Mon intervention porte sur le volet titre 2 du programme 212.
Pour 2020, ces crédits de titre 2 s'élèvent à 20,78 milliards d'euros, en diminution de 140 millions d'euros par rapport à 2019. Cette baisse vise à tenir compte de la sous-consommation récurrente des crédits de titre 2 ces dernières années (95 M€ en 2017, 155 M€ en 2018...), sans remettre en cause la cible d'effectifs définie par la loi de programmation militaire (LPM). En termes d'effectifs en effet, la remontée en puissance se poursuit, avec la création nette de 300 emplois équivalents temps plein (ETP), destinée à renforcer les domaines définis comme prioritaires dans la LPM : le renseignement, la cyberdéfense, la sécurité et protection des sites sensibles ... Ces créations nettes recouvrent, comme chaque année, des créations et des suppressions de postes. Ainsi 64 postes seront supprimés en 2020, dont 34 postes au Service des infrastructures de la défense (SID) et 30 postes dans le soutien interarmées.
Mise en lumière par les difficultés de consommation du titre 2, la question de l'attractivité est devenue le principal enjeu de la politique des ressources humaines et concentre tous les efforts. Face à un nombre de départs en hausse tendancielle, il s'agit en effet d'assurer chaque année un nombre croissant de recrutements (de l'ordre de 26 000 par an) et de fidéliser les personnels. Cela, dans le contexte d'une concurrence vive du secteur privé.
La question du recrutement est particulièrement vitale pour la Marine puisque celle-ci doit renouveler chaque année 10 % de ses effectifs. L'un des enjeux est de faire connaître à l'extérieur les métiers et les compétences recherchées car les personnes qui en sont dotées ne pensent pas spécialement qu'elles pourraient les exercer dans cette armée. Les difficultés concernent surtout les maîtres et quartiers maîtres. Pour améliorer le recrutement, la Marine multiplie les initiatives originales : mise en place de filières dans les lycées civils (création d'un BTS de mécatronique navale) ou avec les lycées agricoles (compte tenu du profil de pensionnaires de leurs élèves), partenariats avec des entreprises comme EDF ou AREVA pour recruter les élèves qu'elles forment en alternance à qui elles ne peuvent offrir de postes à l'issue de la formation..., jusqu'à la mise en place d'une plateforme de recrutement (« E-cirfa ») visant à informer et à démarcher des jeunes identifiés comme intéressés par la Marine... Une bonne nouvelle est l'amélioration des résultats en termes de recrutement de civils, grâce notamment au dispositif de recrutement dérogatoire de contractuels créé par la dernière LPM.
Pour améliorer l'attractivité et la fidélisation, plusieurs leviers sont mis en oeuvre. Le premier levier est budgétaire avec en 2020, un plan de mesures catégorielles de 124 millions d'euros, dont 27,6 millions d'euros de mesures nouvelles ciblées sur l'attractivité, pour financer des revalorisations pour les personnels civils, d'une part, la mise en place de la Prime de lien au service pour les militaires, d'autre part.
Utilisée depuis quelques mois (juin 2019), la Prime de lien au service (PLS) est un outil à la main des gestionnaires RH qui peuvent définir leur propre politique d'attribution, en fonction de leurs priorités. Ainsi, la Marine l'utilise principalement pour soutenir le recrutement dans les filières déficitaires alors les autres armées s'en servent surtout pour fidéliser des compétences et freiner les départs. La Prime de lien au service constituera l'un des outils de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM), chantier de réforme toujours en cours, dont la mise en oeuvre est attendue pour 2021.
Cependant, d'autres leviers sont utilisés. Il est ainsi de l'attention portée au parcours professionnel et à l'intérêt du métier. Dans la Marine, par exemple, un entretien de carrière est prévu dans chaque grade pour permettre d'entrevoir avec chaque marin ses possibilités d'évolution dans les 10 années suivantes. Des cursus individuels sont élaborés au sein des quatre grandes forces de la Marine (sous-marins, forces de surface, aéronautique et fusiliers commandos). Par ailleurs, une meilleure conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée est recherchée. Le plan dit « Familles » s'efforce par exemple d'atténuer l'impact de la mobilité géographique en prévoyant un préavis de 5 mois et en accompagnant le conjoint dans sa recherche d'emploi. Dans la Marine, la mise en place du double équipage sur certains bâtiments vise à permettre une meilleure prévisibilité des embarquements et donc une vie de famille plus stable. On doit aussi évoquer l'importance de la reconversion, politique dotée de 32 millions d'euros en 2020. En effet, la capacité des armées à reconvertir est de nature à rassurer les personnels sur leur avenir et à les inciter à embrasser, pour un temps plus ou moins long, une carrière militaire.
Même si toutes ces mesures n'ont pas forcément vocation à produire des effets de court terme, on espère que les résultats en termes de consommation du T2, seront meilleurs en 2019 et en 2020.
Un mot pour finir sur la mise en place du service national universel (SNU) et son impact sur le programme 212.
En 2019, l'expérimentation du SNU, conduite dans 13 départements au bénéfice de 2 000 jeunes volontaires, est censée n'avoir eu qu'un impact négligeable sur le programme 212. Au titre de la phase 1 (séjour de cohésion de deux semaines en internat), les armées ont été mises à contribution pour fournir de l'appui et du conseil auprès de la mission de préfiguration du SNU, pour aider au recrutement des cadres, pour former les directeurs de centres et les cadres de compagnie, enfin pour concevoir et animer le module consacré à la défense et à la mémoire nationale. Elles ont aussi contribué à la phase 2, qui correspond aux deux semaines de missions d'intérêt général. En effet, les jeunes qui choisiront la thématique « défense et sécurité » auront la possibilité d'effectuer l'équivalent d'une préparation militaire. En 2019, ce dispositif a été neutre pour les armées, le nombre de places proposées ayant été déduit du nombre de places offertes dans les préparations militaires (12 500). En 2019, l'effort pour les armées a été de l'ordre de 3 équivalents temps plein travaillés (ETPT), pour un coût de 500 000 euros (soit un total de 1 million d'euros en incluant les dépenses hors titre 2).
Pour 2020, avec l'extension de l'expérimentation à 20 000 (voire 30 000 jeunes selon les déclarations du secrétaire d'Etat Gabriel Attal), l'impact sur les effectifs des armées est évalué par l'Etat-major des armées (EMA) à une vingtaine d'ETPT. Si cet effort peut sembler raisonnable et que l'impact reste pour l'instant maîtrisé, il faut noter qu'aucun crédit supplémentaire n'est prévu pour le financer, en contradiction avec ce que prévoit la LPM.
Nous sommes donc inquiets pour la suite. En effet, en cas de généralisation, la demande adressée aux armées pour la formation des cadres de la phase 1 (300 en 2019) va nécessairement augmenter et celles-ci pressentent qu'on pourrait leur en demander davantage en cas de désengagement ou d'incapacité des autres acteurs à prendre leur part dans le dispositif. Concernant la phase 2, dans l'hypothèse couramment admise que les armées accueilleraient 10 % des jeunes, soit 80 000 par an, pour des missions d'intérêt général, l'effectif militaire requis pour les encadrer serait, selon les calculs de l'EMA, de 660 ETPT. Ces effectifs ne devront pas être imputés sur ceux de la programmation. Il faut aussi souligner les conséquences sur les infrastructures puisque ces séquences devraient avoir lieu dans des enceintes militaires sur un temps resserré. Qu'il s'agisse du pilotage, du statut et de la qualité des cadres, de l'organisation, de la logistique et des capacités d'accueil, les échos recueillis donnent pour l'instant le sentiment d'un dispositif « bricolé », qui n'est pas taillé pour passer le cap de la généralisation. Je passe maintenant la parole à mon collègue Gilbert Roger.