Intervention de Daniel Chasseing

Réunion du 19 novembre 2019 à 14h30
Carte vitale biométrique — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Daniel ChasseingDaniel Chasseing :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise, sur l’initiative du sénateur Philippe Mouiller, dont je salue le travail, à instituer une carte Vitale biométrique.

L’objectif de cette proposition est louable : il s’agit de lutter contre la fraude à l’assurance maladie en vérifiant l’identité de l’utilisateur d’une carte Vitale par un contrôle de ses empreintes digitales.

Nous savons, grâce à une estimation de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS), qu’il y aurait en circulation environ cinq millions de cartes Vitale de plus que le nombre d’assurés, qui est de 50 millions. L’IGAS relève également que les cartes actuelles ne permettent ni de vérifier l’identité de l’assuré ni l’étendue de ses droits, ce qui entraîne un risque de fraude non négligeable.

Lors de la création des cartes Vitale, il a été décidé de ne pas leur conférer de date limite de validité, contrairement aux cartes bancaires. Aussi le paiement des prestations reste-t-il possible, même lorsque les cartes ont été signalées comme perdues, volées ou invalides.

Pour autant, remplacer l’ensemble des cartes Vitale classiques par un système biométrique, outre le coût que représenterait une telle opération, exigerait que chaque professionnel de santé s’équipe d’un boîtier de lecture d’empreintes digitales.

Par ailleurs, le rapporteur général de la commission des affaires sociales nous a fait part en réunion du projet du Gouvernement de mettre en place des cartes Vitale dématérialisées. Ces e-cartes permettraient le contrôle de l’identité de leur détenteur grâce à un système de vérification téléphonique qui a fait ses preuves : il est, par exemple, actuellement utilisé par de nombreuses institutions bancaires.

Le dispositif s’inscrit dans le cadre de la feuille de route « Accélérer le virage du numérique » en santé, présentée en avril dernier. Il est d’ores et déjà déployé, à titre expérimental, dans le Rhône et les Alpes-Maritimes jusqu’à la fin mai 2020. Il fonctionne grâce à une application téléchargeable, permettant l’identification et l’authentification numérique des assurés, ainsi que le remboursement des actes et prestations. Cette carte Vitale 2.0 est délivrée sur demande pour une durée de douze mois. La généralisation du dispositif, après son évaluation, est prévue pour 2021.

La prochaine étape de la mise en œuvre de la feuille de route sera la dématérialisation des ordonnances, des actes infirmiers et des analyses biologiques, puis des soins de kinésithérapie. Nous allons donc vers un système de santé largement dématérialisé.

Le rapporteur considère que, à court terme, ce dispositif se révélerait restrictif et peu susceptible de limiter les risques de fraude, dans la mesure où il repose, pour le moment, sur le volontariat et où il n’aurait pas vocation à remplacer complètement la carte Vitale physique, laquelle resterait fonctionnelle.

Aussi propose-t-il une solution de remplacement : le déploiement, à titre expérimental, d’une carte Vitale biométrique dans quelques caisses de sécurité sociale, pour tous les bénéficiaires. Je suis favorable à cette expérimentation, ainsi qu’à celle que mène le Gouvernement.

À mon sens, le dispositif devrait être complété par une campagne de mise à jour de l’ensemble des cartes Vitale en circulation et de contrôle de l’identité de leur détenteur. Il s’agirait, par exemple, de demander à chaque assuré d’envoyer chaque année à sa caisse de sécurité sociale un justificatif de domicile, ainsi que la photocopie d’une pièce d’identité. Il faudrait également veiller à désactiver les cartes en cas de décès ou de manquement aux obligations de contrôle.

Selon le rapport de la sénatrice Nathalie Goulet et de la députée Carole Grandjean, le coût de la fraude à la sécurité sociale est difficile à évaluer, mais il pourrait s’élever à plusieurs centaines de millions d’euros par an. Le montant de la fraude aux faux numéros de sécurité sociale atteindrait, lui, entre 117 et 138 millions d’euros par an.

D’un autre côté, le non-recours aux droits touche 28 % des assurés, qui ne bénéficient pas des prestations et des remboursements auxquels ils auraient droit. Nous devons agir pour plus de justice sociale, en limitant le risque de fraude, tout en favorisant le recours aux droits des assurés.

Je serai attentif aux amendements déposés par la sénatrice Nathalie Goulet à ce sujet lors de l’examen en nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ses propositions visent, notamment, à mettre en cohérence la durée de validité de la carte Vitale avec celle des droits de l’assuré. Il s’agit de renforcer le socle de la solidarité nationale, qui repose avant tout sur la juste utilisation des droits de chacun.

Nous voterons en faveur de cette proposition de loi, tout en restant attentifs aux mesures de long terme proposées par le Gouvernement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion