Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, qui réalise le difficile exercice de concilier maîtrise des dépenses et financement des réformes prioritaires pour améliorer le niveau de santé des Français et la couverture des risques sociaux.
Je voudrais tout d’abord saluer le travail réalisé par les rapporteurs.
Cette année, le Gouvernement a fait le choix de faire porter sur les comptes sociaux, pour 2, 7 milliards d’euros, une partie des mesures d’urgence votées en décembre dernier en réponse à la grave crise sociale que traversait la France. Nous pouvons essayer de comprendre cette décision, dans le sens où il n’est pas souhaitable de mettre la France en porte-à-faux au regard de ses engagements européens.
Toutefois, le retour à l’équilibre des comptes est ainsi reporté de 2020 à 2023 et le déficit du régime général et du FSV est porté à 5, 4 milliards d’euros cette année, et 5, 1 milliards d’euros l’année prochaine. Les branches famille et accidents du travail restent les seules excédentaires.
L’Ondam – c’est-à-dire la branche maladie, dont la situation a été exposée par Mme Deroche – sera tenu cette année et l’année suivante, avec un objectif de croissance des dépenses limité à 2, 3 % en 2020, bien en deçà du rythme d’évolution structurelle – je reconnais toutefois que l’Ondam est plus élevé qu’avant votre arrivée, madame la ministre.
L’effort demandé sera particulièrement difficile à tenir pour la médecine de ville et la dépense hospitalière. Les urgences sont sous tension à l’hôpital et, depuis longtemps, l’hôpital est en difficulté d’investissement et de fonctionnement.
Je regrette la décision du Gouvernement de reconduire cette année la sous-revalorisation des prestations sociales à 0, 3 %, soit moins que l’inflation. Certes, les retraites inférieures à 2 000 euros seront épargnées, une mesure de justice sociale que notre groupe avait déjà proposée l’année dernière. Pour les familles, nous soutiendrons l’amendement d’Élisabeth Doineau.
Nous voyons aussi que la branche retraite se dégrade, et que cette tendance devrait s’amplifier dans les années à venir, comme l’indique le rapporteur René-Paul Savary.
Nous devons donc agir dès à présent, en proposant des solutions pour développer l’activité des seniors après 62 ans. Nous conservons cependant la même position que l’an dernier : sur ce sujet, il nous semble préférable de développer la concertation entre le Gouvernement et les syndicats pour parvenir à une solution durable, en dépit de l’urgence.
En dehors de ces trois points de clivage, le PLFSS pour 2020 contient des avancées majeures pour valoriser le travail, simplifier la vie des entreprises, renforcer la justice sociale, améliorer la couverture des risques et l’accès aux soins, réformer le financement du système de santé.
Tout d’abord, nous saluons la reconduction, l’an prochain, de l’exonération des charges sur le versement exceptionnel d’une prime pour le pouvoir d’achat, à l’article 7 du PLFSS. Si nous comprenons la volonté du Gouvernement d’utiliser ce dispositif pour promouvoir les accords d’intéressement, nous souhaitons toutefois que les petites entreprises soient dispensées de cette condition, la rédaction de cet accord pouvant constituer un obstacle au versement de la prime dans les très petites entreprises.
Le texte comporte ensuite d’importantes avancées en matière de justice sociale et d’accès à la santé, notamment la création d’une plateforme d’intermédiation du versement des pensions alimentaires, à l’article 48. C’est une avancée majeure pour les familles monoparentales victimes d’impayés.
Plusieurs mesures contribuent à lutter contre les inégalités d’accès à la santé et aux soins : l’accès à la complémentaire santé, le projet pour l’enfant, la création d’un droit à l’hébergement et la prise en charge du transport pour les femmes enceintes éloignées d’une maternité, la prise en charge des cotisations sociales pour les jeunes médecins qui s’installent en zone sous-dense pour une durée de deux ans – article 36 du texte. Je n’oublie pas non plus la création d’un congé indemnisé pour les proches aidants, à la suite de la proposition de loi de Jocelyne Guidez : c’est une attente forte de la société, et nous pensons d’ailleurs que la durée de trois mois, répartis sur l’ensemble de la carrière, est trop restrictive.
Nous saluons la création d’un fonds d’indemnisation pour les victimes de maladies professionnelles liées aux pesticides, ainsi que son extension aux riverains victimes de l’exposition, proposée par Gérard Dériot en sa qualité de rapporteur.
Nous sommes très favorables aux mesures prises par le Gouvernement et aux propositions de la commission des affaires sociales pour lutter contre la pénurie de médicaments, à l’article 34 du texte, en écho aux propositions de la mission d’information créée sur l’initiative de mon collègue Jean-Pierre Decool et le groupe Les Indépendants, tout comme à celles qui visent à combattre la fraude sociale à la carte Vitale.
Le Gouvernement souhaite accompagner la transformation des hôpitaux de proximité, madame la ministre. Dans certains cas, ces établissements devront offrir un système d’urgence, au moins de jour, car la distance peut être trop grande entre ces territoires isolés et les CHR.
Le Gouvernement souhaite également repenser et augmenter le financement de la psychiatrie. Cela est très attendu dans les territoires, pour les adultes, mais aussi pour les enfants. En effet, dans certains départements, il n’y a pas de lits de pédopsychiatrie, ce qui entraîne des difficultés énormes pour des enfants pris en charge par les centres départementaux de l’enfance (CDE) ou les maisons d’enfants à caractère social (MECS) présentant des troupes du comportement, qui épuisent les équipes de ces établissements. Une équipe mobile par département serait souhaitable.
Enfin, en matière de financement de la santé, nous sommes particulièrement sensibles à la situation des Ehpad, dont les besoins en personnels sont estimés par le rapport Libault à 80 000, comme l’a rappelé Bernard Bonne, pour un montant minimal de 1, 2 milliard d’euros, mais qui représente, selon nous, une charge réelle de 3, 2 milliards d’euros.
La dotation de 450 millions d’euros pour la période 2020-2021 accordée par le Gouvernement n’est pour nous qu’un début. Il y a 7 500 Ehpad en France, et ce montant ne permettrait de créer qu’un emploi et demi par établissement, trop peu pour améliorer la prise en charge effective de la dépendance. Il serait souhaitable également d’augmenter les moyens consacrés au maintien à domicile et à la formation des aides-soignantes et des infirmières.
Madame la ministre, nous regrettons la non-compensation des exonérations et la sous-revalorisation de certaines prestations. Toutefois, le PLFSS 2020 que vous proposez apporte incontestablement des avancées dans de nombreux domaines et nous souhaitons, comme vous, un retour à l’équilibre de la sécurité sociale en 2023. Malgré les difficultés, nous attendons un engagement nouveau, plus fort, du Gouvernement pour les urgences, les établissements hospitaliers et la dépendance.
Nous espérons que les débats au Sénat amélioreront ce texte.