Intervention de Jean Arthuis

Réunion du 16 juillet 2009 à 15h00
Orientation des finances publiques pour 2010 — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Jean ArthuisJean Arthuis, président de la commission des finances :

Plus on repousse cette heure, plus les décisions seront difficiles à prendre.

C’est pourquoi j’ai la conviction qu’il convient, d’une manière ou d’une autre, de faire peser sur les dépenses du budget général le poids de l’amortissement du capital de la dette de l’État à raison, pourquoi pas ? de 2 % par an, c'est-à-dire l’amortissement de la dette en cinquante ans par tranche annuelle de 20 milliards d’euros.

Mes chers collègues, je citerai un exemple : la loi de finances rectificative pour 2007 a réglé le problème du service annexe de la dette de la SNCF. Le gouvernement précédent avait eu l’idée fantastique, pour désendetter la SNCF, de sortir une partie de la dette et de la placer dans un satellite n’apparaissant dans aucun compte public : de la pure magie !

L’État s’était engagé à verser chaque année une dotation dont le montant correspondait à l’annuité, capital plus intérêts, soit à peu près 677 millions d’euros.

En 2007, vous êtes chargé du dossier, monsieur le ministre, et vous prenez la décision qu’il fallait prendre, à savoir la reprise par l’État de la dette de la SNCF.

En 2008, bonne affaire, les intérêts sont repris, mais pas le capital. Autrement dit, sur les 677 millions d’euros de charges constatés en 2007, soit 400 millions d’euros au titre des intérêts et 277 millions d’euros au titre de l’amortissement du capital, on ne retrouve plus, en 2008, que les seuls intérêts !

C’est dire combien de tels procédés peuvent paraître anesthésiants et combien il est nécessaire de trouver, monsieur le ministre, les moyens de pratiquer une bonne pédagogie.

Avant de clore ce chapitre, il me faut vous remercier, monsieur le ministre, des engagements que vous avez pris hier en matière d’information du Parlement sur la politique de financement de l’État. Aujourd’hui, si le Parlement a conquis ses galons d’interlocuteur incontournable en matière de gestion budgétaire, il reste, convenons-en, un acteur plus marginal de la politique de financement de l’État.

La LOLF a posé les premiers jalons en prévoyant un vote sur le tableau de financement et sur la variation de la dette à plus d’un an. Mais quelle est la portée effective de ce vote ? Monsieur le ministre, j’ai consulté, sur le site internet de l’Agence France Trésor, la rubrique consacrée aux textes de référence. On y trouve une entrée « Loi organique relative aux lois de finances » qui fournit une liste des articles de la LOLF concernant l’Agence France Trésor, soit les articles 10, 19, 22, 25 et 26.

Curieusement, l’article 34, qui vise spécifiquement la première partie de la loi de finances initiale, avec l’autorisation des emprunts, et qui fixe le plafond de la variation de dette nette à plus d’un an, n’est pas mentionné. Est-ce un oubli ou un acte manqué ? Le rapporteur général, qui a lu Kundera, aurait peut-être parlé de plaisanterie !

Au-delà de l’anecdote, il faut remédier au déséquilibre institutionnel qui apparaîtrait s’il y avait durablement contradiction entre l’intérêt financier du pays, servi avec talent par l’Agence France Trésor et qui la conduit à privilégier le financement à moins d’un an, et la portée du vote de la représentation nationale, qui a trait à la variation nette de la dette à plus d’un an. Votre proposition, monsieur le ministre, va dans le bon sens, et nous tenons à vous en remercier.

Mes chers collègues, l’obsession de la lutte contre l’endettement n’est pas une lubie ou une tocade. Elle vient de la conscience aiguë qu’a la commission des finances des menaces que la dette fait peser sur notre modèle social en nous contraignant à sacrifier au service de la dette une part importante des dépenses de transfert, auxquelles les Français sont attachés, et une part tout aussi importante des dépenses d’investissement, si nécessaires à la préparation de notre avenir.

Lorsque le produit de l’impôt sur le revenu ne suffit plus à payer la charge de la dette, on ne peut que s’inquiéter de notre capacité financière à relever les défis qui sont devant nous.

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