Comme l'a indiqué notre collègue Olivier Cadic, je vais pour ma part, exposer deux observations sur l'action 2 du programme 129.
La première concerne l'évolution des crédits de titre 2 qui sont en baisse de 17,6 % (17,2 M€), alors que parallèlement les effectifs, notamment ceux de l'ANSSI (+42) et ceux du GIC (+13), progressent et qu'aucune suppression d'emplois n'est prévue ni au SGDSN, ni au CTG. J'avais interrogé Mme Landais lors de son audition. Nous avons approfondi depuis notre analyse. En effet, compte tenu de l'évolution de la structure d'emplois de ces entités - plus de cadres de haut niveau, desserrement des contraintes salariales - pour recruter des spécialistes dans des secteurs sous tension, cette évolution était pour le moins paradoxale.
En fait, il s'agit d'un simple jeu d'écriture entre le SGDSN et le ministère des Armées. Les militaires mis à disposition du SGDSN, de l'ANSSI et du GIC, 255 ETPT étaient soldés par le ministère des Armées, mais ces rémunérations étaient remboursées par le SGDSN. A partir de 2020, les militaires seront affectés au SGDSN qui n'aura plus à rembourser leurs rémunérations, qui resteront à la charge de la mission Défense dont on sait que les crédits ont du mal à être consommés. Cet arrangement permet au service du Premier ministre d'afficher un titre 2 en baisse et aux Armées de consolider leurs crédits de Titre 2.
Pour la Représentation nationale, il rend moins lisible l'évolution des crédits du SGDSN et moins facile l'évaluation de sa performance. Seul le plafond d'emplois permettra de suivre physiquement dans le programme annuel de performance, l'évolution des effectifs, mais l'évolution du titre 2 ne reflètera plus le coût complet de charges de personnel du SGDSN.
Même si elle repose sur une convention à conclure entre le Ministère des Armées et le SGDSN, cette décision ne paraît pas en adéquation avec l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), et notamment de son article 7. Et demain pourquoi ne concernerait-elle pas diplomates, magistrats, préfets ou policiers en poste au SGDSN ?
Nous demandons en conséquence au Premier ministre de revenir sur cette décision et à défaut à la ministre des Armées et au ministre du budget de créer un article spécifique dans le programme 212 pour retracer les crédits dépensés par les Armées pour solder les militaires affectés au SGDSN. Notre devoir est d'inciter le Gouvernement à plus de transparence.
Cet arbitrage est curieux car il est en contradiction avec une opération de moindre ampleur, mais à tout le moins vertueuse, qui intervient cette année : l'imputation sur le programme 129 de la rémunération d'une partie des gendarmes affectés au SGDSN pour la sécurité du GIC jusqu'alors pris en charge par le programme 152. C'est bien la démonstration que tout est affaire d'opportunité.
Enfin, la décision amoindrit la force de la réponse apportée à la recommandation que nous formulons depuis plusieurs années d'une présentation plus claire des dépenses de l'ensemble SGDSN/ANSSI avec l'annonce de l'expérimentation d'un tableau de bord budgétaire élaboré par entités et directions soutenues.
J'en viens maintenant à ma seconde série d'observations qui portent sur les opérateurs du SGDSN : l'IHEDN et l'INHESJ.
Depuis 2017, l'élargissement de leur activité était inscrit dans un contexte de stabilisation des subventions pour charges de service public et des emplois, de mutualisation de certaines de leurs activités et structures, et de recherches de ressources propres.
Pour 2020, les subventions et les plafonds d'emploi des deux instituts seront en diminution.
En outre, la circulaire du Premier ministre du 5 juin 2019 sur la transformation des administrations centrales et les nouvelles méthodes de travail invite à simplifier les structures administratives en examinant notamment le maintien des structures et opérateurs de moins de 100 ETP, ce qui est le cas des deux instituts. La réflexion au sein des services du Premier ministre a abouti à des réponses divergentes.
Il a été considéré que l'INHESJ pouvait être supprimé et ses activités réparties entre des structures existantes de la justice et de l'intérieur. Cette suppression au 31 décembre 2020 a été confirmée par le Premier ministre le 8 octobre.
S'agissant de l'IHEDN, le caractère interministériel de ses activités a été réaffirmé et sa pérennité dans le périmètre des services du Premier ministre assurée, sous réserve d'une évolution de son offre de formation. La défense nationale englobe, en effet, des problématiques au-delà de la seule défense militaire.
Cependant, comme nous l'avons noté depuis plusieurs années, la soutenabilité du développement de l'IHEDN n'est pas complètement assurée compte tenu :
· de la difficulté qu'il a eue depuis 2015 à contractualiser avec sa tutelle sur les objectifs et performances attendus de ses plans stratégiques, le dernier couvrant la période 2019-2022 constituant toutefois un net progrès dans la méthode et la réflexion, mais son modèle économique reste à construire et suppose qu'un certain nombre d'orientations soient validées politiquement,
· de la baisse de la subvention pour charges de services publics de 8,8 M€ en 2012 à 7,3 M € en 2020,
· de la réduction de ses effectifs de 16 ETP depuis 2014,
· du caractère fluctuant de ses ressources propres : 2,2 M€ en 2017 et 1,8 M€ en 2018 qui dépendent des personnels susceptibles d'être mobilisés pour construire de nouvelles formations.
J'ajoute que les outils de suivi restent peu homogènes. Le rapport annuel ne met pas en rapport les éléments « physiques » et les données comptables et ne permet pas d'apprécier la performance de l'établissement public et l'évolution des coûts par types de session.
Nous avons exprimé cette préoccupation au Général Destremau que nous avons rencontré. Il nous a indiqué que la mise en oeuvre d'une comptabilité analytique était pour lui une priorité et qu'elle fournira un outil de pilotage et d'optimisation de la tarification des sessions.
L'équation budgétaire demeure donc sous tension et la stabilisation de sa trajectoire financière n'est donc toujours pas acquise.
De surcroît, en 2020/21, l'IHEDN devra absorber seul certaines charges qui avaient été mutualisées avec l'INHESJ et potentiellement reprendre certaines formations dispensées dans la sphère sécurité.
S'agissant de ce dernier opérateur, l'année 2020 sera le dernier exercice. Il était pourtant devenu l'opérateur public de référence dans les domaines de la formation et de la recherche liés à la sécurité globale et à la justice, un lieu par lequel la sécurité et la justice se renforcent des échanges avec le monde scientifique grâce à des programmes de recherches de qualité et un lieu de construction de référentiels communs pour des corps amenés à agir ensemble au quotidien dans la lutte contre la criminalité et la délinquance, souvent en tension.
La décision du Premier ministre oblige désormais à ouvrir une réflexion sur la reprise de l'essentiel des formations par l'intérieur et la justice et sur le maintien de l'effort de recherche sans perdre de vue le dialogue et la coordination à préserver entre les services concernés, ni les ressources propres dégagées par ses activités (1,9 M€ en 2018).
A titre personnel, je regrette sa suppression. Il répondait à de véritables besoins. J`espère que le dialogue entre intérieur et justice et l'effort de recherche scientifique dans ces domaines ne seront pas affaiblis. Nous souhaitons ici rendre hommage à l'ensemble des collaborateurs qui ont participé à ce travail commun, pour leur dynamisme et la qualité de leur gestion.
Depuis 2011, l'IHEDN et l'INHESJ s'étaient engagés dans un processus de mutualisation des fonctions de soutien. La suppression de l'INHESJ y met un terme avec, comme conséquence, l'augmentation des coûts de gestion de l'IHEDN, à qui il faudra trouver un autre adossement, peut-être avec des structures du ministère des Armées, présentes sur le site de l'École militaire. Ce qui s'était avéré déjà compliqué à mettre en oeuvre sous la tutelle du SGDSN risque de l'être plus encore.
Globalement, la soutenabilité économique pour le budget de l'Etat de cette opération de simplification reste à démontrer.
Sous réserve de ces observations et au bénéfice de l'importance des missions du SGDSN et des entités qui en dépendent comme des progrès réalisés, nous vous proposons de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Direction de l'action du gouvernement ».