Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Réunion du 12 novembre 2019 à 17h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Monsieur le Ministre, nous vous recevons aujourd'hui en vue de l'examen, par le Sénat, des crédits consacrés à l'enseignement et à la recherche agricoles dans le projet de loi de finances pour 2020. Vous savez que notre commission est très attentive au suivi de ces deux sujets.

Nos collègues Laurent Lafon et Jean-Yves Roux ont d'ailleurs, à l'occasion de la récente présentation des conclusions de leur mission d'information consacrée aux nouveaux territoires de l'éducation, salué l'ouverture de ces établissements sur leur environnement immédiat - ceux-ci étant reconnus pour contribuer à animer le territoire qui les entoure - et proposé de s'en inspirer pour l'ensemble des établissements scolaires situés en zones rurales.

Je vous proposerai, monsieur le Ministre, de diviser cette audition en trois temps :

- en vous invitant à présenter les grandes lignes du budget consacré à l'enseignement et à la recherche agricoles pour 2020 à l'occasion d'un propos liminaire d'une quinzaine de minutes ;

- en donnant ensuite la parole à nos rapporteurs, Antoine Karam, sur les crédits du programme 143 « Enseignement technique agricole », puis à Stéphane Piednoir et Laure Darcos, sur les crédits du programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles » ;

- en donnant enfin la parole aux autres collègues qui souhaiteraient vous interroger sur les crédits votre ministère.

Debut de section - Permalien
Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Il y a une dizaine de jours, à l'initiative du groupe CRCE, nous avons tenu un très riche et très intéressant débat sur l'avenir de l'enseignement agricole. Cette audition permet donc de compléter ce débat et de préciser les contours de ce budget.

L'enseignement agricole est un sujet en soi et j'ai toujours regretté - y compris lorsque j'étais sénateur - qu'il ne soit pas présenté en séance publique par le ministre en charge de son budget. Cet enseignement constitue une pépite parmi l'ensemble des formations. Nous avons la chance de disposer avec l'enseignement et la recherche agricoles d'un outil très performant, d'un outil majeur pour toutes les politiques publiques. C'est aussi un atout pour l'agriculture et l'alimentation françaises, pour nos territoires et notre jeunesse. Nous avons besoin que de plus en plus de jeunes rejoignent ces métiers. Nous avons aussi besoin de plus de connaissances, pour assurer la transition agroécologique. L'agriculture française n'a pas d'autres choix que de s'inscrire dans ce mouvement. Demain, l'agriculture française sera résiliente et devra respecter le triptyque compétitivité, innovation/recherche et transition agroécologique. Il ne peut y avoir d'enseignement agricole sans recherche et innovation, ni recherche et innovation sans compétitivité. N'ayons pas peur de la compétitivité ! Nous avons donc besoin de davantage de connaissances.

L'enseignement représente en moyens humains 40 % du budget du ministère de l'agriculture, 1,8 milliard d'euros et 18 000 fonctionnaires. Avant d'aborder le budget plus en détail, je voudrais vous faire part des cinq chantiers majeurs que nous avons engagés et qui sont essentiels. Le premier consiste à assurer la fusion de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et de l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (Irstea) - deux champions nationaux - pour créer le leader de la recherche mondiale en matière d'agriculture, d'alimentation et d'environnement. L'INRA et l'Irstea deviendront l'INRAE au 1er janvier prochain. Il s'agira d'un atout pour nos filières, la société et l'ensemble des décideurs politiques, qui ont besoin d'être éclairés sur ces sujets complexes.

Le deuxième chantier consiste à améliorer l'impact de la recherche au service des agriculteurs, de l'alimentation et de l'environnement, grâce à un travail plus étroit entre l'INRAE, les instituts techniques agricoles et les chambres d'agriculture. Je répète ainsi que les instituts techniques agricoles jouent un rôle essentiel.

Le troisième chantier est celui de la structuration de l'enseignement agronomique autour de deux pôles. AgroParisTech et les laboratoires de l'INRAE s'installeront sur le plateau de Saclay pour constituer le socle Sciences du Vivant, facteur de résilience de ce pôle. La participation d'AgroParisTech à cette grande université de rang mondial sera effective en janvier 2020. En parallèle, la création de l'Institut de l'Enseignement supérieur pour l'Agriculture, l'alimentation et l'environnement est engagée, avec la fusion dans un premier temps d'Agrocampus Ouest et de Montpellier Sup Agro. Notre pays bénéficiera ainsi d'un acteur stratégique et innovant, composé d'écoles supérieures fortement ancrées dans leurs territoires, associées aux universités et au service des filières. Il s'appuiera aussi sur l'enseignement technique agricole pour accélérer les transitions en cours. Ce lien entre enseignement supérieur et technique est essentiel pour que les dernières avancées de la recherche soient introduites dans la formation des agriculteurs de demain. La recherche doit donc être impliquée directement dans la formation.

Le quatrième chantier consiste à refonder l'enseignement vétérinaire, pour contribuer au maillage sanitaire du territoire. Nos zones rurales comptent de moins en moins de vétérinaires, alors que nos écoles de vétérinaires sont toujours pleines. Les formations ont été repensées. Des stages longs ont été mis en place en milieu rural. Une voie de recrutement post-bac avec classe préparatoire intégrée sera créée dès 2020, pour recruter des jeunes d'origines sociales et géographiques plus diversifiées. Le problème des déserts vétérinaires ne peut cependant pas être réglé en agissant uniquement sur la formation et le Gouvernement étudie actuellement d'autres dispositions, pour assurer l'installation et l'exercice de vétérinaires d'animaux de rente dans les zones à faible densité d'élevage.

Le cinquième chantier consiste à améliorer l'attractivité de l'enseignement technique agricole. Lors du dernier salon de l'agriculture de Paris, nous avons lancé une grande campagne de communication, l'Aventure du vivant, qui porte ses fruits. Il s'agit ainsi de resserrer les liens avec l'éducation nationale et de donner plus d'autonomie aux établissements, pour leur permettre d'atteindre un nombre d'apprenants supérieur. Depuis dix ans, nos lycées agricoles se vidaient de leurs effectifs. S'ils résistaient grâce aux filières générales, on constatait une érosion forte des effectifs dans les filières techniques.

Avec Jean-Michel Blanquer, nous avons donc pris la décision de mener un travail commun. L'enseignement technique agricole n'est pas une seconde voie, mais doit être un primo-choix. Nous y tenons beaucoup et avons réussi cette campagne d'information. Nous avons réussi cette sensibilisation, puisque nous sommes passés de - 4 000 élèves l'an dernier à + 750 cette année. Nous avons donc inversé la courbe, mais nous devons continuer, pour atteindre l'objectif de 200 000 apprenants l'année prochaine. C'est la première fois depuis dix ans que le nombre d'élèves augmente.

Je lance également une vaste concertation auprès de tous les acteurs pour rénover les diplômes et les formations de l'enseignement technique. Il est temps de coconstruire les nouveaux programmes de demain. L'agroécologie, le bien-être animal, le numérique et la gestion - compétence indispensable à un jeune qui s'installe - seront au coeur de ces évolutions.

Pour soutenir ces ambitions, le budget de cette année me semble bon. Le programme 142 de l'enseignement supérieur et de la recherche connaît un maintien des effectifs de fonctionnaires et une hausse des crédits de paiement de 4,3 millions d'euros, soit + 3,2 %. Cette augmentation permettra de poursuivre celle du nombre d'étudiants accueillis dans les écoles agronomiques, vétérinaires et de paysage. Ces établissements vont accueillir 20 % d'étudiants supplémentaires à l'horizon 2024.

Par ailleurs, la préservation des crédits d'investissement CPER (contrats de plan État-Région) permettra de poursuivre les travaux de rénovation entamés dans les écoles, notamment les écoles vétérinaires d'Alfort et de Toulouse, ainsi que le Potager du Roi à l'école nationale supérieure de paysage, Agrocampus Ouest ou encore Agrocampus Dijon. Parallèlement, le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CASDAR) est maintenu à 136 millions d'euros, ce qui constitue un levier essentiel. Les crédits du programme 143 de l'enseignement technique agricole enregistrent quant à eux une progression de 8,56 millions d'euros (+ 0,6 %), dont 2,2 millions d'euros au titre des crédits de personnel et 6,35 millions d'euros en investissements. En ce qui concerne les dépenses de personnel, le plafond d'emploi du programme est en baisse de 60 équivalents temps plein (ETP). Nous avons pris des mesures pour l'assumer sans fermeture nette de classes à l'échelle nationale, en jouant notamment sur les seuils de dédoublement. L'enseignement agricole bénéficie de mesures catégorielles et du plan de requalification, qui concernent l'ensemble des agents. Il bénéficie aussi de la création d'un statut d'emploi de directeurs de lycées agricoles publics, de ceux des centres de formation d'apprentis (CFA) et de ceux des exploitations agricoles des lycées. En outre, des crédits sont prévus pour financer un deuxième professeur principal dans toutes les classes de terminale.

S'agissant des crédits d'investissement, les principales évolutions sont le renforcement des moyens des lycées publics des collectivités ultramarines, notamment la sécurité de l'établissement de Mayotte. Des moyens sont également consacrés à l'évolution des systèmes d'information (+ deux millions d'euros) et une dotation complémentaire d'un million d'euros permettra de poursuivre la communication en faveur de l'enseignement agricole, l'Aventure du vivant. Les moyens dévolus à l'inclusion sociale des élèves en situation de handicap augmentent de 26 % par rapport à 2019 - où les crédits étaient déjà en hausse -, soit près de 3 millions d'euros afin d'accompagner l'augmentation du nombre de bénéficiaires et d'assurer la transformation des contrats aidés en contrat d'accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH). Des moyens supplémentaires sont aussi ouverts en 2020 pour financer le dispositif Certiphyto et accompagner les établissements dans la mise en oeuvre de la loi pour la Liberté de choisir son avenir professionnel. Enfin, les moyens consacrés à l'enseignement privé sont stables, à 354,8 millions d'euros.

Cette année, j'ai fait la rentrée scolaire dans l'enseignement agricole public, l'enseignement privé agricole et les Maisons familiales rurales (MFR) le même jour, parce que je considère que ces trois familles sont essentielles pour la formation de nos jeunes.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Karam

Je serai bref, car nous avons tenu un débat de grande qualité il y a quinze jours à l'initiative du groupe CRCE. J'ai alors eu le sentiment qu'un consensus se dégageait sur le futur et l'avenir de l'enseignement agricole. Nous avons tous la même ambition : modifier l'image qu'a l'enseignement agricole, encore trop considéré comme une voie de garage et en faire une voie d'avenir pour nos jeunes compatriotes.

Je vous poserai quelques questions, auxquelles vous avez déjà apporté, en grande partie, des réponses.

Ma première question porte sur les effectifs de cette rentrée. Lorsque nous avons auditionné vos services, les chiffres étaient en cours de stabilisation et il était alors question de 300 à 700 élèves supplémentaires. Disposez-vous d'un chiffre plus précis ? Par ailleurs, comment se répartissent ces effectifs supplémentaires, à la fois entre les établissements publics et privés, ainsi qu'en fonction des niveaux scolaires (collège, lycée, études supérieures) ?

Ma deuxième question concerne la campagne de communication de votre ministère en faveur de l'enseignement agricole. Elle semble porter ses fruits si on en croit la hausse des effectifs. Il est désormais nécessaire de prolonger cette communication au niveau local. En effet, l'enseignement agricole présente la spécificité d'être un enseignement national à ancrage territorial. Or les établissements nous ont indiqué ne pas disposer de moyens supplémentaires pour procéder à la promotion de l'enseignement agricole au niveau local, notamment dans les salons régionaux d'orientation. Pouvez-vous nous en dire plus sur la déclinaison territoriale de cette campagne de valorisation de l'enseignement agricole ?

Je salue le plein engagement de l'enseignement agricole en faveur de l'école inclusive.

Enfin, permettez-moi de vous faire remonter une inquiétude liée au nouveau rôle des lycées en matière d'information et d'orientation des élèves. Pour des élèves - notamment en difficulté scolaire - et leurs familles, pousser la porte du grand lycée de secteur peut être un frein. Le centre d'information et d'orientation (CIO) présentait l'avantage d'être un lieu plus neutre. En outre, il ne semble pas qu'une mission analogue ait été confiée aux lycées agricoles.

Debut de section - Permalien
Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Vous avez raison, Monsieur Karam, de rappeler que notre débat d'il y a quinze jours a été très intéressant. Il a montré, au-delà des sensibilités politiques, une vision globale et commune de l'enseignement agricole.

Le nombre d'élèves et d'étudiants, du certificat d'aptitude professionnel agricole (CAPA) au brevet de technicien supérieur agricole (BTSA), se monte à 158 083, dont 61 186 dans le public. En 2018, les apprentis étaient au nombre de 34 471 dans l'enseignement technique, avec une hausse de 700 apprentis en 2019, soit 35 071 au total. Pour le domaine technique, nous comptons en tout 193 154 apprenants, pour un objectif de 200 000. Compte tenu de la hausse observée cette année, nous atteindrons ce nombre de 200 000 avant 2022 si nous poursuivons à ce rythme. Pour y parvenir, nous travaillons avec la direction générale de l'enseignement scolaire (Dgesco) et le ministère de l'éducation nationale, ainsi qu'avec le ministère du travail pour les apprentis. L'enseignement agricole forme 10 % des apprentis et nous devons continuer ces efforts. Nous avons en effet l'avantage d'être réparti sur l'ensemble du territoire et notamment dans les zones rurales. Nos établissements d'enseignement sont donc plus accessibles que d'autres.

En ce qui concerne l'enseignement supérieur, à la rentrée 2019, nous avons accueilli 14 600 étudiants (ingénieurs, paysagistes et vétérinaires), dont 10 % d'apprentis. Ces effectifs ont crû de 9 % entre 2015 et 2019 et de 3 % entre 2018 et 2019. Pour 2024, nous avons l'objectif d'atteindre 20 % d'augmentation.

Pour ce qui est de la campagne de communication, il s'agissait de toucher les jeunes, notamment sur Snapchat - 12 millions de jeunes ainsi approchés. Nous avons aussi ouvert le site internet l'Aventure du vivant. Toute la communauté éducative semble s'investir sur ces questions, ce qui permet de faire mieux connaître l'enseignement technique agricole, qui, comme vous l'avez dit, ne saurait être considéré comme une voie de garage.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Monsieur le Ministre, vous avez évoqué le projet de fusion des écoles d'agronomie. Le projet de création d'une école unique a été abandonné en décembre 2018 au profit de la création de deux pôles nationaux, l'un à Paris, au sein de l'Université Paris-Saclay, avec AgroParisTech, et l'autre en région, à travers la fusion de Montpellier SupAgro et d'Agrocampus Ouest. Vous nous avez exposé la situation. Toutefois, j'ai cru comprendre qu'à Montpellier, la situation était assez compliquée, en raison d'un projet parallèle, dénommé MUSE (Montpellier Université d'excellence), qui doit faire émerger une université thématique de recherche dans les domaines de l'agriculture, de l'environnement et de la santé.

Enfin, nous nous félicitons de l'attractivité de l'enseignement agricole. Celui-ci répond à un besoin et des attentes. La campagne de communication à destination des élèves est intéressante. N'oublions toutefois pas les parents qui jouent un rôle essentiel dans l'orientation de leurs enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

Ayant auditionné le Président du futur Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) - qui était un président heureux -, je me réjouis de constater que cette opération de rapprochement se fait en bonne intelligence et qu'elle repose sur un vrai projet scientifique. Comment voyez-vous le rôle de ce nouvel institut dans le renforcement des positions défendues par la France en matière d'agriculture et d'alimentation au sein des instances européennes et internationales ?

Enfin, j'aurais souhaité poser une question que me posent également de nombreux agriculteurs de Sud Essonne. Vous dites que l'enseignement agricole est un succès, mais nous constatons des difficultés pour les filières traditionnelles d'élevage qui souffrent du bashing contre les agriculteurs et des exactions réalisées par les vegans. Comment inciter les jeunes à embrasser ces filières traditionnelles également ?

Debut de section - Permalien
Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

La réorganisation de l'enseignement supérieur constitue un sujet complexe, mais ce projet était en l'occurrence absolument indispensable. En effet, nous devons être compétitifs à l'échelle européenne et à l'échelle mondiale et notre enseignement agronomique devait donc être restructuré. La fusion AgroParisTech s'est déroulée avec fluidité. Mais nous avons rencontré davantage de difficultés pour Agrocampus Ouest et Montpellier SupAgro, qui tiennent à mon avis d'une incompréhension du projet au départ. Toutefois les choses sont à présent rentrées dans l'ordre. Le décret est d'ailleurs en cours d'examen par le conseil d'État. Ce travail a été difficile, mais nous y sommes parvenus.

S'agissant de la création de l'INRAE, je tiens à saluer Philippe Mauguin et Marc Michel, patrons de l'INRA et de l'Irstea, qui ont beaucoup travaillé pour concilier les cultures des deux établissements. Cette fusion s'est ainsi réalisée en concertation et en coconstruction. L'INRAE va maintenant peser sur la politique européenne et les sujets d'avenir : la transition agroécologique, les pesticides, le bien-être animal,... Cet établissement devra ainsi être leader mondial.

Par ailleurs, en ce qui concerne les filières d'élevage, je ne suis pas certain que les chiffres que vous avancez soient justes. Face à l'agribashing et aux difficultés financières des éleveurs, nos sections sciences et technologies de l'agronomie et du vivant (STAV) se remplissent très bien.

Enfin, un désintérêt des jeunes pour l'agriculture est souvent évoqué. Je rappellerai cependant qu'en 2018, 12 000 jeunes agriculteurs se sont installés en France - 6 000 aidés et 6 000 non aidés. La France compte 450 000 agriculteurs, dont environ un tiers arrêtera son activité dans les dix ans à venir. Si nous poursuivons à installer 12 000 jeunes chaque année, contrairement à ce que l'on pense, nous maintiendrons un équilibre entre les départs et les installations.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre Monier

Dans notre récent débat, plusieurs d'entre nous ont bien indiqué que l'enseignement agricole était en première ligne face aux grands défis que notre agriculture doit relever : réussir la transition agroécologique et assurer la relève de toute une génération. Cela implique une modification des cadres de pensée et des modes d'acquisition des savoirs et des pratiques notamment pour l'agroécologie. L'enseignement agricole joue un rôle central dans cette transformation.

Le plan « Enseigner à produire autrement » a été mis en place alors que Stéphane Le Foll était ministre, en 2014, plaçant l'enseignement agricole au coeur du projet agroécologique. Ce plan a permis de rénover plusieurs référentiels des diplômes et des pratiques, afin d'intégrer l'agroécologie dans les cursus et de renforcer la gouvernance régionale pour dynamiser les réseaux d'enseignement. Disposez-vous d'un bilan de la mise en place de ce plan ? Aujourd'hui, il faut amplifier ces initiatives. Pouvez-vous nous dire ce que vous comptez mettre en place ?

Vous avez en outre fait état d'un maintien des effectifs des fonctionnaires. Cependant, qu'en est-il du nombre de contractuels ? Selon le SNETA-FSU, on compte 6 000 fonctionnaires, 1 500 contractuels au niveau national et 4 500 contractuels sur les budgets des établissements. Cela a un impact fort sur les conditions de travail des enseignants, pour les contractuels comme pour les titulaires. Cela pose aussi un problème s'agissant de la gestion des établissements. Comment comptez-vous mobiliser le budget nécessaire pour titulariser ces milliers d'enseignants ?

Enfin, 440 suppressions de postes sont annoncées dans l'enseignement du second degré. Cela affecte-t-il l'enseignement agricole ?

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Je serai brève, car plusieurs questions ont déjà obtenu leurs réponses. Vous avez évoqué trois familles d'enseignement, mais vous n'avez pas parlé des maisons familiales rurales. Où les situez-vous dans ces trois familles d'enseignement ? L'enseignement agricole a beaucoup de chance, puisque vous avez créé le statut de directeur.

J'aurais en outre souhaité vous interroger sur le projet de fusion entre l'INRA et l'Irstea, mais vous avez répondu en confirmant que cette fusion serait effective au 1er janvier 2020.

Lors du dernier salon de l'agriculture, vous aviez indiqué que la transition agroécologique était en route et irréversible. Vous avez effectué plusieurs annonces, plaidant pour la réalité de cette transition et j'en suis ravie.

Par ailleurs, quand procèderons-nous à l'audition commune du ministre de l'agriculture, du ministre de l'éducation nationale et de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ? Nous constatons en effet que plusieurs de vos sujets de préoccupation sont communs.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Monsieur le Ministre, je me réjouis également de la création du statut de directeur car ce point faisait l'objet d'échanges récurrents sur nos territoires.

Je souhaitais également vous poser une question déjà posée lors du débat, en ce qui concerne le développement des classes mixtes suite à la réforme de l'apprentissage. Certaines classes sont composées d'apprentis et d'élèves en voie scolaire, ce qui crée de nouvelles contraintes pédagogiques, qui pourraient à terme poser une difficulté. Les enseignants n'ont ainsi pas la capacité statutaire d'enseigner devant ces apprentis. Faudra-t-il s'atteler à créer un nouveau statut ?

Par ailleurs, l'attractivité des filières agricoles ne semble pas constituer un sujet de préoccupation. La réforme du bac est en cours, avec le regroupement des filières générales et les 12 enseignements proposés. Or pour les lycées agricoles, seuls trois enseignements sont proposés, tandis que nous constatons la nécessaire montée en compétences pour les agriculteurs. Disposer de seulement trois spécialités dans les lycées agricoles - les mathématiques, la physique-chimie et la biologie-écologie - est-ce suffisant ? La moitié des lycéens ne savent pas quels métiers ils souhaitent faire. Limiter ainsi le nombre de spécialités pourrait conduire les jeunes et ne pas se tourner vers l'enseignement agricole par manque de choix.

Je salue également l'initiative du groupe CRCE. Ce débat a permis de parler pour une fois de l'agriculture qui va bien, de jeunes qui veulent s'installer et pratiquer l'agriculture autrement.

Enfin, lorsque Chantal Jouanno était présidente de la Délégation aux droits des femmes, elle avait mené un travail sur l'égalité entre les femmes et les hommes en agriculture, avec plusieurs propositions. De nombreux jeunes s'installent, notamment des femmes, dont l'approche du métier est différente, ce qui doit être souligné et anticipé.

Debut de section - Permalien
Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Madame Monier évoquait l'agroécologie et son enseignement. Ces sujets sont effectivement essentiels et nous souhaitons obtenir des résultats concrets en la matière. L'enseignement agricole doit être le moteur de cette transition écologique. J'ai rencontré de nombreux agriculteurs, qui m'ont expliqué qu'ils n'étaient pas armés pour s'inscrire dans ce mouvement. La formation est donc nécessaire. Lorsque les jeunes seront formés aux nouveaux programmes, ils seront plus forts. Les écoresponsables dans ces établissements jouent d'ailleurs un rôle essentiel.

Si nous voulons atteindre l'objectif que vous évoquiez, madame Monier, nous devons nous en donner les moyens. J'ai ainsi annoncé que toutes nos exploitations agricoles lycéennes seront cultivées en agriculture biologique ou certifiée HVE3 (haute valeur environnementale niveau 3) en 2025 au plus tard. Nous devons aussi être exemplaires dans les repas que nous servons en restauration scolaire de nos lycées agricoles et mettre en place les réformes dès maintenant. À la rentrée 2022 au plus tard, 50 % des produits seront issus des circuits courts et 20 % de l'agriculture biologique.

Enfin, pour en venir aux chiffres que vous évoquiez, le secteur public compte 1 500 contractuels. Je préférerais que l'on recrute des fonctionnaires, ce qui n'est toutefois pas toujours facile. Nous rencontrons d'ailleurs ces difficultés de recrutement dans toutes les professions sur certains territoires.

Madame Laborde, quand je parle des trois familles, je fais référence à l'enseignement public, à l'enseignement privé et aux maisons familiales rurales. J'ai ainsi été le premier ministre de l'agriculture à faire la rentrée scolaire dans ces trois familles. L'enseignement agricole a connu une baisse de 50 ETP et cette baisse sera de 60 ETP en 2020. Or, si les effectifs croissent, il sera plus facile d'obtenir des postes.

Enfin, concernant l'audition commune des trois ministres que vous évoquiez, je suis pour ma part favorable à une présentation spécifique du budget de l'agriculture - avec un budget dédié - plutôt que de l'inclure dans un grand ensemble.

Madame Billon, vous avez de nouveau posé la question relative aux classes mixtes, suite à la réforme de l'apprentissage. Cette dernière nous amène à questionner nos modèles. Nous formons aujourd'hui 10 % des apprentis. Peut-être demain en formerons-nous davantage, mais il faut sans cesse se remettre en question. Je suis pour ma part favorable à l'accueil dans une même classe d'élèves et d'apprentis. L'expérience montre que cela ne s'improvise pas, mais nous avons besoin de passerelles. J'ai demandé à l'Inspection générale de l'enseignement agricole un rapport pour rendre cette organisation plus efficiente.

L'agribashing correspond certes aux attaques contre les élevages, mais il arrive parfois aux responsables publics d'oublier de parler aussi de ce qui va bien. Nous devons donc mettre en avant les éléments positifs pour lutter contre l'agribashing à savoir la hausse des effectifs, une agriculture innovante ou encore la création de l'INRAE.

Quant à l'offre de spécialité du bac général dans l'enseignement agricole, nous devons nous adapter. Les lycées agricoles n'ont pas vocation à rivaliser avec les spécialités des grands lycées, mais doivent se doter de spécialités qui leur permettront de s'ancrer dans leurs territoires ruraux. Cette réforme nous permet de maintenir des enseignements à vocation scientifique, en physique-chimie, écologie-biologie et mathématiques, et nous devons l'assumer.

Enfin, le nombre d'agricultrices en France est en hausse de 25 %. L'enseignement agricole compte 50 % de filles ; elles représentent 90 % des effectifs de la filière vétérinaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

Je vais me répéter sur un certain nombre de questions que j'ai déjà soulevées lors de notre précédent débat et auxquelles vous n'aviez pas eu le temps de répondre. Nous nous réjouissons tous de la croissance du nombre d'élèves, ce qui pose cependant la question des moyens. Vous répondez en rappelant qu'il n'y a pas eu de fermeture de classe grâce au relèvement des seuils de dédoublement des classes. Mais cette réponse ne me semble pas satisfaisante. Il s'agit ainsi de disciplines qui commandent que nous nous dotions d'effectifs limités, car elles sont caractérisées par des travaux pratiques et des contraintes importantes en termes de sécurité. De même, les dotations d'horaires conduisent les établissements à choisir entre enseignements de spécialité et options. Or vous venez d'indiquer que les spécialisations étaient sources de grande attractivité pour les établissements et leurs territoires. Il est donc important d'offrir un large choix d'options.

Nous sommes par ailleurs très inquiets du sort réservé aux bourses, notamment pour les élèves les plus modestes.

Enfin, je répète ma question relative au stage organisé dans le cadre du bac technologique STAV, qui n'est plus effectué en cinq semaines consécutives et n'est plus évalué, ce qui pose problème d'un point de vue pédagogique.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Lors de ce débat il y a deux semaines, j'avais évoqué le problème des CFA en zones très rurales et menacés en raison de manques d'effectifs. J'avais évoqué la commune de Champignelles. Vous évoquez les stages longs de vétérinaires en zone rurale, mais sachez qu'une école d'application de l'école vétérinaire de Maisons-Alfort était située à Champignelles, commune deux fois mise à mal par votre ministère et qui va perdre sa salle d'autopsie vétérinaire.

Nous rencontrons également des difficultés pour toucher les professeurs. Or si ces derniers relayaient davantage ces informations relatives à l'enseignement agricole dans leurs classes, de nombreux élèves pourraient sans doute être sauvés de l'échec scolaire, notamment dans notre secteur très rural. Les professeurs ne servent donc pas suffisamment de relais. Qu'est-il prévu en matière de communication pour toucher ces élèves issus de zones reculées, qui n'utilisent pas Snapchat ?

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Monsieur le Ministre, nous ne pouvons que nous réjouir de toutes vos annonces relatives au nouvel institut INRAE, aux établissements restructurés, à la refondation de l'enseignement vétérinaire. Restent cependant la question de l'augmentation du nombre d'élèves et celle de l'accès aux lycées agricoles. Il me semble ainsi que nous faisons face à un problème d'orientation et de présentation des métiers dans les collèges et les lycées. Dans mon département rural et agricole, la Seine-et-Marne, je n'ai pas l'impression que les possibilités offertes dans l'enseignement agricole soient présentées aux élèves de collège. Tant que cet effort ne sera pas fourni, il restera difficile de mettre en adéquation les offres et les demandes d'emploi et les choix resteront effectués par défaut.

Je voulais aussi souligner l'avancée relative aux crédits supplémentaires de 3 millions d'euros pour l'école inclusive. Il faudra cependant continuer à suivre avec attention ce sujet de l'accueil des élèves présentant un handicap.

Debut de section - PermalienPhoto de Sonia de La Provôté

Je souhaitais aborder la question de l'absence de médecine scolaire, alors que les visites médicales sont rendues obligatoires pour la formation en milieu professionnel. Les établissements éprouvent des difficultés importantes pour trouver les voies et moyens d'effectuer de faire effectuer ces visites. La médecine scolaire permet de suivre les jeunes dans le temps. Il faudrait donc mettre en place un système d'accompagnement médical de ces jeunes scolarisés dans la voie agricole - bien que je sois consciente des moyens que cela nécessite.

Debut de section - Permalien
Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Madame Brulin, je considère que la moyenne d'élèves par classe rapportée au nombre d'enseignants permet d'avoir un enseignement de qualité. Ces dernières années, les effectifs ont baissé d'environ 10 %, pour 850 enseignants supplémentaires sur sept ans. Nous sommes donc en mesure d'enseigner, d'autant que nous n'avons fermé aucune classe. Si nous n'avions pas inversé le mouvement de décroissance, il aurait fallu fermer plusieurs établissements, ce qui aurait constitué un drame. En effet, pour un certain nombre de ces jeunes, l'enseignement agricole constitue la seule possibilité de formation. À la rentrée, nous allons même créer 39 classes supplémentaires.

Concernant la filière STAV, le stage est maintenu. Il s'agit même du seul bac technologique qui bénéficie de cette possibilité. Le stage évolue certainement, mais je n'ai pas vocation à entrer dans le détail de ces aspects techniques. Je fixe pour ma part un cadre politique et des orientations.

S'agissant des bourses, nous n'avons fait part d'aucune réponse négative. Le budget dévolu aux bourses permet ainsi de répondre à toutes les demandes.

L'un des premiers dossiers que j'ai traités à mon arrivée au ministère était celui du CFA de Champignelles. Un transfert a été effectué, j'ai été interpellé par vos collègues et il me semble que la situation est maintenant rentrée dans l'ordre. Il ne s'agit ainsi pas de réduire de l'enseignement, mais de le réorganiser, pour qu'il soit plus efficient. Les instances de ce CFA se sont d'ailleurs prononcées en faveur du projet et les représentants du personnel ont eux aussi donné leur accord. Lors du Congrès des maires de l'année dernière, je me suis engagé auprès du maire de Champignelles à ce que l'État se penche sur la situation de ce territoire.

Avec Snapchat, nous avons touché 12 millions d'élèves et le site l'Aventure du vivant touche également de nombreux élèves. Effectivement, certains élèves sont plus à l'aise dans les établissements d'enseignement agricole. C'est pourquoi je considère qu'il serait dramatique de fermer des lycées agricoles. Pour beaucoup, il s'agit également d'une session de rattrapage. Les MFR jouent quant à elles un rôle d'insertion sociale exceptionnel : l'internat y est obligatoire, et les métiers de services qu'elles proposent notamment sont appelés à se développer en zone rurale demain. Nous touchons des élèves issus de zones reculées grâce notamment au monde professionnel, dont les acteurs doivent aussi créer des vocations. Nous avons par exemple beaucoup travaillé avec l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (Onisep), sur les forums des métiers, etc. Nous allons de plus mener un travail avec les Régions et allons mettre en place un bus qui sillonnera toutes les zones rurales de France. L'enseignement agricole constitue un élément exceptionnel. Si nous souhaitons que l'agriculture ait un avenir, nous devons nous pencher sur les jeunes. C'est pourquoi nous sommes en train de mettre fin à la baisse continue des effectifs.

Madame Mélot, vous avez évoqué le sujet de l'adéquation entre offre et demande d'emploi. Nous sommes intéressés à ce titre par la place des PME dans le secteur agroalimentaire, qui rencontrent des difficultés pour recruter.

Merci en outre d'avoir évoqué l'augmentation des crédits de l'école inclusive, car ce sujet me tient à coeur.

Madame de la Provôté, dans le domaine de l'enseignement agricole comme dans celui de l'éducation nationale, nous faisons face à un manque terrible de médecins scolaires. De plus, nos zones rurales ne sont parfois pas très accessibles, ce qui augmente encore ces difficultés. Des travaux sont en cours pour passer des conventions, notamment avec la Mutualité sociale agricole (MSA), afin de réaliser des visites médicales. En effet, à la différence d'autres formations, les risques sont plus élevés dans l'enseignement agricole.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Merci, monsieur le Ministre, d'avoir répondu avec précision à l'ensemble des questions. Nous pouvons donc lever notre séance.

La réunion est close à 18 h 45.