Intervention de Nathalie Goulet

Réunion du 19 novembre 2019 à 14h30
Carte vitale biométrique — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Nathalie GouletNathalie Goulet :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’objet de cette proposition de loi est de lutter contre la fraude au moyen de la biométrie.

S’agissant d’accès aux droits, et alors que 450 milliards d’euros de prestations sont versés chaque année, il est normal que nous nous intéressions à la fois à l’identification et à l’authentification des bénéficiaires. La fraude documentaire est un fléau.

En Afrique, où l’absence d’état civil est un enjeu, l’ONU, l’Unicef et l’Association des ombudsmans et des médiateurs de la Francophonie, réunis à Rabat le 23 octobre dernier sous l’égide de l’Assemblée parlementaire de la francophonie, ont adopté un plan pour les états civils.

Des mesures relatives à l’enregistrement obligatoire, gratuit et public des naissances, ainsi qu’à la reconnaissance juridique des enfants sans identité, ont été prises dans différents pays.

Au Ghana, un officier d’état civil passe d’un village à l’autre pour enregistrer les naissances.

Au Burkina Faso, le Parlement a signé une convention avec le groupe d’amitié, grâce à notre collègue André Reichardt, en vue d’aider le pays à mettre en œuvre un état civil.

Au Tchad, pays qui compte 14, 9 millions d’habitants et 450 000 naissances par an, seul un enfant sur dix est enregistré, selon un rapport de l’Unicef.

Le Niger, qui compte 21, 4 millions d’habitants, s’est doté le 29 avril 2019 d’une nouvelle loi portant régime de l’état civil et d’une politique nationale de l’état civil – proche de la nôtre –, comprenant une informatisation du système de l’état civil.

La situation en Centrafrique a également attiré l’attention, tant les services y sont inexistants ou corrompus, quand ils n’ont pas disparu, selon un document de l’Unicef.

L’absence d’état civil et les carences dans ce domaine sont du pain bénit pour les réseaux mafieux ou de fraudeurs, qui passent ainsi à travers les mailles de nos radars et de nos fichiers.

Si l’on ajoute à ce marasme l’utilisation de vrais-faux documents issus des zones de conflits, comme la Syrie et l’Irak, ainsi que les problèmes que posent les réseaux d’Europe de l’Est, lesquels sont très bien ciblés par Tracfin, force est d’admettre que la sécurité des identités constitue un véritable sujet.

De surcroît, dans l’Union européenne, certains pays n’ont pas le même dispositif que le nôtre. Ainsi, des États voisins membres de l’Union utilisent un système fondé sur un numéro d’identité unique conservé à vie. Une personne peut changer de patronyme très facilement, à condition de conserver son numéro. Ce système est incompatible avec le nôtre et peut donner lieu à certaines fraudes.

À cette réalité s’ajoute le contrôle de nos services sur cinq à sept lettres des noms et prénoms : « Nathalie », par exemple, peut être écrit avec ou sans « h », avec ou sans « e », voire avec un « y », ce qui accroît encore les difficultés.

Il n’est donc pas étonnant que nous trouvions dans nos systèmes entre deux et cinq millions de cartes Vitale en surnombre, un nombre qu’il nous faut expliquer. Certes, depuis l’excellent rapport de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires sociales de 2013, nous avons progressé de manière assez importante, je vous l’accorde : nous comptions alors 7, 335 millions de cartes en surnombre, alors que nous en sommes aujourd’hui à 5 millions.

Une personne arrive donc sans documents fiables, obtient un jugement supplétif – l’autorité qui l’a émis ne se déjugera pas lorsque nous l’interrogerons – et peut ainsi entrer dans notre système, même si son identité n’est pas parfaitement établie.

Alors, oui à la biométrie, en urgence, notamment dans nos consulats ; oui, aussi, à un numéro de sécurité sociale européen, qui permettrait de régler un certain nombre de problèmes.

J’évoquerai pour finir les preuves de vie. Les groupements des retraites complémentaires, tels que l’Association générale des institutions de retraite des cadres (Agirc) ou l’Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (Arcco), font appel à des entreprises privées et engagent des spécialistes pour contrôler à l’étranger les preuves de vie des bénéficiaires de retraites complémentaires.

Ainsi, l’année dernière, la société Excellcium, que nous avons auditionnée dans le cadre de notre mission d’information, a effectué 1 500 contrôles. Il est apparu que 15 % des dossiers contrôlés étaient ceux de personnes décédées. Sur la base de ce petit échantillon, je vous laisse imaginer ce que doit être ce taux à plus vaste échelle. Je tiens les coordonnées de cette société à votre disposition.

Toute la « bien-pensitude » du monde n’y changera rien, il faut en finir avec le déni. La mission que vous nous avez confiée, madame la secrétaire d’État, est un pas important dans la bonne direction. Il s’agit non pas d’opposer cette fraude à la fraude fiscale, cet autre combat devant également être mené, mais de lutter pour de justes prestations, sans amalgame et sans stigmatisation.

J’espère que ce texte, que je crois très utile, parviendra à l’Assemblée nationale.

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