Intervention de Didier Guillaume

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 12 novembre 2019 à 17h30
Projet de loi de finances pour 2020 — Mission « enseignement scolaire » - crédits « enseignement technique agricole » - mission « recherche et enseignement supérieur » - crédits « enseignement supérieur et recherche agricoles » - Audition de M. Didier Guillaume ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

Il y a une dizaine de jours, à l'initiative du groupe CRCE, nous avons tenu un très riche et très intéressant débat sur l'avenir de l'enseignement agricole. Cette audition permet donc de compléter ce débat et de préciser les contours de ce budget.

L'enseignement agricole est un sujet en soi et j'ai toujours regretté - y compris lorsque j'étais sénateur - qu'il ne soit pas présenté en séance publique par le ministre en charge de son budget. Cet enseignement constitue une pépite parmi l'ensemble des formations. Nous avons la chance de disposer avec l'enseignement et la recherche agricoles d'un outil très performant, d'un outil majeur pour toutes les politiques publiques. C'est aussi un atout pour l'agriculture et l'alimentation françaises, pour nos territoires et notre jeunesse. Nous avons besoin que de plus en plus de jeunes rejoignent ces métiers. Nous avons aussi besoin de plus de connaissances, pour assurer la transition agroécologique. L'agriculture française n'a pas d'autres choix que de s'inscrire dans ce mouvement. Demain, l'agriculture française sera résiliente et devra respecter le triptyque compétitivité, innovation/recherche et transition agroécologique. Il ne peut y avoir d'enseignement agricole sans recherche et innovation, ni recherche et innovation sans compétitivité. N'ayons pas peur de la compétitivité ! Nous avons donc besoin de davantage de connaissances.

L'enseignement représente en moyens humains 40 % du budget du ministère de l'agriculture, 1,8 milliard d'euros et 18 000 fonctionnaires. Avant d'aborder le budget plus en détail, je voudrais vous faire part des cinq chantiers majeurs que nous avons engagés et qui sont essentiels. Le premier consiste à assurer la fusion de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et de l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (Irstea) - deux champions nationaux - pour créer le leader de la recherche mondiale en matière d'agriculture, d'alimentation et d'environnement. L'INRA et l'Irstea deviendront l'INRAE au 1er janvier prochain. Il s'agira d'un atout pour nos filières, la société et l'ensemble des décideurs politiques, qui ont besoin d'être éclairés sur ces sujets complexes.

Le deuxième chantier consiste à améliorer l'impact de la recherche au service des agriculteurs, de l'alimentation et de l'environnement, grâce à un travail plus étroit entre l'INRAE, les instituts techniques agricoles et les chambres d'agriculture. Je répète ainsi que les instituts techniques agricoles jouent un rôle essentiel.

Le troisième chantier est celui de la structuration de l'enseignement agronomique autour de deux pôles. AgroParisTech et les laboratoires de l'INRAE s'installeront sur le plateau de Saclay pour constituer le socle Sciences du Vivant, facteur de résilience de ce pôle. La participation d'AgroParisTech à cette grande université de rang mondial sera effective en janvier 2020. En parallèle, la création de l'Institut de l'Enseignement supérieur pour l'Agriculture, l'alimentation et l'environnement est engagée, avec la fusion dans un premier temps d'Agrocampus Ouest et de Montpellier Sup Agro. Notre pays bénéficiera ainsi d'un acteur stratégique et innovant, composé d'écoles supérieures fortement ancrées dans leurs territoires, associées aux universités et au service des filières. Il s'appuiera aussi sur l'enseignement technique agricole pour accélérer les transitions en cours. Ce lien entre enseignement supérieur et technique est essentiel pour que les dernières avancées de la recherche soient introduites dans la formation des agriculteurs de demain. La recherche doit donc être impliquée directement dans la formation.

Le quatrième chantier consiste à refonder l'enseignement vétérinaire, pour contribuer au maillage sanitaire du territoire. Nos zones rurales comptent de moins en moins de vétérinaires, alors que nos écoles de vétérinaires sont toujours pleines. Les formations ont été repensées. Des stages longs ont été mis en place en milieu rural. Une voie de recrutement post-bac avec classe préparatoire intégrée sera créée dès 2020, pour recruter des jeunes d'origines sociales et géographiques plus diversifiées. Le problème des déserts vétérinaires ne peut cependant pas être réglé en agissant uniquement sur la formation et le Gouvernement étudie actuellement d'autres dispositions, pour assurer l'installation et l'exercice de vétérinaires d'animaux de rente dans les zones à faible densité d'élevage.

Le cinquième chantier consiste à améliorer l'attractivité de l'enseignement technique agricole. Lors du dernier salon de l'agriculture de Paris, nous avons lancé une grande campagne de communication, l'Aventure du vivant, qui porte ses fruits. Il s'agit ainsi de resserrer les liens avec l'éducation nationale et de donner plus d'autonomie aux établissements, pour leur permettre d'atteindre un nombre d'apprenants supérieur. Depuis dix ans, nos lycées agricoles se vidaient de leurs effectifs. S'ils résistaient grâce aux filières générales, on constatait une érosion forte des effectifs dans les filières techniques.

Avec Jean-Michel Blanquer, nous avons donc pris la décision de mener un travail commun. L'enseignement technique agricole n'est pas une seconde voie, mais doit être un primo-choix. Nous y tenons beaucoup et avons réussi cette campagne d'information. Nous avons réussi cette sensibilisation, puisque nous sommes passés de - 4 000 élèves l'an dernier à + 750 cette année. Nous avons donc inversé la courbe, mais nous devons continuer, pour atteindre l'objectif de 200 000 apprenants l'année prochaine. C'est la première fois depuis dix ans que le nombre d'élèves augmente.

Je lance également une vaste concertation auprès de tous les acteurs pour rénover les diplômes et les formations de l'enseignement technique. Il est temps de coconstruire les nouveaux programmes de demain. L'agroécologie, le bien-être animal, le numérique et la gestion - compétence indispensable à un jeune qui s'installe - seront au coeur de ces évolutions.

Pour soutenir ces ambitions, le budget de cette année me semble bon. Le programme 142 de l'enseignement supérieur et de la recherche connaît un maintien des effectifs de fonctionnaires et une hausse des crédits de paiement de 4,3 millions d'euros, soit + 3,2 %. Cette augmentation permettra de poursuivre celle du nombre d'étudiants accueillis dans les écoles agronomiques, vétérinaires et de paysage. Ces établissements vont accueillir 20 % d'étudiants supplémentaires à l'horizon 2024.

Par ailleurs, la préservation des crédits d'investissement CPER (contrats de plan État-Région) permettra de poursuivre les travaux de rénovation entamés dans les écoles, notamment les écoles vétérinaires d'Alfort et de Toulouse, ainsi que le Potager du Roi à l'école nationale supérieure de paysage, Agrocampus Ouest ou encore Agrocampus Dijon. Parallèlement, le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CASDAR) est maintenu à 136 millions d'euros, ce qui constitue un levier essentiel. Les crédits du programme 143 de l'enseignement technique agricole enregistrent quant à eux une progression de 8,56 millions d'euros (+ 0,6 %), dont 2,2 millions d'euros au titre des crédits de personnel et 6,35 millions d'euros en investissements. En ce qui concerne les dépenses de personnel, le plafond d'emploi du programme est en baisse de 60 équivalents temps plein (ETP). Nous avons pris des mesures pour l'assumer sans fermeture nette de classes à l'échelle nationale, en jouant notamment sur les seuils de dédoublement. L'enseignement agricole bénéficie de mesures catégorielles et du plan de requalification, qui concernent l'ensemble des agents. Il bénéficie aussi de la création d'un statut d'emploi de directeurs de lycées agricoles publics, de ceux des centres de formation d'apprentis (CFA) et de ceux des exploitations agricoles des lycées. En outre, des crédits sont prévus pour financer un deuxième professeur principal dans toutes les classes de terminale.

S'agissant des crédits d'investissement, les principales évolutions sont le renforcement des moyens des lycées publics des collectivités ultramarines, notamment la sécurité de l'établissement de Mayotte. Des moyens sont également consacrés à l'évolution des systèmes d'information (+ deux millions d'euros) et une dotation complémentaire d'un million d'euros permettra de poursuivre la communication en faveur de l'enseignement agricole, l'Aventure du vivant. Les moyens dévolus à l'inclusion sociale des élèves en situation de handicap augmentent de 26 % par rapport à 2019 - où les crédits étaient déjà en hausse -, soit près de 3 millions d'euros afin d'accompagner l'augmentation du nombre de bénéficiaires et d'assurer la transformation des contrats aidés en contrat d'accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH). Des moyens supplémentaires sont aussi ouverts en 2020 pour financer le dispositif Certiphyto et accompagner les établissements dans la mise en oeuvre de la loi pour la Liberté de choisir son avenir professionnel. Enfin, les moyens consacrés à l'enseignement privé sont stables, à 354,8 millions d'euros.

Cette année, j'ai fait la rentrée scolaire dans l'enseignement agricole public, l'enseignement privé agricole et les Maisons familiales rurales (MFR) le même jour, parce que je considère que ces trois familles sont essentielles pour la formation de nos jeunes.

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