Intervention de Frédérique Espagnac

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 6 novembre 2019 à 8h35
Projet de loi de finances pour 2020 — Mission « économie » et compte de concours financiers ccf « prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » - examen du rapport spécial

Photo de Frédérique EspagnacFrédérique Espagnac, rapporteure spéciale des crédits budgétaires de la mission « Économie » et du compte de concours financiers (CCF) « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » :

La mission « Économie » porte un ensemble de dispositifs en faveur des entreprises - notamment des petites et moyennes entreprises (PME) dans les secteurs de l'artisanat, du commerce et de l'industrie -, les crédits des administrations, autorités administratives indépendantes et opérateurs chargés de la mise en oeuvre de ces politiques, ainsi que les crédits de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et des services économiques du Trésor à l'étranger.

Les crédits demandés pour la mission « Économie » - hors programme 343, « Plan France Très haut débit » - en 2020 affichent une hausse de 5,58 % en autorisations d'engagement (AE) et de 6,14 % en crédits de paiement (CP) par rapport à la loi de finances initiale pour 2019. Cette évolution s'explique principalement par la très nette augmentation des crédits consacrés au dispositif de compensation carbone des sites électro-intensifs - +173 millions d'euros, soit une hausse de 160 %, pour 280 sites industriels. En dehors de cette mesure, les moyens des trois programmes permanents de la mission sont globalement en baisse.

La plus grande partie de l'effort repose sur les différents dispositifs de soutien à l'activité des entreprises. Entre 2014 et 2020, le montant total de ces dispositifs a été considérablement réduit, passant de 234 millions d'euros en 2014 à 68 millions d'euros en 2020, soit une baisse de 71 %. Cette diminution est considérable et peu acceptable. Elle correspond à un mouvement de rationalisation progressive des instruments de soutien de l'État aux TPE et aux PME. Cette rationalisation se résume trop souvent à des coups de rabots successifs, cela ne fait pas une politique !

L'État se désengage progressivement en matière de soutien aux petites entreprises, aux commerçants et aux artisans, au motif que désormais ce sont les collectivités, et particulièrement les régions, qui doivent remplir ce rôle. L'évolution du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) est parlante de ce point de vue : après avoir vu sa dotation passer de 78 millions d'euros en 2010 à seulement 16 millions d'euros en 2018, et le nombre d'opérations financées d'environ un millier à seulement 114, le Fisac a été placé en gestion extinctive à partir de cette année. En clair, il a été supprimé avec toutefois 2,8 millions d'euros de CP résiduels pour 2020 pour financer les dernières opérations. En réponse à nos protestations, le Gouvernement a invoqué le programme « Action coeur de ville », mais celui-ci ne s'adresse qu'à 222 villes moyennes qui sont essentiellement des villes préfectures ou sous-préfectures: la cible n'est pas la même que le Fisac qui accordait 64 % de ses subventions à des opérations rurales ! La situation est d'autant plus préoccupante que de nombreuses communes rurales ont vu leurs dotations baisser du fait de la recomposition de la carte intercommunale.

L'effort demandé aux administrations de la mission est important : 262 postes seront supprimés en 2020. La Direction générale des entreprises (DGE) est la plus touchée : elle perdra 123 équivalents temps plein (ETP) en 2020, soit 9 % des effectifs, et le réseau des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) continueront à se restreindre pour céder toujours plus de place aux régions. La rationalisation du réseau à l'étranger de la direction générale du Trésor se poursuivra, avec la suppression de 40 ETP en 2020 ; entre 2009 et 2018, l'effectif de nos services économiques à l'étranger est ainsi passé de 1 339 à 622 agents, soit une baisse de 54 %. En revanche, les effectifs de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) seront préservés en 2020 pour assurer ses missions en matière de sécurité sanitaire.

Le programme 343 consacré au plan France Très haut débit porte la participation de l'État, d'un montant total de 3,3 milliards d'euros, afin d'assurer la couverture de 100 % du territoire d'ici à la fin de l'année 2022. Sur le plan budgétaire, les crédits sont là, l'échéancier suit son cours, et 440 millions d'euros de CP sont prévus pour 2020. En revanche, sur le terrain, les choses sont plus complexes : seuls 36 % des locaux situés dans les zones les moins denses sont à ce jour éligibles à la fibre optique, contre 85 % des locaux dans les zones très denses, plus rentables ; les causes de ces retards concernent toutes les phases des projets : constitution du dossier et sécurisation des financements, instruction par les services de l'État, phase d'études trop longue, pénurie de fibre optique et, surtout, difficultés de pilotage dans les collectivités. À court terme, la possibilité d'obtenir de la part des opérateurs des engagements contraignants, y compris dans la zone d'initiative publique, doit être saluée et il faut maintenant veiller à ce que les promesses soient tenues. Priorité doit être donnée à la couverture d'un maximum de locaux, plutôt qu'au déploiement de la technologie la plus performante ; à cet égard, je tiens à saluer la création en 2019 d'un guichet cohésion numérique doté de 150 millions d'euros pour financer des technologies alternatives dans les zones où la fibre optique ne peut être déployée. Il conviendra toutefois d'être très vigilant : cette solution transitoire est louable dans l'immédiat, mais ne doit pas compromettre l'objectif de raccordement à la fibre optique de l'ensemble du territoire après 2022. L'objectif de rendre accessible la fibre à l'ensemble du territoire en 2025 est un objectif réaliste qui doit être poursuivi.

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