Monsieur le ministre, puisqu’il est si urgent d’adopter ce texte dont l’examen a pris du retard, je pense que l’on pouvait se passer d’y inclure cet article 12, d’autant qu’il n’a rien à y faire.
« Naturellement, je lèverai le secret défense sur tout document que nous demandera la justice. Il n’y a pas d’autre façon de faire la vérité » : ainsi s’exprimait le Président de la République le 7 juillet dernier à propos de l’assassinat en 1996 des moines de Tibhirine, en Algérie.
Nous pourrions légitimement conclure de ces propos que le secret défense ne doit pas constituer une entrave au bon déroulement de la justice. Pourtant, aujourd'hui, ce projet de loi prévoit d’étendre le champ du secret défense de façon considérable et de restreindre ipso facto le pouvoir d’enquête de la justice et du juge d’instruction avant leur disparition.
Le projet de loi initial était très inquiétant. On nous dit que l’Assemblée nationale a arrangé tout cela. Il était tellement inquiétant que le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale s’en est ému, au point de déclarer qu’il était opposé à ces dispositions.
Si, aujourd’hui, un compromis a été trouvé, force est de constater que la nouvelle rédaction constitue toujours un danger puisqu’il s’agit de permettre à la justice de faire toute la lumière sur des faits ou des événements embarrassants pour le pouvoir.
Dans le cas d’une perquisition réalisée dans un lieu précisément identifié abritant des éléments couverts par le secret défense, plusieurs problèmes se posent.
Comme l’a dit ma collègue, le juge d’instruction devra être accompagné du président de la CCSDN. Il devra lui indiquer la nature de l’infraction, les raisons justifiant la perquisition, son objet et les lieux visés par cette perquisition.
Autrement dit, une autorité administrative aura connaissance d’informations relevant d’une instruction judiciaire, ce qui lui donne un pouvoir de contrôle a priori sur la pertinence de la perquisition.
Le déséquilibre reste entier entre les impératifs de protection des intérêts de la nation et de recherche des auteurs d’infractions pénales.
De plus, ces informations sont théoriquement protégées par le secret de l’instruction. Cette procédure augmente le risque de fuites, risque déjà élevé dans le cas d’affaires très sensibles.
Enfin, la liste de ces lieux est fixée par le Premier ministre, sans même que la Commission consultative puisse donner son avis : elle n’en sera que la destinataire.
C’est dans le cas d’une perquisition dans un lieu classé au titre du secret défense que les entraves à la justice sont les plus graves. Le projet de loi initial créait de véritables zones de non-droit, inaccessibles à la justice, mais la rédaction retenue par l’Assemblée nationale ne nous rassure guère. En effet, le régime de la perquisition est ici encore plus contraignant que dans le cas précédent. Le magistrat devra également transmettre au président de la Commission consultative les raisons justifiant la perquisition, son objet, etc.
De surcroît, la perquisition devra être précédée de l’avis de déclassification des lieux rendu par la Commission consultative. Elle ne pourra en outre être réalisée que dans les limites de la déclassification. Ainsi, la perquisition – finalement très restreinte – sera soumise à l’avis d’une autorité administrative, ce qui constitue une entrave au cours de la justice et une atteinte au principe de séparation des pouvoirs.
C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article, qui n’a pas, je le répète, sa place dans une loi de programmation militaire.