Y a-t-il une politique immobilière des armées ? Certainement pas. Y en a-t-il une de l'État ? J'en doute. L'évolution du discours à propos du Val-de-Grâce me semble assez emblématique de cette absence de politique.
Il y a trois ans était annoncée la vente de l'îlot Saint-Germain et du Val-de-Grâce. L'îlot a bien été vendu - je vous renvoie à mon rapport - et le ministère de la défense peut disposer de ces fonds. Nous avons été nombreux ici, comme à la commission des affaires étrangères, à souligner combien il serait important de conserver au moins un site à Paris pour héberger les militaires. On nous a alors opposé l'équilibre du budget de la défense. Lors de son audition, la semaine dernière, Mme Saurat n'a pas parlé de vente du Val-de-Grâce. Nous en avons besoin pour héberger, dans de mauvaises conditions, les militaires concernés. La décision finale est donc renvoyée à la fin des jeux Olympiques : l'État n'a plus de projet. Roger Karoutchi a raison, il est temps de prendre position. Il n'y a rien d'infamant à reconnaitre que l'on s'est trompé. Il devient urgent de réaliser les travaux nécessaires pour héberger nos militaires.
Antoine Lefèvre, les personnels du service de santé des armées bénéficieront de la prime de lien au service. Cela sera-t-il suffisant ? Je crains que non. On ne pourra échapper, à un moment ou à un autre, à la question de la revalorisation indiciaire pour un certain nombre de métiers en tension.
En ce qui concerne les retraites des militaires, pour répondre à Sylvie Vermeillet, le président de la République a déclaré qu'elles feraient l'objet d'un traitement particulier dont on ignore encore tout, ce qui ne cesse d'alimenter les inquiétudes. Il s'agit pourtant d'une situation doublement particulière : on a tendance à assimiler les militaires à la fonction publique, alors que plus de la moitié d'entre eux sont des contractuels. De plus, on ne peut à la fois vouloir une armée jeune et professionnelle et ne pas permettre à ceux qui ne sont plus tout à fait jeunes ni en état d'exercer leur métier de bénéficier, sinon d'une retraite, du moins d'un salaire différé lié à l'engagement demandé durant les vingt meilleures années de leur vie. Sans vouloir tomber dans la spécificité d'une profession que j'aime et que je défends, il me semble que la question de la retraite des militaires est directement liée à celle de notre souveraineté nationale et de notre capacité à disposer d'une armée de métier opérationnelle.
Beaucoup d'entre vous ont évoqué la question de l'amélioration du MCO. Les effets des politiques engagées se font attendre, mais il est vrai qu'il est difficile de rattraper autant de retard. Faut-il s'inquiéter de la diminution des crédits fléchés pour l'entretien programmé du matériel ? En 2015, il s'agissait d'un pic et donc d'une situation exceptionnelle. Les livraisons de matériels neufs doivent être plus fréquentes pour faire baisser nos besoins d'entretien programmé. Si ces livraisons prennent du retard, il faudra faire davantage appel à du matériel usagé que nous ne pourrons plus entretenir. Préférer le matériel neuf peut sembler de bonne gestion budgétaire, mais encore faut-il bien tenir compte de l'intensité de nos engagements et de la situation extrêmement fragile dans laquelle nous sommes. Il s'agit d'un point d'inquiétude réel.
En ce qui concerne le SNU, 30 millions d'euros ont été ajoutés aux crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Le ministère des armées pourra-t-il se faire rembourser les frais engagés ? J'ai posé la question ; la réponse m'a laissé perplexe. Le sujet ne se posera vraiment qu'en 2021.
Les prévisions ne sont pas trop mauvaises sur le A400M, non plus que sur les hélicoptères. Pour ce qui est du A400M, les difficultés sont de deux natures : lorsqu'un projet industriel réunit quatre pays ayant chacun des entreprises différentes, il faut prendre garde à ce qu'elles ne se renvoient pas les responsabilités en cas de difficulté lors de l'assemblage. C'est la raison pour laquelle il peut être pertinent de recourir à des contrats verticalisés. Le taux de disponibilité de l'A400M, de l'ordre de 50 %, n'est pas bon et doit s'améliorer. Les « liasses » que je mentionnais sont en fait des modes d'emploi. Airbus a tendance à ne pas les livrer pour justifier le fait qu'elle seule peut entretenir ce matériel. On pourrait le comprendre s'il s'agissait d'un produit totalement nouveau, encore en phase de mise au point, mais, en l'occurrence, il est indispensable que la direction de la maintenance aéronautique puisse disposer désormais de ces documents nécessaires à l'entretien.
Marc Laménie, le nombre de militaires susceptibles d'être mobilisées dans le cadre de l'opération Sentinelle s'élève à 10 000. En ce qui concerne notre capacité de recrutement, nous parvenons à recruter à peu près le nombre de personnes souhaité, mais beaucoup de jeunes ne terminent pas leur formation ou quittent l'armée très vite après leur formation. D'où la prime de lien au service pour tenter de fidéliser les recrues.
Je vous rassure, ce budget comporte bien les crédits du plan famille. Le taux d'activité des personnels navigants figure dans mon rapport ; il est évidemment étroitement lié au taux de maintien en condition opérationnelle des appareils, car il est difficile de s'entraîner si l'on ne dispose pas d'appareil en état de voler !
Le programme Louvois est mort, remplacé par Source Solde, dont les premiers essais dans la marine nationale semblent bien se passer.
Emmanuel Capus, vous m'avez interrogé sur la situation internationale. Elle est complexe. La Turquie fait partie de l'OTAN, mais on ne peut pas vraiment dire qu'elle agisse comme un allié. La Russie est sur place et sert de médiateur tandis que les États-Unis se retirent. Pendant ce temps, on tient de beaux discours sur l'Europe de la défense, mais cela n'a pas grand sens, car seules la France et la Grande-Bretagne disposent d'armées de projection et les règles d'engagement des autres pays européens ne sont pas les mêmes que les nôtres. Le président de la République est le seul dirigeant à pouvoir engager ses troupes sans demander l'autorisation de son Parlement. Dès lors, une coopération opérationnelle semble difficile à envisager. On peut envisager, en revanche, une coopération industrielle. Encore faudrait-il toutefois que nos partenaires veuillent bien acheter du matériel européen, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. L'Allemagne semble prête à travailler avec nous, d'autant plus si ses industries fabriquent les matériels que nous lui achèterons...