Intervention de Serge Babary

Commission des affaires économiques — Réunion du 20 novembre 2019 à 8h30
Projet de loi de finances pour 2020 — Mission « économie » - examen du rapport pour avis

Photo de Serge BabarySerge Babary, rapporteur pour avis sur la mission « Économie » :

Mon propos sera essentiellement centré sur le volet « commerce et artisanat ». Le soutien qui peut être apporté au développement et à l'accompagnement de ces entreprises est protéiforme, et l'on en retrouve par conséquent la trace dans les deux parties du projet de loi de finances : d'une part, dans la mission « Économie », qui regroupe des crédits à destination du petit commerce et de l'artisanat et que je vais vous présenter dans une première partie. D'autre part, dans la première partie du PLF, où deux mesures importantes, bien que légèrement contradictoires dans leur esprit, concernent au premier chef ces TPE-PME. Je vous les présenterai donc dans une seconde partie.

Premièrement, les crédits de la mission « Économie ». Ceux à destination des commerçants et artisans ne sont malheureusement pas légion et sont complexes à appréhender. Alors qu'il existait jusqu'en 2018, au sein du programme 134 « Développement des entreprises et régulation » doté de 1 milliard d'euros de crédits, une action spécifique au « commerce, artisanat et services », celle-ci a été rassemblée dans l'action n° 23 « Industrie et services », ce qui complique la lisibilité de cette politique publique.

Il n'y a donc pas de changement majeur entre 2019 et 2020, à une exception près : le Fonds d'intervention pour les services, le commerce et l'artisanat (Fisac), qui est en gestion extinctive depuis 2019, devrait disparaître définitivement à partir de 2020. Alors qu'il intervenait à hauteur de 70 millions d'euros il y a dix ans, il ne bénéficiait plus que de 6 millions d'euros en CP en 2019, et seuls 2,8 millions d'euros sont demandés au titre de 2020, soit une baisse 96 % - et encore, uniquement pour assurer le paiement d'opérations territoriales ayant fait l'objet de décisions d'octroi de subvention au cours des années passées.

Nos territoires vont donc se voir amputés d'un dispositif très utile, qui a fait ses preuves, et qui a longtemps financé jusqu'à mille projets par an de soutien et de revitalisation du commerce et de l'artisanat.

Deux arguments sont avancés par le Gouvernement, qui ne me paraissent pas convaincants : d'une part, il nous rétorque que le soutien est désormais pris en charge par le programme Action coeur de ville, doté de 5 milliards d'euros ; d'autre part, il nous indique que ce sont désormais les régions qui sont à la manoeuvre en matière d'économie.

Les deux arguments sont légitimes, mais butent chacun sur un obstacle de taille : premièrement, le programme Action coeur de ville ne concernera que 222 villes, essentiellement des villes moyennes comme des sous-préfectures, et non pas des bourgs en zone rurale. Deuxièmement, les régions bénéficient certes de la compétence économique, mais cela ne doit pas conduire l'État à abandonner automatiquement, sans concertation, un outil non seulement qui a fait ses preuves, mais dont le Sénat avait souhaité en outre faire l'un des éléments de la reconquête commerciale des centres-villes, dans le cadre du pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. Lors de son audition, le ministre de l'économie semblait d'ailleurs partager le même constat, lorsqu'il a dit : « l'acteur principal sur le territoire doit être la région. Cela ne signifie pas que l'État ne doit pas garder un rôle important en matière économique. » Je vous proposerai donc un amendement afin d'ouvrir des crédits pour 2020 dotant le FISAC de 30 millions d'euros. Il prélève les sommes nécessaires à égalité sur les programmes 220 « Statistiques et études économiques » et 305 « Stratégie économique et fiscale ».

La dotation de l'Association française de normalisation (Afnor), diminue de 1 million d'euros environ, pour s'établir à 6,4 millions d'euros. En réalité, cette baisse correspond à la TVA que l'Afnor reversait sur cette subvention. Ce reversement sera supprimé en 2020, ce qui rend la subvention nette stable entre les deux années.

Enfin, le Gouvernement a décidé de revoir les modalités de son soutien en faveur des métiers d'art et du patrimoine vivant et de l'artisanat. Il est ainsi prévu que l'Institut national des métiers d'art (INMA) reprenne certaines des missions de l'Institut supérieur des métiers (ISM), comme le secrétariat de la Commission nationale du label « Entreprise du patrimoine vivant ». La Direction générale des entreprises (DGE) nous indique viser un autofinancement total de la structure d'ici à 2022. Mais dans ce cas, pourquoi tarir ce financement dès 2020 ? Ces métiers contribuent pourtant au maintien et au rayonnement d'un savoir-faire rare, à la défense de traditions séculaires ainsi qu'à la promotion de l'excellence française. Je vous proposerai donc d'ouvrir des crédits d'engagement destinés à pérenniser en 2020 l'action de l'INMA en le dotant, comme l'an dernier, de 2,25 millions d'euros.

Sous réserve de l'adoption de ces amendements qui reviennent sur certaines baisses de crédits, je vous proposerai donc un avis favorable aux crédits de la mission Économie.

Je souhaiterais maintenant aborder deux mesures qui sont présentes dans la première partie du PLF, mais qui concernent directement les commerçants et artisans. L'article 15 tire les conséquences de la baisse du plafond de financement des chambres de commerce et d'industrie (CCI) intervenu en loi de finances pour 2019. Pour rappel, la loi prévoyait 100 millions d'euros en 2019 et 100 millions d'euros en 2020. Cette année, le Gouvernement prévoit une trajectoire de baisse de la taxe pour frais de chambre consulaire, qui devrait représenter 400 millions d'euros d'ici à 2023. Certes, il ne s'agit pas à proprement parler d'une nouvelle baisse du plafond de ressources des CCI. Mais cela revient au même : on peut en effet légitimement anticiper que, puisque la ressource fiscale diminuera de 400 millions d'euros en trois ans, le Gouvernement baissera encore davantage les ressources affectées aux CCI.

Je ne suis pas, par principe, hostile à une évolution de l'organisation du réseau, ni bien sûr à une diminution de la taxation. En revanche, il est indispensable de pouvoir s'assurer que la trajectoire de financement des CCI est adaptée aux missions qui leur sont confiées. Le ministre s'est engagé verbalement, et par écrit, dans le contrat de performance signé avec CCI France, à ce qu'une clause de revoyure annuelle permette de faire le point sur la soutenabilité de la trajectoire de financement des CCI et à la corriger si besoin. Pourtant, cette clause ne figure nulle part dans la loi. La Direction générale des entreprises m'a indiqué que son absence était justifiée par le fait de donner de la flexibilité et de la souplesse au gouvernement. C'est étrange : une clause de revoyure invite à faire un point d'étape, elle ne rigidifie en rien l'action du ministre. Je déposerai donc en mon nom, un amendement inscrivant une consultation de CCI France par le Gouvernement lors de l'élaboration du projet de loi de finances. Ainsi CCI France pourra évaluer l'adéquation du financement proposé avec les missions que le réseau doit réaliser.

Enfin, l'article 47 crée un dispositif intéressant afin de soutenir la redynamisation artisanale ou commerciale en zone rurale, demandé par de nombreux élus locaux ainsi que me l'a confirmé l'Association des maires de France (AMF) : la zone de revitalisation des commerces en milieu rural. Les communes et EPCI auront désormais la possibilité d'exonérer de taxe foncière et de contribution économique territoriale les commerces et artisans de moins de 11 salariés lorsqu'ils sont situés dans des villes de moins de 3 500 habitants et comportant moins de 10 commerces. Cela va dans le bon sens : il est important de ne pas attendre qu'il n'y ait plus aucun commerce pour agir. Un amendement du Gouvernement, adopté à l'Assemblée nationale, prévoit par ailleurs une compensation par l'État à hauteur d'un tiers. Certes, les facteurs de dévitalisation des zones rurales sont nombreux et excèdent la seule fiscalité. Mais il me semble utile, à l'heure notamment où le Fisac est près de s'éteindre, d'octroyer aux collectivités cette marge de manoeuvre.

Tels sont les deux articles de la première partie du PLF que je souhaitais présenter en détail devant vous, tant ils sont liés au développement de nos TPE-PME dans le domaine du commerce et de l'artisanat. Notre commission étant saisie de la deuxième partie, c'est-à-dire des crédits spécifiquement inscrits dans la mission « Économie », je vous proposerai donc un avis favorable, sous réserve de l'adoption de mes deux amendements relatifs au Fisac et aux métiers d'art.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion