Il s’agit en effet de faire diversion.
La communication politique du Président de la République et du Gouvernement a beau se déployer comme jamais, nous savons bien que, depuis plusieurs années – cela a été déjà dit par nombre de nos collègues, notamment François Marc –, la baisse de la fiscalité des ménages les plus aisés – grâce à la multiplication des niches fiscales, conjuguée à de nouvelles mesures, telles la réduction du taux de TVA sur la restauration ou la suppression annoncée de la taxe professionnelle – diminue les ressources fiscales de l’État et augmente l’effet de ciseau entre les recettes et les dépenses.
Le Premier président de la Cour des comptes estime ainsi que l’adoption de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat et le dégrèvement actuel de la taxe professionnelle – je ne parle pas du dégrèvement à venir – ont entraîné une diminution des ressources publiques de près de 10 milliards d’euros.
Aujourd’hui, alors même que la crise sévit, que le taux de chômage enfle, les collectivités locales assument, aux côtés de l’État, un double rôle, celui d’investisseur public et celui d’amortisseur social.
Il n’est pas loin le temps – un an à peine – où le Gouvernement ne cessait de pointer du doigt les dépenses des collectivités locales, qu’il accusait d’être les seules responsables des déficits. Depuis qu’il a pris conscience de la crise qui frappe notre pays, le Gouvernement a redécouvert le caractère vertueux de leurs dépenses d’investissement – elles représentent, comme chacun le sait, près de 75 % de l’investissement public total – et a signé avec près de 20 000 d’entre elles, dans le cadre du pacte de relance, une convention portant augmentation de leurs investissements en contrepartie d’un remboursement anticipé de TVA.
À cet égard, il est regrettable qu’aucune mesure d’encouragement à l’investissement n’ait été mise en œuvre en faveur des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI – la commission des finances avait pourtant fait des propositions en ce sens –, alors qu’ils sont bien souvent aujourd’hui les relais de nos communes en matière d’investissement public local.
Les EPCI à taxe professionnelle unique, les départements et les régions ont récemment appris par le Président de la République que la taxe professionnelle serait supprimée à la fin de l’année 2009 – ils ne savent toujours pas aujourd'hui par quoi elle sera remplacée –, ce qui creusera encore le déficit de l’État, déjà qualifié par tous d’abyssal, de 10 milliards ou 11 milliards d’euros supplémentaires, nul ne le sait exactement.
Avouez, mes chers collègues, que ces éléments sont de nature à inquiéter les excellents gestionnaires que sont dans leur très vaste majorité les élus locaux. Dans une période où, crise oblige, les collectivités locales ont besoin de visibilité pour investir de manière soutenue, c’est là, selon moi, une rupture du pacte de confiance qui doit les unir à l’État. Et je n’évoquerai pas, car ce n’est pas le moment, le souhait du Président de la République de diviser par deux le nombre d’élus départementaux et régionaux, ce qui ajoute encore à la confusion.
Quand on sait la bonne image que les Français ont de leurs élus locaux, quand on sait à quel point l’excellence de ces derniers est reconnue par nos concitoyens, qui apprécient leur proximité et l’efficacité des politiques menées et des services offerts, je souhaite bien du plaisir à ceux qui défendront une réforme que l’on ne peut que qualifier d’électoraliste et de populiste !
Nous pensons que les collectivités locales sont de meilleures gestionnaires que l’État, qu’elles investissent plus dans les domaines de compétences transférées, comme on l’a vu, par exemple, avec les lycées, les collèges et les TER. Nous ne laisserons donc personne les disqualifier, comme on a tenté de le faire en les accusant d’augmenter les impôts et les dettes.
D’ailleurs, c’est vers ces mêmes collectivités locales que les Français se tournent en dernier recours lorsque tout va mal. Les fonds d’aide des conseils généraux ou les secours apportés par les centres communaux d’action sociale, ou CCAS, jouent un rôle d’amortisseur social.
Par conséquent, nous ne pouvons pas, me semble-t-il, supprimer la taxe professionnelle sans jeter les bases – c’est le cas de le dire – d’une fiscalité locale plus juste et d’une véritable autonomie fiscale.
Les transferts de compétences n’étant que partiellement compensés, la croissance des dépenses locales est plus forte que celle des dépenses de l’État. Cela se traduit par un déplacement de pression fiscale de l’État vers les collectivités locales. Se pose donc la question de la réforme des impôts locaux attendue depuis des années.
Monsieur le ministre, lorsque je vous avais interrogé sur la réforme des bases, vous m’aviez indiqué qu’une concertation était engagée, en liaison avec la suppression de la taxe professionnelle. Nous voulons savoir où cela en est aujourd'hui.
Par comparaison avec d’autres réformes extrêmement coûteuses pour les finances publiques, notamment la baisse de la TVA sur la restauration, l’effort de péréquation du Gouvernement est dérisoire. En exerçant une contrainte sur l’évolution de la DGF – la norme de croissance de l’enveloppe globale des dotations est chaque année plus restrictive –, l’État se défausse de ses responsabilités en la matière.
Chacun le comprend, les collectivités locales ont besoin de recettes dynamiques, mais également de prévisibilité financière et de lisibilité. Or cette exigence n’est plus satisfaite aujourd'hui. Il est donc temps, me semble-t-il, que le Gouvernement cesse de considérer les finances locales comme une variable d’ajustement du budget de l’État.
Faute d’une prise de conscience de l’ampleur des difficultés, la crise des collectivités risque de venir aggraver la situation économique nationale soit par une hausse obligatoire ou inéluctable des impôts locaux et de l’endettement, soit par une panne de l’investissement local.
Comment dès lors réinstaurer une véritable confiance ? Nous pensons que l’État serait bien inspiré de s’appuyer sur le dynamisme local, au lieu de l’étouffer. Ne pas aggraver la situation pour 2010 relèverait du bon sens, et l’améliorer serait conforme à l’intérêt national.
À mon sens, le Gouvernement devrait comprendre que la concertation avec les collectivités locales est un bienfait, et non une contrainte. En effet, au lieu de « travailler plus pour gagner plus », les Français devront bientôt « payer plus pour rembourser plus » !