L’article 5 est un des articles majeurs de cette loi.
On pourrait s’étonner de le voir figurer dans une loi de programmation militaire, car il traite d’une question institutionnelle de fond, qui est la réorganisation des pouvoirs publics pour les adapter à la nouvelle stratégie dite de « la sécurité nationale ».
Conscient du fait que votre projet de loi ne traitait pas que de programmation militaire, vous avez d’ailleurs, monsieur le ministre, prudemment ajouté dans son intitulé : « et diverses dispositions concernant la défense ».
Cela vous permet donc, par exemple, de modifier l’organisation des pouvoirs publics, de privatiser deux entreprises, ou encore de limiter le pouvoir d’investigation des juges.
Cette nouvelle notion de sécurité nationale est issue des réflexions menées dans le cadre du Livre blanc élaboré l’an dernier et approuvé par le Président de la République.
C’est une notion directement importée des États-Unis et qui est à l’origine de toutes les politiques publiques américaines de sécurité et de défense. Elle inspire aussi la réflexion actuellement en cours au sein de l’OTAN pour renouveler ses concepts stratégiques.
Bien que nous vivions dans un monde globalisé, je suis loin d’être persuadée qu’une telle notion corresponde à la vision que nous avons en France des risques et des menaces contre nos intérêts nationaux.
Mais je voudrais surtout, avec cet amendement de suppression, marquer notre profonde opposition aux modifications institutionnelles qu’implique cette notion, ainsi que notre refus de la concentration des pouvoirs qu’elle entraîne.
À travers cet article, on assiste en effet à une extension du champ de la sécurité et du champ des compétences du Président de la République. La défense nationale devient un sous-ensemble de la sécurité du pays, qui englobe déjà la sécurité intérieure.
Cet élargissement des notions implique une concentration pyramidale des pouvoirs du Président de la République. Sur les questions de sécurité, tout remonte à lui et tout procède de lui.
C’est ainsi que cet article 5 vise notamment à remplacer l’actuel conseil de défense, ainsi que le conseil de sécurité intérieure, par un seul organisme qui englobera l’ensemble.
Le champ de compétence de ce nouvel organisme sera extrêmement étendu, puisqu’il couvrira toutes les questions et toutes les politiques ayant trait à la défense et à la sécurité nationale.
Quand on sait que ce nouveau conseil de défense et de sécurité nationale, présidé par le chef de l’État, se déclinera en formations spécialisées restreintes qui seront toutes, elles aussi, présidées par lui, en particulier pour le renseignement, on mesure l’étendue du contrôle et des pouvoirs présidentiels sur la sécurité du pays.
J’ajouterai enfin que nous débattons aussi de la création d’un organisme qui existe déjà depuis quelques mois, puisque le conseil national du renseignement, l’une des formations spécialisées du conseil de défense et de sécurité nationale, est déjà en place ; son coordonnateur a été nommé il y a quelques mois. Il s’agit, là encore, d’un bel exemple d’organisme fonctionnant avant même que la loi ne soit votée !
Ne voulant ni cautionner ce déséquilibre institutionnel ni approuver cette présidentialisation sans partage et sans contrôle de la sécurité du pays, nous vous demandons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement de suppression de l’article 5.