Avec près de 4 milliards d'euros de crédits, la mission bénéficie en apparence d'un supplément de crédits de 1,1 milliard par rapport à l'an dernier. Mais si l'on omet les redéploiements budgétaires entre missions, le budget de la mission reste stable à périmètre constant, avec une hausse de 50 millions d'euros.
Je ne suis pas aussi optimiste que vous, monsieur le ministre. Nous n'avons ainsi aucune précision sur les reclassements d'emplois au sein du programme 354, issu de la fusion des programmes 307 « Administration territoriale de l'État» et 333 « Moyens mutualisés des services déconcentrés ». Les emplois dédiés au contrôle de légalité et au conseil aux collectivités territoriales font l'objet d'un tel rebasage que le nombre de postes diminue de 174 ETP, soit à peu près 8 % des emplois. C'est particulièrement préjudiciable au moment où les maires sont inquiets de la disparition de l'administration territoriale de l'État, ou du démantèlement du réseau des trésoreries publiques. Le contrôle de légalité constitue, au même titre que les trésoreries, un élément essentiel pour conseiller les maires et leur éviter de faire des erreurs. Les maires ne sont pas tous polytechniciens ou docteurs en droit, loin de là ! Selon vous, la fusion sera source d'économies : j'espère qu'il en ira différemment à cet égard de la fusion des régions...
Il est évidemment trop tôt pour faire un bilan de la rationalisation des coûts de l'administration territoriale de l'État. Mais le passé ne plaide pas pour un pari sur la réussite. Dans le cadre du plan « Préfectures nouvelle génération », plus de 4 000 emplois de proximité ont été supprimés sans être totalement compensés par des redéploiements vers les missions prioritaires. Les suppressions d'emplois dans des missions considérées comme prioritaires se poursuivent - 678 pour le programme 354. En 2017, 58 sous-préfectures disposaient de moins de 10 emplois. En 2019, elles sont au nombre de 82. On crée des coquilles vides. Il y a fort à parier que le projet « Maisons France Service » amplifiera encore ce phénomène. Nous avons les annonces, mais pas les financements. Cela se terminera par des coupes sombres dans le réseau préfectoral et par la sollicitation financière des collectivités territoriales. Pourriez-vous nous préciser votre vision de la présence de l'État dans les territoires ? Je veux vous faire part de deux inquiétudes : la crise du contrôle de légalité et du conseil aux collectivités territoriales, et la mise en oeuvre des missions de sécurité des populations.
J'en viens aux transferts de charges. De nombreuses communes sont appelées à se doter d'une application, dite Comedec, de télétransmission électronique des données d'état civil censée accompagner la lutte contre la fraude documentaire. L'État les défraye à hauteur de 2 millions d'euros, mais l'application rapporte plus de 13 millions d'euros à l'Agence nationale des titres sécurisés. L'État ne traite plus que 5 % des demandes de certificats d'immatriculation, le reste étant assuré par des opérateurs privés qui demandent environ 30 euros à leurs clients pour obtenir leurs cartes grises, avec des délais pourtant insatisfaisants.
Je ne partage pas votre analyse sur l'accueil des étrangers : l'effort entamé ces dernières années est apparemment interrompu et l'on constate des dysfonctionnements sérieux auxquels il faudra remédier très vite.
Le programme 232 concerne le financement de la vie politique. Les élections municipales sont budgétées pour 132 millions d'euros, mais devraient coûter 155,7 millions d'euros. Peut-être cela préservera-t-il le programme de transferts illicites comme celui qui l'a ponctionné en 2019 pour boucler une opération immobilière sans aucun lien avec lui...
Enfin, 60 000 euros sont inscrits au titre du médiateur du crédit aux candidats et aux formations politiques, institution nouvelle, destinée à surmonter le refus des banques de prêter aux partis politiques, mais qui me paraît assez peu susceptible de remplir son office. À moins d'imaginer que sa mission soit précisément d'échouer...
La nouvelle Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) bénéficie de 30 ETP, mais on ne sait pas quel sera leur rôle.
Le niveau des crédits inscrits au titre des dépenses de contentieux est traditionnellement insuffisant. Il est vrai qu'il est difficile à prévoir, d'autant plus à cause de la crise des « gilets jaunes ».
Je salue toutefois la création d'une direction du numérique. J'aurais dû logiquement proposer à la commission des finances de voter contre ce budget dans la mesure où l'État s'éloigne encore un peu plus des territoires, mais j'ai proposé un avis de sagesse, car je vous laisse le bénéfice du doute, en espérant que la mutualisation fonctionnera.