures de revalorisation exceptionnelle de la prime d'activité, et dans une moindre mesure de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). La hausse de 1 milliard d'euros des crédits de la mission « Enseignement scolaire » est liée à l'évolution des crédits de personnel et à la reprise du protocole Parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR). Seule la mission « Cohésion des territoires » connaît une baisse significative de crédits, d'une part parce que les aides au logement seront versées en quasi-temps réel et d'autre part en raison d'un prélèvement exceptionnel de 500 millions d'euros sur la trésorerie du groupe Action Logement.
La déconnexion totale entre l'évolution des dépenses et la trajectoire fixée en loi de programmation se traduit, au niveau des missions, par de forts dépassements, liés en particulier à la mise en oeuvre des mesures d'urgence en décembre dernier, mais aussi à des prévisions très insuffisantes concernant par exemple les dépenses liées aux demandeurs d'asile et aux forces de l'ordre.
Il y a un abandon des ambitions du Gouvernement : on le voit très clairement sur les objectifs de réduction des effectifs de l'État. Il y a quelques mois encore, certains ministres évoquaient l'objectif de diminution de 50 000 emplois pour l'État et ses opérateurs. Or la cible très modeste de 2018 - suppression de 1 600 emplois - n'a pas été atteinte. Et celle de 2020 n'est que de 47 emplois supprimés ; encore cette diminution ne concerne-t-elle que les opérateurs, puisque l'État prévoit pour sa part d'augmenter ses effectifs de 192 équivalents temps plein (ETP). Il existe pourtant de nombreux services pléthoriques, voire inutiles, dans lesquels on pourrait aisément supprimer des emplois : services de Bercy, corps d'inspection, diverses agences, services de tourisme qui font doublons, etc.
En Allemagne, les aides agricoles sont contrôlées par les Länder alors qu'en France, l'État contrôle le versement des aides par les régions, sans aucune efficacité et avec des retards de versement. Il y a beaucoup de nettoyage à faire sur les doublons entre l'État et les collectivités territoriales.
Concernant la masse salariale de l'État, après un creux dû aux restrictions budgétaires du ministère de la défense, les dépenses de personnel continuent de croître, et ce à un rythme inédit depuis 2016. L'année 2020 poursuivra cette tendance avec une augmentation de 1,5 milliard d'euros, soit 1,7 %.
S'agissant du budget vert annoncé par le Gouvernement pour 2021, l'idée de noter les dépenses en fonction de leur qualité environnementale est séduisante, mais je reste sceptique sur la méthode qui laisse notamment de côté les investissements réalisés par les collectivités territoriales.
Je voudrais rappeler quelques principes simples en matière de fiscalité environnementale, au regard de ce que nous avons observé dans les pays du nord de l'Europe : une fiscalité environnementale ne sera pas acceptée ni acceptable, si son seul objectif est de rapporter des ressources à un État impécunieux ; elle ne doit pas se tromper de cible et viser des secteurs économiques de première importance alors qu'elle devrait se concentrer sur les comportements les plus défavorables à l'environnement comme l'efficacité énergétique des bâtiments ; elle doit bien sûr être juste et prendre en compte les contraintes qui pèsent sur certaines catégories de personnes et sur certains territoires - notamment les zones rurales et les populations qui ont besoin de transport individuel - ; enfin, les pouvoirs publics doivent être en mesure de rendre clairement compte de l'utilisation de son produit.
Il nous serait utile de disposer d'un bilan annuel général de toutes les dépenses publiques liées à l'environnement - de manière plus exhaustive et plus fiable que le budget vert - et de toutes ses recettes fiscales. Je ne suis pas pour une fiscalité affectée, mais pour la traçabilité de la politique environnementale afin de débattre de manière mieux informée sur la voie à suivre à l'avenir pour la taxe carbone.
Je remercie notre rapporteur général pour sa présentation. Le Gouvernement a dégradé la trajectoire de redressement du solde public depuis juillet : comment cette dégradation s'explique-t-elle en dehors de la révision des hypothèses de croissance ?
Je remercie notre rapporteur général. Je ne suis pas surpris par ses constats : les gouvernements sont souvent trop optimistes sur les prévisions de croissance en début de quinquennat et repoussent les économies en fin de quinquennat. Sur la fiscalité, je salue une vraie volonté de réduire les prélèvements obligatoires par rapport au quinquennat précédent. J'y suis favorable, mais il faudrait l'accompagner d'une véritable baisse de la dépense. Je ne comprends pas l'évolution des recettes d'impôt sur le revenu : l'année 2020 comptera un mois de recettes de plus, mais a-t-on observé en 2019 de moindres recettes ? Une évolution spontanée des recettes de 2,4 milliards d'euros, soit + 3 % d'une année sur l'autre, me semble beaucoup au regard de l'évolution des salaires... Le budget a gagné en sincérité, sauf sur la question des intérêts de la dette : selon vous, de combien ces dépenses sont-elles sous-évaluées pour 2020 ? Je suis plutôt favorable à la compensation à la sécurité sociale des mesures post- « gilets jaunes », pour un montant de l'ordre de 3 milliards d'euros : notre commission y serait-elle également favorable ?
Merci à notre rapporteur général pour cet exposé. La dépense publique ne diminue pas, les rentrées fiscales sont bonnes, les taux d'intérêt restent très bas et les Français sont dans le coton ! Qui, dans le pays, se préoccupe de l'état lamentable de nos finances publiques et de notre écart avec les Pays-Bas et l'Allemagne ? Personne, car les Français ne voient aucune différence dans leur quotidien. Notre commission des finances a beau dénoncer cette situation, année après année, rien ne se passe. J'admire le ton très « 14 juillet 1789 » de notre rapporteur général, qui après la Bastille s'apprête à prendre Bercy... mais peut-être faudrait-il réfléchir à la manière dont le Parlement pourrait se réapproprier pleinement son pouvoir de vote et de contrôle du budget. Le jour où la situation explosera, les Français considéreront, malheureusement, que nous faisons partie de ceux qui n'ont rien fait.
Je remercie notre rapporteur général pour cette bible qui, comme tout texte sacré, peut se lire de plusieurs façons. Je vais me faire l'avocat du diable : les soutiens du Gouvernement pourront nous objecter que la dette est stabilisée, que les prélèvements obligatoires diminuent de 1,3 % et que 13 milliards d'euros d'économies sont prévus ; que répondez-vous à cela ? Cette trilogie me semble constituer une petite réussite que nous pourrions saluer, même si nous aurions souhaité du plus spectaculaire. Notre commission, toujours objective, ne pourrait-elle pas donner un satisfecit ?
L'enchevêtrement des comptes publics devient problématique. Je pense notamment aux transferts de recettes de TVA de l'État vers la sécurité sociale et les collectivités territoriales : ne pourrait-on pas clarifier tout cela ? Qui doit quoi et à qui ?
Merci pour ce travail de grande qualité qui nous met face à la réalité des chiffres. Quel est le poids global des dépenses fiscales dans ce budget pour 2020 ?
Le constat est accablant. Est-il vraiment utile que le Parlement examine une loi de programmation des finances publiques quand on constate que ni l'État, ni la sécurité sociale ne respectent leurs engagements ? Seules les collectivités territoriales sont vertueuses !
L'État distribue des parts de TVA et de TICPE, mais on ne sait plus qui reçoit quoi. Cela renvoie à la question du consentement à l'impôt. Ne faudrait-il pas décider un aggiornamento sur ces transferts ?
Qui gouverne ? Qui est l'État ? Est-ce que ce sont les ministres, ou bien Bercy, ce sapeur Camember qui creuse un trou pour en boucher un autre ? On a créé en France une nouvelle aristocratie administrative. Jusqu'où va-t-on aller ? Qui va-t-on accrocher à la lanterne ?
Je me félicite de la baisse des prélèvements obligatoires : la situation n'est pas aussi apocalyptique que le dit Jérôme Bascher. J'ai en revanche un regret quant à l'absence de baisse des effectifs de la fonction publique. Il y aurait 192 postes supplémentaires : s'agit-il seulement de la fonction publique d'État, ou aussi de la fonction publique hospitalière ? Certains secteurs ont plus de besoins que d'autres : savez-vous à quels ministères ces postes seront affectés ?
Ma question rejoint celle d'Emmanuel Capus. On nous a présenté une variation globale des effectifs. Nous réclamons régulièrement la création de postes dans la justice, les forces de l'ordre, ou encore l'enseignement. Peut-on connaître les variations d'effectif entre les différents secteurs de la fonction publique ?
Notre rapporteur général a évoqué les doublons administratifs, sujet très intéressant. Aux Pays-Bas, les exportateurs agroalimentaires n'ont qu'un interlocuteur ministériel ; en France, cinq ministères sont concernés, et ils ne s'accordent pas toujours entre eux ! On en parle beaucoup, mais on ne passe jamais aux actes !
Notre rapporteur général a dressé un tableau assez sombre de l'horizon national, mais ce n'est pas mieux à l'échelon européen. Je crains un enlisement du Parlement européen dans les prochaines années, au vu de sa composition : des coalitions devront se former sur chaque dossier. Le couple franco-allemand marche de moins en moins bien, car le départ du Royaume-Uni aggrave l'hégémonie financière allemande. Ajoutons que la France n'a plus la crédibilité nécessaire pour trouver des partenaires.
On annonce 1,5 milliard d'euros en moins pour la cohésion des territoires. S'y ajoutera la baisse prévue du deuxième pilier de la politique agricole commune (PAC), qui s'établira entre 25 % et 28 %. Les cofinancements nationaux nécessaires pour bénéficier des crédits européens vont en outre augmenter de 10 %. Je crains que l'effet combiné ne soit extrêmement sévère.
Enfin, je serais assez favorable à la proposition de Roger Karoutchi. La nouvelle présidente de la Banque centrale européenne (BCE) devra déterminer une politique, même si elle ne sera pas forcément différente de celle de son prédécesseur ; il faudra que les politiques budgétaires nationales viennent pallier certains de ses effets. Je ne vois pas une telle démarche aujourd'hui.
Nous évoquons des choix politiques. Vous avez retenu la baisse des prélèvements obligatoires, mais nous aurions préféré qu'elle se fasse différemment que par la baisse de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et le prélèvement forfaitaire unique. La CSG a augmenté pour les plus modestes. Nous n'acceptons pas ces choix quant aux recettes.
Concernant les dépenses, c'est un peu la même chose. Vous avez fait vos comptes à partir de 2012. Si l'on remontait jusqu'à 2007, pour les baisses d'emplois dans la fonction publique, on constaterait lors de ce quinquennat une diminution d'effectifs dans la police ou l'éducation, sur laquelle il a bien fallu revenir. C'est encore un problème de choix, tout comme ce qui se décide pour le logement ou l'hôpital aujourd'hui. De fortes incertitudes macroéconomiques demeurent : vous vous montrez positif quant aux aléas internes, mais les gilets jaunes pourraient ressurgir !
Merci à M. le rapporteur général de me rejoindre enfin ! On est dans le mal français : la haute technocratie de Bercy. Personne ne lit les rapports des inspecteurs généraux des finances ; s'ils étaient appliqués, on irait à la catastrophe. On supprime bien des fonctionnaires sur le terrain pour en créer à Bercy. Je dénonce depuis longtemps la multiplication des agences, où prolifèrent les hauts fonctionnaires nettement mieux payés qu'ailleurs, et incontrôlables. L'État doit reprendre cela en main, mais il faudrait pour cela que la France change. Je suis pessimiste au vu de la composition du Gouvernement :
Les quatre principales missions occupent la moitié du budget. Le poste le plus important est l'enseignement scolaire. Pour autant, le personnel de l'éducation nationale trouve-t-il ce budget satisfaisant ? Rien n'est moins sûr ! Les enseignants manquent toujours de moyens.
On ne relève aucune baisse de la dépense publique ; personne ne s'en préoccupe ! En 1940, on chantait : « Tout va très bien, madame la marquise ! » Comme Yannick Botrel, j'aimerais savoir où et comment sont faites les économies. Tout le monde est d'accord pour en faire, mais c'est toujours moins simple dans le détail. Qui parmi nous s'engagera, lors de l'examen du PLF, à ne pas proposer de nouvelles dépenses et taux réduits de TVA tendant à aggraver le déficit ?
Nous avons toujours plus de difficultés à obtenir des réponses du Gouvernement, alors que le Parlement doit contrôler son action et consentir à l'impôt. L'impossibilité de consolider certains chiffres pose un vrai problème démocratique, car le pilotage de l'action politique s'en voit compliqué.
J'en viens à la politique monétaire et à la Banque centrale européenne. Il y a deux façons d'asservir un peuple : par la guerre et par la dette. Nous n'avons plus aucune maîtrise de notre politique monétaire et budgétaire. Le moindre relèvement des taux peut être fatal, et il finira par arriver ! Les signes avant-coureurs d'une crise sont déjà sensibles aux États-Unis. En outre, à l'échelon européen, nous avons perdu tout crédit : nous sommes les derniers de la zone euro pour la dépense publique, le déficit et le niveau des prélèvements. Encore, si les services publics s'amélioraient ! Mais allez dans les hôpitaux, vous y verrez la pénurie de spécialistes et de médicaments. Allez à la police et voyez combien il est difficile de déposer plainte. Quand on prélève la moitié du revenu d'un pays, c'est autant de liberté qu'on enlève aux familles et aux acteurs économiques. La situation est extrêmement grave !
En réponse à Christine Lavarde, la croissance des dépenses sera plus rapide que prévu ; c'est cela qui explique la dégradation, avec la révision à la baisse de la croissance.
Vincent Delahaye, nous avons du mal à obtenir de Bercy des réponses concernant l'impôt sur le revenu. En 2018, ses recettes se sont élevées à 73 milliards d'euros ; elles devraient être de 72,6 milliards d'euros en 2019. La perception sur onze mois est compensée par la taxation des revenus exceptionnels de l'année neutre et l'augmentation du taux de recouvrement. Quant aux intérêts de la dette, la marge est de 1 à 2 milliards d'euros.
Roger Karoutchi nous invite à réfléchir à la manière dont le Parlement pourrait reprendre la main en matière de contrôle de l'impôt. C'est dans la ligne des propositions que nous avons faites avec le Président Vincent Éblé lorsqu'était envisagée une réforme constitutionnelle, notamment concernant le calendrier budgétaire. Je souhaiterais que les recettes fassent l'objet d'un débat et d'un vote chaque année avant l'été. Cela devrait couvrir l'ensemble des prélèvements obligatoires, artificiellement divisés aujourd'hui entre loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale ; le budget serait voté à l'automne avec les ajustements nécessaires, mais sans aucune mesure fiscale nouvelle. Le Gouvernement souhaite engager une réflexion sur la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), mais nous avons des pouvoirs contraints dans le cadre du parlementarisme rationalisé.
Marc Laménie, les dépenses fiscales représentent à peu près 90 milliards d'euros, soit 24 % des recettes fiscales.
Jérôme Bascher, la TVA est un impôt dont la recette augmente, mais c'est de moins en moins une recette d'État.
Emmanuel Capus, il est bien question des effectifs de la fonction publique d'État ; la fonction publique hospitalière n'est pas comprise dans ce décompte. Je ne suis pas favorable à la baisse du nombre de fonctionnaires en général, mais seulement là où il y a des doublons, notamment dans les agences ! Est-on mieux soigné depuis la création des agences régionales de santé (ARS) ? Il faut plus de fonctionnaires sur le terrain, et moins dans les administrations centrales, les agences autonomisées et certains corps d'inspection inutiles.
Yannick Botrel, en effet, l'exemple que vous avez donné est dramatique. D'autres États européens, aux politiques similaires, sont plus efficaces. C'est vrai pour le tourisme comme pour l'agriculture.
Thierry Carcenac, il est vrai que nous n'avons pas toujours les mêmes choix.
Jean-Claude Requier, j'ai cité quelques pistes pour faire des économies, mais certaines missions doivent être prioritaires. Deux grands postes budgétaires nous distinguent de nos voisins : les retraites, qui représentent en France 14 % du PIB, et la masse salariale publique, dont le volume atteint 12 % du PIB. Il faut agir sur ces grandes masses si l'on veut être efficace.
Nous avons parlé à l'instant des efforts insuffisants du Gouvernement en matière de maîtrise des dépenses publiques et de réduction de la masse salariale de l'État. S'il est bien une mission qui participe à ces efforts, c'est la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ». Principale mission du pôle économique et financier de l'État, elle porte les crédits des deux grandes administrations de réseau que sont la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI).
D'un montant de 10,46 milliards d'euros, ses crédits devraient ainsi se stabiliser entre 2018 et 2019 - ils augmentent de 0,14 % seulement - avec une baisse des dépenses de personnel. La réduction des effectifs de la DGFiP devrait ainsi compter pour un tiers des 15 000 postes de fonctionnaires d'État qui seraient supprimés d'ici à la fin du quinquennat.
Ce sont de bonnes nouvelles, mais nous risquons d'en rester là. En effet, la stabilisation de ces crédits provient moins d'une logique de rationalisation arrivée à son terme que de la nécessité de marquer une pause afin que la DGFiP et la DGDDI puissent répondre aux défis auxquels elles devront faire face ces prochaines années.
Le premier grand défi de ces administrations de réseau, qui comptent à elles deux plus de 117 000 emplois équivalents temps plein annuel travaillé (ETPT) - 100 000 à la DGFiP, 17 000 à la DGDDI - est celui de leur réorganisation.
Cela implique, d'abord, la réorganisation du réseau territorial. Le ministre de l'action et des comptes publics nous avait adressé à l'été un courrier pour défendre le nouveau processus de concertation mis en place dans chaque département. Selon les informations dont nous disposons, la mise en place de la nouvelle carte des implantations de la DGFiP pourrait être reportée dans une quinzaine de départements, faute d'accord. La DGFiP contribuera également aux trois quarts au processus de « déconcentration » des services publics, des administrations centrales vers les villes des territoires périurbains et ruraux. Les villes éligibles ont peu de temps pour se porter candidates et le cahier des charges indique clairement que ce seront surtout les villes moyennes qui satisferont à l'ensemble des critères.
Nous alertons sur les risques inhérents à de tels projets de restructuration, qui visent à rationaliser les coûts et les effectifs. Si nous ne sommes pas opposés à ces objectifs, nous craignons que ces processus s'accompagnent de coûts de transition extrêmement élevés. Tel est ainsi le cas des dispositifs d'accompagnement proposés aux agents des finances publiques ou des douanes qui ne voudraient pas effectuer une mobilité géographique ou changer de métier.
Nous ne disposons en outre que de peu d'informations sur les effets réels sur le personnel des réformes déjà à l'oeuvre : prélèvement à la source, suppression progressive de la taxe d'habitation, dématérialisation, ou encore unification du recouvrement. Pour vous montrer la sensibilité du sujet, aucun de nos interlocuteurs n'a voulu nous donner de chiffres précis ! Ils ont certainement peur que ce chiffre ne devienne un nouveau chiffon rouge dans un contexte social déjà très délicat.
En 2020 commencera également l'expérimentation visant à confier aux buralistes l'encaissement et le décaissement des recettes de l'État, des établissements publics de santé et des collectivités territoriales, jusqu'ici confiés au comptable public. La mise en oeuvre de ce marché devrait coûter, la première année, 1,7 million d'euros à la DGFiP, notamment pour financer l'achat d'équipements et la formation des buralistes.
Le deuxième défi de la DGFiP et de la DGDDI concerne leurs systèmes informatiques. Thierry Carcenac et moi-même alertons depuis plusieurs années sur la vétusté des systèmes d'information de ces deux administrations, un vrai problème pour notre sécurité et pour l'exercice de leurs missions. À titre d'exemple, parmi les 9 % de logiciels que la DGFiP juge obsolètes figure celui qui est chargé d'éditer les bulletins de salaire et de pension des agents publics. Attention à ne pas créer un nouveau Louvois !
La situation est devenue tellement préoccupante que la Cour des comptes, comme nos interlocuteurs, parle de dette technologique. C'est même une dette insoutenable qui connaît son propre effet boule de neige. En effet, les crédits informatiques sont happés par la maintenance et ne sont donc que très peu consacrés à l'investissement et à la création de nouveaux systèmes innovants, ce qui entretient l'obsolescence des systèmes d'information.
Enfin, le troisième défi pour la DGFiP et la DGDDI est celui de la transformation de leurs métiers. J'ai parlé plus tôt de l'unification du recouvrement. Cela concerne aussi le contrôle fiscal, qui devra dans l'avenir faire davantage appel aux nouvelles technologies que sont l'intelligence artificielle ou le data mining. La mission « Requête et valorisation » devrait ainsi être à l'origine d'un tiers des contrôles l'an prochain et de la moitié en 2021.
Sur le recours à ces outils, nous avons entendu des choses très diverses. Cela tient le plus souvent à deux conceptions opposées du contrôle fiscal. Le directeur général des finances publiques défend cette programmation centralisée des contrôles, qui permet selon lui de décloisonner les bases de données, tandis qu'une partie des agents estiment qu'il faudrait davantage prendre en compte les spécificités du tissu fiscal et économique local. Si nous pensons qu'il est encore trop tôt pour trancher ce débat, nous regrettons de ne pas disposer d'indicateurs de performance plus robustes pour nous éclairer. Il est en effet impossible de connaître le nombre de contrôles qui n'auraient pas été menés sans l'appui de la mission « requête et valorisation ». Difficile alors de savoir si nous pourrons enfin redresser les résultats du contrôle fiscal.
Pour résumer, la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » semble, en apparence, bien fonctionner : ces administrations se modernisent et rationalisent leurs coûts. Toutefois, lors de nos auditions, nous avons pu constater que ces transformations ne se faisaient pas dans un contexte apaisé et qu'il y avait, au sein de la DGFiP et de la DGDDI, de réelles fragilités, du point de vue tant des moyens que des ressources humaines.
Sans remettre en cause les logiques aujourd'hui à l'oeuvre au sein de ces administrations, il est nécessaire de donner davantage de visibilité aux agents touchés par ces transformations. Il n'est pas normal, comme nous l'a expliqué la directrice des Douanes, que les agents d'un même site subissent leur troisième restructuration en six ans. Cela démontre à tout le moins un grave problème d'anticipation dans la gestion des effectifs, problème relevé par la Cour des comptes. Les programmes support de la mission, qui représentent 11 % de ses crédits, sont en outre trop faibles pour accompagner les agents et les administrations.
Pour finir, s'il y a un point sur lequel nous serons particulièrement vigilants, c'est bien la réorganisation du réseau. La DGFiP sera amenée à participer aux maisons France services (MFS). Aujourd'hui, selon un décompte du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), les agents des finances publiques assurent des permanences dans 460 maisons de services au public (MSAP), sur les 1 340 existantes. Outre cette présence, la DGFiP assure également une formation à destination des animateurs des MSAP, afin qu'ils puissent répondre aux interrogations les plus simples des contribuables, ou tout du moins les orienter.
Alors que l'objectif du Gouvernement est de monter en gamme, par le biais du label maison France services, la DGFiP devra fournir un effort supplémentaire pour assurer une présence dans chacune des MFS, sachant qu'il devrait y en avoir 2 000 d'ici à la fin du quinquennat, soit une par canton. Cet effort devra être autant humain, par la mobilisation d'agents capables d'assurer une permanence régulière, que financier.
La mission « Action et transformation publiques », créée en 2018 pour cinq ans, est censée constituer le vecteur budgétaire de la rationalisation des administrations et contribuer à la réalisation du Grand plan d'investissement.
C'est encore loin d'être le cas. Nous considérons qu'il y a, cette année, encore, un risque criant de sous-exécution des crédits. Si le Gouvernement avait pu s'en sortir en 2018, en expliquant que la sous-consommation constatée provenait des retards pris dans l'élaboration des règles d'appels d'offres, il ne pourra pas recourir à la même justification cette année. De même, les crédits inscrits en projet de loi de finances pour 2020 sont très inférieurs au plafond prévu dans la loi de programmation des finances publiques 2018-2022. Il est assez surprenant de voir qu'une mission qui est supposée aller vite et participer à la transformation de nos administrations met autant de temps avant d'atteindre sa pleine vitesse d'exécution.
Par ailleurs, nous avons pu constater que les fonds portés par les différents programmes de la mission venaient, dans les faits, compenser l'insuffisance des crédits inscrits sur les programmes traditionnels. Il en est ainsi de la DGFiP et de la DGDDI, qui ont participé à plusieurs appels d'offres afin de financer leurs projets informatiques innovants. Le Fonds pour la transformation de l'action publique leur permet ainsi de contourner les obstacles créés par leur dette technologique. Le Gouvernement en a bien conscience puisque, comme l'a affirmé devant nous le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, M. Olivier Dussopt, le critère de la rentabilité des projets est devenu moins déterminant dans leur sélection.
S'il est bien un autre programme qui a bénéficié de la création de cette mission, c'est le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». En effet, c'est la mission « Action et transformation publiques » qui porte le milliard d'euros dédié, sur les cinq ans à venir, à la rénovation des cités administratives et des sites multioccupants, et non ce CAS. Pour mobiliser un tel montant, il aurait fallu que le CAS y consacre la quasi-totalité de ses dépenses sur cinq ans, au détriment de toutes les autres opérations structurantes et d'entretien lourd qu'il est urgent de mener sur notre patrimoine immobilier.
Celui-ci couvre près de 97 millions de mètres carrés, pour une valeur comptable estimée à 63,4 milliards d'euros. Pour autant, les moyens du compte d'affectation spéciale ne sont pas à la hauteur de ces enjeux, avec des recettes qui connaissent une nouvelle baisse de 8 %. Or les dépenses de ce CAS, pourtant essentielles pour assurer l'entretien du parc immobilier de l'État et sa valorisation, sont conditionnées aux produits tirés des cessions. Malgré un rebond attendu en 2019, ces produits connaissent une baisse tendancielle. Cela s'explique par le fait que les biens les plus rapidement vendus étaient les plus faciles à céder : 75 % des biens restant dans le stock à céder sont classés comme difficiles, voire très difficiles, à céder. Ainsi, 524 biens sont en vente depuis plus de trois ans.
C'est pour toutes ces raisons que nous recommandons depuis plusieurs années de diversifier les modes de valorisation du patrimoine immobilier de l'État. Une mission sur la valorisation locative des biens inutiles aux besoins de l'État a ainsi été confiée par le ministère de l'action et des comptes publics à M. Jean-Marc Delion. Nous en suivrons attentivement les retours.
À ces problèmes s'ajoute la faiblesse de la direction immobilière de l'État. Censée illustrée la séparation entre l'État propriétaire et les ministères occupants, elle a dû mal à trouver sa place. 62 autres programmes concourent à la politique immobilière de l'État ; ce CAS ne représente que 6,5 % des crédits qui y sont dédiés et environ 10 % des personnels. La direction immobilière de l'État (DIE) elle-même reconnaît souffrir d'une pénurie de compétences techniques, qui l'empêche de disposer d'un réseau mobilisable sur l'ensemble du territoire. Nous nous étonnons également de voir que, depuis le mois de juillet, aucun nouveau directeur n'a été nommé à la tête de la DIE.
Dès lors, le bilan du compte d'affectation spéciale est décevant. La rationalisation des surfaces utiles nettes par agent, indicateur de performance du compte, piétine depuis cinq ans. Nous devrions avoir une surface utile nette par agent de 12 mètres carrés, nous sommes au-delà de 14. Le CAS est également supposé contribuer au Grand plan d'investissement et à la transition énergétique. Nous considérons plutôt que c'est un simple effet d'affichage. Il est par exemple impossible de connaître précisément le montant des crédits consacrés aux travaux d'amélioration de la performance énergétique des bâtiments de l'État.
Enfin, les règles de gestion du CAS sont contournées. Les produits de cessions sont en principe répartis à égalité entre les anciens ministères occupants et le CAS. Cette règle de gestion vise, en reversant aux ministères une partie des produits issus de leurs actions de valorisation, à les encourager à rationaliser leurs emprises et à respecter les principes de la politique immobilière de l'État. Cette règle a déjà fait l'objet de plusieurs exonérations, dont une, très importante, au profit du plateau de Saclay.
Tout aussi problématiques sont les octrois d'avances sur cession. Nous parlons de 100 millions d'euros au profit du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, alors même que nos collègues Vincent Delahaye et Rémi Féraud ont montré que les produits de cession de ce ministère étaient de plus en plus faibles. C'est à se demander si le CAS sera un jour remboursé ! Nous avons eu également la surprise de constater qu'une avance de six millions d'euros serait attribuée à l'Élysée. Enfin, malheureusement, la disparition des loyers budgétaires en loi de finances pour 2019 ne s'est pas encore traduite par la mise en oeuvre d'un dispositif véritablement incitatif à destination des ministères occupants.
J'en viens pour terminer à la mission « Crédits non répartis », mission particulière dont les deux programmes sont prévus par la LOLF.
Le programme 551 « Provision relative aux rémunérations publiques » fait de nouveau l'objet d'une ouverture de crédits, à hauteur de 26 millions d'euros pour 2020. Ces crédits doivent couvrir le déploiement du forfait mobilité durable pour la fonction publique d'État, ainsi que deux mesures de revalorisation décidées lors du dernier rendez-vous salarial de la fonction publique. L'absence de répartition des crédits pour ces deux mesures interroge, alors que ce rendez-vous salarial a eu lieu il y a plus de quatre mois.
Les crédits du programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » s'élèvent à 124 millions d'euros pour 2020 ; elles sont inférieures de 700 millions d'euros à la prévision de la programmation triennale. Le Gouvernement a en effet réparti ces 700 millions d'euros dès la présentation du projet de loi de finances pour 2020, afin d'augmenter les plafonds de missions soumises à des dépenses plus dynamiques que prévu. Toutefois, cette répartition n'est guère détaillée. D'après le Gouvernement, elle a notamment permis d'abonder le plafond de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », au titre de la revalorisation de la prime d'activité.
Considérant par ailleurs que le programme 552 a couvert en 2018 des sous-budgétisations qui risquent de se reproduire en 2019 et 2020, nous présenterons un amendement visant à inciter le Gouvernement à entreprendre une budgétisation plus sincère.
À l'évidence, l'État n'a pas de politique immobilière à long terme. On vend le consulat général à Hong Kong, puis on loue un autre bâtiment. Cela produit une recette ponctuelle, mais des coûts durables. C'est une constante, malheureusement : je n'accuse pas seulement ce Gouvernement. L'État détient des locaux vides dans Paris ; ses opérateurs en louent d'autres au prix fort. L'hôpital d'instruction des armées du Val de Grâce est un exemple typique de cette politique à courte vue.
Concernant la réforme de la DGFiP, on ne peut qu'être favorable à la modernisation et à la numérisation de ces services, mais c'est délicat sur le terrain, où la situation ne correspond pas aux discours qui nous sont faits par le Gouvernement. Dans mon département, 14 services auprès du public vont être supprimés, de même que de multiples points de contact avec les entreprises ; c'est inquiétant. Comment s'organisera le calendrier d'application de cette réforme ? Dans certains départements, on peut trouver un accord, mais c'est parfois un marché de dupes. Dans l'autre on la reporte jusqu'après les élections municipales. Dans certains cas, on opère simplement un transfert de charges vers les collectivités, notamment les intercommunalités, par le biais des maisons France services, et ce sans compensation.
Quant à la gestion immobilière, l'absence de réelle politique immobilière de l'État est en effet assez catastrophique, alors que l'immobilier se porte bien dans les plus grandes métropoles. Il est scandaleux que les cessions de l'État ne lui rapportent pas davantage. En outre, les délais de réalisation de ces ventes sont incroyablement longs. N'y a-t-il pas moyen d'accélérer le processus ? C'est le cas même quand des collectivités ou des établissements publics sont désireux de rapidement acquérir ces biens. L'immobilier détenu par l'État à l'étranger représente lui aussi des sommes énormes.
La réforme de la DGFiP est tout de même importante : la réduction de ses effectifs représenterait un tiers des suppressions d'emplois dans la fonction publique d'État. Quant à la réorganisation de son réseau territorial, quoique des évolutions soient nécessaires, il n'empêche que les propositions faites diffèrent énormément d'un département à l'autre. Il faut être vigilant pour les territoires ayant beaucoup de petites communes, où il est important de garder un service de proximité efficace. Certaines propositions sont dès lors inacceptables. A-t-on accès à des données par département, nécessaires pour effectuer des comparaisons ?
Quelle est la position de nos rapporteurs sur la réforme de la DGFiP ? Nous demandons tous que des efforts soient faits. Avec la rationalisation et la déconcentration, c'est l'occasion d'une réforme ambitieuse, qu'il faut encourager. Nos rapporteurs en conviennent-ils ? L'évolution numérique doit être encore plus efficiente ; il faudrait d'ailleurs peut-être, à l'échelle de l'État, une direction interministérielle du numérique plus conséquente. Quant à la DGFiP, la réforme du prélèvement à la source est opérante, les recettes sont au-dessus des espérances. La capacité d'adaptation de cette direction est indéniable.
Certains corps de l'État pourraient être plus efficients. Pourquoi ne fusionnerait-on pas les différents corps d'inspection générale ? En optimisant les moyens, on modernisera l'État. Il nous faut parvenir à faire des économies sans rechigner, et être capables de formuler des propositions concrètes.
Je veux revenir sur la réorganisation du réseau des trésoreries. Avez-vous des précisions concernant l'appel à candidatures lancé par M. Darmanin afin de transférer jusqu'à 3 000 agents de la DGFiP sur des territoires ruraux et périurbains ? Quels services seraient concernés ? Comment seraient-ils répartis ?
Les moyens humains déclinent sur le terrain ; c'est le cas pour les trésoreries comme pour les services des douanes dans les départements frontaliers. Quel est l'impact de ces changements sur les contrôles fiscaux et la lutte contre la fraude ? Il semble contradictoire de baisser les effectifs sur cette mission, quand il s'agit de garantir les recettes de l'État.
Je souhaite moi aussi savoir quelles communes sont visées par l'offre de décentralisation faite par M. Darmanin. Des entités de quinze à trente personnes seraient difficiles à mettre à place dans l'extrême ruralité.
Quant à l'obsolescence des outils informatiques, vous êtes assez alarmants. Ce problème me semble sérieux au regard des ambitions assez fortes affichées en matière d'utilisation de l'informatique et, notamment, des réseaux sociaux pour le contrôle fiscal. Dispose-t-on des outils nécessaires ? Quelle est l'exposition de ces services à la cyberdélinquance et au cyberterrorisme ?
Concernant le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », a-t-on le détail des recettes et dépenses par programme ? Un bilan post mortem des opérations précédentes a-t-il été effectué ? Y a-t-il eu des surcoûts ? Les recettes attendues sont-elles au rendez-vous ?
Les crédits des instituts régionaux d'administration sont en diminution, mais ceux de l'ENA progressent ! Est-ce bien raisonnable ? Je ne souhaite pas la suppression de cette école, mais il faut sans doute réviser le nombre de ses élèves. Peut-être faudrait-il déposer un amendement sur ce point.
Je voudrais revenir sur la vente des biens de l'État, notamment à Paris et en première couronne. J'avais cru comprendre que l'État allait négocier les prix avec les collectivités locales pour soutenir des programmes de construction de logements ou d'installation d'entreprises. La réalité est tout autre ! En fait, l'État se conduit comme un spéculateur : il attend que les prix augmentent encore à Paris et en Île-de-France pour vendre le plus cher possible. Je peux comprendre cette logique - j'espère simplement que les prix ne vont pas chuter dans les années à venir -, mais elle est exactement à l'inverse de ce qui avait été annoncé. L'État ne négocie pas, il attend !
Je rejoins les propos de Roger Karoutchi. Le comportement de l'État reflète une forme de résistance interne au dispositif de la décote Duflot. Est-ce normal que l'État résiste ainsi à une décision prise par le législateur ?
En regardant d'autres missions budgétaires, on voit bien que la politique actuelle de l'immobilier de l'État atteint ses limites - je pense aux exemples du Val-de-Grâce ou des biens situés à l'étranger. Louer revient de plus en plus cher, d'autant que nos implantations sont souvent dans les grandes villes occidentales où le prix de l'immobilier est très cher et augmente rapidement. Or l'État semble faire l'autruche ! Il suffit de penser à ce que nous a dit en substance Jean-Yves Le Drian : si les sénateurs ont des idées, qu'ils nous en fassent part. Qu'en pensez-vous ?
J'aimerais aussi connaître votre avis sur cette cacophonie au sein de l'État en ce qui concerne la gestion de ses biens immobiliers. L'expérience montre qu'on ne sait jamais qui décide quoi en la matière ! Il est vraiment dommage que l'État se prive du bénéfice des prix actuels qui sont élevés, notamment dans les zones tendues. La politique, c'est choisir !
En ce qui concerne le réseau de la DGFiP, on ne peut que se féliciter que les progrès techniques permettent d'améliorer le service public. Encore faut-il qu'il y ait réellement amélioration du service public ! Va-t-on mieux répondre aux demandes des collectivités territoriales en matière de conseil financier ? C'est quelque chose que nous devrons suivre attentivement. À votre avis, la transformation en cours est-elle bien gérée ?
Il est clair que la gestion du patrimoine de l'État, en tout cas hors de Paris, n'est pas franchement optimisée et que l'on ne sait pas vraiment qui décide en la matière. Aujourd'hui, la situation n'est satisfaisante pour personne. Comment les choses pourraient-elles s'améliorer ?
En ce qui concerne la réorganisation des services, je peux comprendre que la situation évolue selon les besoins et les techniques, mais les maisons France services ressemblent plutôt à de l'eau tiède... J'espère simplement que ce dispositif permettra d'élargir la gamme des services offerts à la population. On constate en outre des transferts de compétences et de charges vers les collectivités locales, notamment pour l'hébergement de ces maisons. Par ailleurs, les contraintes fixées pour la labellisation ne sont pas toujours adaptées aux territoires, par exemple la nécessité d'avoir au minimum deux agents. Il faut que le dispositif soit plus proche de la réalité des territoires, sans remettre en cause ce qui fonctionne déjà.
L'appel à projets pour réimplanter des services de l'État en province ne concerne finalement que 3 000 personnes, ce qui n'est quand même pas extraordinaire. En outre, certains critères de sélection ne sont pas raisonnables : par exemple, l'accessibilité au numérique relève en fait de la compétence de l'État. Et prendre en compte la modestie des loyers, voire leur gratuité, est également fort de café !
Enfin, il faut bien garder en mémoire que le réseau de la DGFiP est indispensable sur le territoire pour conseiller les ménages et surtout les entreprises qui n'ont pas nécessairement d'autres possibilités de conseil facilement accessibles sur le plan tant géographique que financier. Les contrôles fiscaux seront encore plus allégés avec les évolutions en cours et il semble que certaines entreprises développent déjà des stratégies pour s'implanter dans des zones où le risque de contrôle sera plus faible du fait de la réorganisation du réseau. Allons-nous créer de petits paradis fiscaux locaux ? Certains peuvent se dire que c'est tant mieux pour les territoires concernés, mais cela pose tout de même question.
Il est vrai que les trésoreries n'encaissent plus les chèques et sont plutôt chargées de conseiller les usagers, notamment les collectivités locales. C'est leur rôle essentiel, mais les échanges vont de plus en plus se faire par internet. Or, dans certains territoires, internet fonctionne mal et les interlocuteurs de la DGFIP ne pourront de toute façon pas connaître la commune s'ils en gèrent par ailleurs des dizaines d'autres. Certes, la réforme en cours va créer des postes de « conseillers spéciaux », mais elle supprime des postes sur le terrain, ce qui me fait plutôt penser à une opération de recasage de hauts fonctionnaires en surnombre. Or les trésoreries doivent jouer un rôle de protection pour les petites communes, notamment dans le cadre de l'allègement que nous constatons, voire la disparition de facto, du contrôle de légalité.
Cette réforme peut aussi nous inquiéter en ce qui concerne le recouvrement des impôts locaux ; j'ai peur que les admissions en non-valeur n'explosent. En tout cas, quel est le calendrier de cette réforme ? J'ai l'impression que personne ne le sait vraiment. Le Gouvernement a lancé un appel à projets, même si les choses sont sûrement bouclées d'avance. Mais j'attire votre attention : il ne faut pas croire au père Noël, les maisons France services vont coûter cher ! L'exemple du dispositif créé par La Poste n'est guère prometteur. En tout cas, la situation est grave.
En ce qui concerne la problématique, inquiétante, des capacités numériques qui a été évoquée par Claude Nougein, des moyens sont-ils prévus en 2020 pour la gestion du Brexit par les douanes ? Si tel n'est pas le cas, cela signifie-t-il que des moyens avaient été programmés les années précédentes et qu'ils étaient suffisants ?
J'ai récemment été saisi d'un cas concret qui peut poser problème dans la réforme en cours du réseau de la DGFiP, celui d'un gîte d'étape qui reçoit des chèques de ses clients. Le maire va à la perception pour faire encaisser ces chèques mais son trésorier lui dit que c'est aux clients de venir. Que va-t-il se passer pour ces opérations ?
Beaucoup de questions ont été posées !
On peut grosso modo répartir les départements en trois catégories à peu près égales : dans une trentaine, un accord a été signé avec le président de l'association des maires ; dans une autre trentaine, les négociations sont en cours ; dans les autres, la situation est bloquée. Une partie d'une enveloppe de 6 millions d'euros a été ouverte au sein de la DGFiP pour le dispositif des maisons France services.
Des cartes du réseau territorial sont disponibles sur Internet et il est vrai qu'il existe des disparités entre les départements. Dans mon département, la Corrèze, le principe d'une trésorerie par intercommunalité est à peu près respecté et aucune fermeture n'est prévue.
L'évolution du réseau est censée apporter des économies. On nous rappelle souvent que quand ils veulent s'installer dans une commune, les gens ne demandent généralement pas s'il y a une trésorerie. Pour autant, leur présence fait partie d'un contexte plus général, notamment dans les zones rurales, et elles sont utiles dans le conseil aux collectivités. On peut comprendre que certaines évolutions, comme le prélèvement à la source ou la numérisation, permettent de réduire les effectifs, mais certaines parties du territoire n'ont pas accès à Internet et une part de la population ne sait pas se servir des outils informatiques. C'est pourquoi j'estime qu'avancer à marche forcée est dangereux. Nous allons aujourd'hui trop vite de ce point de vue.
L'appel d'offres pour la délocalisation de certains services de l'État dans les territoires est en cours ; 3 000 agents publics seraient concernés. La cible, ce sont des villes moyennes, autour de 10 000 ou 20 000 habitants. Il est vrai que certains critères me semblent incompatibles entre eux, puisqu'il faut que ces villes soient très dynamiques et accessibles, qu'elles puissent proposer beaucoup d'emplois afin que les conjoints trouvent facilement un travail et qu'elles disposent de surfaces immobilières importantes et libres de suite ! L'État veut aller vite, ce qui n'est pas compatible avec la nécessité de construire des bureaux. Parmi les services concernés, il y aurait celui de la publicité foncière.
Les redevables installés en zone rurale sont aujourd'hui plus contrôlés que les autres ! Dans les métropoles, les contrôles sont beaucoup moins fréquents, ce qui crée évidemment des inégalités, même si la numérisation rend ces contrôles plus faciles.
L'obsolescence informatique est un vrai problème et le Gouvernement semble s'en rendre compte puisque les dépenses informatiques augmentent en 2020. Cependant, outre les moyens financiers, il y a aussi le problème des moyens humains. Cette administration peine à recruter : il serait bon de revoir la grille des traitements.
En 2020, le budget de l'ENA devrait connaître un retour à l'équilibre. Par la réduction de la durée de scolarité, du nombre des élèves et des enseignements, les comptes ont été équilibrés au forceps.
Les conseillers dits « spéciaux » des trésoreries jouent un rôle essentiel pour les collectivités territoriales. Ils aident à élaborer le budget, en particulier dans les plus petites communes : on en a tenu compte avec succès dans le département dont je suis l'élu.
M. Arnaud Bazin, face au Brexit, nous sommes prêts, et ce depuis des mois ! Du personnel a également été recruté, sans être encore déployé. Il devait être déployé au 31 octobre dernier. Une centaine d'emplois doivent encore être créés.
L'instauration du prélèvement à la source, la suppression de la taxe d'habitation et la numérisation impliquent bien de réformer les services fiscaux. Mais les agents doivent être associés à cette transformation. Ils ont le sens de l'État et s'étonnent de ne pas être impliqués dans ce travail et dans l'évolution de leurs missions : on a pourtant connu de grandes difficultés à cause de cela lors des précédentes réformes, en 1989, puis dans les années 2000.
Aucune perspective n'est donnée à ces agents. Dans les trésoreries, on entend distinguer le front office et le back-office, mais chaque département propose sa propre solution. Il faut procéder rigoureusement, dans chaque territoire. Lors de la réforme de La Poste, un débat avait été organisé entre la direction de l'entreprise et l'Association des maires de France (AMF), en particulier pour répondre aux problématiques du monde rural. En l'occurrence, on nous annonce une série de chartes établies avec le président de l'association des maires, sans vision globale. Nous ne savons pas ce qui se passe sur le terrain.
La mission de conseil soulève également une véritable difficulté : en quoi consistera-t-elle pour les anciens trésoriers chargés de l'exercer ? Ces agents n'auront plus de vision des comptes, notamment pour ce qui concerne la séparation de l'ordonnateur et du comptable, et, pour certains d'entre eux, il n'y aura plus de carrière possible. Il est donc indispensable que la réforme soit faite avec les agents.
Le contrôle fiscal pose lui aussi divers problèmes. Dans certains territoires autrefois très dynamiques, les brigades sont restées en place, ce qui n'est pas le cas dans les nouvelles métropoles : en résulte un très grand déséquilibre à cet égard. Avec le data mining, le taux de dossiers sélectionnés par algorithme va atteindre 33 %. De leur côté, les directeurs d'administration centrale ne disposent pas forcément de directives : j'en veux pour preuve le cas de la directrice des douanes, dont les services vont pourtant connaître au moins trois réformes en six ans.
En matière informatique, l'on vise toujours l'excellence. Pour le prélèvement à la source, la transition s'est bien passée, mais aucune évaluation n'a été menée : il faut donc attendre une analyse du contentieux. De plus, comme nous l'avons constaté avec Claude Nougein dans notre rapport d'information, pour le recouvrement des amendes de police, les logiciels sont obsolètes. La Cour des comptes a consacré un rapport éclairant à ces questions. Au lieu de laisser chaque ministère gérer lui-même ses problèmes informatiques, en lien avec la direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (Dinsic), il faudrait développer une vision transversale et nommer, à cette fin, un responsable placé auprès du Premier ministre.
La direction de l'immobilier de l'État (DIE) ne représente que 6,5 % des crédits en la matière, le reste étant réparti entre les ministères. Les préfets de région doivent élaborer des schémas directeurs immobiliers régionaux (SDIR) sans disposer de toutes les informations quant au nombre d'agents de chaque administration, pour faire respecter le critère de 12 mètres carrés par agent. Du fait de cette situation ubuesque, l'on en revient aux schémas départementaux, élaborés également par les préfets, sans dialoguer avec les collectivités territoriales !
À Paris, la décote dite « Duflot » est très forte. Toutefois, il faut tenir compte d'un ensemble de facteurs, notamment les cessions de terrains militaires à l'euro symbolique qu'impliquent un certain nombre de projets immobiliers. Enfin, au sujet des bâtiments à vendre, seul le site de la DIE fait foi ; mais, j'y insiste, cette direction devrait être rattachée au Premier ministre.
Compte tenu des incertitudes et du manque d'informations, nous proposons que la commission s'en remette à la sagesse du Sénat au sujet de ces crédits.
Nous examinons les trois amendements de crédit du rapporteur général sur la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».
Vous connaissez déjà les dispositions de ces amendements : le Sénat les vote en effet depuis plusieurs années.
L'amendement n° 1 a pour objet le temps de travail dans la fonction publique. Il tend à garantir, autant que possible, l'équité entre le secteur public et le secteur privé dont la durée de travail approche les 37,5 heures. La masse salariale de l'État représente 40 % du budget de l'État, CAS compris ; concrètement, l'État doit faire un effort sur le temps de travail. S'il s'alignait sur le secteur privé, l'on ferait une économie de 2,27 milliards d'euros.
L'amendement n° 2 tend à instaurer trois jours de carence, au lieu d'un seul, dans la fonction publique. Une telle mesure dégagerait 540 millions d'euros par an pour l'ensemble des trois fonctions publiques, et 216 millions d'euros pour la fonction publique d'État.
Les opérateurs se multiplient ; ils constituent un véritable enjeu, d'autant que leurs missions et leur mode de recrutement présentent parfois une certaine opacité. Il faut réduire les postes, non dans les territoires - je ne suis certainement pas pour restreindre les services au public dans les trésoreries -, mais dans les administrations centrales. J'ai choisi de cibler les primo-recrutements, avec une économie potentielle de 40,4 millions d'euros. Tel est l'objet de l'amendement n° 3, qui tend à envoyer un signal : présence dans les territoires, réduction dans les administrations centrales.
Pour ce qui concerne ces amendements, je m'en remets à la sagesse de la commission.
À titre personnel, je rappelle que je suis contre ces amendements.
L'amendement n° 1 est adopté.
L'amendement n° 2 est adopté.
L'amendement n° 3 est adopté.
Sur les crédits de la mission « GFPRH », faut-il s'en tenir à l'avis de sagesse proposé par les rapporteurs ?
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », sous réserve de l'adoption de ses amendements
L'amendement n°4 tire les conséquences de l'amendement n°2 pour tenir compte de l'instauration de trois jours de carence.
L'amendement n°4 portant article additionnel est adopté.
Nous examinons l'amendement de crédit des rapporteurs spéciaux, Claude Nougein et Thierry Carcenac, sur la mission « Crédits non répartis ».
Nous proposons de diminuer les autorisations d'engagement et les crédits de paiement du programme 552 d'un montant égal à celui de la dernière exécution du programme 336 de la mission « Engagements financiers de l'État », soit 100 millions d'euros. À cet égard, nous reprenons les observations formulées par notre collègue Nathalie Goulet, rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'État ». Cet amendement vise à amener le Gouvernement à ouvrir des crédits sur le programme 336 pour 2019, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, et pour 2020, dans le présent projet de loi de finances.
L'amendement n° 1 est adopté à l'unanimité.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Crédits non répartis », sous réserve de l'adoption de son amendement.
Certains crédits, prélevés sur cette mission, devraient normalement être imputés ailleurs, notamment sur la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ». Nous proposons donc que la commission s'en remette à la sagesse du Sénat.
La commission décide de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur l'adoption des crédits de la mission « Action et transformation publiques ».
Nous devons nous prononcer sur le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».
L'absence de directeur à la tête de la DIE, qui dure depuis quatre mois, pose un véritable problème ; il faut envoyer un signal, en s'en remettant à la sagesse du Sénat quant au compte d'affectation spéciale (CAS).
La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».
L'article 81 a été introduit à l'Assemblée nationale par le rapporteur spécial M. Jean-Paul Mattéi. Il permet aux universités de contourner l'interdiction faite aux organismes divers d'administration centrale (ODAC) de recourir à des emprunts d'une durée supérieure à douze mois.
Cette possibilité serait néanmoins encadrée, d'abord dans ses objectifs. Elle serait ainsi réservée, selon le présent article, à la seule gestion ou valorisation des biens immobiliers que ces établissements possèdent en pleine propriété : seules les universités ayant obtenu une dévolution de patrimoine seraient concernées. En outre, ces universités auraient interdiction d'aliéner par ce processus les biens immobiliers essentiels à l'exercice de leurs missions d'enseignement et de recherche.
Il est vrai que le patrimoine des universités, qui couvre environ 18 millions de mètres carrés, souffre d'un défaut d'entretien. Selon le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, 38 % de ce patrimoine serait en mauvais état, ou du moins dans un état peu satisfaisant. Selon les représentants de la conférence des universités que nous avons reçus, 7 à 8 milliards d'euros seraient nécessaires pour assurer l'ensemble des réfections.
Sur le fond, nous reconnaissons le bien-fondé de l'article, qui résulte d'un amendement d'appel auquel le Gouvernement ne s'est pas opposé. Toutefois, il doit encore être expertisé, d'autant que son périmètre est très large. Il pourrait s'agir d'un cavalier budgétaire selon le Conseil constitutionnel. Dans l'attente de notre expertise, mieux vaut ne pas l'approuver.
Soit il s'agit d'investir - et dès lors il faut recourir au programme d'investissements d'avenir (PIA) ou au Grand emprunt -, soit il s'agit d'entretenir, et donc d'employer les crédits d'entretien courant : je suis très défavorable à cet article.
L'article 81 (nouveau) n'est pas adopté.
L'article 82 introduit par l'Assemblée nationale autorise le transfert à titre gratuit de la propriété de sept parcelles situées sur la commune de Saint-Jacques-de-la-Lande de l'État à la région de Bretagne, afin que cette dernière puisse y développer des activités en lien avec le service public aéroportuaire assuré par l'aéroport de Rennes Saint-Jacques.
Cet article additionnel, issu d'un amendement gouvernemental, est une promesse ancienne du Gouvernement. Il s'agit de libérer le foncier nécessaire au projet d'extension de l'aéroport de Rennes Saint-Jacques avant le 1er janvier 2021.
Ce transfert est d'autant plus demandé par la région Bretagne que l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes a accru la nécessité pour l'aéroport de Rennes de s'étendre pour répondre à l'augmentation de son trafic aérien.
Toutefois, nous déplorons que l'on ne nous ait pas transmis davantage d'informations, qu'il s'agisse de la valeur des parcelles cédées, des produits éventuels tirés de leur valorisation, du rôle de la DIE dans cette opération ou encore de l'implication de ce transfert pour le CAS. Nous savons seulement - et c'est trop peu - que deux des parcelles concernées par le transfert étaient en vente. Cette situation prouve surtout que l'État n'a pas examiné toutes les conséquences de l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes et qu'il en fait maintenant les frais.
Du fait de ces réserves, nous nous en remettons à la sagesse de la commission.
Pour nous, il est extrêmement délicat de donner un avis, étant donné que nous ne disposons pas des informations indispensables.
La position de la commission sur l'article 82 (nouveau) est réservée.
Les crédits dédiés à la participation de la France au budget de l'Union européenne s'inscrivent dans le cadre financier pluriannuel (CFP) de l'Union européenne voté il y a plusieurs années. Or, pour l'exercice 2020, le contexte a changé, et nous sommes à la charnière d'un nouveau CFP pour la période 2021-2027, qui est toujours en cours de discussion. De plus, les élections européennes ont modifié la donne, et nous sommes en attente de la constitution de la nouvelle Commission.
Si le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne constituait une mission budgétaire, ces crédits représenteraient notre quatrième poste de dépense. Ils s'élèvent cette année à 21,3 milliards d'euros ; si on y ajoute les droits de douane nets, la contribution de la France s'élève à 23,2 milliards d'euros, ce qui est relativement stable par rapport à l'année dernière. Il s'agit en effet d'une augmentation de 0,7 %, alors que la loi de programmation des finances publiques prévoyait une augmentation de 3,4 % entre 2019 et 2020.
Cette faible augmentation résulte d'un rythme de consommation des crédits plus faible que celui qui avait été prévu. Le rapport de la mission d'information sur la sous-utilisation chronique des fonds européens en France, qui a déposé son rapport le mois dernier, a estimé qu'avec une consommation d'environ 40 % des crédits disponibles, notre pays se situait dans la moyenne. Cette situation n'est pas satisfaisante, et les fonds européens pourraient davantage contribuer au soutien et à la vitalité de l'économie nationale.
Le retard dans la consommation des crédits génère un reste à liquider considérable. En 2017, le reste à liquider s'élevait à 267 milliards d'euros. Il devrait s'établir à 313 milliards d'euros à la fin de l'année 2020, ce qui équivaut à presque deux années budgétaires de l'Union européenne. La Cour des comptes européenne s'en est récemment inquiétée.
Cette évaluation reste toutefois encore très incertaine, en raison du rythme de consommation des crédits que j'ai évoqué, mais également du fait de l'issue incertaine du Brexit. Si le Royaume-Uni décidait de ne pas honorer ses engagements financiers pris en décembre 2017, la contribution de la France pourrait être augmentée d'au moins un milliard d'euros. Des coupes budgétaires pourraient également être effectuées dans les dépenses de l'Union européenne, affectant les politiques communes.
La France est aujourd'hui le troisième contributeur net au budget de l'Union européenne, après l'Allemagne et le Royaume-Uni, mais le deuxième bénéficiaire des dépenses européennes en volume, après la Pologne, avec des dépenses réalisées en France s'élevant à près de 15 milliards d'euros en 2018. L'essentiel de ces crédits relèvent de la politique agricole commune, au titre du premier pilier à hauteur de 9,5 milliards d'euros et de 1,6 milliard d'euros pour le second pilier, dont une partie participe au développement local et à la transition des territoires ruraux.
Le budget 2020 de l'Union européenne n'est pas encore adopté à ce jour. La Commission européenne a présenté un budget prévoyant 168,3 milliards d'euros de crédits d'engagement et 153,6 milliards d'euros de crédits de paiement. Le Parlement européen a proposé une hausse de ces crédits, et notamment une augmentation de 2 milliards d'euros environ des dépenses en faveur du climat.
Cette préoccupation environnementale est d'ailleurs partagée par la nouvelle présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Dans son discours au Parlement européen en juillet dernier, elle a mentionné les enjeux climatiques. Autre point intéressant, elle a également proposé la création d'un système européen d'assurance chômage afin de prévoir le versement d'indemnités dans l'hypothèse d'une crise majeure et des interventions contra-cycliques.
Enfin, je souhaiterais revenir sur la création d'un budget de la zone euro, dont l'ambition était de mener des actions budgétaires contra-cycliques en cas de crise, en particulier en cas de chocs asymétriques entre les différents États de la zone euro. Cet instrument se justifiait aussi par le fait que la politique monétaire ne peut pas être mobilisée dans ces cas-là, car elle s'applique à l'ensemble des pays de la zone euro. Les ambitions initiales ont toutefois été fortement revues à la baisse, puisqu'il ne s'agirait plus d'un budget de la zone euro mais plutôt d'un instrument financier négocié dans le cadre de la programmation pluriannuelle 2021-2027, et que l'enveloppe qui lui serait allouée serait de l'ordre de 17 milliards d'euros sur sept ans, ce qui est faible. Par comparaison, le plan « Juncker » s'élevait à 315 milliards d'euros, ce qui donne une idée de la faible ambition de cet instrument. Une partie de ces crédits devrait être répartie selon des critères classiques d'allocation des fonds européens, et 20 % de cette enveloppe pourrait être alloué selon les besoins particuliers des pays faisant face à des difficultés, de façon différenciée.
Alors que les appels à la relance budgétaire apparaissent de plus en plus partagés, y compris en Allemagne, la faible capacité budgétaire de cet instrument est regrettable.
Quoi qu'il en soit, je vous propose, en l'état actuel des données disponibles, d'adopter l'article 36 sans modification.
Il y a des grandes disparités dans la facilité d'accès aux fonds européens, entre les petits et les grands porteurs de projet, il y a une asymétrie dans l'ingénierie dont ils disposent pour accéder à ces fonds.
Où en sommes-nous dans les négociations du prochain cadre financier pluriannuel, en particulier en ce qui concerne les dépenses de la politique agricole commune (PAC) ? Le budget de la PAC, et en particulier du fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) qui est le principal outil de développement rural, devrait baisser. Quelle est la position de la France dans ces négociations ? A-t-elle évolué ? Peut-on avoir l'espoir de voir ces crédits augmenter ?
Les variations de ce prélèvement sur recettes jouent énormément dans notre déficit public. Or, elles sont trop souvent passées sous silence. Or, les écarts sont considérables entre 2017 et 2020. Il s'agit d'une dépense publique au sens de la comptabilité nationale, mais d'un prélèvement sur recettes au sens budgétaire.
Quel sera selon vous l'impact du Brexit sur le montant du prélèvement sur recettes ?
L'année dernière, on estimait déjà l'incertitude relative à l'issue du Brexit à 1 milliard d'euros. Cette année encore, nous faisons le choix de ne pas budgétiser cette incertitude. C'est une attitude de déni, et je le regrette et nous restons dans une situation d'incertitude, plutôt que de la clarifier.
Je voterai évidemment les crédits de la participation de la France au budget de l'Union européenne, mais je formulerai trois regrets.
Premièrement, les ressources propres ne décollent pas. Je regrette qu'aucune solution pertinente n'ait émergé du rapport Monti pour diminuer la quote-part de participation des États.
Deuxièmement, je regrette que l'on ne règle pas le problème du « rabais du rabais » à l'occasion du Brexit. Ce point fait partie de nos principaux contentieux avec certains États membres, notamment l'Allemagne.
Troisièmement, je regrette que les États membres ne fassent pas davantage de prospective. D'un côté, l'Union européenne se tourne vers de nouvelles missions qui sont nécessaires, comme l'augmentation des moyens alloués à la politique de défense, ou encore la sécurité avec Frontex. Néanmoins, on utilise les lignes budgétaires des anciennes politiques, mais qui justement n'en sont pas. Je regrette que l'on ait de la PAC une perception d'une ancienne politique, alors qu'elle n'a jamais été aussi pertinente.
L'Europe est à front renversé par rapport à ses concurrents qui augmentent les moyens alloués à l'agriculture, notamment les États-Unis. Nous devons en la matière adopter une vision stratégique de cette activité. Les trois résolutions adoptées par le Sénat en ce sens sont restées lettre morte. Or, dans le prochain cadre financier pluriannuel, les crédits du second pilier devraient baisser de 25 %. Dans le même temps, les cofinancements nationaux devraient augmenter de près de 10 %.
Avec les membres de la commission des affaires européennes, nos homologues députés, et d'autres parlementaires européens, nous essayons d'interpeller la Commission européenne en vain. Si une baisse tendancielle des crédits de la PAC est amorcée, on ne pourra plus revenir en arrière. C'est une erreur d'analyse dramatique.
Quel est l'impact des élections européennes qui ont eu lieu cette année en termes de vision budgétaire pour les années à venir ? La mise en place de la nouvelle Commission européenne a-t-elle modifié les perspectives budgétaires pour les années à venir ? Une attention particulière a-t-elle été portée cette année au débat budgétaire, y compris dans les autres États membres ?
Pour répondre à Bernard Delcros, il convient effectivement de simplifier les conditions d'accès aux crédits européens pour les petits porteurs de projets dans la prochaine programmation pluriannuelle.
Les négociations du prochain cadre financier pluriannuel sont bloquées car les États membres ne parviennent pas encore à s'accorder sur un montant global du budget. La Commission européenne a proposé un budget à 1,14 % du RNB européen, le Parlement européen s'est prononcé en faveur d'un budget à hauteur de 1,3 %. Par conséquent, les négociations par politique, dont la PAC, sont encore en cours.
Si la France a pu faire preuve d'une forme de vague à l'âme concernant le futur budget de la PAC, notre pays reste bénéficiaire net de cette politique. Par conséquent, la France s'est prononcée plus fermement en faveur d'une préservation du budget de la PAC. On observe une stratégie d'alliance avec d'autres pays pour conserver le niveau de crédits de la PAC.
Concernant l'impact du Brexit, le risque est plus faible que l'année dernière car le Brexit a été reporté à plusieurs reprises. Par ailleurs, le nouvel accord trouvé le mois dernier entre les négociateurs britanniques et européens ne revient pas sur l'engagement financier pris en décembre 2017.
Sur la question des rabais, le coût de la correction britannique pour la France s'élève à 1,3 milliard d'euros environ. Toutefois, le retrait du Royaume-Uni se traduirait par une hausse de la quote-part de la France au budget de l'Union européenne. Donc la suppression des rabais pourrait être neutre pour la contribution de la France.
Il faut mener un travail politique afin de considérer que les problématiques agricoles sont devant nous et pas derrière nous. Il est fondamental que nous ayons une PAC intégrée et forte, c'est un enjeu de qualité de l'alimentation, mais aussi de souveraineté alimentaire. Ces sujets ne sont pas encore complètement portés par les sphères politiques, en particulier au niveau de l'Union européenne.
Le résultat des élections européennes s'est déjà traduit par les orientations du Parlement européen sur la question du budget de l'Union européenne pour 2020. L'agenda de la prochaine commission présenté par Ursula von der Leyen incarne également ces nouvelles orientations, sur la question du climat, mais aussi avec la création d'un mécanisme européen de réassurance chômage. Les négociations relatives au nouveau cadre financier pluriannuel interviendront dans le courant de l'année prochaine et s'inscriront dans cette perspective. Les choix politiques faits par les européens devront être traduits dans le budget de l'Union européenne, qui constitue le premier acte politique d'une institution.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 36 du projet de loi de finances pour.
Nous examinons maintenant les crédits de la mission « Économie » et du compte de concours financiers (CCF) « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » pour 2020, sur le rapport de nos rapporteurs spéciaux Bernard Lalande et Frédérique Espagnac. Je salue la présence parmi nous de nos collègues Martial Bourquin et Serge Babary, rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques.
La mission « Économie » porte un ensemble de dispositifs en faveur des entreprises - notamment des petites et moyennes entreprises (PME) dans les secteurs de l'artisanat, du commerce et de l'industrie -, les crédits des administrations, autorités administratives indépendantes et opérateurs chargés de la mise en oeuvre de ces politiques, ainsi que les crédits de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et des services économiques du Trésor à l'étranger.
Les crédits demandés pour la mission « Économie » - hors programme 343, « Plan France Très haut débit » - en 2020 affichent une hausse de 5,58 % en autorisations d'engagement (AE) et de 6,14 % en crédits de paiement (CP) par rapport à la loi de finances initiale pour 2019. Cette évolution s'explique principalement par la très nette augmentation des crédits consacrés au dispositif de compensation carbone des sites électro-intensifs - +173 millions d'euros, soit une hausse de 160 %, pour 280 sites industriels. En dehors de cette mesure, les moyens des trois programmes permanents de la mission sont globalement en baisse.
La plus grande partie de l'effort repose sur les différents dispositifs de soutien à l'activité des entreprises. Entre 2014 et 2020, le montant total de ces dispositifs a été considérablement réduit, passant de 234 millions d'euros en 2014 à 68 millions d'euros en 2020, soit une baisse de 71 %. Cette diminution est considérable et peu acceptable. Elle correspond à un mouvement de rationalisation progressive des instruments de soutien de l'État aux TPE et aux PME. Cette rationalisation se résume trop souvent à des coups de rabots successifs, cela ne fait pas une politique !
L'État se désengage progressivement en matière de soutien aux petites entreprises, aux commerçants et aux artisans, au motif que désormais ce sont les collectivités, et particulièrement les régions, qui doivent remplir ce rôle. L'évolution du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) est parlante de ce point de vue : après avoir vu sa dotation passer de 78 millions d'euros en 2010 à seulement 16 millions d'euros en 2018, et le nombre d'opérations financées d'environ un millier à seulement 114, le Fisac a été placé en gestion extinctive à partir de cette année. En clair, il a été supprimé avec toutefois 2,8 millions d'euros de CP résiduels pour 2020 pour financer les dernières opérations. En réponse à nos protestations, le Gouvernement a invoqué le programme « Action coeur de ville », mais celui-ci ne s'adresse qu'à 222 villes moyennes qui sont essentiellement des villes préfectures ou sous-préfectures: la cible n'est pas la même que le Fisac qui accordait 64 % de ses subventions à des opérations rurales ! La situation est d'autant plus préoccupante que de nombreuses communes rurales ont vu leurs dotations baisser du fait de la recomposition de la carte intercommunale.
L'effort demandé aux administrations de la mission est important : 262 postes seront supprimés en 2020. La Direction générale des entreprises (DGE) est la plus touchée : elle perdra 123 équivalents temps plein (ETP) en 2020, soit 9 % des effectifs, et le réseau des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) continueront à se restreindre pour céder toujours plus de place aux régions. La rationalisation du réseau à l'étranger de la direction générale du Trésor se poursuivra, avec la suppression de 40 ETP en 2020 ; entre 2009 et 2018, l'effectif de nos services économiques à l'étranger est ainsi passé de 1 339 à 622 agents, soit une baisse de 54 %. En revanche, les effectifs de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) seront préservés en 2020 pour assurer ses missions en matière de sécurité sanitaire.
Le programme 343 consacré au plan France Très haut débit porte la participation de l'État, d'un montant total de 3,3 milliards d'euros, afin d'assurer la couverture de 100 % du territoire d'ici à la fin de l'année 2022. Sur le plan budgétaire, les crédits sont là, l'échéancier suit son cours, et 440 millions d'euros de CP sont prévus pour 2020. En revanche, sur le terrain, les choses sont plus complexes : seuls 36 % des locaux situés dans les zones les moins denses sont à ce jour éligibles à la fibre optique, contre 85 % des locaux dans les zones très denses, plus rentables ; les causes de ces retards concernent toutes les phases des projets : constitution du dossier et sécurisation des financements, instruction par les services de l'État, phase d'études trop longue, pénurie de fibre optique et, surtout, difficultés de pilotage dans les collectivités. À court terme, la possibilité d'obtenir de la part des opérateurs des engagements contraignants, y compris dans la zone d'initiative publique, doit être saluée et il faut maintenant veiller à ce que les promesses soient tenues. Priorité doit être donnée à la couverture d'un maximum de locaux, plutôt qu'au déploiement de la technologie la plus performante ; à cet égard, je tiens à saluer la création en 2019 d'un guichet cohésion numérique doté de 150 millions d'euros pour financer des technologies alternatives dans les zones où la fibre optique ne peut être déployée. Il conviendra toutefois d'être très vigilant : cette solution transitoire est louable dans l'immédiat, mais ne doit pas compromettre l'objectif de raccordement à la fibre optique de l'ensemble du territoire après 2022. L'objectif de rendre accessible la fibre à l'ensemble du territoire en 2025 est un objectif réaliste qui doit être poursuivi.
Il est toujours plus facile d'être procureur... Cela fait cinq ans que je rapporte ce budget et je déplore la vision des gouvernements successifs sur les TPE-PME, le maintien de l'activité économique dans les territoires et le manque de politique stratégique en la matière. Gardons à l'esprit que la perte d'une usine de 30 emplois dans une ville de 3 000 habitants c'est aussi grave que la disparition de 3 000 emplois sur un bassin de 300 000 personnes ! Sur le soutien aux TPE-PME, ce Gouvernement n'est pas meilleur que ses prédécesseurs. Il conserve une vision centralisée et technocratique qui aboutit à concentrer les emplois dans les centres urbains au détriment de l'ensemble des territoires.
Les fonds attribués aux chambres de commerce et d'industrie (CCI) poursuivent leur diminution : d'après la trajectoire définie par le Gouvernement, 1 milliard d'euros de recettes affectées aura été supprimé dans les budgets des CCI entre 2013 et 2023 ! Le système était peut-être obèse, mais nous atteignons aujourd'hui le seuil minimal de viabilité. Il est indispensable de redéfinir les fonctions des CCI sur les territoires, car on ne gère bien que de près, et il faut maintenir le soutien de proximité aux TPE et PME dans les territoires ; or les chefs-lieux des régions sont souvent trop éloignés et le risque de privilégier les grandes métropoles est réel.
Nous avons été alertés par un référé de la Cour des comptes sur la situation de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) qui est un opérateur indispensable de la recherche et de l'innovation en France. Un nouveau directeur a été nommé et devrait remettre l'institut sur de bons rails. Je m'étonne que les entreprises françaises qui bénéficient du crédit d'impôt recherche puissent déposer leurs brevets ailleurs qu'à l'INPI.
L'obligation de déposer les brevets en France pourrait être contraire au droit européen !
Il est en tout cas nécessaire d'assurer un suivi du nombre de brevets déposés par les principaux bénéficiaires du crédit impôt recherche. De plus, il faudrait faire de l'INPI un institut de la propriété industrielle aussi attractif que certains de ses homologues européens.
Dans le budget pour 2020, la ligne budgétaire qui permettait à BpiFrance de financer des garanties d'emprunt au profit des entreprises a totalement disparu, le financement par recyclage de dividendes ne permet pourtant pas de garantir des ressources stables à cette mission. Nos collègues députés ont adopté un amendement afin de recréer cette ligne et la doter de 10 000 euros.
Le bilan de Business France est très positif. Mais les PME françaises exportatrices demeurent trois fois moins nombreuses que leurs consoeurs allemandes. La France a une stratégie axée sur les grandes entreprises, et il est nécessaire de renforcer le soutien aux TPE-PME.
Sur le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », le Gouvernement a présenté un amendement à l'Assemblée nationale créant un nouveau programme destiné aux prêts octroyés dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (PIA), doté de 200 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 100 millions d'euros en crédits de paiement. En 2020, cette opération permettra d'octroyer un prêt de 200 millions d'euros à la société Soitec, dont 100 millions d'euros seront débloqués dès 2020. Ce prêt permettra à l'entreprise de maintenir en France son activité de production de semi-conducteurs. L'intervention de l'État était nécessaire car il s'agit d'une question de souveraineté. De plus la création d'un programme sur la CCF est neutre du point de vue budgétaire.
Un article additionnel rattaché à la mission « Économie », adopté par l'Assemblée nationale sur amendement de notre collègue député Buon Tan, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, prévoit la remise d'un rapport au Parlement avant le 31 mars 2020, sur la gestion et l'évolution des garanties publiques à l'export. Cette disposition me semble importante et nous vous recommandons d'adopter cet article.
Un autre article additionnel, rattaché au compte de concours financier, procède à une modification des règles de gestion des prêts octroyés dans le cadre du PIA. S'agissant d'une mesure de coordination technique, nous vous recommandons également d'adopter également cet article.
On nous avait annoncé une grande année de l'industrie et le lancement de la réindustrialisation des territoires. Or, au vu du projet de loi de finances pour 2020, la politique industrielle est la grande absente de la politique économique et fiscale du Gouvernement.
Les acteurs industriels ont pourtant, plus que jamais, besoin de politiques publiques pour soutenir leurs efforts.
Ils ont d'abord besoin de stabilité normative : par exemple, s'il l'on souhaite qu'il soit efficace, le suramortissement pour l'investissement dans la robotique et la numérisation doit être inscrit dans la durée. Ils ont aussi besoin d'accompagnement ; or les Dirrecte ont perdu les trois quarts de leurs effectifs en deux ans et le programme Territoires d'industrie risque de rester une coquille vide faute de budget dédié et d'accompagnement. Par ailleurs, le PIA 3 est aujourd'hui insuffisamment axé sur l'industrialisation ; à ce titre, je me félicite que le Gouvernement et l'Assemblée nationale aient, enfin, reconnu l'apport pour les TPE et PME des centres techniques industriels (CTI) et de leur financement par taxe affecté, soulignés de longue date par le Sénat. Enfin, ils ont besoin de financement, notamment les petites entreprises et celles des secteurs les plus concurrentiels, souvent dédaignées par le secteur bancaire ; je regrette que ce budget prévoie la fin des garanties accordées par BpiFrance qui bénéficiaient pourtant à 90 % à des PME.
L'industrie n'est pas un sujet partisan, c'est le socle d'une nation. Nous avons devant nous un défi colossal de transformation de notre outil productif : l'industrie 4.0 et la transition écologique et énergétique. Or ce budget l'oublie totalement. L'industrie représente pourtant un quart de la consommation énergétique en France, un tiers de la consommation française d'électricité et à elle seule 20 % des émissions de gaz à effet de serre de l'Union européenne. Les entreprises industrielles doivent être accompagnées dans cette transition, sous peine de désindustrialisation massive. Je pense notamment à la fin du plastique à usage unique ou au diesel. Les industriels se sentent seuls et ont besoin que nous les soutenions face au mur d'investissement qu'exige la transition environnementale.
Sur tous ces points, ce budget est loin du compte : la mission « Économie » est sous-dimensionnée, le PIA est encore trop opaque et élitiste et l'outil fiscal trop peu mobilisé. Nous proposerons des amendements pour donner plus d'ambition à ce budget.
Mon propos sera essentiellement centré sur les crédits de la mission « Économie » alloués au développement des PME-TPE, au commerce et à l'artisanat. Les crédits de cette mission sont éparpillés sur de nombreuses actions pour de petites sommes, ce qui ne favorise pas la lisibilité de la politique menée : par exemple, dans le programme 134, les crédits de soutien au service public postal de la presse et ceux de l'autorité de la concurrence sont mêlés ; de même pour les fonds alloués à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes (Arcep) et ceux liés à la compensation carbone. Les crédits de paiement de la mission « Économie » semblent augmenter de 20 %, de 1,9 à 2,3 milliards d'euros, entre 2019 et 2020. Or, cette hausse n'est en réalité due qu'à la forte augmentation de la compensation carbone, qui gagne 173 millions d'euros, et à la montée en puissance du plan France Très haut débit. Sans eux, les crédits de la mission auraient baissé de 3,3 % !
En matière de commerce et d'artisanat, les orientations de ce budget sont contradictoires. Premièrement, l'État poursuit sa logique d'extinction du Fisac au motif que les régions ont désormais la compétence économique. Or, les acteurs de terrain considèrent que la région est parfois trop éloignée de la vie quotidienne de ces petites entreprises et que son action ne saurait remplacer celle du Fisac. Cette disparition est d'autant plus préjudiciable que 4 000 communes rurales sortiront du dispositif des zones de revitalisation rurale (ZRR) au 1er juillet 2020, comme l'ont souligné nos collègues Frédérique Espagnac, Rémy Pointereau et Bernard Delcros dans un récent rapport.
Deuxièmement, le Gouvernement semble persister dans sa volonté de réduire drastiquement les fonds des CCI. Ils sont pourtant utiles : durant la crise des « gilets jaunes », les CCI ont accompagné les PME de nos centres-villes. Certes, le budget pour 2020 ne prévoit pas de nouvelle baisse des fonds, puisque celui pour 2019 avait déjà acté une diminution annuelle de 100 millions d'euros en 2019 et 2020. Mais la promesse du Gouvernement d'une clause de revoyure sur la trajectoire des finances des CCI n'est pas non plus formalisée. Or, il est de notoriété publique que le Gouvernement envisage encore 200 millions d'euros de baisse d'ici à l'année 2022. Il me paraît nécessaire de sécuriser cette clause de revoyure et de la formaliser dans la loi.
Troisièmement, les collectivités vont désormais pouvoir exonérer certains commerces en milieu rural de la taxe foncière, de la cotisation foncière des entreprises et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Cette mesure va dans le bon sens, mais elle semble en l'état peu susceptible d'avoir des effets : les finances locales ne sont guère florissantes et aucune compensation n'est prévue à ce jour. À tout le moins, il conviendrait de prévoir une compensation partielle, en contrepartie du désengagement de l'État du Fisac et des CCI, deux soutiens traditionnels à ces zones rurales et aux TPE-PME.
Je partage tout à fait l'analyse des rapporteurs spéciaux sur l'absence de vision stratégique de l'État en faveur des TPE, des PME, du commerce et de l'artisanat. Je partage également votre souci d'être attentifs aux effets d'échelle, ce qui peut paraître dérisoire vu de loin peut être déterminant à l'échelle d'un territoire rural. Enfin, avec de petites sommes, le Fisac permettait de générer d'importants effets de levier, y compris sur les fonds européens. Nous devons absolument bâtir une politique stratégique de soutien à nos territoires.
Je me préoccupe surtout des chambres de commerce et d'industrie. Un effort significatif leur a été demandé ces dernières années : la baisse de leurs ressources fiscales a entraîné des restructurations. L'inquiétude demeure quant à la poursuite programmée de cette baisse jusqu'en 2023, qui va réduire leurs moyens d'action. Or l'action des CCI est particulièrement importante dans les territoires ruraux, où il n'existe pas, à la différence des métropoles, d'écosystème capable d'accompagner les entrepreneurs. Le fait de recentrer la perception et la répartition de cette ressource à l'échelle nationale ne risque-t-il pas d'entraîner l'hypertrophie d'une structure nationale au détriment des régions ? Par ailleurs, la baisse de la taxe affectée aux CCI est-elle réellement ressentie par les entreprises ? L'État ne récupère-t-il pas la différence par un effet de plafond ?
Quant aux CTI, je partage l'avis de Martial Bourquin : il est important que les différentes filières professionnelles puissent garder de tels centres. Des conventions d'objectifs ont-elles bien été établies par l'État avec toutes les filières ? Sont-elles de nature à doter les CTI de moyens adaptés à leurs besoins ?
Je suis très attaché aux dispositifs fiscaux issus du programme des zones de revitalisation rurale ; l'État doit les faire perdurer. Quant aux aides du Fisac, dont l'obtention nécessite des démarches très lourdes, ne serait-il pas opportun de les adjoindre à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ?
Il est également préoccupant que BpiFrance ne puisse plus garantir les prêts de certaines petites entreprises, notamment dans le domaine du numérique. Il est important que nous défendions un amendement au sein du programme 134 visant à permettre que ce dispositif perdure. Trouve-t-on quelque chose dans le projet de loi de finances au sujet des retards de paiements dus par l'État ou ses établissements aux PME ? L'État et, notamment, les hôpitaux sont de très mauvais payeurs ! Il faut éviter que l'État fasse peser des contraintes sur la trésorerie de nos PME.
Concernant le programme 869, relatif au financement de la liaison CDG Express, le préfet de région a mené une mission sur la possibilité de concilier les calendriers de ce chantier et de la rénovation du RER B. Mme Borne, alors ministre des transports, a choisi à la suite de cette mission de privilégier le RER et de retarder la mise en oeuvre de CDG Express. Or je ne vois pas la concrétisation de cette décision dans le projet de loi de finances ; les crédits de paiement affectés à ce projet ne sont pas modifiés. Un amendement aurait été adopté sur ce point à l'Assemblée nationale. Qu'en est-il ?
- Présidence de Mme Christine Lavarde, vice-présidente -
Les crédits apparaissent faibles au regard de l'importance de la mission. Les entreprises font vivre nos territoires et reçoivent peu en retour. Les chambres de métiers et de l'artisanat relèvent-elles de cette mission ? Beaucoup de textes législatifs ont été récemment adoptés qui affectent les entreprises. Celles-ci ont toujours plus de mal à s'y retrouver. Tout le monde veut agir pour le développement économique : l'État, l'Union européenne, les régions, les intercommunalités et les agences de développement économique. Les compétences s'enchevêtrent. Que peut-on faire pour simplifier tout cela ?
Concernant l'INPI, la loi Pacte opère une refonte du système français des brevets de manière à ce que les entreprises puissent plus aisément protéger leurs créations et innovations. Les répercussions de ce changement sont-elles déjà visibles ?
Nos rapporteurs spéciaux dressent un constat accablant : effondrement des moyens humains et financiers, désengagement collectif du bien commun économique. Comment interpeller l'État dans un système économique libéral ? Quelle place, quel rôle donne-t-on à l'État, aux côtés des régions ? Il y a un réel risque d'accentuation des déséquilibres régionaux si la compétence économique est laissée aux seules régions, sans outils d'ajustement.
Ce que vous exposez dans ce rapport est symptomatique de ce qui se passe en France : concentration des décisions et non-respect de la parole publique. Un ministre s'était engagé, par écrit, à consulter les CCI avant toute nouvelle baisse des ressources des CCI ! Comment faire confiance à l'État si celui-ci ne respecte pas, d'une année sur l'autre, la parole donnée ? Il n'y a pas de politique stratégique de développement des TPE et PME. Comment voulez-vous qu'elles exportent si l'État n'est pas un partenaire fiable ? Les normes changent sans arrêt ! Alors, que faire pour que cela change ?
Confier à la région toutes les compétences en matière de développement économique me paraît une erreur. Le Val-d'Oise dispose de la plus ancienne agence de développement économique d'Île-de-France, le Comité d'expansion économique du Val-d'Oise (Ceevo). Depuis des décennies, cette agence tisse des liens avec la Chine et le Japon. Ce capital immatériel disparaîtra si tout passe à la région. On appauvrit le tissu local par l'hyperconcentration, sans y gagner en efficacité.
Les crédits consacrés au déploiement du numérique ne seraient pas entièrement consommés. Est-ce vrai ? Si oui, pourquoi ?
Dans nos petites communes rurales, les commerces saisonniers sont moins imposés que ceux qui sont ouverts toute l'année : ne pourrait-on pas rééquilibrer cette situation fiscale qui me semble inéquitable ?
Je déplore l'absence de stratégie globale et ne suis pas un partisan d'une régionalisation excessive. Les compétences se superposent sans répondre aux besoins des territoires. On le voit par exemple avec les difficultés rencontrées pour construire ou agrandir une usine à quelques kilomètres d'une agglomération. Mais c'est nous qui votons les lois et qui imposons ces contraintes ! Nous avons besoin d'un plan Marshall sur les territoires.
En réponse à Vincent Capo-Canellas, le prêt a été signé en décembre 2018, les échéances n'en sont pas remises en cause, mais nous devrons rester vigilants.
Si aucune stratégie n'est élaborée, nous allons vers la disparition des CCI territorialisées. Les écoles supérieures de commerce, dont beaucoup sont financées par les CCI, risquent d'augmenter leurs droits d'inscription, voire de disparaître : si nous ne voulons pas organiser la désertification de nos territoires, il faut engager une véritable stratégie qui nécessitera la mobilisation de moyens. Si nous n'obtenons pas de clause de revoyure sur les 400 millions d'euros, les CCI sont condamnées à mort.
L'an dernier au Sénat, la ministre s'était engagée à réfléchir à un dispositif financier en remplacement du Fisac ; or rien n'est venu. La suppression du Fisac, la disparition progressive des exonérations fiscales - mise en lumière dans notre récent rapport sur les ZRR - et la fin des garanties accordées par BpiFrance sont une véritable catastrophe pour nos territoires ruraux et périurbains. L'absence de crédits dédiés pour le programme Territoires d'industrie risque de se payer chèrement en termes d'emplois, de maintien des commerces et de transmission d'entreprises.
Que pouvons-nous proposer pour sauver les CCI ? N'y aurait-il pas un amendement à déposer ?
Il est trop tôt pour faire le bilan de la loi Pacte pour l'INPI.
Les crédits consacrés au déploiement du numérique n'ont pas été entièrement consommés, mais ont été redéployés pour financer le guichet cohésion numérique.
Nous ne vous proposons pas de rejeter les crédits de la mission « Économie », car certains d'entre eux sont indispensables. Remettons-nous-en à la sagesse du Sénat car les enjeux auxquels nous sommes confrontés vont bien au-delà de la seule mission « Économie » : le financement des CCI relève de l'article 15 du présent projet de loi de finances et le soutien aux garanties Bpifrance relève de recyclage de dividendes qui ne sont pas retracés dans la mission.
Nous exigerons ainsi une clause de revoyure sur les montants soustraits aux budgets des CCI et demanderons l'augmentation des moyens alloués aux garanties d'emprunt de BpiFrance. Nous n'excluons pas de déposer des amendements en ce sens.
Notre avis sur les crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » est favorable.