Intervention de François Pillet

Réunion du 16 juillet 2009 à 22h30
Programmation militaire pour les années 2009 à 2014 — Article 12, amendement 121

Photo de François PilletFrançois Pillet, rapporteur pour avis :

Sans doute puisqu’il pénètre dans un lieu où le seul fait de voir un secret caractérisera le délit de compromission.

Ainsi, contrairement à ce que vous dites, c’est l’incertitude du droit qui crée des lieux sanctuarisés. Et l’incertitude du droit, c’est ce contre quoi nous voulons lutter dans cette hypothèse. Telle est la situation.

Vous dites que cette situation a complètement échappé à l’avis du Conseil d’État parce que celui-ci ne traite pas de cette question. Bien au contraire. Sans doute va-t-on me reprocher d’être un exégète excessif de ses avis, mais le Conseil d’État vise expressément cette situation puisqu’il précise, à propos du juge, qu’il lui incombe, lorsqu’il envisage de pénétrer dans une telle zone, de respecter la « nécessité impérieuse » d’éviter tout risque de compromission du secret de la défense nationale « qui pourrait résulter du seul fait de sa présence dans cette zone ».

Cela veut bien dire que c’est le fait d’entrer dans le lieu et d’appréhender le secret autrement que par la lecture d’un document qui pose problème.

L’article 13 reproduit, en négatif, l’avis du Conseil d’État. Il dispose en effet que « seuls peuvent faire l’objet d’une classification au titre du secret de la défense nationale les lieux auxquels il ne peut être accédé sans que, à raison des installations ou des activités qu’ils abritent, cet accès donne par lui-même connaissance d’un secret de la défense nationale ».

Voilà une définition qui est tout à fait claire et qui ne soulève pas de difficulté.

La protection de ces lieux est-elle contestée ? Durant les auditions auxquelles j’ai procédé, certains m’ont fait part de leurs nombreuses réserves sur ce sujet, au premier chef le Syndicat de la magistrature. Mais personne n’a contesté que ces lieux méritaient une protection particulière : ni l’Association française des magistrats instructeurs, ni l’Union syndicale des magistrats, ni le barreau, représenté par des avocats parisiens.

Comparons le secret défense au secret de la correspondance ou au secret professionnel. J’ai été séduit par la formule employée hier par le président Badinter : le secret défense, oui, mais pas au détriment du secret des affaires. Fort bien ! Mais le secret des correspondances, auquel fait expressément référence l’avis du Conseil d’État, ne constitue-t-il pas quelquefois un handicap ? N’arrive-t-il pas à un juge d’instruction perquisitionnant au cabinet d’un avocat d’entendre celui-ci lui opposer le secret professionnel pesant sur la correspondance, dans laquelle peut pourtant se trouver une preuve de corruption.

Faut-il donc moins protéger le secret défense, qui est l’image même de la protection des intérêts supérieurs de la nation, que le secret des correspondances ?

L’important est de trouver un équilibre et, oui, j’ai dit que celui qui était proposé était globalement satisfaisant. Je pense qu’aucun système ne peut servir de modèle universel.

Pour en revenir à la question qui a été soulevée hier, cet équilibre est-il constitutionnel ? En toute hypothèse, il représente, me semble-t-il, une avancée de l’état de droit, que d’aucuns qualifieront de modeste, mais qui n’est tout de même pas négligeable.

Si certains d’entre vous estiment qu’il porte atteinte à l’équilibre entre les deux plaques tectoniques de notre Constitution – j’ai déjà utilisé cette image hier –, ils pourront toujours saisir le Conseil constitutionnel. Mieux encore, depuis la révision constitutionnelle votée par le Parlement l’an dernier, cette faculté est ouverte à tout citoyen !

Attendez-vous à savoir – pour reprendre l’expression fétiche d’une ancienne chroniqueuse politique dont les moins jeunes d’entre nous se souviennent – que, dans les temps à venir, lorsque surviendra un problème à l’occasion d’une perquisition, l’avocat de la « victime » ne manquera pas de faire en sorte que le Conseil constitutionnel soit saisi par voie d’exception. Nous verrons bien alors quelle sera sa réponse.

Je le répète, j’estime que nous avons trouvé un équilibre et que, dès lors, il n’y a pas lieu de voter l’amendement n° 121.

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