Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale

Réunion du 14 novembre 2019 à 10h50

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Chaque année la commission des lois reçoit, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances (PLF), le ministre de l'intérieur, afin qu'il précise les crédits affectés aux missions « Sécurités », « Immigration, asile et intégration » et « Administration générale et territoriale de l'État ».

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur, m'a fait savoir hier que le Premier ministre lui avait demandé de l'accompagner dans un déplacement. Je prends acte de cette absence même si je la regrette. Je suis heureux d'accueillir M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur, avec lequel nous avons l'habitude de travailler.

Nous serons attentifs à plusieurs sujets budgétaires : tout d'abord la poursuite de l'augmentation des moyens - y compris immobiliers et automobiles - de la police et de la gendarmerie, afin de leur permettre de lutter contre la délinquance et le terrorisme ; ensuite, l'augmentation des moyens pour la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, et tout particulièrement des déboutés du droit d'asile, ainsi que les négociations que vous menez avec les pays d'origine pour obtenir dans des délais rapides les titres consulaires nécessaires ; enfin, les questions de sécurité civile : nos collègues Patrick Kanner, Loïc Hervé et Catherine Troendlé préparent un rapport sur la sécurité des sapeurs-pompiers et sont inquiets d'une éventuelle remise en cause du modèle français de volontariat.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur

Depuis la campagne électorale de 2017, la sécurité est la première priorité du Gouvernement.

Budget après budget, les crédits accordés à nos forces de l'ordre ont considérablement augmenté. Le PLF pour 2020 vient confirmer cet engagement du Gouvernement. Les crédits de la mission « Sécurités » s'établiront en 2020 à 13,8 milliards d'euros, soit une augmentation de près de 500 millions. Cela représente 13,2 milliards d'euros pour la police et la gendarmerie, soit une augmentation de 4 % par rapport à 2019 et de 8,7 % - plus d'un milliard d'euros - depuis le début du quinquennat.

Cette hausse est à la hauteur de l'engagement de nos forces, qui a atteint des niveaux exceptionnels cette année. Elle nous permet de tenir nos promesses : augmenter les salaires de nos forces de l'ordre, poursuivre nos objectifs de recrutement de 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires sur le quinquennat et améliorer leurs conditions de travail.

Le budget de la police nationale s'élève à 7,7 milliards d'euros, en augmentation de 5,3 % par rapport à 2019. Le protocole du 18 décembre 2018 a permis d'augmenter les salaires des policiers de plus de 100 euros par mois et d'ouvrir des négociations sur le temps de travail, la fidélisation dans les postes et les territoires et la gestion des heures supplémentaires. Les crédits accordés à la police sont constitués à 87 % de dépenses de personnel.

Nous avons aussi entamé des réformes structurelles comme celle, actuellement expérimentée, des cycles horaires. Sur le paiement des heures supplémentaires, nous tenons nos engagements : 3,5 millions d'heures supplémentaires seront payées d'ici à la fin de l'année et le PLF pour 2020 prévoit 26,5 millions d'euros pour le financement des nouvelles heures supplémentaires de l'année, hors compagnies républicaines de sécurité (CRS), pour lesquelles est allouée une enveloppe spécifique de 23 millions d'euros. En outre, ce budget va permettre de poursuivre les recrutements : 1 465 policiers supplémentaires sont prévus en 2020.

Les crédits de fonctionnement et d'investissement ne sont pas en reste : nous allons continuer notre plan immobilier, avec 193 millions d'euros investis, et nous avons prévu 55 millions d'euros pour l'achat de 2 500 véhicules neufs en 2020, soit 25 % de plus qu'en 2017.

Concernant la gendarmerie nationale, nous avons suivi le même raisonnement : une augmentation résolue des crédits, en priorité pour la solde. Des crédits d'un montant de 5,5 milliards d'euros seront consacrés à la gendarmerie nationale en 2020, soit près de 80 millions d'euros supplémentaires, pour des augmentations de salaire et la poursuite de nos recrutements. L'année 2020 sera une année importante : avec 490 emplois supplémentaires, la gendarmerie va enfin retrouver son niveau d'effectifs de 2007 - 6 263 postes avaient été supprimés ! Le budget de fonctionnement et d'investissement de la gendarmerie est stable à 1,28 milliard d'euros, dont 98 millions d'euros pour l'investissement immobilier et la maintenance lourde.

Le budget de la sécurité civile se situe à près de 465 millions d'euros. Les deux tiers de ces crédits sont consacrés à des dépenses de fonctionnement et d'investissement, pour un montant de près de 347 millions d'euros à périmètre constant. Nous allons notamment poursuivre le renouvellement de notre flotte d'aviation civile. Nos Trackers sont remplacés par des avions Dash neufs : un premier a été livré en juin dernier et cinq autres appareils le seront d'ici à 2022. Nous consacrerons près de 408 millions d'euros à la sécurité routière, en légère augmentation de près de 0,4 million d'euros.

Les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » ont une importance particulière, et je sais que le Sénat y est sensible parce qu'il y va de la présence de l'État dans chaque territoire. L'administration territoriale de l'État bénéficiera de 1,8 milliard d'euros, et l'administration centrale de 1,41 milliard d'euros.

L'année 2020 sera aussi l'aboutissement de plusieurs réformes majeures pour le ministère de l'intérieur, pour une meilleure organisation et donc un meilleur service pour les Français. Un nouveau programme 354 va être créé pour regrouper les moyens des préfectures et des directions régionales et départementales interministérielles et permettre au ministère de l'intérieur, par l'intermédiaire des préfets, de mieux piloter les moyens de l'État. Ce nouveau programme accompagne la création de secrétariats généraux communs pour les services de l'État dans les préfectures qui, placés sous la responsabilité des préfets et de leurs secrétaires généraux, permettront une meilleure cohérence de l'utilisation des moyens de l'État dans les départements.

Une direction unique du numérique et un service achat unique seront également créés au sein du ministère, pour plus d'efficacité et de service aux usagers.

Nous débattons depuis plusieurs semaines de notre politique migratoire et le Premier ministre a annoncé la semaine dernière une série de mesures. Nous avons une ambition claire : le respect strict du droit et l'intégration parfaite de celles et ceux que nous choisissons d'accueillir. Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » sont en cohérence avec ces ambitions : en 2020, ils s'établiront à 1,82 milliard d'euros, soit une augmentation de 9,6 % à périmètre constant.

Concernant l'asile et l'immigration, nous avons prévu d'investir 1,38 milliard d'euros, soit une hausse de 10,5 % par rapport à l'année dernière, qui nous permettra notamment de poursuivre nos efforts en matière de réduction des délais d'instruction des demandes d'asile, pour atteindre notre objectif de six mois. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) sera renforcé de 200 équivalents temps plein (ETP), une augmentation de 25 % de ses effectifs pour atteindre un effectif total de plus de 1 000 en 2020. Nous allons également renforcer les moyens de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) avec 59 ETP supplémentaires pour 2020, qui viennent compléter les 102 ETP supplémentaires de 2018 et les 122 de 2019. L'effort entrepris depuis le début du mandat pour augmenter nos capacités d'hébergement sera poursuivi. Le PLF pour 2020 va permettre de consolider les créations de places mises en oeuvre depuis 2017 - 3 000 places supplémentaires dans les centres d'accueil de demandeurs d'asile (CADA) et 5 000 places supplémentaires pour l'hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile (HUDA).

Un effort a été entrepris pour sincériser le budget de l'allocation pour les demandeurs d'asile (ADA) : 448 millions d'euros y seront consacrés en 2020, en hausse de 33,4 % pour faire correspondre, enfin, le budget avec la réalité des dépenses.

En matière de lutte contre l'immigration illégale, les crédits s'élèvent à 122,5 millions d'euros et permettront notamment de finir l'augmentation prévue du nombre de places en centres de rétention administrative (CRA) : sur les 480 places supplémentaires prévues sur 2018-2020, 289 ont d'ores et déjà été créées et les dernières le seront cette année. Le parc aura donc augmenté de 35 % depuis 2017, pour l'établir à environ 1 600 places.

Réussir l'intégration, c'est la finalité de notre politique d'immigration. L'intégration ne doit pas être un sujet de slogans ou de déclarations de principe, mais un sujet pour investir et agir. Depuis le début du quinquennat, les crédits destinés à notre politique d'intégration ont été portés à des niveaux historiques. Dans le PLF pour 2020, 437,6 millions d'euros y seront consacrés, soit une augmentation de 30 millions d'euros par rapport à l'année dernière et une augmentation de 70 % par rapport à 2017. Ces crédits nous permettent de mettre en place les mesures décidées lors du comité interministériel de juin 2018. Le parcours d'intégration sera également renforcé avec le doublement du nombre d'heures d'enseignement de français et d'instruction civique. Et depuis 2017, nous avons créé 5 000 places d'hébergement pour les réfugiés, pour atteindre une capacité de 8 710 places d'accueil aujourd'hui, pour un coût annuel de 80 millions d'euros.

Il s'agit d'un budget à la hauteur des enjeux et des attentes des Français, avec des augmentations de crédits importantes et impératives pour la protection de notre République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je tiens à faire une intervention liminaire : sans défiance aucune à l'égard de M. Laurent Nunez, dont nous apprécions la compétence et l'implication, je déplore l'absence de M. Christophe Castaner devant notre commission des lois ce matin, alors que huit rapporteurs des commissions des lois et des finances sont présents et que les sujets majeurs sont nombreux... N'aurait-il pas été possible de décaler cette audition pour lui permettre d'être présent ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

J'ai exprimé tout à l'heure mon regret, mais je considère l'absence du ministre de l'intérieur comme exceptionnelle, M. Castaner ayant jusqu'à présent toujours honoré nos convocations. Il n'était malheureusement pas possible de décaler cette audition compte tenu de l'agenda déjà très chargé de la commission.

D'entrée de jeu, monsieur le ministre, j'ai quelques questions à vous poser en matière d'immigration. La traduction budgétaire de toutes les annonces du Premier ministre sur la politique migratoire, à la suite des débats à l'Assemblée nationale et au Sénat, figure-t-elle vraiment dans le présent budget ?

Lors de l'examen de la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie de septembre 2018, dite loi Collomb, un grand nombre de nos propositions ont été rejetées tant par le Gouvernement que par l'Assemblée nationale. Or ces mêmes propositions sont aujourd'hui reprises par le Premier ministre. Quelles sont les raisons de ce revirement et comment justifiez-vous tout ce temps perdu ?

Les annonces du Premier ministre peuvent, en somme, se rattacher à trois catégories. Il s'agit tout d'abord de mesures déjà prévues et qui ne sont qu'une confirmation de l'existant - sur l'évacuation des campements insalubres, ou la refondation de Schengen et de l'asile européen. Viennent ensuite des mesures nouvelles, certes, mais non financées à ce stade. Je pense notamment à l'amélioration de l'accueil des usagers en préfecture : la situation est honteuse et suscite des désordres, mais pour y remédier, il faudrait des créations de postes dans les services des étrangers des préfectures, que je ne vois nulle part dans ce budget. Je pense aussi à l'hébergement des demandeurs d'asile pour lequel aucune nouvelle place n'est créée en dépit de l'augmentation continue de leur nombre. On trouve enfin des mesures que nous avions nous-mêmes proposées au Sénat et que le Gouvernement avait, en leur temps, rejetées. Je pense notamment à l'instauration d'objectifs chiffrés débattus tous les ans par le Parlement pour chaque catégorie de migrants, à la réforme de l'aide médicale d'État (AME), au renforcement de la conditionnalité des visas pour les ressortissants d'États non coopératifs sur les laissez-passer consulaires, ou encore à la réactualisation tous les deux ans de la liste des métiers en tension qui a été gelée depuis dix ans. Quelle sera la traduction concrète de toutes ces annonces ? Ce sont des questions qui sont partagées par tous les Français.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez, secrétaire d'État

Christophe Castaner n'a su qu'hier qu'il serait empêché ce matin et je remercie M. le président Bas d'avoir bien voulu souligner le caractère tout à fait exceptionnel de cette absence.

Les mesures annoncées à l'issue du comité interministériel découlent directement des débats d'orientation qui se sont tenus à l'Assemblée nationale et au Sénat et qui auront désormais lieu chaque année. Il y a une différence de nature entre de tels débats, qui permettent de fixer les objectifs de notre politique migratoire et d'éclairer la représentation nationale et nos concitoyens, et les débats sur un projet de loi. Il n'est pas choquant que nos propositions soient déjà dans le débat public. S'agissant de la refondation de Schengen, il ne vous aura pas échappé que des élections européennes ont eu récemment lieu et que ce sujet faisait partie du programme de la liste Renaissance ; nous allons donc engager des négociations avec nos partenaires de l'Union européenne sur la gestion de l'asile avec, par exemple, des centres contrôlés dans les pays aux frontières de l'Union ou le renforcement des effectifs de Frontex à hauteur de 10 000 postes, que la France a obtenu, mais que nous souhaiterions avancer de 2027 à 2024.

Vous avez aussi évoqué l'accueil en préfecture. Il est financé dans ce budget, car nous continuons à augmenter les ETP sur ce poste, après la création de 21 ETP en 2017, 150 en 2018, et 62 en 2019. Nous avons aussi prévu des renforts de vacataires.

Les quotas pour l'immigration professionnelle sont indicatifs. Nous voulons élaborer un outil statistique, en lien avec les partenaires sociaux, pour revoir la liste des métiers en tension, territoire par territoire, secteur par secteur, ce qui constitue une nouveauté. Comme le souligne l'OCDE, notre liste des métiers en tension est dépassée puisque seuls 20 % des métiers qui y figurent sont réellement en tension, et qu'inversement des métiers en tension n'y figurent pas. Nous devons donc revoir notre dispositif de pilotage de l'immigration économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Vous avez eu la prudence de ne pas dire que le budget de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » augmentait, et vous avez eu raison ! Si le budget augmente en apparence, c'est grâce aux transferts de crédits autrefois comptabilisés dans d'autres missions. Bref c'est un jeu de bonneteau...

Je ne vous poserai qu'une question : pourquoi la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) sera-t-elle être absorbée par le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) au sein du ministère de l'intérieur ? Les luttes contre le sectarisme et la délinquance ont pourtant peu de choses en commun !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Genest

Avec près de 4 milliards d'euros de crédits, la mission bénéficie en apparence d'un supplément de crédits de 1,1 milliard par rapport à l'an dernier. Mais si l'on omet les redéploiements budgétaires entre missions, le budget de la mission reste stable à périmètre constant, avec une hausse de 50 millions d'euros.

Je ne suis pas aussi optimiste que vous, monsieur le ministre. Nous n'avons ainsi aucune précision sur les reclassements d'emplois au sein du programme 354, issu de la fusion des programmes 307 « Administration territoriale de l'État» et 333 « Moyens mutualisés des services déconcentrés ». Les emplois dédiés au contrôle de légalité et au conseil aux collectivités territoriales font l'objet d'un tel rebasage que le nombre de postes diminue de 174 ETP, soit à peu près 8 % des emplois. C'est particulièrement préjudiciable au moment où les maires sont inquiets de la disparition de l'administration territoriale de l'État, ou du démantèlement du réseau des trésoreries publiques. Le contrôle de légalité constitue, au même titre que les trésoreries, un élément essentiel pour conseiller les maires et leur éviter de faire des erreurs. Les maires ne sont pas tous polytechniciens ou docteurs en droit, loin de là ! Selon vous, la fusion sera source d'économies : j'espère qu'il en ira différemment à cet égard de la fusion des régions...

Il est évidemment trop tôt pour faire un bilan de la rationalisation des coûts de l'administration territoriale de l'État. Mais le passé ne plaide pas pour un pari sur la réussite. Dans le cadre du plan « Préfectures nouvelle génération », plus de 4 000 emplois de proximité ont été supprimés sans être totalement compensés par des redéploiements vers les missions prioritaires. Les suppressions d'emplois dans des missions considérées comme prioritaires se poursuivent - 678 pour le programme 354. En 2017, 58 sous-préfectures disposaient de moins de 10 emplois. En 2019, elles sont au nombre de 82. On crée des coquilles vides. Il y a fort à parier que le projet « Maisons France Service » amplifiera encore ce phénomène. Nous avons les annonces, mais pas les financements. Cela se terminera par des coupes sombres dans le réseau préfectoral et par la sollicitation financière des collectivités territoriales. Pourriez-vous nous préciser votre vision de la présence de l'État dans les territoires ? Je veux vous faire part de deux inquiétudes : la crise du contrôle de légalité et du conseil aux collectivités territoriales, et la mise en oeuvre des missions de sécurité des populations.

J'en viens aux transferts de charges. De nombreuses communes sont appelées à se doter d'une application, dite Comedec, de télétransmission électronique des données d'état civil censée accompagner la lutte contre la fraude documentaire. L'État les défraye à hauteur de 2 millions d'euros, mais l'application rapporte plus de 13 millions d'euros à l'Agence nationale des titres sécurisés. L'État ne traite plus que 5 % des demandes de certificats d'immatriculation, le reste étant assuré par des opérateurs privés qui demandent environ 30 euros à leurs clients pour obtenir leurs cartes grises, avec des délais pourtant insatisfaisants.

Je ne partage pas votre analyse sur l'accueil des étrangers : l'effort entamé ces dernières années est apparemment interrompu et l'on constate des dysfonctionnements sérieux auxquels il faudra remédier très vite.

Le programme 232 concerne le financement de la vie politique. Les élections municipales sont budgétées pour 132 millions d'euros, mais devraient coûter 155,7 millions d'euros. Peut-être cela préservera-t-il le programme de transferts illicites comme celui qui l'a ponctionné en 2019 pour boucler une opération immobilière sans aucun lien avec lui...

Enfin, 60 000 euros sont inscrits au titre du médiateur du crédit aux candidats et aux formations politiques, institution nouvelle, destinée à surmonter le refus des banques de prêter aux partis politiques, mais qui me paraît assez peu susceptible de remplir son office. À moins d'imaginer que sa mission soit précisément d'échouer...

La nouvelle Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) bénéficie de 30 ETP, mais on ne sait pas quel sera leur rôle.

Le niveau des crédits inscrits au titre des dépenses de contentieux est traditionnellement insuffisant. Il est vrai qu'il est difficile à prévoir, d'autant plus à cause de la crise des « gilets jaunes ».

Je salue toutefois la création d'une direction du numérique. J'aurais dû logiquement proposer à la commission des finances de voter contre ce budget dans la mesure où l'État s'éloigne encore un peu plus des territoires, mais j'ai proposé un avis de sagesse, car je vous laisse le bénéfice du doute, en espérant que la mutualisation fonctionnera.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

En vous écoutant, je n'avais pourtant pas le sentiment que vous doutiez beaucoup... Nos concitoyens, comme les élus, souhaitent une présence de l'État dans les territoires et je doute que les moyens prévus soient suffisants à cet égard.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez, secrétaire d'État

La Miviludes était un organisme interministériel placé sous l'autorité du Premier ministre. Il a été considéré que la lutte contre les dérives sectaires constituait une politique publique et qu'elle serait mieux exercée au sein du ministère de l'intérieur. Ce rattachement ne remet pas en cause ses moyens et permettra, au contraire, de développer des mutualisations avec d'autres organismes comme le CIPDR. La politique de lutte contre les dérives sectaires ne sera pas remise en cause. Elle sera assurée localement sous l'autorité des préfets ; chaque fois que nécessaire, des enquêtes seront menées et des actions en justice engagées.

Le contrôle de légalité fait partie des missions prioritaires. Entre 2016 et 2019, les effectifs affectés à cette mission ont augmenté de 5 %.

Vous dites que nous faisons le pari de la réussite avec le programme 354 et la création de secrétariats généraux communs. Cette mutualisation des fonctions support de l'État, au sein de secrétariats généraux communs aux services préfectoraux et services déconcentrés de l'État, était attendue dans les territoires. Cela renforce les leviers d'action des préfets et répond à votre préoccupation de pouvoir compter sur une administration proche des territoires.

En ce qui concerne les sous-préfectures, la politique du ministère de l'intérieur est de conserver au maximum ses implantations territoriales. Les sous-préfets continueront à jouer leur rôle d'animateur du territoire et à fournir un appui d'ingénierie aux élus, je vous rassure sur ce point. Nous venons de signer avec Jacqueline Gourault et Muriel Pénicaud la convention de lancement des maisons France Service. Le comité interministériel de pilotage vient de se réunir avec l'ensemble des acteurs. Ces maisons visent à regrouper un large panel de services pour aider les usagers. Elles ne concernent pas seulement les missions des préfectures et il n'y aura donc bien évidemment pas de transfert d'une mission vers l'autre, ni de chevauchement. En revanche, l'animation sera confiée aux préfets et le ministère participera au dispositif.

Nous avons augmenté les effectifs pour faciliter l'accueil des étrangers dans les préfectures et réduire ainsi les files d'attente qui sont parfois importantes. Nous développons aussi la dématérialisation pour améliorer l'accueil en préfecture.

Vous avez évoqué la direction du numérique. On pourrait citer aussi le service ministériel des achats au sein du ministère de l'intérieur. Il s'agit de projets importants dont on espère des gains budgétaires, évalués à 60 millions d'euros pour 2020.

Enfin, la ligne de crédits prévue pour les élections municipales sera ajustée, comme d'habitude, en cours d'année si cela est nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

J'ai du mal à comprendre comment vous pouvez considérer que confondre la lutte contre les dérives sectaires et la lutte contre la délinquance améliorera la situation ! Il s'agit de missions différentes et délicates.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez, secrétaire d'État

Nous ne confondons nullement les deux, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit ! Nous voulons simplement favoriser les convergences entre les deux missions, c'est différent. Vous connaissez mon parcours professionnel et vous savez que j'ai eu à gérer ce type de dossier. Les sectes ont évolué depuis la secte du Mandarom. Nous portons une attention particulière, notamment dans le domaine de la santé, aux prédicateurs, etc. La détection des sectes est beaucoup plus délicate. Il est donc important de trouver des convergences entre nos missions, ce qui ne signifie pas confusion...

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez, secrétaire d'État

C'est vous qui le dites ! Le Premier ministre a pris l'engagement de poursuivre activement la politique de lutte contre les dérives sectaires et toutes les formes d'emprise mentale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous serons toujours à vos côtés pour améliorer la lutte contre les dérives sectaires, mais nous ne sommes pas certains que la fusion proposée contribue à en accroître l'efficacité. Il faudra bien veiller à ne pas confondre radicalisation islamiste et phénomène sectaire, même si des ressemblances peuvent exister entre les deux. Au-delà des structures, nous sommes soucieux d'efficacité et voulons mettre en garde contre une réponse qui ne serait qu'institutionnelle à un mal qui se propage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Le changement annoncé est problématique. Autrefois, la lutte contre les dérives sectaires relevait d'une logique interministérielle, sous l'égide du Premier ministre, ce qui permettait de mobiliser aisément toute l'administration. Cela risque d'être plus difficile si le service relève du seul ministère de l'intérieur.

Je voulais vous interroger sur les dispositifs de recueil d'empreintes pour les passeports et les cartes d'identité. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement persiste à chercher la complication ! Les empreintes sont déjà stockées dans un fichier. Pourquoi vouloir les reprendre lorsque l'usager renouvelle ses titres d'identité ? Pour des raisons de sécurité ? Mais si on était équipé de suffisamment de dispositifs pour contrôler les titres biométriques à chaque passage des frontières, cette démarche serait inutile. Je suis aussi très surpris que les entreprises françaises qui produisent les instruments de recueil d'empreintes vendent leurs produits trois ou quatre fois plus cher à l'État qu'elles ne le facturent à leurs clients étrangers.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez, secrétaire d'État

Je rappelle tout d'abord que le CIPDR est aussi un organisme interministériel. Je n'ai pas d'éléments de réponse en ce qui concerne les tarifs pratiqués par nos fournisseurs. Enfin, je prends bonne note de votre remarque sur la biométrie, mais notre préoccupation est avant tout celle de la sécurisation de l'identité. Le système que nous avons mis en place est le plus performant à cet égard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Genest

Vous ne m'avez pas convaincu ! Nous n'avons pas la même interprétation des chiffres, ni, surtout, la même vision concernant la présence de l'emploi dans les territoires. Un stage en Ardèche vous permettrait de constater à quel point il est parfois difficile pour un maire d'obtenir des renseignements de la part des services de l'État.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez, secrétaire d'État

Les chiffres que je vous ai donnés sont les chiffres officiels. Quant à votre invitation à effectuer un stage, je me bornerai à rappeler que mon expérience professionnelle passée m'a conduit, en tant que sous-préfet, à travailler dans les territoires au plus près des élus, à leur fournir un soutien en termes d'ingénierie, en lien avec les services déconcentrés. Si je n'ai pas exercé en Ardèche, j'ai travaillé en Haute-Saône, en Seine-Saint-Denis ou les Pyrénées-Atlantiques, avec, dans chaque cas, des problématiques diverses. Je pense donc, modestement, savoir de quoi je parle quand j'évoque le rôle d'accompagnement des élus qui est celui des préfets et des sous-préfets.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Genest

Mais le sous-préfet ne peut pas tout faire. Il a besoin d'un secrétariat, d'équipes pour assurer un suivi, etc.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez, secrétaire d'État

C'est bien pour cela que le Président de la République a souhaité renforcer l'échelon départemental. La création de secrétariats généraux communs participe de cette logique.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Ma première question concerne la sincérité budgétaire de la mission « Asile, immigration et intégration ». L'an passé, M. Castaner nous avait affirmé ici même que la hausse des demandes d'asile serait limitée à 10 % en 2018... Le « pari » - ce sont ses termes - a été perdu, car la hausse a été de 22 %, ce qui a conduit à des réajustements budgétaires. Cette année encore, le budget est construit autour de l'hypothèse d'une stabilisation du nombre de demandes d'asile à partir de 2020. Est-ce bien raisonnable, alors que la France reste particulièrement exposée à des flux migratoires de rebond ?

Les crédits destinés à la lutte contre l'immigration irrégulière baissent. L'objectif d'augmentation du taux d'éloignement n'est-il pas irréalisable au regard de la stagnation des crédits consacrés au financement des retours forcés ?

Quant à l'efficacité des éloignements, alors que le nombre des obligations de quitter la France (OQTF) augmente, les éloignements réalisés ne suivent pas. Le Sénat avait proposé l'an dernier des mesures techniques et juridiques pour lutter contre l'immigration irrégulière, mais je constate qu'elles n'ont malheureusement pas été reprises par le Gouvernement.

Enfin, concernant la coopération internationale, que prévoit l'accord conclu en septembre à La Valette pour la répartition automatique des migrants débarquant à Malte ou en Italie ? Quels États sont susceptibles de rejoindre le dispositif ? Combien de migrants a-t-il vocation à concerner ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

J'ai bien entendu vos déclarations sur une politique migratoire ferme et sans ambiguïté : si seulement c'était vrai !

Un rapport d'information de mai 2018 de nos collègues députés François Cornut-Gentille et Rodrigue Kokouendo a montré les lacunes de nos outils statistiques et le manque de contrôle de nos frontières. Le nombre d'étrangers en situation irrégulière en Seine-Saint-Denis serait compris entre 150 000 et 400 000 : l'État n'est même pas capable de savoir qui se trouve sur son propre territoire ! Quelles mesures avez-vous prises pour améliorer cette situation ? Quelles mesures avez-vous prises pour lutter contre la fraude documentaire à la sécurité sociale et les cinq millions de cartes Vitale frauduleusement acquises ?

Le décalage est grand entre les actes et les discours, entre le pacte de Marrakech et les annonces du Président de la République concernant son objectif de s'approcher d'un taux de 100 % de réalisation des OQTF. Le budget de cette mission est un véritable tonneau des Danaïdes ! Sachez que, chaque année, sur 250 000 contentieux administratifs, 90 000 concernent le droit des étrangers ! Il y a urgence à tout remettre à plat pour reprendre le contrôle. Vous nous parlez de « sincérisation » de votre budget, mais vous vous êtes écarté de votre trajectoire budgétaire 2018-2022 de 26 % ! La mission « Immigration, asile et intégration » est la plus insincère du budget de l'État ! Nous sommes donc très loin de partager la même vision sur la réalité des choses.

J'étais hier en Seine-Saint-Denis avec Xavier Lemoine, maire de Montfermeil, où a eu lieu un assassinat immonde : un Malien a tué sa compagne de quatorze coups de couteau. Sur les territoires, nous voyons disparaître la présence de l'État : dans le Val-d'Oise, les postes de police et les commissariats sont soit fermés, soit manquent de moyens ou ne sont pas aux normes. Je pense à ceux de Saint-Leu-la-Forêt, de Taverny, et plus généralement à tous les commissariats du Val-d'Oise. Les collectivités sont obligées de recruter de la police municipale et de constituer des brigades de soirée ou de nuit pour assurer cette mission essentielle qu'est la sécurité de nos concitoyens. Il aurait aussi fallu consolider cette mission qui est aujourd'hui éclatée sur neuf ministères. J'ai appris récemment que le pays le plus aidé par l'Agence française de développement (AFD) était la Turquie, au titre de la lutte contre les migrations.

Et que faites-vous sur le suivi des djihadistes de retour de Syrie ? Sur les déchéances de nationalité ? Sur l'exécution réelle des éloignements : pourquoi ne pas s'inspirer de ce qui marche ailleurs ?

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez, secrétaire d'État

Le nombre des demandes d'asile a à nouveau augmenté cette année. Néanmoins, nous avons construit ce budget sur une hypothèse de stabilisation au regard des mesures que nous allons mettre en place : augmentation des moyens de l'OFPRA et amélioration du traitement des demandes des ressortissants de pays sûrs - qui représentent 25 % des demandes - et des demandes « rebond » - qui représentent 30 % des demandes ; le nombre des décisions de transfert réalisées dans le cadre de la procédure Dublin a crû significativement en 2019 ; onze pôles régionaux ont été créés sur le territoire afin d'en centraliser le traitement et d'en améliorer l'efficacité.

Il convient de nuancer la baisse des crédits consacrés à la lutte contre l'immigration irrégulière, car, d'une part, ils ne figurent pas tous dans ce programme - notamment ceux qui sont relatifs à la lutte contre les filières et qui sont inscrits au programme de la police nationale - et, d'autre part, nous arrivons en 2020 en queue de programme pour la création de nouvelles places en CRA, par exemple. Globalement, depuis 2017, ces crédits sont passés de 89 à 122 millions d'euros, soit une augmentation de 37 %.

Les chiffres des reconduites à la frontière augmentent : le nombre d'éloignements forcés a crû de 14 % entre 2017 et 2018 et cette augmentation devrait être plus forte encore en 2019. Mais il est vrai que nous notifions aussi beaucoup plus d'OQTF qu'avant.

S'agissant des laissez-passer consulaires, nous menons une politique active auprès des pays de départ avec le déplacement de plusieurs ministres, et du Premier ministre lui-même. Leur délivrance a ainsi augmenté de 43 % en 2018 et de 56 % à ce stade en 2019. Le comité stratégique des visas permet en outre désormais de faire le lien entre octroi de visas et délivrance de laissez-passer consulaires.

Les accords de La Valette lient actuellement quatre États, mais notre objectif est d'aller plus loin. Ils permettent de relocaliser les personnes en besoin de protection après leur débarquement à Malte ou en Italie. Des missions françaises sont systématiquement envoyées sur place afin d'évaluer les situations. Depuis juin 2018, ce dispositif a concerné 430 personnes.

Le rapport parlementaire que mentionne le sénateur Sébastien Meurant est à l'origine du plan gouvernemental que nous avons annoncé pour la Seine-Saint-Denis et qui comporte un volet important en matière de sécurité. Il m'est impossible de vous répondre sur la quantification de l'immigration irrégulière qui, par nature, est difficile à appréhender, mais sachez que nous mettons des moyens humains importants de contrôle à nos frontières, notamment avec l'Italie et l'Espagne. S'agissant de la fraude aux cartes Vitale, nous transmettons, dès que nous en avons connaissance, les éléments en notre possession aux administrations concernées. Sur l'homicide de Montfermeil, permettez-moi de rester prudent à ce stade.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Les crédits consacrés à l'éloignement n'augmentent pas à proportion des demandes d'asile, qui ont doublé : il y a une vraie distorsion ! L'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) sera-t-il supprimé ? Comment appréciez-vous le rôle des organisations non gouvernementales (ONG) qui recueillent les migrants à bord de leurs navires en mer Méditerranée ? Certains de vos collègues au Gouvernement considèrent qu'elles jouent un rôle néfaste pour notre politique de dissuasion et qu'elles favorisent les trafiquants. J'ai rencontré vendredi dernier un Nigérien qui était passé par la Libye, avait été à la porte de la Chapelle, puis à Cergy-Pontoise, et à nouveau Porte de la Chapelle, car c'est là qu'il était pris en charge par des associations ; il était fatigué d'avoir été à la rue depuis deux ans et demi et il aspirait à rentrer chez lui.

Sur les OQTF, il faut mettre à part la situation de Mayotte. En tout état de cause, les éloignements augmentent certes en valeur absolue, mais en valeur relative, les taux d'exécution par rapport aux décisions prononcées restent très faibles, de l'ordre de 13 ou 14 %...

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez, secrétaire d'État

Il n'est pas adapté de rapprocher l'évolution du budget consacré à l'immigration irrégulière de l'évolution des demandes d'asile. Nous travaillons à raccourcir les délais et à prioriser le traitement des dossiers de ceux qui n'ont pas besoin de protection.

Une réflexion est actuellement en cours sur l'institut auquel est rattaché l'ONDRP, mais, quoi qu'il en soit, ses missions - la production de statistiques et notamment ses enquêtes de victimation - perdureront.

La lutte contre les filières est menée sur le territoire national par la police aux frontières qui démantèle chaque année plus de filières. Elle est complétée par une politique de coopération avec les pays de départ ; en particulier, nous avons décidé, dans le cadre du dernier comité interministériel, de flécher une partie de l'aide publique au développement française et européenne vers la lutte contre les réseaux de passeurs dans les pays de départ et de transit.

Je ne me prononcerai pas sur l'action des navires des ONG : ils font du sauvetage en mer en application du droit de la mer, c'est une mission essentielle.

On compte à Mayotte, en valeur absolue, 20 000 mesures d'éloignement forcé ; en pourcentage, c'est comparable au reste de la France. C'est une priorité forte pour nous et nous y menons une opération dédiée avec des moyens conséquents, notamment d'interception en mer et sur terre et la mutualisation de tous les services de l'État concernés. Nous allons poursuivre cet effort.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Les transferts Dublin constituent-ils une politique véritablement efficace d'éloignement réel si les gens reviennent ?

En construisant notre politique migratoire autour de la lutte contre la fraude, comme vous le faites depuis deux mois, vous stigmatisez les étrangers et ne permettez pas l'intégration. La fraude ne doit pas être l'alpha et l'oméga de notre politique migratoire.

Ce budget ne prévoit pas suffisamment de moyens sur l'hébergement, ni pour les demandeurs d'asile, ni pour ceux qui ont obtenu la protection : les gens sont à la rue et c'est anormal pour eux comme pour l'opinion publique.

Avec l'évolution actuelle des demandeurs d'asile, comment l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) peut-il parvenir à remplir aussi sa seconde mission relative à l'intégration ?

Notre coopération avec les garde-côtes libyens relève de complicité d'esclavagisme ! Il faut le dire clairement. On doit savoir avec qui on travaille quand on s'appuie sur des pays étrangers.

Je salue l'augmentation prochaine des effectifs de Frontex, mais le ministère de l'intérieur sera-t-il en mesure de détacher des fonctionnaires français pour y contribuer ?

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez, secrétaire d'État

Je répondais tout à l'heure à des reproches de manque de fermeté et d'efficacité sur notre politique migratoire. Mais bien entendu, nous avons fait aussi des efforts considérables sur l'intégration : sur l'insertion professionnelle, sur l'insertion par la langue française et sur les places d'hébergement pour les demandeurs d'asile, avec plus de 107 000 places actuellement ouvertes, soit la création de 22 500 nouvelles places depuis 2017. C'est un effort important que nous allons poursuivre.

La lutte contre la fraude ne constitue pas l'alpha et l'oméga de notre politique, mais nous ne sommes pas naïfs non plus ! Nous allions fermeté et humanité.

Sur les mesures d'éloignement forcé, nous ne sommes pas dans une politique du chiffre. Je vous ai donné des chiffres, car ils constituent une donnée objective sur l'efficacité de notre politique. Si les taux de transferts « Dublin » augmentent, ce n'est que l'application de la règlementation européenne : les demandes d'asile doivent être déposées dans le pays d'arrivée.

L'objectif est de doter Frontex de 10 000 fonctionnaires, par des mises à disposition et des personnels propres, d'ici à 2027, voire dès 2024 selon le souhait de la France. Il s'agira pour Frontex à la fois de renforcer les services de police frontaliers des États membres sur les frontières extérieures de l'Union et d'accroitre ses missions, notamment en matière de reconduite. Le ministère de l'intérieur contribue déjà à Frontex et nous veillerons à être en capacité d'accompagner son déploiement.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Leroy

Le budget des forces de sécurité intérieure, retracé aux programmes 176 et 152, connaîtra une nouvelle augmentation en 2020. Cette hausse des crédits s'explique presque exclusivement par l'augmentation des dépenses de masse salariale : créations de postes et mesures catégorielles. En conséquence, la part des crédits de fonctionnement et d'investissement continue à se réduire dans le budget : à périmètre constant, les crédits d'investissement diminueront, respectivement dans la police nationale et dans la gendarmerie nationale, de 13,6 % et de 17,4 %. Or l'efficacité de nos forces de sécurité ne tient pas qu'à leur quantité, mais aussi à leur qualité ! Réduire la part des crédits de fonctionnement et d'investissement, c'est assumer de mal équiper nos forces de sécurité et de ne pas les doter des moyens suffisants pour agir. Quand le Gouvernement décidera-t-il de redresser la barre ? Allez-vous continuer à augmenter les dépenses de masse salariale au détriment du fonctionnement quotidien ?

En 2020, les crédits alloués aux réserves de la police et de la gendarmerie connaîtront, à nouveau, une nette diminution : - 11 % dans la police et - 30 % dans la gendarmerie. Ce faisant, vous appauvrissez les viviers de réservistes, pourtant essentiels à la gestion des grands évènements. Alors que la France s'apprête à accueillir deux évènements sportifs majeurs au cours des prochaines années, quelles sont vos perspectives d'évolution pour les réserves opérationnelles ? Comment entendez-vous fidéliser vos réservistes si vous n'y mettez pas les moyens nécessaires ?

La police nationale a accumulé un stock considérable d'heures supplémentaires, qui dépasse aujourd'hui les 23 millions. Le ministre de l'intérieur a annoncé qu'une partie de ce stock serait indemnisée dès le mois de décembre, grâce au recours à la solidarité interministérielle, ce dont nous nous félicitons. D'autres mesures d'indemnisation devraient intervenir au cours des prochains exercices. Le recours à la solidarité interministérielle est toutefois un mode de financement budgétaire par nature très imprévisible. Comment pensez-vous apurer le reste du stock d'heures et quels engagements pouvez-vous prendre, à cet égard, devant notre commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Je me félicite de ce format de réunion qui permet d'échanger longuement avec le ministre.

La commission des finances s'attache, chaque année, à essayer de voter les crédits de la mission « Sécurités », car il s'agit d'une mission régalienne. Depuis quelques années, elle déplore toutefois l'absence de maîtrise des dépenses de personnel. Notre rapport sur le PLF pour 2018 indiquait : « Police nationale, la bombe à retardement du stock d'heures supplémentaires et de la mise en place de la vacation forte. » Cette vacation forte est un nouveau cycle de travail mis en place un mois avant la dernière élection présidentielle et que nous avons dénoncée, en raison de son impact, en termes d'effectifs, sur les services opérationnels. Depuis lors, le Gouvernement a reconnu l'inefficacité de cette vacation et celle-ci est enfin abandonnée dans le PLF pour 2020 au profit d'un cycle long : c'est une bonne chose, mais trois ans de perdus !

En 2019, le nombre de suicides dans la police nationale et la gendarmerie nationale a malheureusement été exceptionnel.

La commission des finances constate la non-maîtrise du titre II, ce qui impacte négativement les budgets de fonctionnement et d'investissement : le Gouvernement fait tout pour garder le cap des recrutements instauré sous le quinquennat de François Hollande et repris par le Président de la République, mais c'est au détriment du fonctionnement. Pour trois agents de plus, on perd une voiture ! Nous n'avons manifestement pas les mêmes chiffres que le ministre. Un rapport de la Cour des comptes atteste du vieillissement du parc automobile et, quel que soit le département, le mécontentement est fort concernant les budgets de fonctionnement et d'investissement. Il manque 40 millions d'euros pour les véhicules de la police et de la gendarmerie. En Allemagne, en Angleterre, les véhicules sont remplacés tous les quatre ans ; en France, tous les huit ans. On compte, dans la police française, 8 300 véhicules hors normes - c'est-à-dire qui totalisent plus de 170 000 kilomètres et plus de huit ans. Et c'est pareil pour la gendarmerie nationale ! Les annonces ministérielles ne sont pas au rendez-vous et nous espérons une rallonge au moment du Livre blanc.

Le protocole d'accord de décembre 2018 pour le paiement des heures supplémentaires prévoyait initialement 33 millions d'euros supplémentaires ; finalement, ce seront 109 millions d'euros : quel dérapage !

Par ailleurs, pouvez-vous vous engager à résorber le stock des heures supplémentaires sur trois ans ?

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la commission des finances a émis un avis très défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurités ».

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez, secrétaire d'État

Les évolutions du titre II s'expliquent par les créations d'emplois et les conséquences indemnitaires du protocole du 18 décembre 2018, qui a également concerné la gendarmerie nationale.

La réserve demeure une priorité importante tant pour la police nationale que pour la gendarmerie nationale. Au quotidien, les effectifs employés sont de 2 000 pour la gendarmerie et de 800 pour la police. Le niveau d'inscription budgétaire de 2020 correspond à l'exécution budgétaire constatée en 2019.

Nous allons commencer à solder le stock des heures supplémentaires en en indemnisant 3,5 millions dès le mois de décembre. Par ailleurs, des mesures sont prévues dans le nouvel arrêté sur le temps de travail pour améliorer la gestion du flux des nouvelles heures supplémentaires et éviter de reconstituer un tel stock. Dans le projet de loi de finances pour 2020, une enveloppe spécifique de 26,5 millions d'euros est prévue pour l'indemnisation du flux d'heures supplémentaires. Pour résorber le reste du stock, nous procéderons, comme cette année, en fin de gestion, en fonction des crédits disponibles. Je ne peux m'engager sur un calendrier, mais nous solderons le stock dans un temps à définir.

La vacation forte avait été envisagée en 2016. Le nouveau cycle, dit binaire, car il repose sur deux vacations, est très attendu des personnels. Il est actuellement expérimenté par 4 000 fonctionnaires de police et nous en ferons le bilan en mars prochain. Il devrait améliorer le bien-être des policiers au travail, en leur permettant de récupérer plus de mercredis et de week-ends. Il crée toutefois une légère inquiétude sur son application la nuit.

Oui, le parc automobile de la police et de la gendarmerie est vieillissant. Le gouvernement fait un effort important depuis plusieurs années pour renouveler les véhicules. Le nombre de véhicules que nous allons acheter en 2020 est supérieur à celui qui a été acquis chaque année, en moyenne, depuis cinq ans. En 2020, on a ainsi prévu l'acquisition de 2 000 véhicules pour la gendarmerie et de 2500 véhicules pour la police nationale.

De même, pour l'immobilier, nous maintenons l'effort de construction et de rénovation, avec des crédits proches de 200 millions d'euros pour la police et de 100 millions d'euros pour la gendarmerie. L'effort est important même si, j'en conviens, il reste beaucoup à faire.

Enfin, nous continuons à équiper les agents de caméras-piétons et de tablettes numériques, qui facilitent le travail des policiers sur le terrain.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Leroy

Il n'en demeure pas moins que l'on constate un déficit de 500 véhicules pour la police et de 800 pour la gendarmerie ! Dans le cadre du plan triennal immobilier, 98 millions d'euros seront débloqués en 2020 pour la gendarmerie, contre 105 millions l'an dernier. C'est le minimum possible. La grogne s'accroît dans les casernes qui, de plus en plus, deviennent insalubres. Les besoins de réhabilitation ou de rénovation sont immenses. Telle est la réalité du terrain !

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez, secrétaire d'État

Je suis conscient de ces demandes. Nous essayons de maintenir l'effort en cours, même si vous le jugez insuffisant. On respecte la trajectoire du plan triennal 2018-2020 pour l'immobilier. On lancera ainsi 29 nouvelles opérations immobilières pour la police, sans compter les opérations de réhabilitation, et 47 projets nouveaux pour la gendarmerie, en 2020.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

En dix ans, les crédits du titre 2 ont augmenté de 25 % tandis que les crédits de fonctionnement et d'investissement ont augmenté de 8 %. Il y a quinze ans, le titre 2 représentait 80 % de la mission ; aujourd'hui, il atteint 90 %. On constate aisément que le compte n'y est pas en termes d'investissement et de fonctionnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

En somme, on a les hommes, mais pas les chaussures...

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

J'ai entendu mes collègues pleurer. Je vais aussi sangloter, car le programme « Sécurité civile » est le parent pauvre de la mission « Sécurités ». Alors que les besoins n'ont jamais été aussi grands, son budget stagne. Comment expliquer ce manque d'effort alors que ce budget représente à peine 2,5 % de la mission « Sécurités » ?

Concernant la flotte aérienne de la sécurité civile, un marché portant sur la livraison échelonnée de six appareils de type « Dash 8 » est en cours d'exécution pour remplacer la flotte actuelle de Trackers. En plus de la perte d'un Tracker survenue cet été dans les circonstances dramatiques que nous connaissons tous, les appareils restants sont pour le moment immobilisés suite à un problème technique. Dans ces conditions et alors que seuls deux Dash ont été livrés, comment comptez-vous garantir la continuité des moyens aériens de la sécurité civile ? De plus, la flotte de Canadair nécessitera d'être remplacée dans les années à venir. Quelles actions sont menées afin de préparer au mieux ce renouvellement ?

La décision « Matzack » du 21 février 2018 de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) fait planer une ombre mortifère sur le volontariat français. Quelles solutions sont aujourd'hui mises en oeuvre pour éviter que la directive européenne de 2003 sur le temps de travail ne s'applique aux sapeurs-pompiers volontaires français ? Vu la forte mobilisation des parlementaires français et européens, soutenez-vous la création d'une directive spécifique à l'engagement citoyen ? Le soutien du gouvernement serait indispensable pour avancer plus vite sur ce dossier.

Enfin, notre commission des lois a lancé une mission d'information sur la sécurité des sapeurs-pompiers et examinera le 4 décembre prochain le rapport de ses trois rapporteurs, dont je fais partie. Or, vous avez annoncé en septembre dernier la mise en oeuvre d'un plan pour endiguer cette violence qui aurait sans doute pu s'enrichir de nos travaux. Néanmoins, je comprends que vous ayez souhaité faire ces annonces avant le congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers... Pouvez-vous nous indiquer où en est la mise en oeuvre concrète de ce plan ?

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez, secrétaire d'État

Les agressions de pompiers sont en forte hausse. Dans la majorité des cas, elles sont le fait de la victime qui est secourue. Notre plan comporte plusieurs volets. Nous avons adressé une instruction aux préfets pour leur demander de mettre en place des protocoles d'intervention avec les forces de l'ordre. Cela sera efficace dans les quartiers sensibles où le risque d'agression est élevé, mais il est vrai que cela ne couvre pas les risques encourus en cas d'intervention bénigne a priori sans risque. Nous avons aussi lancé une expérimentation de caméras-piétons dans certains départements pilotes. Nous préparons une campagne de communication pour sensibiliser l'opinion publique face au problème des agressions. Nous cherchons à mieux suivre statistiquement les agressions pour identifier les endroits où elles ont lieu et leurs causes. En cas d'agression, les sapeurs-pompiers victimes sont invités à systématiser les dépôts de plainte. La protection fonctionnelle s'applique de droit.

L'arrêt « Matzak » est source de difficultés. Nous avons engagé un travail avec la Commission européenne sur notre modèle de sapeurs-pompiers volontaires et M. Castaner a rencontré le nouveau commissaire européen, qui s'est montré très attentif au sujet et travaillera dans un esprit constructif avec nous. Nous réfléchissons aux moyens de trouver davantage de flexibilité dans l'application de la directive sur le temps de travail et de porter une nouvelle directive sur l'engagement citoyen. Nous faisons ainsi tout pour préserver notre modèle de sécurité civile.

Les trains d'atterrissage de certains Trackers présentent des défaillances techniques. Des diagnostics sont en cours et les crédits nécessaires aux réparations seront dégagés en gestion pour assurer la saison des feux. Le budget de la sécurité civile stagne, certes, mais nous assurons nos missions et renouvelons les matériels : soyez assurée que le monde de la sécurité civile fait l'objet d'une attention très soutenue de la part du Gouvernement. Nous vous tiendrons informés des discussions en cours sur la directive européenne, mais nous sommes relativement optimistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je ne partage pas votre optimisme. En acceptant de travailler sur la directive actuelle, vous mettez le doigt dans un engrenage dangereux qui risque de poser le principe que les sapeurs-pompiers sont des travailleurs ! Avec de nombreux acteurs, nous nous sommes engagés sur un projet de nouvelle directive, qui est prêt, et pour lequel nous attendons votre soutien.

Les Trackers sont au sol. Des crédits sont-ils budgétés pour les réparer ? Quant aux Canadair, ils sont en fin de vie et la montée en puissance des Dash ne sera pas suffisamment rapide : qu'avez-vous prévu ?

Je vous invite à suivre avec attention les travaux de notre mission d'information sur la sécurité des sapeurs-pompiers, dont le rapport sera examiné le 4 décembre prochain.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez, secrétaire d'État

Sur la question de la directive européenne, nous conservons les deux pistes : soit une modification de la directive existante, soit une nouvelle directive sur l'engagement citoyen. Les crédits de réparation des Trackers seront dégagés en gestion. Pour le renouvellement de notre flotte de Canadair, nous envisageons de faire appel à des fonds européens. Nous serons bien évidemment attentifs aux conclusions de votre mission d'information : les agressions de pompiers sont un sujet qui nous préoccupe au plus haut point, c'est pourquoi nous avons pris des mesures importantes dans le cadre de notre plan.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je vous remercie de la précision de vos réponses.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous devons nommer un rapporteur sur le projet de loi organique n° 120 (2019-2020) modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, et sur le projet de loi n° 119 (2019 -2020) modifiant la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et prorogeant le mandat des membres de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi).

La commission désigne M. Yves Détraigne rapporteur sur le projet de loi organique n° 120 (2019-2020) modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, et sur le projet de loi n° 119 (2019 -2020) modifiant la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et prorogeant le mandat des membres de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet.

La réunion est close à 12 h 50.