Mes chers collègues, un mot sur le collectif budgétaire déposé le 9 novembre, qui a procédé au financement du surcoût OPEX pour 2019.
Ce surcoût est de 1,398 milliard d'euros, contre 850 millions budgétés en loi de finances initiale pour les OPEX et 100 millions pour les OPINT. Compte tenu d'un remboursement international de 37 millions, il restait donc 411 millions d'euros à financer.
400 millions, c'est exactement la somme que nous avions prévue, dès le mois d'août !
Cette somme sera financée, comme nous le redoutions, par le ministère des armées seul, contrairement à la LPM qui prévoit un financement interministériel. En outre, 70 millions sont purement et simplement annulés sur le programme 146 : au total l'écart entre la loi de finances initiale et l'exécution sera donc de 481 millions d'euros : ce n'est pas anecdotique.
Toutefois, après examen approfondi des conséquences physiques pour les armées, elles apparaissent assez limitées :
- 140 millions de titre 2 n'étaient pas consommés ;
- 57 millions sont reportés du fait d'un contrat de MCO.
Ce sont donc en réalité 284 millions qui manqueraient à l'appel.
Je demande à nos rapporteurs d'expertiser les conséquences d'ici le passage de leur avis la semaine prochaine et je vous propose, le 20 novembre, d'avoir une expression collective de la commission, sur ces 3 points :
- Dénoncer ce nouveau coup de canif dans le contrat qui entame un peu plus notre confiance pour la suite de l'exécution de la LPM ;
- Rappeler qu'il reste à dégeler 241 millions d'euros ;
- Mettre en oeuvre par amendement notre idée d'une « étanchéité » des ressources des armées par rapport au SNU : je charge nos rapporteurs de présenter un amendement au vote de la commission la semaine prochaine.
Nous aurons ainsi en mains tous les éléments pour exprimer notre vote en conscience sur les crédits de la mission défense la semaine prochaine.
Mes chers collègues, le bureau de notre commission s'est réuni ce matin pour procéder aux désignations dans les missions 2020, à la représentation proportionnelle des groupes politiques.
- Sont membres de la mission Israël et territoires palestiniens : outre le président de la commission, Jean-Marc Todeschini, Jean-Marie Bockel, Pascal Allizard et François Patriat ;
- Sont membres de la mission Inde : Ladislas Poniatowski, Marie-Françoise Pérol-Dumont, Hugues Saury, Olivier Cigolotti et Joël Guerriau ;
- Sont membres de la mission Russie : outre le président de la commission, Michel Boutant, Edouard Courtial, Alain Cazabonne et Christine Prunaud ;
- Sont membres de la mission ONU-Washington de novembre 2020 : Philippe Paul qui conduira la mission, Rachid Temal, Gilbert Bouchet, et un sénateur qui sera désigné ultérieurement.
Par ailleurs, le Bureau a décidé de deux rapports d'information destinés à préparer l'actualisation de la loi de programmation militaire, l'un sur l'avion de combat du futur, le SCAF, l'autre sur le successeur du porte-avions Charles de Gaulle.
J'invite les sénateurs de la commission intéressés à se faire connaitre pour que la commission puisse rapidement désigner ses rapporteurs.
Enfin, la commission se rendra prochainement auprès des forces armées sur le territoire, à Sissonne puis à Belfort pour l'armée de terre, à Bordeaux-Mérignac pour l'armée de l'air et à Toulon pour la marine nationale.
Je vous transmets l'invitation du chef de corps du 1er spahis pour que la commission se rende à Valence.
Mon intervention porte sur le volet titre 2 du programme 212.
Pour 2020, ces crédits de titre 2 s'élèvent à 20,78 milliards d'euros, en diminution de 140 millions d'euros par rapport à 2019. Cette baisse vise à tenir compte de la sous-consommation récurrente des crédits de titre 2 ces dernières années (95 M€ en 2017, 155 M€ en 2018...), sans remettre en cause la cible d'effectifs définie par la loi de programmation militaire (LPM). En termes d'effectifs en effet, la remontée en puissance se poursuit, avec la création nette de 300 emplois équivalents temps plein (ETP), destinée à renforcer les domaines définis comme prioritaires dans la LPM : le renseignement, la cyberdéfense, la sécurité et protection des sites sensibles ... Ces créations nettes recouvrent, comme chaque année, des créations et des suppressions de postes. Ainsi 64 postes seront supprimés en 2020, dont 34 postes au Service des infrastructures de la défense (SID) et 30 postes dans le soutien interarmées.
Mise en lumière par les difficultés de consommation du titre 2, la question de l'attractivité est devenue le principal enjeu de la politique des ressources humaines et concentre tous les efforts. Face à un nombre de départs en hausse tendancielle, il s'agit en effet d'assurer chaque année un nombre croissant de recrutements (de l'ordre de 26 000 par an) et de fidéliser les personnels. Cela, dans le contexte d'une concurrence vive du secteur privé.
La question du recrutement est particulièrement vitale pour la Marine puisque celle-ci doit renouveler chaque année 10 % de ses effectifs. L'un des enjeux est de faire connaître à l'extérieur les métiers et les compétences recherchées car les personnes qui en sont dotées ne pensent pas spécialement qu'elles pourraient les exercer dans cette armée. Les difficultés concernent surtout les maîtres et quartiers maîtres. Pour améliorer le recrutement, la Marine multiplie les initiatives originales : mise en place de filières dans les lycées civils (création d'un BTS de mécatronique navale) ou avec les lycées agricoles (compte tenu du profil de pensionnaires de leurs élèves), partenariats avec des entreprises comme EDF ou AREVA pour recruter les élèves qu'elles forment en alternance à qui elles ne peuvent offrir de postes à l'issue de la formation..., jusqu'à la mise en place d'une plateforme de recrutement (« E-cirfa ») visant à informer et à démarcher des jeunes identifiés comme intéressés par la Marine... Une bonne nouvelle est l'amélioration des résultats en termes de recrutement de civils, grâce notamment au dispositif de recrutement dérogatoire de contractuels créé par la dernière LPM.
Pour améliorer l'attractivité et la fidélisation, plusieurs leviers sont mis en oeuvre. Le premier levier est budgétaire avec en 2020, un plan de mesures catégorielles de 124 millions d'euros, dont 27,6 millions d'euros de mesures nouvelles ciblées sur l'attractivité, pour financer des revalorisations pour les personnels civils, d'une part, la mise en place de la Prime de lien au service pour les militaires, d'autre part.
Utilisée depuis quelques mois (juin 2019), la Prime de lien au service (PLS) est un outil à la main des gestionnaires RH qui peuvent définir leur propre politique d'attribution, en fonction de leurs priorités. Ainsi, la Marine l'utilise principalement pour soutenir le recrutement dans les filières déficitaires alors les autres armées s'en servent surtout pour fidéliser des compétences et freiner les départs. La Prime de lien au service constituera l'un des outils de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM), chantier de réforme toujours en cours, dont la mise en oeuvre est attendue pour 2021.
Cependant, d'autres leviers sont utilisés. Il est ainsi de l'attention portée au parcours professionnel et à l'intérêt du métier. Dans la Marine, par exemple, un entretien de carrière est prévu dans chaque grade pour permettre d'entrevoir avec chaque marin ses possibilités d'évolution dans les 10 années suivantes. Des cursus individuels sont élaborés au sein des quatre grandes forces de la Marine (sous-marins, forces de surface, aéronautique et fusiliers commandos). Par ailleurs, une meilleure conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée est recherchée. Le plan dit « Familles » s'efforce par exemple d'atténuer l'impact de la mobilité géographique en prévoyant un préavis de 5 mois et en accompagnant le conjoint dans sa recherche d'emploi. Dans la Marine, la mise en place du double équipage sur certains bâtiments vise à permettre une meilleure prévisibilité des embarquements et donc une vie de famille plus stable. On doit aussi évoquer l'importance de la reconversion, politique dotée de 32 millions d'euros en 2020. En effet, la capacité des armées à reconvertir est de nature à rassurer les personnels sur leur avenir et à les inciter à embrasser, pour un temps plus ou moins long, une carrière militaire.
Même si toutes ces mesures n'ont pas forcément vocation à produire des effets de court terme, on espère que les résultats en termes de consommation du T2, seront meilleurs en 2019 et en 2020.
Un mot pour finir sur la mise en place du service national universel (SNU) et son impact sur le programme 212.
En 2019, l'expérimentation du SNU, conduite dans 13 départements au bénéfice de 2 000 jeunes volontaires, est censée n'avoir eu qu'un impact négligeable sur le programme 212. Au titre de la phase 1 (séjour de cohésion de deux semaines en internat), les armées ont été mises à contribution pour fournir de l'appui et du conseil auprès de la mission de préfiguration du SNU, pour aider au recrutement des cadres, pour former les directeurs de centres et les cadres de compagnie, enfin pour concevoir et animer le module consacré à la défense et à la mémoire nationale. Elles ont aussi contribué à la phase 2, qui correspond aux deux semaines de missions d'intérêt général. En effet, les jeunes qui choisiront la thématique « défense et sécurité » auront la possibilité d'effectuer l'équivalent d'une préparation militaire. En 2019, ce dispositif a été neutre pour les armées, le nombre de places proposées ayant été déduit du nombre de places offertes dans les préparations militaires (12 500). En 2019, l'effort pour les armées a été de l'ordre de 3 équivalents temps plein travaillés (ETPT), pour un coût de 500 000 euros (soit un total de 1 million d'euros en incluant les dépenses hors titre 2).
Pour 2020, avec l'extension de l'expérimentation à 20 000 (voire 30 000 jeunes selon les déclarations du secrétaire d'Etat Gabriel Attal), l'impact sur les effectifs des armées est évalué par l'Etat-major des armées (EMA) à une vingtaine d'ETPT. Si cet effort peut sembler raisonnable et que l'impact reste pour l'instant maîtrisé, il faut noter qu'aucun crédit supplémentaire n'est prévu pour le financer, en contradiction avec ce que prévoit la LPM.
Nous sommes donc inquiets pour la suite. En effet, en cas de généralisation, la demande adressée aux armées pour la formation des cadres de la phase 1 (300 en 2019) va nécessairement augmenter et celles-ci pressentent qu'on pourrait leur en demander davantage en cas de désengagement ou d'incapacité des autres acteurs à prendre leur part dans le dispositif. Concernant la phase 2, dans l'hypothèse couramment admise que les armées accueilleraient 10 % des jeunes, soit 80 000 par an, pour des missions d'intérêt général, l'effectif militaire requis pour les encadrer serait, selon les calculs de l'EMA, de 660 ETPT. Ces effectifs ne devront pas être imputés sur ceux de la programmation. Il faut aussi souligner les conséquences sur les infrastructures puisque ces séquences devraient avoir lieu dans des enceintes militaires sur un temps resserré. Qu'il s'agisse du pilotage, du statut et de la qualité des cadres, de l'organisation, de la logistique et des capacités d'accueil, les échos recueillis donnent pour l'instant le sentiment d'un dispositif « bricolé », qui n'est pas taillé pour passer le cap de la généralisation. Je passe maintenant la parole à mon collègue Gilbert Roger.
Je concentrerai mon propos sur la politique immobilière du ministère des Armées.
Au total, le budget 2020 consacré à l'infrastructure s'élève à 2 milliards d'euros en autorisation d'engagement et à 1,7 milliard d'euros en crédits de paiement. C'est dans la continuité du budget précédent. Le véritable bond en avant a eu lieu en loi de finances pour 2018, lorsque la politique immobilière a bénéficié de 400 millions d'euros de crédits supplémentaires. Cet effort est donc reconduit.
Tout d'abord, la gouvernance des crédits de politique immobilière a été modifiée. Les infrastructures rattachées aux programmes d'armement relèveront désormais du programme 146, donc du CEMA et du DGA. Les infrastructures liées à l'activité opérationnelle des forces, ainsi que les crédits de maintenance « locataire », déconcentrés aux bases de défense, sont transférés au programme 178. Le programme 212 ne regroupera donc plus que les crédits du logement, de l'hébergement, des locaux de travail et réseaux d'intérêt général.
En crédits de paiement, ce sont 320 millions d'euros qui partent vers le programme 146 et 880 millions d'euros vers le programme 178, dont plus de 300 millions d'euros au titre de la déconcentration de la gestion. Le programme 212 conserve 510 millions d'euros de crédits de politique immobilière.
Ce changement de gouvernance était souhaitable. Il responsabilise les bénéficiaires d'infrastructures et doit permettre un meilleur suivi de l'utilisation des crédits.
En isolant, au sein du programme 212, le financement de l'objectif d'une LPM « à hauteur d'homme », la réforme sanctuarise cet objectif. En clair, on ne pourra plus piocher dans les crédits destinés à l'amélioration des conditions de vie pour pourvoir aux surcoûts et aux priorités des programmes d'armement. Nous n'y voyons que des avantages.
S'agissant de l'amélioration des conditions de vie, que prévoit ce projet de loi de finances ? La Ministre a annoncé le 18 octobre dernier une augmentation significative des investissements dans le domaine de l'hébergement en enceinte militaire, avec un effort qui doit passer en moyenne de 100 millions d'euros à 140 millions d'euros par an. L'objectif est de réhabiliter 18 000 places et de créer 7 600 lits supplémentaires.
Les investissements dans le domaine du logement familial s'accentuent également, conformément au plan Familles. L'effort passe d'environ 120 millions à environ 150 millions d'euros en moyenne par an.
Il reste à espérer que les crédits de paiement puissent suivre, à l'avenir, la forte augmentation des autorisations d'engagement.
Un gros enjeu réside dans l'arrivée à expiration, en 2020, de la concession de l'ex-Société nationale immobilière (SNI) sur les logements domaniaux du ministère des Armées. La négociation d'un nouveau contrat de concession, dit CEGELOG, a été lancée. Le ministère souhaite une remise à niveau accélérée du parc domanial, notamment sur le plan énergétique, et la construction de 2 500 logements neufs. Le parc souffre de vétusté. Surtout, sa localisation ne correspond plus aux priorités des armées. Des besoins se font sentir en région parisienne et à proximité de Rennes, Bordeaux et Toulon, dans des zones tendues.
Cela me conduit à mon troisième point qui concerne les cessions et leurs contreparties attendues pour le ministère des Armées.
Vous vous souvenez que nous avions fait préciser, à l'article 3 de la LPM, que le ministère devait bénéficier de l'intégralité du produit de ses cessions immobilières et de ses redevances et loyers. Depuis 2017, pour compenser la raréfaction des recettes de cession, le champ du compte d'affectation spéciale, dit CAS 723, a été étendu, en recettes, aux loyers et redevances, et en dépenses, aux frais d'entretien du propriétaire. L'an dernier, les promesses de la LPM ont été concrétisées dans la loi de finances pour 2019. Le dispositif législatif est donc en place.
Mais nous suivrons de très près deux développements :
- S'agissant tout d'abord des loyers et redevances : Dans le cadre du plan « Place au soleil », le ministère des Armées a annoncé la mise à disposition, d'ici fin 2022, de 2 000 hectares de terrains pour y développer des projets de production d'électricité photovoltaïque. Au sein du CAS, les redevances et loyers du ministère des Armées représentent déjà 10 millions d'euros. Ce montant a vocation à s'accroître. Il faudra que le ministère puisse bénéficier de droits de consommation supplémentaires équivalents en retour.
- S'agissant ensuite du Val de Grâce : l'ancien hôpital sera conservé jusqu'aux JO 2024. Le site sert actuellement à l'hébergement d'environ 370 militaires de l'opération Sentinelle et d'une centaine de célibataires géographiques. Il y a donc un besoin. Ce besoin sera-t-il fondamentalement modifié après les J.O ? Il est permis d'en douter. Les APNM portent d'ailleurs un projet social et d'hébergement pour le Val de Grâce.
Mais le projet qui semble tenir la corde est celui porté par le ministère de la santé. On peut craindre, alors, que la soulte versée ne soit très inférieure à la valeur réelle du bien. Or la cession du Val-de-Grâce est la dernière cession d'ampleur prévue par le ministère après la vente récente de la partie fructifère de l'Ilot Saint-Germain.
Voilà les quelques points sur lesquels je souhaitais attirer votre attention. Pour le reste je suis plutôt favorable à ce budget.
Lors du récent congrès de la Fédération Léo Lagrange à Artigues-près-Bordeaux en présence de M. Gabriel Attal, le SNU a été évoqué. La Fédération Léo Lagrange s'est déclarée prête à mettre ses villages de vacances et autres équipements à la disposition du SNU dans l'hypothèse où celui-ci s'étalerait sur toute l'année, ce qui paraissait souhaitable pour ne pas priver les jeunes de la possibilité d'avoir un travail saisonnier durant les vacances.
Je voulais compléter mon propos. Concernant la phase 2, mon inquiétude est que l'écart prévisible entre l'offre des armées -dont on s'attend à ce qu'elle soit homogène et structurée - et celle des autres acteurs incite les jeunes à choisir massivement d'effectuer leur mission d'intérêt général dans les armées, bien plus que les 10 % envisagés. Et il est vrai que l'hébergement va être un problème, particulièrement pour les autres acteurs.
Je ne comprends pas pourquoi un budget de 30 millions d'euros est prévu pour le SNU sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».
C'est parce que le pilotage du projet SNU incombe au ministère de l'éducation et de la jeunesse. Mais ce budget est de toute façon insuffisant. On estime qu'en phase 1, le coût par jeune est de 1 700 euros hors frais de transport. Si l'on ajoute le coût du transport et qu'on multiplie par 20 000 (fourchette basse pour l'expérimentation en 2020), on dépasse déjà 30 millions d'euros. Si l'on se base sur 30 000 jeunes en 2020, on dépasse les 50 millions d'euros. Le montant budgété est sous-évalué, cela nous inquiète.
Nous allons continuer à explorer dossier, notamment en recevant dans le cadre de nos auditions « rapporteurs » le général Daniel Ménaouine, directeur du service national et de la jeunesse au ministère des armées. Je souligne qu'il existe aussi un problème en ce qui concerne le transport des jeunes : il n'est pas envisageable de les laisser rejoindre seuls en train le centre auquel ils ont été affectés, les parents ne l'accepteraient pas.
Je précise, en effet, que chaque jeune devra rejoindre un centre situé à l'extérieur de son département. Il s'agit d'assurer une mixité géographique, en plus de la mixité sociale et hommes/femmes.
Nous continuerons naturellement à suivre le sujet du SNU en 2020. Concernant le programme 212, je précise que notre vote sur ses crédits est réservé jusqu'à l'examen de l'ensemble des crédits de la mission « Défense » mercredi 20 novembre.
Je m'exprimerai tout d'abord au nom de notre collègue Robert del Picchia, co-rapporteur du programme 185.
Au sein de la mission « Action extérieure de l'État », les crédits consacrés à la diplomatie culturelle et d'influence s'élèvent à 718 M€, en légère augmentation, de 2,6 %, ce qui est la conséquence d'une hausse de la subvention à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).
Les réseaux de la diplomatie culturelle et d'influence sont touchés, comme l'ensemble du ministère, par la réforme des réseaux de l'État à l'étranger dans le cadre du programme « Action publique 2022 ». Une réduction de 5,5 % de la masse salariale est visée, plus raisonnable que la cible de 10 % envisagée l'an dernier.
Malgré ces restrictions budgétaires, des orientations majeures ont été fixées à la diplomatie culturelle et d'influence, posant la question de l'adéquation des moyens aux ambitions.
Dans un contexte d'intense concurrence, au niveau international, une dynamique nouvelle a été impulsée par le plan pour la langue française et le plurilinguisme présenté par le Président de la République le 20 mars 2018.
Il s'agit d'accroître l'attractivité de notre pays sur les plans tant éducatif que culturel, linguistique et universitaire. La diplomatie économique et la promotion des activités touristiques demeurent, par ailleurs, des priorités.
Le développement des réseaux d'établissements d'enseignement français à l'étranger est au coeur de cette dynamique.
La subvention à l'AEFE augmente de 24,6 M€ (+6%). Cette augmentation devrait être pérenne, c'est-à-dire qu'il s'agit d'un rebasage de la subvention, non d'une augmentation ponctuelle. Pour la première année, elle ne fait toutefois que compenser, et encore partiellement, l'annulation de crédits que l'agence avait connu en 2017. La baisse des emplois sous plafond de l'agence se poursuit (-9 % depuis 2014).
Dans ce contexte, que penser de l'objectif de doubler les effectifs d'élèves scolarisés dans ces établissements d'ici 2030 ? - En premier lieu, on note une lente érosion de la part des enfants français scolarisés dans le réseau, qui est passée en cinq ans de 38 % à 35 %.
L'accès de nos compatriotes au réseau est essentiel au maintien du lien avec la France. Il facilite le retour des familles dans le système scolaire français ainsi que la transmission de la langue française aux nouvelles générations, y compris dans les familles qui ne reviendront pas s'installer en France.
Afin de faciliter l'accès des familles françaises à cet enseignement, il faudra privilégier les régions d'implantation de ces familles et mener une politique d'aides à la scolarité qui soit à la hauteur de la dynamique de progression du réseau et des effectifs. Ce n'est pas le cas dans ce budget 2020 puisque les aides à la scolarité stagnent (105 M€ inscrits au programme 151). Les droits d'inscription sont, eux, en constante augmentation. L'extension du réseau ne doit pas reposer sur un modèle purement privé, ce qui équivaudrait à un processus de labellisation. Il y aurait probablement une demande pour des écoles de ce type, mais au risque d'exclure une partie des familles françaises.
En deuxième lieu, le plan de développement de l'enseignement français à l'étranger comporte l'annonce de 1000 détachements supplémentaires de personnels titulaires de l'éducation nationale dans le réseau à l'horizon 2030. Est-ce le nouveau départ, tant attendu, dans les relations entre les ministères de l'éducation nationale et des affaires étrangères ? Il est permis d'en douter.
Cet effort est, tout d'abord, insuffisant puisque l'on vise un doublement du nombre d'élèves avec seulement 11 % de détachements supplémentaires.
Ces détachements devront, par ailleurs, être optimisés grâce à un pilotage conjoint par les deux ministères concernés. Il faut sortir d'une gestion « au fil de l'eau » pour mener, au contraire, une véritable politique de ressources humaines, cohérente avec les priorités qui seront identifiées pour l'extension du réseau.
La croissance du réseau reposera essentiellement sur l'emploi de recrutés locaux, formés au sein de 16 nouveaux instituts régionaux de formation.
Une véritable transformation de la nature de l'enseignement français à l'étranger est donc en cours. Il faudra veiller à ne pas dénaturer profondément un réseau aujourd'hui reconnu dans le monde entier, qui est un vecteur majeur d'influence pour la France. Le maintien de la qualité de cet enseignement doit être une priorité.
Enfin, en troisième lieu, le développement du réseau, sur le plan immobilier, est freiné par des obstacles à l'emprunt qui doivent être levés.
En tant qu' « organisme divers d'administration centrale », l'AEFE ne peut pas emprunter à long terme. Cette limitation du recours à l'emprunt est une mesure de portée générale qui vise à limiter le gonflement de la dette publique.
L'AEFE fait donc appel à des avances de l'agence France Trésor, ce qui présente de nombreux inconvénients : ces avances sont irrégulières, doivent être consommées dans l'année, et sont remboursées sur des durées plus courtes que ce qui pourrait être obtenu par emprunt. C'est pourquoi il serait souhaitable que l'AEFE puisse recourir à l'emprunt auprès d'établissements de crédits.
Par ailleurs, un dispositif alternatif à l'association nationale pour les écoles françaises à l'étranger, l'ANEFE, doit être mis en place dans les meilleurs délais, pour permettre le recours des établissements à la garantie de l'État.
Lors de son audition, M. François Delattre, Secrétaire général du Quai d'Orsay, a fait part d'avancées récentes dans les discussions avec Bercy à ce sujet.
Jusqu'à l'été 2018, les établissements conventionnés et partenaires pouvaient en effet bénéficier d'un emprunt garanti par l'État par l'intermédiaire de l'ANEFE pour financer leurs travaux immobiliers. 160 projets ont ainsi été garantis dans 110 établissements en 40 ans. La suspension du dispositif par Bercy empêche actuellement une quinzaine de projets d'être financés.
En définitive, s'agissant de l'enseignement français à l'étranger, un nouvel élan est perceptible : un service d'accompagnement au développement du réseau a été mis en place au sein de l'AEFE, les critères et procédures d'homologation ont été simplifiés, la formation initiale des enseignants est en voie d'être améliorée, tant en formation initiale qu'en formation continue.
La croissance du réseau est déjà effective, avec 30 nouveaux établissements homologués à la rentrée 2019.
Le programme 185 est donc sous forte tension : réaliser les objectifs fixés, avec les moyens disponibles, constituera un défi.
Mais les orientations sont bonnes et méritent d'être encouragées. C'est pourquoi, avec Robert del Picchia, nous sommes favorables au budget de ce programme.
Je souhaiterais vous féliciter pour ce rapport et ajouter un point, concernant l'ANEFE. Il est extrêmement regrettable que le blocage de l'ANEFE empêche la création de nouvelles écoles. C'est en contradiction totale avec les ambitions du Président de la République, sur le doublement des effectifs des écoles françaises à l'étranger. Ce n'est pas un sujet récent. Nous en avons déjà parlé. J'ai adressé un courrier au directeur du Trésor et au ministre Bruno Lemaire, sans succès. Nous devons être très fermes à ce sujet. Il n'y a aucune raison objective au blocage de ce dossier.
Nous sommes nombreux à nous réjouir de l'objectif de doublement du nombre d'élèves dans l'enseignement français à l'étranger, même si l'échéance de 2030 est lointaine. D'ici là, deux élections présidentielles auront eu lieu... L'élan actuel perdurera-t-il ?
L'AEFE a vraiment tout pouvoir sur l'enseignement français à l'étranger. L'argent public va en priorité à un réseau de 70 établissements en gestion directe. Plus de la moitié des 520 écoles du réseau ne perçoivent aucun financement sur ce budget. Vous n'avez pas évoqué le fait que, dans le schéma actuel, l'AEFE peut bloquer la création de concurrents. C'est ce qui aurait pu se passer à Bruxelles ou à Bucarest, en septembre dernier. Le fait que l'AEFE soit chargée de l'extension du réseau a des effets pervers.
Enfin, je suis totalement en accord avec le propos de notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam sur l'ANEFE.
Je souhaiterais bien comprendre la clef de répartition des crédits de ce budget. Quelle est la part de financement des instituts français, qui dispensent des cours de français à l'étranger, mais aussi des cours de la langue du pays d'accueil à nos étudiants français en mobilité ?
Merci aux rapporteurs. Sur l'ANEFE, en effet, il est regrettable que l'on ait supprimé les garanties qu'elle apportait, sans mettre en place une autre entité pour jouer ce rôle.
Je ne comprends pas l'observation de notre collègue Olivier Cadic : il me paraît normal que l'AEFE s'assure de la pérennité de son réseau. Elle n'a pas vocation à soutenir un réseau parallèle concurrent.
Vous avez parlé de 30 nouveaux établissements homologués. Comment cela va-t-il se traduire sur l'enveloppe des bourses ? L'homologation d'un nouvel établissement implique que les enfants qui y sont scolarisés ont droit à ces bourses. Peut-on se satisfaire, dans ces conditions, de la stabilité d'une enveloppe qui devrait augmenter proportionnellement au nombre de bénéficiaires potentiels ?
Le projet est ambitieux : faire passer le nombre d'élèves de 350 000 à 700 000. Nous nous en réjouissons. Mais rappelons-nous que le système anglo-américain scolarise près de 9 millions d'élèves... Le rapport est donc de 1 à 10 entre les systèmes français et anglo-saxon. La compétition est très rude.
La concurrence est, en effet, exacerbée. L'extension du réseau est bienvenue. Elle devra bien sûr être pérennisée et renforcée.
Je partage l'observation de notre collègue Hélène Conway-Mouret, concernant le hiatus entre l'augmentation du nombre d'établissements homologués et la stagnation des bourses attribuées aux élèves. C'est un vrai problème que nous soulignons dans notre rapport. Les bourses ne suivent pas la tendance à l'augmentation des effectifs.
S'agissant du réseau culturel et de l'Institut français, nous traitons ce point dans notre rapport écrit. La subvention à l'Institut français diminue de 6 %. Les relations avec les alliances françaises s'améliorent toutefois. Le conflit portant sur les bâtiments du boulevard Raspail est en voie de résolution.
Sur l'AEFE, je partage la réponse d'Hélène Conway-Mouret à Olivier Cadic.
Enfin, concernant l'ANEFE, François Delattre, secrétaire général du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, nous a récemment assuré que les discussions avec Bercy étaient en bonne voie. Restons toutefois prudents, car, comme cela a été dit, le problème perdure.
Je poursuivrai maintenant avec mon propre rapport, pour compléter les propos que j'ai tenus au nom de notre collègue Robert del Picchia.
La diplomatie d'influence est l'un des piliers nécessaires de toute stratégique diplomatique au 21ème siècle, comme elle l'a d'ailleurs été auparavant dans l'Histoire.
Toutes les grandes puissances ont une stratégie d'influence. C'est plus que jamais nécessaire, à l'ère de la mondialisation et de la médiatisation de tous les enjeux internationaux. La langue et la culture sont non seulement des vecteurs de croissance économique mais aussi un moyen de diffuser nos valeurs, de faire connaître notre vision du monde et de lutter contre les manipulations et la désinformation.
Malgré l'insuffisance des moyens mis en oeuvre, la stratégie déployée par le gouvernement témoigne d'une conscience de ces enjeux.
L'un de nos points d'attention porte, au sein de ce programme 185, sur la nouvelle stratégie nationale d'accueil et d'attractivité des étudiants internationaux, intitulée « Bienvenue en France ».
La France est aujourd'hui le cinquième pays d'accueil des étudiants internationaux, après les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie et l'Allemagne (qui fait jeu égal avec nous). Nous sommes suivis de près par la Russie et le Canada, qui ont des stratégies très offensives, de même que la Turquie dont le nombre d'étudiants internationaux a progressé de + 180 % en 5 ans (et la Malaisie : + 79 %, l'Arabie saoudite : +63 %).
Dans ce contexte, la stratégie « Bienvenue en France » vise à améliorer les conditions d'accueil et à renforcer notre attractivité auprès des pays émergents d'Asie et anglophones, tout en maintenant des liens forts avec les pays francophones, en particulier en Afrique.
Cette stratégie est notamment marquée par la mise en place de frais d'inscription différenciés pour les étudiants extra-communautaires, qui pourrait être remis en cause, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 11 octobre 2019. La portée de cette décision dépasse la seule question de l'accueil des étudiants étrangers, mais il nous faudra attendre son interprétation par le Conseil d'Etat pour être fixés quant à ses conséquences.
La stratégie d'attractivité des étudiants internationaux est fragile à de multiples autres titres :
D'une part, les moyens qui lui sont consacrés sont insuffisants.
Une politique d'exonération a permis de limiter les effets de la hausse des droits d'inscription. Ces exonérations sont toutefois supportées par le système universitaire, dans la limite de 10 % des effectifs (limite qui pourrait être rapidement atteinte). Par ailleurs, pour 2020, les crédits des bourses du programme 185 sont stables à 64,6 M€.
En dix ans (2008-2017), les crédits des bourses du gouvernement français (BGF) ont diminué de 43 %. Cette baisse s'est traduite, d'une part, par une réduction du nombre de bénéficiaires de bourses de 30 % et, d'autre part, par une baisse du montant unitaire des bourses de 18 %.
Par ailleurs, les crédits votés en loi de finances ne sont pas tous consommés. Ainsi, en 2019, les programmes 185 et 209 comportaient à eux deux 73,6 M€ de bourses destinés à être gérés par Campus France mais seuls 56,3 M€ ont été réellement confiés en gestion à l'opérateur, soit 76 %. Compte tenu de l'évolution déjà défavorable des crédits des bourses, il est impératif que les crédits inscrits en lois de finances à ce titre soient effectivement consommés. - D'autre part, comme l'a souligné un rapport récent de la Cour des comptes, le système de gouvernance de l'accueil des étudiants en mobilité est insatisfaisant : il relève de plusieurs administrations, dont les deux agences, Campus France et Erasmus+, les établissements d'enseignement supérieur ainsi que les postes diplomatiques. Il y a un manque de stratégie d'ensemble.
Cette politique des bourses doit être recentralisée et mieux pilotée, grâce à une articulation repensée entre les différents acteurs. Un rapprochement des deux agences doit être étudié. La politique des bourses doit devenir globalement plus visible, au plan international, par l'instauration d'une « marque » (autre que « bourse du gouvernement français ») avec des appels à candidatures mondiaux et un recrutement selon des critères unifiés.
Les questions de visas doivent être résolues. Il semble en effet qu'un certain nombre d'étudiants étrangers ratent la rentrée universitaire, en raison de retards dans l'attribution de ces visas. Ces retards constituent un obstacle à la réussite de ces étudiants et un facteur défavorable à l'image et à l'attractivité de la France.
Je terminerai en évoquant les moyens de la promotion du tourisme qui sont en baisse. Le 4ème Conseil interministériel du tourisme du 17 mai 2019 a demandé à Atout France d'importantes économies sur ses coûts de fonctionnement, c'est-à-dire principalement en termes de ressources humaines et d'immobilier.
Ces économies doivent s'élever, en 2020, à 4,4 M€ ce qui vient se cumuler avec une baisse de 10 ETPT du plafond d'emploi. Le déménagement du siège d'Atout France, ainsi que les relocalisations envisagées à New York, Sao Paulo et Tokyo, doivent générer à terme des économies de l'ordre d'1,8 M€.
La subvention pour charges de service public de l'opérateur passe de 32,7 M€ en 2019 à 30,9 M€ en 2020 (-6 %).
Mais le dynamisme du secteur touristique reste fragile.
Avec 90 millions de touristes internationaux en 2018, la cible de 100 millions en 2020 paraît difficilement atteignable.
Le premier trimestre 2019 a connu un repli, en partie en raison du climat social. Par ailleurs, le Brexit semble jouer négativement sur la fréquentation touristique britannique.
L'activité touristique est toutefois repartie à la hausse à compter d'avril.
Dans un contexte international très concurrentiel, la mise en oeuvre d'une politique de compétitivité spécifique est indispensable. Des rapprochements avec Business France peuvent créer des synergies positives. Des expérimentations sont menées en ce sens dans deux bureaux d'Atout France.
Mais la politique touristique doit continuer à être menée par un opérateur implanté à la fois au plan national et à l'étranger, bien identifié et reconnu par le secteur. C'est d'autant plus nécessaire qu'aucun ministre ou secrétaire d'Etat ne porte aujourd'hui cette mission dans l'intitulé de ses fonctions. Pour mémoire, le secteur touristique dans son ensemble représente près de 8 % du PIB et 2 millions d'emplois directs et indirects en France.
En conclusion, les orientations de la diplomatie d'influence devront être confirmées dans le temps. Une accélération sera nécessaire dans certains domaines. Les moyens sont pour l'heure insuffisants, mais je vous propose néanmoins aussi d'encourager les évolutions en cours en émettant un avis favorable aux crédits 2020 de la diplomatie culturelle et d'influence.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État », le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste votant contre, le groupe socialiste et républicain s'abstenant.
L'action 2 « Coordination de la sécurité et de la défense » du programme 129 est dotée pour 2020 de 387,13 M€ en autorisations d'engagement et 354,32 M€ de crédits de paiement. Ces crédits progressent de 2,85 % en AE et diminuent de 1,77 % en CP.
Cette action expose les moyens du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) et des services qui lui sont rattachés.
Cette année nous avons décidé de consacrer notre exposé à 4 de nos observations. Deux thèmes seront traités par Rachel Mazuir. Pour ma part, j'aborderai l'évolution des effectifs de l'ANSSI et la politique de protection des systèmes d'information de l'Etat face au risque de cyberattaques.
Pour faire face à une menace qui s'accroît en fréquence et en intensité, le Gouvernement a décidé cette année de reprendre la croissance des effectifs de l'ANSSI qui s'était ralentie ces deux dernières années, pour satisfaire les objectifs de la programmation des finances publiques, à 25 créations d'emplois par an au lieu de 50 au cours des exercices précédents. Ce rythme sera repris à compter de 2021. En 2020, il est prévu la création de 42 emplois. En outre, des mesures de desserrement de la contrainte salariale ont été mises en oeuvre permettant de recruter des collaborateurs de bon niveau au prix du marché. Ces recrutements sont évidemment nécessaires compte tenu de l'accroissement de ses activités avec la mise en oeuvre de la directive NIS, des dispositions de l'article 34 de la loi de programmation militaire et, enfin, de la récente loi sur la sécurité des réseaux de 5 G dont notre collègue Pascal Allizard fut le rapporteur pour avis
L'ANSSI sera également davantage sollicitée par la rénovation de la politique de protection des systèmes d'information de l'Etat. Nous avions eu l'occasion de souligner la vulnérabilité de ces systèmes d'information, analyses confirmées par la revue stratégique de cyberdéfense de février 2018 et de les conforter en procédant très concrètement, en ce début d'année, à un audit à la suite de la cyberattaque dont a été victime la plateforme Ariane du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères.
Afin de mesurer concrètement la vulnérabilité des administrations de l'Etat aux cyberattaques, nous avons demandé la communication par ministère, du nombre d'incidents consécutifs à des cyberattaques ayant fait l'objet d'une intervention de l'ANSSI.
Entre le 1er janvier et le 31 décembre 2018, l'ANSSI a été amenée à traiter 78 événements de sécurité consécutifs à des attaques informatiques ayant touché des ministères français. Sur ces 78 incidents, 31 se sont révélés mineurs au sens où un engagement minimal a été requis pour leur traitement, 32 peuvent être qualifiés de notables puisque demandant l'emploi d'expertises particulières pour leur résolution, alors que 15 se sont avérés majeurs nécessitant pour leur traitement un engagement et une expertise importants et de moyen à long terme de la part de l'ANSSI (trois d'entre eux ont d'ailleurs fait l'objet d'une opération de cyberdéfense). Les ministères les plus attaqués sont, dans l'ordre, l'éducation nationale, la défense et les affaires étrangères. Mais, en intensité, ce sont les ministères des armées et des affaires étrangères qui ont été les plus menacés.
Si l'on constate une meilleure prise en compte des enjeux par les autorités, l'importance de la menace montre que les réponses restent, à ce jour, insuffisantes et maintiennent nos administrations dans un état de vulnérabilité inquiétant.
Certes, les ministères sont désormais plus nombreux à se doter de plans de renforcement de leur niveau de sécurité, ce qui traduit leurs volontés de se prémunir des principales menaces, mais ces plans d'actions restent à mettre en oeuvre.
Le niveau effectif de conformité, qui fait l'objet d'un indicateur sous l'objectif 6 du programme 129 tarde toujours à atteindre des niveaux en adéquation avec les enjeux.
Nous constatons fort heureusement l'engagement d'un travail interministériel de remédier à cette situation.
La refonte de la gouvernance SSI de l'Etat, suivie dans le cadre du Comité de pilotage présidé par le cabinet du Premier ministre, a fait l'objet de travaux interministériels, menés notamment par deux missions d'inspection interministérielle de mars à juin 2019 que nous avons rencontrées. Elles ont remis leur rapport fin mai 2019. Celui-ci formule 21 propositions d'amélioration, en vue :
- d'assurer, au sein de chaque ministère, un pilotage au plus haut niveau de la politique SSI ;
- de poursuivre la responsabilisation des directions métiers et la sensibilisation de leurs dirigeants ;
- d'organiser la montée en compétence des responsables par la formation ;
- de créer une enceinte de gouvernance interministérielle présidée par le Premier ministre ou le Président de la République ;
- de formaliser les relations entre les ministères et l'ANSSI ;
- de réviser la PSSIE pour inscrire dans la norme cette nouvelle organisation.
En conséquence, l'ANSSI a décliné ces propositions dans une feuille de route dont nous partageons les objectifs et suivrons avec attention la mise en oeuvre.
Cette remédiation passe enfin par le nécessaire renforcement des moyens juridiques de l'ANSSI pour le contrôle des grands projets de l'Etat, basé désormais sur le décret du 25 octobre 2019.
Ce texte soumet les projets interministériels et ministériels importants et les projets des organismes placés sous la tutelle de l'Etat à un avis du directeur interministériel du numérique (DiNum), conforme pour les premiers, simple pour les seconds. Ce dernier les transmet à l'ANSSI pour observations. Le DiNum peut demander les compléments d'information nécessaires à la formation de son avis, ce qui suspend les délais d'instruction, qui, à défaut, est réputé conforme.
Nous estimons souhaitable que les observations de l'ANSSI soient obligatoirement transmises aux administrations concernées et que la délivrance de l'avis conforme soit soumise à une appréciation par l'ANSSI de la qualité des réponses à ses observations.
S'agissant des opérateurs, la DINum n'a qu'un pouvoir de recommandations. Nous le regrettons car nombre de projets développés par les organismes placés sous la tutelle de l'Etat peuvent s'avérer très sensibles.
Nous nous réjouissons de cette prise de conscience et des premières actions mises en oeuvre. Mais sans portage politique majeur permanent, sans moyens financiers significatifs et sans outils réglementaires plus coercitifs, il sera difficile de lutter contre une logique qui valorise la multiplication de systèmes d'information et des applications numériques permettant d'abaisser des coûts de fonctionnement ou de personnels des services de l'Etat sans se préoccuper suffisamment de leur sécurité et laisse perdurer des logiques de défense des pré-carrés ministériels qui freinent encore une mobilisation générale contre des menaces croissantes et viennent retarder la mise en oeuvre de mesures indispensables. Nous appelons à la mise en place de dispositifs d'incitation/sanction sur le financement des projets en fonction de la prise en compte des normes de sécurité, d'une formation solide, obligatoire, évaluée par l'ANSSI pour tout recrutement des nouveaux DINum ministériels et des directeurs « métiers » pilotant la mise en oeuvre de projets numériques ; et que les objectifs en matière de sécurité informatique définis par l'ANSSI soient explicitement imposés dans leurs lettres de mission et pris en compte dans leur évaluation.
Pour conclure, nous enregistrons des progrès mais nous souhaitons qu'il y ait une intensification et une accélération dans la mise en oeuvre des actions.
Comme l'a indiqué notre collègue Olivier Cadic, je vais pour ma part, exposer deux observations sur l'action 2 du programme 129.
La première concerne l'évolution des crédits de titre 2 qui sont en baisse de 17,6 % (17,2 M€), alors que parallèlement les effectifs, notamment ceux de l'ANSSI (+42) et ceux du GIC (+13), progressent et qu'aucune suppression d'emplois n'est prévue ni au SGDSN, ni au CTG. J'avais interrogé Mme Landais lors de son audition. Nous avons approfondi depuis notre analyse. En effet, compte tenu de l'évolution de la structure d'emplois de ces entités - plus de cadres de haut niveau, desserrement des contraintes salariales - pour recruter des spécialistes dans des secteurs sous tension, cette évolution était pour le moins paradoxale.
En fait, il s'agit d'un simple jeu d'écriture entre le SGDSN et le ministère des Armées. Les militaires mis à disposition du SGDSN, de l'ANSSI et du GIC, 255 ETPT étaient soldés par le ministère des Armées, mais ces rémunérations étaient remboursées par le SGDSN. A partir de 2020, les militaires seront affectés au SGDSN qui n'aura plus à rembourser leurs rémunérations, qui resteront à la charge de la mission Défense dont on sait que les crédits ont du mal à être consommés. Cet arrangement permet au service du Premier ministre d'afficher un titre 2 en baisse et aux Armées de consolider leurs crédits de Titre 2.
Pour la Représentation nationale, il rend moins lisible l'évolution des crédits du SGDSN et moins facile l'évaluation de sa performance. Seul le plafond d'emplois permettra de suivre physiquement dans le programme annuel de performance, l'évolution des effectifs, mais l'évolution du titre 2 ne reflètera plus le coût complet de charges de personnel du SGDSN.
Même si elle repose sur une convention à conclure entre le Ministère des Armées et le SGDSN, cette décision ne paraît pas en adéquation avec l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), et notamment de son article 7. Et demain pourquoi ne concernerait-elle pas diplomates, magistrats, préfets ou policiers en poste au SGDSN ?
Nous demandons en conséquence au Premier ministre de revenir sur cette décision et à défaut à la ministre des Armées et au ministre du budget de créer un article spécifique dans le programme 212 pour retracer les crédits dépensés par les Armées pour solder les militaires affectés au SGDSN. Notre devoir est d'inciter le Gouvernement à plus de transparence.
Cet arbitrage est curieux car il est en contradiction avec une opération de moindre ampleur, mais à tout le moins vertueuse, qui intervient cette année : l'imputation sur le programme 129 de la rémunération d'une partie des gendarmes affectés au SGDSN pour la sécurité du GIC jusqu'alors pris en charge par le programme 152. C'est bien la démonstration que tout est affaire d'opportunité.
Enfin, la décision amoindrit la force de la réponse apportée à la recommandation que nous formulons depuis plusieurs années d'une présentation plus claire des dépenses de l'ensemble SGDSN/ANSSI avec l'annonce de l'expérimentation d'un tableau de bord budgétaire élaboré par entités et directions soutenues.
J'en viens maintenant à ma seconde série d'observations qui portent sur les opérateurs du SGDSN : l'IHEDN et l'INHESJ.
Depuis 2017, l'élargissement de leur activité était inscrit dans un contexte de stabilisation des subventions pour charges de service public et des emplois, de mutualisation de certaines de leurs activités et structures, et de recherches de ressources propres.
Pour 2020, les subventions et les plafonds d'emploi des deux instituts seront en diminution.
En outre, la circulaire du Premier ministre du 5 juin 2019 sur la transformation des administrations centrales et les nouvelles méthodes de travail invite à simplifier les structures administratives en examinant notamment le maintien des structures et opérateurs de moins de 100 ETP, ce qui est le cas des deux instituts. La réflexion au sein des services du Premier ministre a abouti à des réponses divergentes.
Il a été considéré que l'INHESJ pouvait être supprimé et ses activités réparties entre des structures existantes de la justice et de l'intérieur. Cette suppression au 31 décembre 2020 a été confirmée par le Premier ministre le 8 octobre.
S'agissant de l'IHEDN, le caractère interministériel de ses activités a été réaffirmé et sa pérennité dans le périmètre des services du Premier ministre assurée, sous réserve d'une évolution de son offre de formation. La défense nationale englobe, en effet, des problématiques au-delà de la seule défense militaire.
Cependant, comme nous l'avons noté depuis plusieurs années, la soutenabilité du développement de l'IHEDN n'est pas complètement assurée compte tenu :
· de la difficulté qu'il a eue depuis 2015 à contractualiser avec sa tutelle sur les objectifs et performances attendus de ses plans stratégiques, le dernier couvrant la période 2019-2022 constituant toutefois un net progrès dans la méthode et la réflexion, mais son modèle économique reste à construire et suppose qu'un certain nombre d'orientations soient validées politiquement,
· de la baisse de la subvention pour charges de services publics de 8,8 M€ en 2012 à 7,3 M € en 2020,
· de la réduction de ses effectifs de 16 ETP depuis 2014,
· du caractère fluctuant de ses ressources propres : 2,2 M€ en 2017 et 1,8 M€ en 2018 qui dépendent des personnels susceptibles d'être mobilisés pour construire de nouvelles formations.
J'ajoute que les outils de suivi restent peu homogènes. Le rapport annuel ne met pas en rapport les éléments « physiques » et les données comptables et ne permet pas d'apprécier la performance de l'établissement public et l'évolution des coûts par types de session.
Nous avons exprimé cette préoccupation au Général Destremau que nous avons rencontré. Il nous a indiqué que la mise en oeuvre d'une comptabilité analytique était pour lui une priorité et qu'elle fournira un outil de pilotage et d'optimisation de la tarification des sessions.
L'équation budgétaire demeure donc sous tension et la stabilisation de sa trajectoire financière n'est donc toujours pas acquise.
De surcroît, en 2020/21, l'IHEDN devra absorber seul certaines charges qui avaient été mutualisées avec l'INHESJ et potentiellement reprendre certaines formations dispensées dans la sphère sécurité.
S'agissant de ce dernier opérateur, l'année 2020 sera le dernier exercice. Il était pourtant devenu l'opérateur public de référence dans les domaines de la formation et de la recherche liés à la sécurité globale et à la justice, un lieu par lequel la sécurité et la justice se renforcent des échanges avec le monde scientifique grâce à des programmes de recherches de qualité et un lieu de construction de référentiels communs pour des corps amenés à agir ensemble au quotidien dans la lutte contre la criminalité et la délinquance, souvent en tension.
La décision du Premier ministre oblige désormais à ouvrir une réflexion sur la reprise de l'essentiel des formations par l'intérieur et la justice et sur le maintien de l'effort de recherche sans perdre de vue le dialogue et la coordination à préserver entre les services concernés, ni les ressources propres dégagées par ses activités (1,9 M€ en 2018).
A titre personnel, je regrette sa suppression. Il répondait à de véritables besoins. J`espère que le dialogue entre intérieur et justice et l'effort de recherche scientifique dans ces domaines ne seront pas affaiblis. Nous souhaitons ici rendre hommage à l'ensemble des collaborateurs qui ont participé à ce travail commun, pour leur dynamisme et la qualité de leur gestion.
Depuis 2011, l'IHEDN et l'INHESJ s'étaient engagés dans un processus de mutualisation des fonctions de soutien. La suppression de l'INHESJ y met un terme avec, comme conséquence, l'augmentation des coûts de gestion de l'IHEDN, à qui il faudra trouver un autre adossement, peut-être avec des structures du ministère des Armées, présentes sur le site de l'École militaire. Ce qui s'était avéré déjà compliqué à mettre en oeuvre sous la tutelle du SGDSN risque de l'être plus encore.
Globalement, la soutenabilité économique pour le budget de l'Etat de cette opération de simplification reste à démontrer.
Sous réserve de ces observations et au bénéfice de l'importance des missions du SGDSN et des entités qui en dépendent comme des progrès réalisés, nous vous proposons de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Direction de l'action du gouvernement ».
J'ai bien entendu les chiffres que vous avez cités Peut-on en savoir plus sur le classement des attaques, sur la nature des attaques et l'importance des dommages ? L'autorité de sûreté nucléaire a une échelle de risque pour classer les incidents intervenus dans les centrales. Dispose-t-on d'un outil équivalent et sinon ne devrait-on pas s'en doter ?
Je regrette la suppression de l'INHESJ. Cette suppression est incompréhensible. Elle dégageait des recettes, elle formait des personnes venant du public et du privé. Elle a formé 3000 cadres. On crée des structures similaires dans d'autres ministères comme les Affaires étrangères, c'est donc qu'elles sont utiles. L'INHESJ répondait à un besoin, par quoi va-t-il être remplacé ? J'ai l'impression que l'on supprime et que l'on réfléchit ensuite.
Je n'arrive pas à comprendre. L'INHESJ est monté en puissance. Il a trouvé sa place. J'avais été impressionné par la qualité de ses travaux et de ses équipements qui permettaient de se former à toutes sortes de situation de crise. Je suis dans un degré total d'incompréhension. Cela m'inquiète pour l'avenir de l'IHEDN.
Je partage les inquiétudes de nos collègues. Ce n'est hélas pas la première fois qu'on supprime pour recréer, quelques années plus tard, de nouvelles structures ex-nihilo. S'agissant de l'IHEDN, je siège à son conseil d'administration. Je suis inquiète des souhaits de sa tutelle de réduire les orientations internationales de l'IHEDN. C'est une erreur stratégique. Elle est un outil de rayonnement international et d'influence auprès des auditeurs étrangers. Cette dimension doit être absolument maintenue. Il y a aussi des menaces sur le cycle des hautes études européennes de l'ENA. Nos collègues Ronan Le Gleut et Hélène Conway-Mouret, dans leur rapport sur la défense européenne, ont d'ailleurs proposé la création d'une structure comparable à l'IHEDN au niveau européen, cela montre l'utilité de ces structures pour promouvoir la culture et l'esprit de défense et de sécurité.
Le tableau ne retrace que les incidents ayant rendu nécessaire l'intervention de l'ANSSI. La très grande majorité des attaques sont prises en compte au niveau des DSI ministérielles. Il fait ressortir des incidents majeurs sur une échelle de 3 (mineurs, notables et majeurs) en fonction des moyens d'expertise et de la durée d'engagement requis pour leur traitement. Nous nous informerons plus avant sur cette échelle de risque.
Souvent les dommages résultent d'une faille non traitée parce que la DSI n'avait pas les ressources humaines disponibles immédiatement comme nous l'avons vu dans la cyberattaque contre l'application Ariane. Petite cause, grand effet. Nous avons constaté que le ministère des finances avait été attaqué cet été sur la plateforme de déclarations de l'impôt sur le revenu. L'ANSSI nous a assuré que la DSI du ministère avait traité cette attaque avec beaucoup de compétences. Il n'empêche que cela montre la vulnérabilité croissante de nos administrations. Il faut abaisser les coûts de fonctionnement, réduire les effectifs, donc on digitalise, mais fait-on toujours l'effort de sécurité nécessaire ? Avec quel budget ? Combien est mis pour la sécurité dans les nouvelles applications ?
Il sera intéressant de suivre l'évolution de ce tableau dans le temps, car il illustre bien le niveau des menaces. Mais il faudra aller au-delà, de temps à autres, pour apprécier les dommages et voir comment ont été gérés les incidents.
J'ajoute qu'il y a un effort de formation à produire car souvent les responsables « métiers » n'ont pas cet objectif en priorité. Un directeur d'hôpital responsable aujourd'hui doit apprécier les risques de cybersécurité au même niveau que les risques sanitaires dans son établissement. Aujourd'hui, on a besoin de l'informatique pour faire fonctionner un hôpital.
Si Bercy, qui est un des ministères les plus en pointe dans ce domaine, peut être attaqué, quid des ministères moins protégés qui disposent de moins de moyens comme la santé ? D'autant qu'en cette matière, les attaquants ont par construction un avantage sur les défenseurs.
S'agissant de la reprise des activités de l'INHESJ, nous n'avons guère d'informations, si ce n'est que le ministère de la justice et le ministère de l'intérieur disposent de cycles supérieurs de formations susceptibles de reprendre certaines de celles réalisées jusqu'ici par l'INHESJ ; l'IHEDN est en mesure de reprendre les formations sur la cybersécurité et quelques formations dans la sphère de la sécurité, sous réserve que les emplois soient transférés. Pour l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, il est envisagé, semble-t-il, son rattachement à l'INSEE. Mais aujourd'hui rien n'est vraiment arrêté, ni pour la formation, ni pour la recherche avec, à la clef, 1,9 M€ de ressources propres à consolider si l'on veut maintenir les activités à l'identique. On peut faire confiance aux deux ministères, mais quid de la coordination et du travail commun qui était un élément important du dispositif actuel.
La commission, pour ce qui concerne le programme 129, a donné, à l'unanimité, un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » dans le projet de loi de finances pour 2020.
Monsieur le président, mes chers collègues, 2019 et 2020 se ressemblent. Nous restons dans la même logique d'application du programme pluriannuel d'économies substantielles demandées aux entreprises du secteur public de l'audiovisuel, sans véritable discernement, ni prise en compte de la spécificité de France Médias Monde et TV5 Monde, les opérateurs de la politique audiovisuelle extérieure.
En 2020, les dotations allouées aux entreprises de l'audiovisuel public (3,71 Md€) diminueront de 1,8 % par rapport à 2019, conséquence :
· de l'application du plan d'économies,
· de la diminution, un peu démagogique, de 1 € du taux de la contribution à l'audiovisuel public (CAP)
· et de l'absence réforme de cette contribution alors même qu'il est prévu en 2020 une baisse des encaissements liés au moindre rendement de son assiette.
Dans nos précédents avis, nous avions déploré la progression limitée (2018) puis la baisse (2019) des crédits de France Médias Monde et de TV5 Monde. Cette situation inquiétante s'assombrit de nouveau dans le PLF 2020 : France Médias Monde voit ses crédits baisser de 1 M€ à 255,2 M€ et ceux de TV5 Monde stagner à 76,2 M€.
Force est donc de constater le décalage croissant entre les recettes affectées et les prévisions du contrat d'objectifs et du plan stratégique.
Si l'on peut comprendre le souhait d'une réduction de l'empreinte du secteur public sur le territoire national et la recherche d'économies, rien ne justifie en revanche, au regard de leurs gestions rigoureuses et des besoins d'une politique audiovisuelle extérieure dynamique, que les opérateurs de cette politique soient taxés « parce que les autres le sont ».
Cela revient à nier leurs spécificités et leur importance dont on se gratifie plus facilement dans les discours que dans les actes.
Chacun s'alarme du regain des luttes d'influence sur les ondes et dans l'espace numérique.
Chacun déplore la multiplication des actions de désinformation et de déstabilisation.
Chacun s'émeut du développement des médias extérieurs par les Etats puissances, des restrictions portées par les Etats autoritaires et populistes à la liberté d'information sur leur territoire, et du maintien de la propagande des groupes terroristes sur l'internet et les réseaux sociaux.
Chacun reconnait qu'il est pourtant essentiel et de bon sens que la France puisse être présente avec des médias porteurs de ses valeurs, qu'elle y consacre les moyens nécessaires et ne laisse pas à la merci de la propagande insidieuse de nos adversaires des populations pour lesquelles elle engage parfois même la vie de ses soldats.
Chacun s'agite, personne n'agit ! D'où notre colère !
Où est la cohérence entre les belles paroles au sommet de l'Etat et les moyens comptés de nos opérateurs qui, pourtant, nous allons vous en donner l'illustration, font des efforts considérables pour tenir leur rang donnant encore l'illusion de la puissance française, mais pour combien de temps sachant que les pertes de positions dans la distribution ne se rattrapent jamais sans en payer le prix fort.
Au bilan, TV5 Monde est confrontée à la même réalité qu'en 2018 (-1 M€) et 2019 (-1,2 M€), son allocation de crédits stagne à 76,2 M€. Alors que le plan stratégique 2017-2020 appelait des financements plus conséquents.
Les principaux objectifs de ce plan, concernant la transformation numérique et le déploiement en Afrique, auront été anticipés et réalisés au cours de deux premières années, mais TV5 Monde ne pourra le réaliser complètement (abandon du passage à la HD dans les Amériques hors États-Unis et Canada, pas de langue supplémentaire de sous-titrage, report du sous-titrage en direct...).
Les résultats excellents de ses audiences, grâce à sa notoriété, à l'adaptation et au caractère inclusif (notamment en Afrique) de ses programmes, mais aussi à sa transformation numérique (notamment en Inde) ne doivent pas dissimuler des perspectives plus sombres pour l'avenir liées au recul de sa distribution, au sous-financement du renouvellement de ses investissements techniques et à une forme d'altération de la confiance des partenaires francophones.
A travers ces neuf déclinaisons généralistes régionalisées, sous titrées dans 14 langues, de deux programmes thématiques, et de 7 verticales thématiques numériques, TV5 Monde est le principal outil télévisuel de rayonnement de la francophonie et à travers elle de la France. Elle s'efforce aussi avec succès de promouvoir les productions de fiction et de magazine africain et participe à l'émergence d'un secteur dynamique dans ces pays.
Là où des mesures d'audiences sont effectuées, essentiellement en Afrique sur 24 pays, TV5 Monde est regardée chaque semaine par 42 millions de foyers et 16 millions de plus si on ajoute, mesurée sur 4 pays, la chaine enfant qui est un véritable succès.
Mais les contraintes budgétaires portent déjà atteinte à sa distribution qui a été réduite de 370 à 364 millions de foyers, en raison de l'abandon de la diffusion en Grande-Bretagne et en Irlande (-16 millions de foyers) habillée l'année dernière en lancement d'une expérimentation de distribution exclusive en OTT (télévision connectée), qui se solde par de piteux résultats : TV5 Monde évalue à quelques milliers de foyers sa reprise, ce qui montre bien que l'effet report annoncé relève de l'infox. En 2020, pour économiser sur ses liaisons satellites, TV5 Monde abandonnera le Brésil (-2 millions de foyers) et l'Europe continentale (-30 millions), ce qui aura dès lors un impact sur son audience et sur ses ressources propres.
Elle entrera en récession et aura beaucoup de difficulté à financer le projet de plateforme numérique de fictions francophones, initié par le Canada qui met au pot 9,5 M€, dont 6 M€ dès maintenant pour les investissements et les achats de droits d'oeuvres canadiennes. Pour conserver le projet au sein de TV5 Monde, les autres partenaires ont accepté la prise en charge de l'exploitation et de la maintenance, mais sans dégager de crédits supplémentaires. TV5 Monde doit donc mobiliser 6 M€, 2 pour le fonctionnement et 4 pour des achats de droits sauf à laisser la plateforme ne distribuer que des programmes canadiens. Le dynamisme aujourd'hui est chez nos partenaires canadiens.
Elle aura aussi beaucoup de difficultés à renouveler son outil de production et de diffusion, aujourd'hui amorti. Un budget de 12 M€ sur 4 ans est au minimum nécessaire et TV5 Monde doit prendre le risque de différer sa programmation.
J'ajoute que cette incapacité pour la France de tenir ses engagements, alors qu'elle est le premier partenaire - 2/3 du financement mais aussi le siège, les emplois, la direction, ce qui n'est pas négligeable - ne la place pas dans une bonne situation vis-à-vis de ses partenaires. Elle est le seul pays à avoir réduit sa contribution depuis la création de TV5 Monde, de surcroît sans concertation et elle continue à être la seule à ne pas respecter ses engagements de financement à hauteur des 2/3 comme le prévoit la convention.
Un nouveau plan stratégique est en préparation autour de deux thématiques principales, technologique avec la plateforme de distribution, et éditorial avec l'accent mis sur les thèmes environnementaux. Mais ce plan n'est pas préparé dans les meilleures conditions puisqu'il n'a aucune perspective sur son financement.
Les perspectives de France Médias Monde ne sont pas meilleures, malgré ses résultats, d'autant que plane sur elle une grande incertitude liée à la nouvelle loi sur l'audiovisuel à l'ère du numérique qui viendra en discussion début 2020 à l'Assemblée nationale et au printemps au Sénat.
Oui, France Médias Monde continue à afficher de bons résultats. Sa couverture atteint 385 millions de foyers et continue à progresser. L'audience de ces différents médias (France 24, RFI et MCD) atteint 176 millions de personnes par semaine. S'agissant des environnements numériques, ils enregistrent 46 millions d'utilisateurs hebdomadaires.
Oui, France Médias Monde réalise les objectifs de son contrat dont les principaux axes sont l'enrichissement des grilles de programme avec l'ouverture d'un service de France 24 en espagnol en 2017 qui connaît depuis un vif succès, l'adaptation aux évolutions des modes de diffusion (TNT en Afrique, HD et surtout numérique) et la production depuis cette année de programme de RFI en langue peule et mandingue depuis Dakar, ce qui est fondamental dans le contexte de la bande sahélo-saharienne où nos armées sont engagées.
Mais ces bons résultats ne doivent pas masquer des arbitrages qui assombrissent l'avenir de façon plus inquiétante.
Pour financer les impasses budgétaires auxquelles conduit le non-respect par l'Etat de ses engagements financiers (au total 9,9 M€ de décalage en 2020 - elle devait recevoir 2 M€ de plus cette année, on lui en enlève 1), la société certes racle les fonds de tiroir et parvient encore à force de renégociations coûteuses en énergie et avec le concours de ses personnels à réaliser quelques économies sur son fonctionnement et ses programmes, en allongeant par exemple la programmation à l'antenne des grilles d'été, moins coûteuses, mais de moindre qualité.
Mais cela ne suffit pas. Pour financer les impasses budgétaires, il faut rogner sur les coûts de diffusion et de distribution en abandonnant sa distribution aux États-Unis, en Scandinavie, en limitant les passages en HD ou en TNT payante en Afrique, en supprimant la diffusion en onde moyenne vers le Moyen-Orient et sa diffusion sur la TNT en Ile-de-France avec une baisse attendue de 8 millions de foyers et une économie de 1 M€ en 2020 avec les conséquences que cela aura pour l'audience et la notoriété.
Pour l'avenir FMM reste en dialogue avec ses tutelles et espère éviter la fermeture du service en espagnol, fonde quelques espoirs sur la participation de l'AFD pour le développement de certains programmes en langue africaine comportant un volet formation avec CFI. Il semble qu'une enveloppe de 15 M€ sur 3 à 5 ans soit envisageable pour des projets nouveaux, ce qui est une avancée mais ne répond que de façon adjacente au besoin de financements de programme et de la diffusion, engendre de nouveaux coûts de productions et demande une logistique administrative considérable peu compatible avec l'agilité et la réactivité nécessaire dans le monde numérique ;
FMM compte aussi sur des apports de financement européen à des programmes spécifiques développés en partenariat avec la Deutsche Welle, dans l'espace numérique, à l'image d'infoMigrants diffusé depuis deux ans, comme le projet plurilingue sur mobiles à destination des jeunes autour de la lutte contre le fléau des infox, projet entrant dans le cadre du traité franco-allemand d'Aix-la-Chapelle.
Compte tenu de l'absence de marges de manoeuvres suffisantes sur le fonctionnement courant des entreprises, nous avions, l'année dernière, refusé l'idée de laisser ces entreprises naviguer à vue, comme celle de renoncer à nos ambitions dans un contexte où nos adversaires renforcent leur influence, alors que nous savons la parole de la France attendue comme le montrent les succès d'audience quand nos médias parviennent à la délivrer et parce que la mission de ces médias est une véritable mission de service public et que nombre des aspects de cette mission contribuent au développement des territoires et des populations desservis qui se situent dans des pays en développement ;
Oui, nous avions imaginé pouvoir rééquilibrer les allocations de la contribution à l'audiovisuel public, mais on nous a expliqué que nous donnions un mauvais exemple qui servirait de prétexte aux mastodontes pour ne pas appliquer leurs plans d'économies ;
Oui, nous avions imaginé également que l'on pourrait créer une ligne budgétaire dans le programme 209 pour financer au moyen des crédits d'aide au développement un certain nombre de programmes éducatifs ou de services à destination des pays d'Afrique subsaharienne et là, tout en reconnaissant, l'importance de cette mission, on nous expliquât, Quai d'Orsay en tête, qu'il était exclu de revenir à un financement budgétaire même marginal des opérateurs, ce qui est le cas partout en Allemagne (350 M€) et en Grande-Bretagne, notamment, où la BBC World reçoit ¼ de son budget (430 M€) du Foreign Office.
Nous sommes en colère et découragés, car la sauvegarde des petits pré-carrés se fait au détriment de l'intérêt national et personne au sommet de l'Etat ne porte plus cette ambition autrement que par de bonnes paroles, ce qui effectivement ne coûte rien mais est en train de saper progressivement les capacités de nos opérateurs.
Et pourtant, nous continuerons à soutenir cette ambition parce que nous la croyons juste, et par respect et reconnaissance envers les dirigeants et les personnels de ces médias, qui ne font pas la « une » des magazines people, et ne pratique pas l'hystérisation de l'actualité, mais travaillent avec beaucoup de dévouement, de talent et d'honnêteté à soutenir l'image et les valeurs de notre pays, hors de ses frontières.
Au-delà pèse évidemment une grande incertitude liée au projet de réforme de l'audiovisuel public à l'ère du numérique. Cette loi prévoit de chapeauter France Télévisions, Radio France, l'INA et France Médias Monde par une holding (TV5 Monde et Arte en raison de leur statut international restent indépendantes). Cette holding présentée comme une structure légère, inspirée du « Board des gouverneurs de la BBC », chargée de superviser et de coordonner le développement de ses filiales et notamment leur transformation numérique, mais surtout de répartir entre ses quatre filiales et elle-même le montant de la contribution à l'audiovisuel public qui lui sera désormais attribué, privant au passage le Parlement de la décision. Le risque est double :
- celui de voir diluer la spécificité de FMM, petite structure au sein d'un grand ensemble, qui sera nécessairement soumis aux pressions du monde de la production audiovisuelle et de ses plus grosses filiales et pourrait vite devenir le premier gisement d'économies,
- celui de voir la holding absorber de plus en plus de compétences au nom de la rationalisation de la gestion et de perdre l'agilité qui fait la force d'une entreprise comme FMM.
Comment faire prévaloir la spécificité de la politique audiovisuelle extérieure ? Nous ne serons pas dépourvus de moyens, si nous parvenons à être convaincants, mais pour cela il faudra faire entendre notre voix et donc que la commission demande à être saisie pour avis lorsque le texte viendra au Sénat au printemps 2020. Ensuite, il faudra être imaginatif pour proposer des leviers efficaces au-delà de la simple présence d'administrateurs du Quai d'Orsay au sein des conseils d'administration, ce qui est présenté comme une garantie mais qui est en fait assez dérisoire car la position de l'Etat sur les questions importantes sera arbitrée préalablement et présentée par le commissaire du gouvernement, issu du ministère de la culture, afin de préserver les ressources, définir la stratégie, orienter les objectifs, et rien n'interdit non plus au Parlement, considérant la spécificité des médias audiovisuels extérieurs, d'en préserver l'indépendance et de continuer chaque année à leur attribuer une part de la contribution à l'audiovisuel public, tout en la complétant par des financements budgétaires complémentaires. Aucun sujet ne doit être tabou.
Dans ce contexte et à la veille d'une échéance cruciale, je pense qu'un vote négatif sur les crédits de l'audiovisuel extérieur aurait plus de poids pour exprimer notre mécontentement et notre volonté de revenir à une politique audiovisuelle extérieure plus robuste en cohérence avec nos ambitions sur le plan international et aux attentes de nombreux citoyens qui par le monde partagent l'universalité des valeurs que nous défendons. Ce faisant, si au cours de la discussion parlementaire, les crédits de FMM ou de TV5 Monde étaient réajustés au niveau des engagements pris par l'Etat dans leur COM et plan stratégique, je vous propose que nous reconsidérions notre position pour soutenir cette nouvelle répartition de la contribution à l'audiovisuel public.
J'adhère à la position des rapporteurs car chaque année on diminue les crédits des opérateurs de l'audiovisuel extérieur, alors que cette entreprise et les personnels qui y travaillent fournissent un remarquable effort avec des moyens réduits.
Puisqu'en séance, je crois savoir qu'il y aura un amendement de la commission des finances pour leur transférer des crédits, nous pourrons faire évoluer notre position s'il était adopté.
Nous comprenons le courroux des rapporteurs et nous y souscrivons, il est incompréhensible que les moyens des opérateurs de la politique audiovisuelle extérieure diminuent alors que nous sommes entrés dans une véritable guerre pour une information de qualité et objective. Nous craignons également qu'au sein de la future holding, France Médias Monde ne devienne une variable d'ajustement.
En tant que co-rapporteure des crédits de l'aide publique au développement, l'audiovisuel extérieur est aussi un élément extrêmement important pour valoriser nos actions de coopération et d'aide publique au développement. Quand on voit les moyens que nous consacrons à ces actions, le fait de disposer d'opérateurs audiovisuels extérieurs, ce n'est pas rien.
La semaine dernière, était organisée au Sénat une manifestation pour commémorer la création du premier ministère de la culture par André Malraux. Lors de cette manifestation, Xavier Darcos a démonté à quel point culture et développement étaient liés. Dans les travaux que nous présenterons prochainement sur l'aide publique au développement, il faudra absolument que nous puissions faire le lien entre l'action de ces opérateurs audiovisuels et le développement.
Je remercie les rapporteurs des crédits de l'aide publique au développement pour ces propos. La liaison entre ces deux domaines est très importante et c'est sans doute le moyen d'obtenir des financements complémentaires pour faire face aux enjeux de l'aide publique au développement. Ce que fait FMM et notamment RFI en Afrique est de ce point de vue remarquable.
S'agissant de l'amendement présenté par le rapporteur de la commission des finances, il va dans le sens de nos préconisations et nous avions présenté chaque année des amendements dans cet esprit. Nous le soutiendrons. Mais à ce stade, nous vous demandons cette année d'exprimer un vote défavorable pour bien marquer notre désaccord avec le projet présenté par le Gouvernement, d'infliger de nouvelles réductions de crédits à l'audiovisuel extérieur.
Les auditions nous ont permis de constater que seul le Sénat soutenait véritablement les opérateurs de l'audiovisuel extérieur et que cette position constante est appréciée de ceux qui ont conscience de l'incohérence et de l'écart croissant entre les ambitions affichées et les moyens affectés.
La commission, pour ce qui concerne les programmes 844 « France Médias Monde » et 847 « TV5 Monde », a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits du compte d'avances à l'audiovisuel public, sous réserve d'un rééquilibrage des crédits affectés aux opérateurs de l'audiovisuel extérieur au cours de la discussion parlementaire, les sénateurs du groupe La République en marche ayant exprimé un vote favorable.
Monsieur le Président, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui part d'une intention louable. Il s'agit en effet de garantir la reconnaissance de la Nation à certains militaires et civils qui ont risqué leur vie pour défendre notre pays, cette reconnaissance pouvant notamment passer par le droit d'avoir une draperie tricolore sur son cercueil. Avant tout autre considération, je tiens à souligner que nous partageons tous ici cette volonté de récompenser les mérites, l'engagement et les sacrifices de celles et ceux qui ont participé aux combats menés par nos armées ou qui, soldats, policiers ou pompiers, sont morts en service dans l'accomplissement de leurs fonctions.
Ceci étant rappelé, il me semble que la présente proposition ne répond pas à cette intention qui en elle-même, je le répète, est absolument respectable.
Il faut bien avoir conscience que l'équilibre du droit en matière de récompenses militaires, que ce soit les citations, les médailles ou la draperie tricolore, est subtil et fragile. Dès lors, il ne pourrait être modifié sans risque de demandes d'extensions nouvelles, par exemple au profit de la légion d'honneur ou de l'ordre national du mérite. Je crois que personne n'a non plus l'intention d'étendre la draperie tricolore à l'ensemble des titulaires de la médaille militaire. Ce n'est pas en tout cas l'intention de l'auteur de la Proposition de loi, comme il me l'a confirmé.
Pour en revenir au texte précis de la proposition de loi de M. Decool, il vise à permettre à tout militaire ayant, au cours de sa carrière, fait l'objet d'une citation à l'ordre de l'armée, d'avoir une draperie tricolore sur son cercueil.
Il convient d'emblée d'observer que cette mesure concernerait très peu de personnes, en tout cas pas plus de 5 par an. Il y a très peu de médaillés militaires ayant eu une citation à l'ordre de l'armée, car cette distinction suppose l'accomplissement d'un exploit particulièrement mémorable au combat. La citation à l'ordre de l'armée est d'ailleurs du ressort exclusif du ministre des armées. Même pendant les deux guerres mondiales, très peu de personnes ont pu obtenir une telle citation.
En outre, les quelques militaires susceptibles d'avoir cette citation peuvent déjà bénéficier du privilège de voir recouvrir leur cercueil d'une draperie tricolore. En effet, ce droit est ouvert par des circulaires aux titulaires de la carte du combattant, de la carte de combattant volontaire de la Résistance ou du titre de reconnaissance de la Nation (TRN), ainsi qu'aux réfractaires du service du travail obligatoire (STO) ayant obtenu la médaille commémorative française de la guerre 1939-1945 et aux civils, fonctionnaires de la police nationale et sapeurs-pompiers, tués dans l'accomplissement de leur devoir et au cours de circonstances exceptionnelles. Ce sont des critères d'attribution assez larges, qui couvrent sans difficulté le cas d'un militaire auteur d'un exploit lui ayant valu d'être cité à l'ordre de l'armée.
Ainsi, la proposition de loi apparaît sans effet réel car elle ne concernerait qu'au maximum 5 militaires par an, qui ont déjà le droit actuellement à la draperie tricolore.
J'ai d'ailleurs pu constater que les anciens combattants que j'ai consultés, comme la Fédération André Maginot, ne souhaitaient pas une telle limitation du droit à la draperie tricolore.
En ce qui concerne les deux amendements, ils me paraissent également partir d'une bonne intention mais j'y vois des difficultés sérieuses.
D'abord, le premier amendement aboutirait à une rédaction nettement plus restrictive que le droit en vigueur : d'une part, il ne couvre ni les réfractaires du service du travail obligatoire (STO) ayant obtenu la médaille commémorative française de la guerre 1939-1945, ni les civils, fonctionnaires de la police nationale et sapeurs-pompiers, tués dans l'accomplissement de leur devoir et au cours de circonstances exceptionnelles. Or, aujourd'hui, personne, je crois, ne souhaite remettre en cause ce privilège accordé à ceux qui meurent en accomplissant leur mission ; d'autre part, la notion de « ayant combattu pour la France » elle-même pose problème. Elle risque en effet d'aboutir à une interprétation de l'administration plus restrictive que le droit actuel, ce qui, je pense, n'est pas non plus l'effet recherché.
De fait, je rappelle qu'ont droit à la draperie les titulaires du Titre de reconnaissance de la Nation (TRN). Or, ce titre a des critères d'attribution plus larges que la carte du combattant. Ainsi, alors que celle-ci suppose l'appartenance à une unité combattante ou la participation personnelle à cinq actions de feu ou de combat, le Titre de reconnaissance de la Nation est accordé à toute personne ayant servi pendant au moins quatre-vingt-dix jours dans une formation ayant participé à des opérations. Tous les militaires, titulaires ou non de la médaille militaire, qui répondent à ces conditions, ont donc en principe droit à la draperie tricolore.
Ainsi, en limitant le champ aux personnes « ayant combattu pour la France », l'amendement aurait en réalité pour effet de restreindre le droit à la draperie aux personnes ayant la carte du combattant.
Toutefois, je comprends les interrogations des auteurs de la proposition et de l'amendement sur ce dispositif assez complexe, fruit de cet équilibre que je viens d'évoquer. Nous devrons donc demander en séance publique à la ministre de bien expliquer la position du Gouvernement et de l'administration et de nous confirmer qu'actuellement, tout médaillé militaire y ayant droit peut bien bénéficier de la draperie tricolore, comme les textes le disent clairement.
En conséquence de ces réserves et afin, comme je l'ai indiqué, de ne pas perturber l'équilibre actuel entre les différents types de récompense militaires ou civiles et les différentes catégories de bénéficiaires de ces récompenses, je vous propose de ne pas adopter de texte sur cette proposition de loi.
En conséquence, la proposition de loi de notre collègue Decool arrivera intacte en séance publique où nous pourrons avoir une explication avec la ministre sur les conditions d'application du dispositif actuel.
Merci à la rapporteure qui a fait un travail approfondi et équilibré. C'est un sujet complexe dont l'équilibre subtil soit être préservé. La médaille militaire est une médaille prestigieuse essentiellement remise à des militaires qui ont été au feu. Cela concerne en particulier les militaires qui ont participé à des OPEX.
Nous sommes tous sensibles à ce sujet. Le texte et les amendements complexifient la situation. Nous partageons certes la nécessité d'exprimer la reconnaissance de la Nation à travers les médailles et les citations. Les textes actuels définissent un équilibre fragile qu'il ne faut toucher qu'avec prudence.
Je précise la procédure : si, au terme de notre débat, la proposition de loi n'était pas adoptée par notre commission, en application de l'article 42 de la Constitution et de l'article 42 du Règlement intérieur du Sénat la proposition de loi arriverait en séance dans sa rédaction initiale et il serait encore possible de l'amender dans les délais habituels, en l'occurrence en déposant des amendements avant le 18 novembre à 12 heures.
Concernant l'objet de la proposition de loi, à vrai dire, l'application des textes sur le terrain est assez souple.
L'objet de cette proposition de loi est de renforcer les droits des militaires qui ont combattu pour la France. Aujourd'hui, le droit de voir son cercueil recouvert par un drapeau tricolore suppose des démarches de l'intéressé. Le texte vise à rendre ce droit automatique et à l'inscrire dans la loi. Le texte déposé est perfectible, d'où les amendements. Le travail est toujours en cours. L'important est que les militaires qui se sont battus pour la France n'aient pas à quémander cette distinction.
Je rends hommage à la rapporteure pour son travail sérieux. Il serait sans doute préférable de retirer cette proposition de loi. Je ne remets pas en cause les intentions des auteurs mais il n'est pas souhaitable de toucher à l'équilibre actuel. Ceux qui y ont droit peuvent déjà avoir la draperie tricolore. Cette proposition de loi avait déjà été déposée par le passé mais elle n'avait pas prospéré.
Il ne faut pas banaliser le drapeau tricolore sur les cercueils. Je n'hésiterai pas à voter contre en séance et je sais que je serai soutenu par beaucoup d'anciens combattants.
C'est un sujet sensible. Il ne faut pas galvauder la draperie tricolore. Le groupe Union centriste suivra la rapporteure.
Pour ma part j'avais effectivement suggéré à l'auteur de la proposition de loi, que j'ai rencontré, de retirer la proposition pour réétudier la question. A Carcassonne, nous avons le 3e régiment de parachutistes d'infanterie de marine, et la médaille militaire est parfois donnée à des militaires jeunes qui ont combattu : les choses se transforment du fait du passage d'une armée de conscrits à une armée de métier.
Le 13 juillet, en recevant les légionnaires, le Président du Sénat a remis la médaille militaire et la citoyenneté française à un légionnaire paralysé à cause d'une balle reçue dans le dos. Ce sont des sujets graves sur lesquels il faut être prudent.
Les amendements sont rejetés. La proposition de loi n'est pas adoptée. Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera sur le texte de la proposition de loi initiale.
TABLEAU DES SORTS
La réunion est close à 12 heures.