Ce projet de budget est conforme à la loi de programmation militaire (LPM) : il progresse de 1,7 milliard d'euros en crédits de paiement, à quelques ajustements près.
Les principales évolutions viennent de la contractualisation de nombreuses opérations d'armement, comme le système de combat aérien du futur (SCAF), inscrit pour 1,4 milliard d'euros en autorisations d'engagement, ou la poursuite de la modernisation de la dissuasion avec 3,8 milliards d'euros de crédits dédiés.
La diminution des crédits du programme 212 « Soutien de la politique de défense » s'explique par la mise en oeuvre d'une nouvelle organisation budgétaire qui se traduit par le transfert au programme 146 « Équipement des forces » des crédits des programmes majeurs d'infrastructure adossés aux programmes d'armement et au programme 178 « Préparation et emploi des forces » des crédits destinés aux infrastructures à caractère opérationnel.
D'un strict point de vue budgétaire, nous ne pouvons que nous féliciter du respect de la programmation. Pour autant, ce budget répond-il aux besoins des armées ?
Quelques points de vigilance méritent d'être soulignés.
Les autorisations d'engagement de la mission connaîtront une progression très significative de près de 20 %, soit une hausse de 10,9 milliards d'euros par rapport à 2018. Cette forte progression est une bonne nouvelle. Toutefois, comme nous avions eu l'occasion de le souligner, elle illustre la fragilité de la LPM qui renvoie à une prochaine mandature, c'est-à-dire après 2022, la progression la plus importante des crédits de paiement et donc le financement de décisions prises sous celle-ci. Nous aurions préféré une montée en puissance plus linéaire. Il s'ensuit que le ratio de couverture des autorisations d'engagement par les crédits de paiement se dégrade de dix points entre 2019 et 2020, passant de 0,81 à 0,71.
Par ailleurs, la question de la remontée en puissance des effectifs sous le double effet des difficultés de recrutement et de la fidélisation des personnels reste une préoccupation. La mise en place d'une nouvelle politique de rémunération et d'une réforme du ministère pour améliorer la productivité n'épuise pas le sujet.
La mise en oeuvre, en 2019, de la prime de lien au service (PLS), abondée à hauteur de 12 millions d'euros en 2020, constitue une innovation bienvenue, spécifiquement créée pour faire face à ces difficultés, même si les premiers résultats semblent contrastés en fonction des spécialités. La question de la fidélisation doit inévitablement être replacée dans le contexte plus large de l'amélioration générale de la condition militaire. La revalorisation indiciaire, comme la réforme du système de retraite, est devant nous.
Le maintien en condition opérationnelle (MCO) demeure également un sujet, malgré la réforme de la direction de la maintenance aéronautique (DMAé) et la mise en place de contrats dits « verticalisés ». La baisse des crédits de l'entretien programmé au profit de la régénération, avec l'arrivée de nouveaux matériels, fragilise la situation : tout retard de livraison ou toute intervention rendue nécessaire et non programmée se traduira par une détérioration du MCO.
Je voudrais également exprimer une inquiétude sur la fin de gestion. Nous arrivons à un paradoxe : sous le précédent gouvernement, nous avions une loi de finances initiale totalement insincère avec, entre autres, une sous-provision des opérations extérieures (OPEX). Ces errements étaient corrigés en fin de gestion via la solidarité interministérielle. Désormais, nous avons une loi de finances apparemment sincère avec une meilleure prise en compte des OPEX, mais une fin de gestion qui affecte l'exécution en laissant au ministère des armées le soin de prendre sur sa substance le surcoût des OPEX, en totale contradiction avec l'article 4 de la LPM, et en retardant le dégel des crédits d'investissement au risque de ne pas permettre leur engagement.
Je vous proposerai donc, malgré un sentiment général favorable, de réserver notre vote sur ce budget en fonction des annonces que doit faire le Gouvernement sur la fin de gestion. L'impasse s'élève tout de même à 600 millions d'euros, dont la moitié pour les OPEX et le reste au titre des gels. Certains nous expliqueront que cela ne représente que six jours de fonctionnement... Mais, comme me le faisait remarquer un haut gradé, encore faudrait-il nous dire quels sont les jours supprimés et à quel endroit !