Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.
Nous allons maintenant examiner les crédits de la mission « Économie ». Son périmètre est très large et diversifié, puisqu'elle regroupe quatre programmes : le programme 134 « Développement des entreprises et régulation », qui représente près de la moitié des montants totaux avec près de 1 milliard d'euros de crédits de paiement (CP) ; le programme 343 dédié au « Plan France très haut débit », qui mobilise cette année près de 440 millions d'euros en CP ; le programme 220 « Statistiques et études économiques », qui regroupe les crédits dédiés à l'Insee pour environ 20 % des montants ; enfin, le programme 305 « Stratégie économique et fiscale », qui consacre près de 400 millions d'euros au dépenses des administrations centrales, comme la direction générale du Trésor, ainsi que les prestations de la Banque de France réalisées pour le compte de l'État.
Pour 2020, cette mission affiche 1,9 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE), soit une hausse de 5,5 % par rapport à l'an dernier. En CP, la hausse est de 20 % à 2,3 milliards d'euros. Cependant, cette hausse est ponctuelle : elle est due aux crédits pour le plan France Très Haut Débit, et à la forte hausse du coût de la « compensation carbone » des industries électro-intensives, qui augmente de 162 % (+ 172 millions) cette année. Sans ces deux hausses spécifiques, et hors dépenses de personnel, les crédits de la mission baissent de 5 %. La mission « Économie » subit donc à nouveau un rabot budgétaire de fond, après une baisse de 17 % des autorisations d'engagement l'année dernière. Le ministre explique cette baisse par un désengagement assumé de l'État au profit des compétences décentralisées des collectivités, mais nous connaissons les contraintes budgétaires qui pèsent sur les budgets locaux.
Je souligne que l'examen des crédits de cette mission ne nous est pas rendu facile : les crédits sont saupoudrés sur de nombreuses « mini-actions ». Ils concernent aussi bien les activités de Bpifrance, que le service public de transport de la presse, ou les études réalisées par la direction générale du Trésor. Cela est d'autant plus problématique que la multiplication des outils se poursuit : mission « Économie », programmes d'investissement d'avenir (PIA), Fonds pour l'innovation et l'industrie... Sur la forme, la transparence et la lisibilité dues au Parlement dans son rôle de contrôle des choix budgétaires pourraient être améliorées. Sur le fond, je laisse les rapporteurs vous présenter leur analyse des crédits en détail. Je cède donc la parole à Serge Babary, chargé des crédits qui concernent le commerce et l'artisanat, puis à Martial Bourquin, chargé du volet « Industrie », et enfin à Anne-Catherine Loisier sur le sujet du numérique et des postes.
Mon propos sera essentiellement centré sur le volet « commerce et artisanat ». Le soutien qui peut être apporté au développement et à l'accompagnement de ces entreprises est protéiforme, et l'on en retrouve par conséquent la trace dans les deux parties du projet de loi de finances : d'une part, dans la mission « Économie », qui regroupe des crédits à destination du petit commerce et de l'artisanat et que je vais vous présenter dans une première partie. D'autre part, dans la première partie du PLF, où deux mesures importantes, bien que légèrement contradictoires dans leur esprit, concernent au premier chef ces TPE-PME. Je vous les présenterai donc dans une seconde partie.
Premièrement, les crédits de la mission « Économie ». Ceux à destination des commerçants et artisans ne sont malheureusement pas légion et sont complexes à appréhender. Alors qu'il existait jusqu'en 2018, au sein du programme 134 « Développement des entreprises et régulation » doté de 1 milliard d'euros de crédits, une action spécifique au « commerce, artisanat et services », celle-ci a été rassemblée dans l'action n° 23 « Industrie et services », ce qui complique la lisibilité de cette politique publique.
Il n'y a donc pas de changement majeur entre 2019 et 2020, à une exception près : le Fonds d'intervention pour les services, le commerce et l'artisanat (Fisac), qui est en gestion extinctive depuis 2019, devrait disparaître définitivement à partir de 2020. Alors qu'il intervenait à hauteur de 70 millions d'euros il y a dix ans, il ne bénéficiait plus que de 6 millions d'euros en CP en 2019, et seuls 2,8 millions d'euros sont demandés au titre de 2020, soit une baisse 96 % - et encore, uniquement pour assurer le paiement d'opérations territoriales ayant fait l'objet de décisions d'octroi de subvention au cours des années passées.
Nos territoires vont donc se voir amputés d'un dispositif très utile, qui a fait ses preuves, et qui a longtemps financé jusqu'à mille projets par an de soutien et de revitalisation du commerce et de l'artisanat.
Deux arguments sont avancés par le Gouvernement, qui ne me paraissent pas convaincants : d'une part, il nous rétorque que le soutien est désormais pris en charge par le programme Action coeur de ville, doté de 5 milliards d'euros ; d'autre part, il nous indique que ce sont désormais les régions qui sont à la manoeuvre en matière d'économie.
Les deux arguments sont légitimes, mais butent chacun sur un obstacle de taille : premièrement, le programme Action coeur de ville ne concernera que 222 villes, essentiellement des villes moyennes comme des sous-préfectures, et non pas des bourgs en zone rurale. Deuxièmement, les régions bénéficient certes de la compétence économique, mais cela ne doit pas conduire l'État à abandonner automatiquement, sans concertation, un outil non seulement qui a fait ses preuves, mais dont le Sénat avait souhaité en outre faire l'un des éléments de la reconquête commerciale des centres-villes, dans le cadre du pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. Lors de son audition, le ministre de l'économie semblait d'ailleurs partager le même constat, lorsqu'il a dit : « l'acteur principal sur le territoire doit être la région. Cela ne signifie pas que l'État ne doit pas garder un rôle important en matière économique. » Je vous proposerai donc un amendement afin d'ouvrir des crédits pour 2020 dotant le FISAC de 30 millions d'euros. Il prélève les sommes nécessaires à égalité sur les programmes 220 « Statistiques et études économiques » et 305 « Stratégie économique et fiscale ».
La dotation de l'Association française de normalisation (Afnor), diminue de 1 million d'euros environ, pour s'établir à 6,4 millions d'euros. En réalité, cette baisse correspond à la TVA que l'Afnor reversait sur cette subvention. Ce reversement sera supprimé en 2020, ce qui rend la subvention nette stable entre les deux années.
Enfin, le Gouvernement a décidé de revoir les modalités de son soutien en faveur des métiers d'art et du patrimoine vivant et de l'artisanat. Il est ainsi prévu que l'Institut national des métiers d'art (INMA) reprenne certaines des missions de l'Institut supérieur des métiers (ISM), comme le secrétariat de la Commission nationale du label « Entreprise du patrimoine vivant ». La Direction générale des entreprises (DGE) nous indique viser un autofinancement total de la structure d'ici à 2022. Mais dans ce cas, pourquoi tarir ce financement dès 2020 ? Ces métiers contribuent pourtant au maintien et au rayonnement d'un savoir-faire rare, à la défense de traditions séculaires ainsi qu'à la promotion de l'excellence française. Je vous proposerai donc d'ouvrir des crédits d'engagement destinés à pérenniser en 2020 l'action de l'INMA en le dotant, comme l'an dernier, de 2,25 millions d'euros.
Sous réserve de l'adoption de ces amendements qui reviennent sur certaines baisses de crédits, je vous proposerai donc un avis favorable aux crédits de la mission Économie.
Je souhaiterais maintenant aborder deux mesures qui sont présentes dans la première partie du PLF, mais qui concernent directement les commerçants et artisans. L'article 15 tire les conséquences de la baisse du plafond de financement des chambres de commerce et d'industrie (CCI) intervenu en loi de finances pour 2019. Pour rappel, la loi prévoyait 100 millions d'euros en 2019 et 100 millions d'euros en 2020. Cette année, le Gouvernement prévoit une trajectoire de baisse de la taxe pour frais de chambre consulaire, qui devrait représenter 400 millions d'euros d'ici à 2023. Certes, il ne s'agit pas à proprement parler d'une nouvelle baisse du plafond de ressources des CCI. Mais cela revient au même : on peut en effet légitimement anticiper que, puisque la ressource fiscale diminuera de 400 millions d'euros en trois ans, le Gouvernement baissera encore davantage les ressources affectées aux CCI.
Je ne suis pas, par principe, hostile à une évolution de l'organisation du réseau, ni bien sûr à une diminution de la taxation. En revanche, il est indispensable de pouvoir s'assurer que la trajectoire de financement des CCI est adaptée aux missions qui leur sont confiées. Le ministre s'est engagé verbalement, et par écrit, dans le contrat de performance signé avec CCI France, à ce qu'une clause de revoyure annuelle permette de faire le point sur la soutenabilité de la trajectoire de financement des CCI et à la corriger si besoin. Pourtant, cette clause ne figure nulle part dans la loi. La Direction générale des entreprises m'a indiqué que son absence était justifiée par le fait de donner de la flexibilité et de la souplesse au gouvernement. C'est étrange : une clause de revoyure invite à faire un point d'étape, elle ne rigidifie en rien l'action du ministre. Je déposerai donc en mon nom, un amendement inscrivant une consultation de CCI France par le Gouvernement lors de l'élaboration du projet de loi de finances. Ainsi CCI France pourra évaluer l'adéquation du financement proposé avec les missions que le réseau doit réaliser.
Enfin, l'article 47 crée un dispositif intéressant afin de soutenir la redynamisation artisanale ou commerciale en zone rurale, demandé par de nombreux élus locaux ainsi que me l'a confirmé l'Association des maires de France (AMF) : la zone de revitalisation des commerces en milieu rural. Les communes et EPCI auront désormais la possibilité d'exonérer de taxe foncière et de contribution économique territoriale les commerces et artisans de moins de 11 salariés lorsqu'ils sont situés dans des villes de moins de 3 500 habitants et comportant moins de 10 commerces. Cela va dans le bon sens : il est important de ne pas attendre qu'il n'y ait plus aucun commerce pour agir. Un amendement du Gouvernement, adopté à l'Assemblée nationale, prévoit par ailleurs une compensation par l'État à hauteur d'un tiers. Certes, les facteurs de dévitalisation des zones rurales sont nombreux et excèdent la seule fiscalité. Mais il me semble utile, à l'heure notamment où le Fisac est près de s'éteindre, d'octroyer aux collectivités cette marge de manoeuvre.
Tels sont les deux articles de la première partie du PLF que je souhaitais présenter en détail devant vous, tant ils sont liés au développement de nos TPE-PME dans le domaine du commerce et de l'artisanat. Notre commission étant saisie de la deuxième partie, c'est-à-dire des crédits spécifiquement inscrits dans la mission « Économie », je vous proposerai donc un avis favorable, sous réserve de l'adoption de mes deux amendements relatifs au Fisac et aux métiers d'art.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article 38
État B
L'amendement AFFECO.1 vise à abonder les crédits du Fisac afin qu'il atteigne 30 millions d'euros en AE et en CP. Le projet de loi de finances ne prévoit en effet aucune autorisation d'engagement et des crédits de paiement à hauteur de 2,8 millions d'euros, alors qu'il n'y a pas si longtemps encore l'enveloppe du Fisac s'établissait à 70 millions d'euros.
Le Gouvernement prévoit 5 milliards d'euros pour le programme « Action coeur de ville » ciblé sur 222 villes. On pourrait faire un effort pour aider les autres villes. Quelques millions ne seront pas de trop ! Je soutiens la position de notre rapporteur.
Je suis entièrement d'accord. Le Fisac a fait ses preuves dans les communes rurales.
Nous voterons cet amendement. Je ne comprends pas la position du Gouvernement : d'un côté, il dit vouloir soutenir les bourgs ruraux et annonce la délivrance de nouvelles licences IV, et d'un autre côté, il supprime le Fisac. Où est la cohérence ?
Nous soutenons évidemment ces amendements. Nul ne sait comment se décompose l'enveloppe de 5 milliards pour « Action coeur de ville ». Le Gouvernement vise 222 villes, mais en réalité, il faudrait en aider plus de 700. Les maires attendent un soutien de l'État pour rénover leurs centres-bourgs. La pirouette du Gouvernement ne leur apporte aucune réponse concrète. Les communes qui ne font pas partie des 222 villes doivent attendre que le maire de la ville visée accepte l'extension du périmètre de l'opération de revitalisation de territoire (ORT). Le Fisac était un outil extraordinaire.
Depuis des années, on enterre le Fisac progressivement, jusqu'à sa disparition aujourd'hui. On peut légitimement se demander quelle est la politique publique en matière d'artisanat et de commerce. L'État se désengage complètement et tout reposera sur les collectivités. Les communes pourront exonérer les petits commerces et les artisans, la belle affaire... Le gouvernement se moque du monde ! Les communes vont encore perdre des recettes. C'est minable !
L'amendement AFFECO.1 est adopté.
L'amendement AFFECO.2 vise à abonder les crédits destinés au soutien et à la promotion des métiers d'art afin qu'ils atteignent 2,25 millions d'euros en AE et en CP, comme l'an passé. Ces crédits financeront essentiellement l'action de l'INMA et de l'ISM. Ces organismes sont en voie de rapprochement, mais ce n'est pas une raison pour supprimer leurs crédits.
L'amendement AFFECO.2 est adopté.
Consacrée à l'amélioration de la compétitivité des entreprises françaises, la mission « Économie » portait traditionnellement les crédits dédiés à l'action en faveur des entreprises industrielles. La disparition, l'année dernière, de l'action spécifique à l'industrie n'est pas anecdotique : d'année en année, le budget consacré à la politique industrielle de la France voit son périmètre restreint et ses moyens réduits.
Ce constat frappant se retrouve à l'examen du présent projet de loi de finances : en 2020, celui-ci ne comporte aucune mesure fiscale visant spécifiquement les entreprises industrielles et la plupart des actions de la mission sont affaiblies. Des lignes budgétaires sont à nouveau supprimées, comme celle dédiée au financement des garanties bancaires - pourtant essentielles - accordées par Bpifrance aux PME et TPE. Une nouvelle fois, l'industrie est la grande absente de la politique économique et fiscale.
Un tel budget d'austérité ne peut que surprendre, au vu des défis considérables qui attendent l'industrie française dès l'année 2020. Les tensions commerciales, le développement de la route de la soie par la Chine, la politique de « l'Amérique d'abord » du président Trump ainsi que la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne font peser de fortes incertitudes sur les chaînes d'approvisionnement et sur les performances à l'exportation. Le poids considérable de la fiscalité, en particulier des impôts de production, continue à détériorer la compétitivité de nos produits.
Surtout, l'impérieuse nécessité de la transition environnementale place l'industrie française à la croisée des chemins. Celle-ci représente un quart de la consommation d'énergie en France, un tiers de la consommation d'électricité. À elle seule, l'industrie manufacturière émet près de 20 % des émissions de gaz à effet de serre de l'Union européenne.
Les objectifs ambitieux de neutralité carbone en 2050, inscrits dans la récente loi Énergie et climat, et les fortes contraintes visant les produits plastiques ou les véhicules à motorisation thermique exigent une transformation profonde de l'appareil productif. Ces choix stratégiques induisent des coûts considérables qui pèsent sur la compétitivité des entreprises. Mal maîtrisée et non accompagnée, la transition énergétique et écologique pourrait aboutir à une désindustrialisation accélérée, destructrice de richesse et de savoir-faire, et source de détresse sociale pour les territoires. Paradoxalement, alors que la part de l'industrie a reculé en France, et que les émissions ont baissé de 20 %, dans le même temps, les importations ont fait augmenter de 11 % l'empreinte carbone globale de notre pays !
Malgré ces immenses défis, les moyens des politiques publiques s'atrophient, bien que le gouvernement promette la revalorisation de l'industrie avec un nouveau Pacte productif. Il y a les déclarations, et il y a les actes. J'ai identifié quatre priorités qui devraient être mieux prises en compte par le gouvernement dans ses arbitrages budgétaires.
Tout d'abord, le besoin de stabilité normative. Les dispositifs budgétaires et fiscaux au succès avéré doivent être inscrits dans la durée pour refléter le temps long de la décision des entreprises. C'est le cas du suramortissement pour l'investissement des PME dans l'Industrie du Futur, que j'avais proposé et que le Sénat a voté l'an passé. Il faut aussi à tout prix sanctuariser le budget de la « compensation carbone », qui sauvegarde la compétitivité des industries électro-intensives impactées par la hausse du prix du CO2.
Les interdictions de production doivent être décidées avec une visibilité suffisante afin de ne pas mettre en danger des filières entières, comme les 13 500 emplois de la filière diesel ou les producteurs de plastique à usage unique. Le Sénat s'est mobilisé sur la question des plastiques, en proposant dans de repousser d'un an l'interdiction prévue dans la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Egalim). Dans la continuité de ces travaux, je vous soumets un amendement demandant au gouvernement de rendre un rapport qui analyse les aides mobilisables par l'État pour soutenir la reconversion des producteurs de plastique. La filière va profondément évoluer, les plastiques à usage unique seront interdits. Certaines entreprises risquent de disparaître si on ne les aide pas. Je connais le cas d'une entreprise où un millier d'emplois sont menacés à court terme, si on ne propose pas une reconversion, par exemple à base de chimie verte.
Le besoin d'innovation, ensuite. Certes, ce sujet est mineur dans la mission que nous examinons. Mais la politique du gouvernement à ce sujet semble insuffisante. Les PIA, qui portent une grande partie des crédits d'aide à l'innovation, sont encore trop élitistes : ils soutiennent l'innovation de rupture, les démonstrateurs pilotés par les grandes entreprises, mais s'occupent trop peu de l'industrialisation concrète des avancées technologiques. L'expérimentation, c'est bien, mais il faut aussi développer la diffusion concrète des technologies.
Le transfert de l'innovation aux PME et TPE incombe aux centres techniques industriels (CTI). L'année dernière, j'avais défendu deux amendements visant à maintenir leurs dotations budgétaires ainsi que leurs taxes affectées, écrêtées d'année en année... Je suis heureux que le Gouvernement ait fait volte-face et se soit rangé aux arguments du Sénat ; mais il ne prévoit de déplafonner que cinq des onze CTI ! Ils jouent pourtant un rôle essentiel en matière de transferts de technologie. Manquent par exemple à l'appel le CTI de la filière cuir, de la plasturgie ou encore de la filière bois. Je souhaite que le Gouvernement s'engage en séance publique à déplafonner dès cette année l'ensemble des taxes affectées aux CTI, pour que ceux-ci reçoivent tous les montants déboursés par les industriels. D'autant que leur dotation budgétaire baisse cette année encore de 10 %, comme l'année dernière...
Un besoin de financement, évidemment. Je me félicite de la montée en puissance cette année du suramortissement pour l'investissement des PME dans la robotique et la numérisation, dispositif adopté à l'initiative du Sénat. Il semble faire ses preuves, même si son utilisation est encore limitée. Il contribue à réduire le coût pour les petites entreprises qui doivent moderniser leur outil industriel. Je rappelle que l'âge moyen de notre appareil industriel est de 19 ans, soit le double de l'Allemagne...
La fiscalité de production pèse toujours lourdement sur la compétitivité de nos entreprises industrielles et leur capacité d'investissement. Pour la deuxième année consécutive, le Gouvernement repousse ses travaux sur les impôts de production, en particulier la contribution sociale de la solidarité des sociétés (C3S). Une réforme est désormais annoncée pour 2020. J'y insiste, cette réforme ne devra pas grever le budget des collectivités territoriales, déjà touchées par la suppression de la taxe d'habitation. Les recettes affectées en échange devront être dynamiques.
Si les plus grandes entreprises peuvent aujourd'hui se financer sans difficulté, les PME et TPE, surtout celles des secteurs les plus exposés à la concurrence internationale, sont encore dédaignées par le système bancaire. Le Gouvernement, lui, pense que tout est réglé. Ce projet de loi de finances, comme le précédent, entend éteindre complètement les dotations budgétaires de Bpifrance destinées aux activités de garantie bancaire. Je rappelle que 90 % des 60 000 entreprises accompagnées chaque année sont des TPE. Les 10 000 euros réintroduits par l'Assemblée nationale sont bien loin du compte... Je vous soumets donc un amendement visant à abonder de 20 millions d'euros les activités de garantie de Bpifrance, qui joue un rôle essentiel. Sans la caution de Bpifrance, les banques ne prêtent pas, notamment aux plus petits !
Il y a, enfin, un besoin d'accompagnement.
D'une part, la présence de l'État dans les territoires se réduit de plus en plus. Les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) ont perdu les trois quarts de leurs effectifs en deux ans. Le programme « Territoires d'Industrie », qui souhaite mieux associer l'échelon local, court le risque de rester une coquille vide, en l'absence de budget dédié et flexible. Il ne faut pas que le Gouvernement se cache derrière la décentralisation de certaines compétences aux régions pour se retirer complètement de la politique industrielle. Les Länder allemands, eux, ont une fiscalité et des moyens ! Si, demain, on transfère des compétences sans moyens, il n'y aura plus de politique industrielle.
D'autre part, les chefs d'entreprises sur le terrain regrettent que de nombreuses aides et incitations, y compris les suramortissements, ne soient pas pleinement mises à profit, faute de sensibilisation des patrons, faute de compétences en interne ou faute de dialogue avec l'administration. L'accompagnement est réellement le point faible. Or, pour dépasser le « mur d'investissement » lié à la transition environnementale de l'industrie, les pouvoirs publics doivent apporter une capacité de conseil aux acteurs économiques. Je vous soumets un amendement visant à instaurer un crédit d'impôt pour le verdissement de l'industrie, selon un principe incitatif qui se rapproche de celui des suramortissements. Pourront faire l'objet d'un crédit d'impôt les coûts liés aux études et audits visant à rendre l'outil industriel plus vert, par exemple pour l'écoconception des produits, l'intégration de matière recyclée ou l'efficacité énergétique des sites. Seuls des opérateurs agréés pourront réaliser ces études, pour en garantir la qualité : je pense, par exemple, aux chambres de commerce et d'industrie ou à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), déjà mobilisée sur ce sujet. Ma proposition est le pendant des efforts que demande le Gouvernement à l'industrie, en particulier dans le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire.
Mes chers collègues, il me semble que l'industrie mérite, pour l'année 2020, un budget beaucoup plus ambitieux, à la hauteur des efforts qu'elle consent pour devenir plus verte et plus compétitive.
À cet égard, la question de l'hydrogène est posée avec force. Rappelez-vous que le plan Hulot prévoyait de consacrer 300 millions d'euros par an à l'hydrogène. Ce montant est descendu à 100 millions d'euros par an. C'est une faute ! En Allemagne, en Corée du Sud, au Japon, les montants se chiffrent en milliards d'euros. Nous voyons encore petit sur cette question, alors que le futur de notre industrie passera en grande partie par l'hydrogène.
Sous réserve de l'adoption des amendements que je vous proposerai, j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Économie » et de ses articles rattachés.
Je suis surpris que le rapporteur pour avis nous propose d'émettre un vote favorable à l'adoption des crédits de la mission, même sous réserve de l'adoption des amendements, compte tenu du faible soutien apporté à la politique industrielle dans notre pays. L'absence de développement industriel nous conduira à importer davantage, et donc à nous éloigner de l'atteinte de nos objectifs en matière de neutralité carbone.
On se moque des territoires. Aujourd'hui, les régions n'ont pas la capacité d'accompagner le développement économique. Faute de dynamique financière, le soutien qu'elles peuvent apporter à l'économie n'équivaut pas à ce qui était fait, par le passé, par les départements et les anciennes régions.
On est en train de piéger complètement le développement économique. Nous avons vraiment besoin de l'industrie. D'ailleurs, le développement industriel est une condition du plein emploi ! Je suis vraiment choqué par la stratégie de notre pays en matière d'industrie.
Nous sommes à des années-lumière de ce qu'il serait nécessaire de faire pour enrayer le déclin industriel majeur de notre pays, qui est plus fort qu'en Allemagne ou en Grande-Bretagne. La France est l'un des pays qui a accepté la plus grande désindustrialisation.
On peut nous opposer le coût du travail. Celui-ci n'est pas déterminant pour bien des secteurs, même s'il est vrai qu'il peut jouer dans l'industrie. Rien de sérieux n'est fait. C'est dramatique. Comment alerter les pouvoirs publics ? Derrière les mots, les actes ne suivent pas.
Certes, les collectivités allemandes disposent de moyens plus importants, mais elles ne sont pas autonomes. Hier, dans son propos, le Président de la République a cherché à nous faire croire que le système allemand, où le Parlement décide des dotations aux collectivités locales, était le bon. Ce faisant, il a oublié de rappeler que l'Allemagne est un État fédéral...
Il y a aujourd'hui dans les banques des marges de manoeuvre que l'État se refuse à mobiliser. En réalité, 60 % du produit du livret A est gardé par les banques. Ces dernières ont enregistré 700 millions d'euros de bénéfices cette année par le simple jeu des taux bancaires. Elles disent qu'elles aident les PME. C'est du pipeau !
Je suggère que l'on demande à l'État de ponctionner ce surplus de bénéfices non fondés des banques, soit pour le verser à Bpifrance, soit pour abonder un fonds de dotation pour l'accompagnement vert ou pour l'hydrogène. Je considère que cet argent n'est pas nécessaire au bon fonctionnement bancaire et qu'il s'agit d'un privilège indu dans le contexte actuel. Personne n'est capable de contrôler si les banques aident effectivement les PME !
Je ne suis pas favorable à l'amendement concernant le crédit d'impôt vert. Le verdissement devrait être de la prose que l'on fait sans le savoir. Au reste, on en fait depuis des années. Une telle usine à gaz bénéficiera aux cabinets d'étude les plus astucieux et aux entreprises pourvues de cadres administratifs performants. Cela aura forcément des effets pervers. Il vaut mieux simplifier les choses.
Rechercher des progrès permanents dans la préservation de l'environnement fait partie intégrante du quotidien des entreprises. Elles le font depuis des décennies !
Il est extrêmement important de conserver le suramortissement, ainsi que le déplafonnement des taxes affectées aux CTI : c'est de l'argent que les entreprises utilisent pour la formation, dont on a bien besoin.
Plutôt qu'un rapport au Gouvernement, il aurait fallu une étude d'impact sur la filière plasturgique. Le mal est fait ! Des milliers d'emplois risquent de disparaître. Il est malheureusement déjà trop tard pour que nous puissions agir.
Je veux réagir à ce qu'a dit Marie-Noëlle Lienemann sur les banques : aujourd'hui, celles-ci financent très peu les entreprises industrielles. Je me demande si nous ne devrions pas approfondir ce sujet. C'est un vrai problème.
Le rapport de Martial Bourquin confirme ce que nous disons de manière régulière dans cette commission.
Il conforte aussi le travail que le Sénat a réalisé récemment sur la filière sidérurgique : les constats, les propositions, les inquiétudes sont les mêmes.
Nous avons le sentiment qu'il n'y a plus de vision industrielle stratégique globale. C'est comme s'il n'y avait plus de pilote dans l'avion. On nous répète que l'industrie est une priorité nationale, mais comment cela se traduit-il concrètement ?
On peut aligner tous les dispositifs du monde. Sans transversalité, sans un ministère fort ayant des relations directes avec le Premier ministre et capable d'intervenir auprès des différents ministères, les industriels resteront en situation de fragilité. Les décisions doivent être globalisées et procéder d'une vision claire, pérenne, pluriannuelle.
Que défendons-nous au niveau européen, alors que nombre des difficultés que nous rencontrons aujourd'hui émanent de décisions européennes ? Quelle est l'ambition du Président de la République et du Gouvernement sur ces sujets ? Comment cette ambition s'incarne-t-elle ? Qui est le miroir de France Industrie au Gouvernement ? Qui globalise les contrats de filières et les ambitions des industriels ? Difficile à dire ! Mme Agnès Pannier-Runacher et M. Bruno Le Maire s'occupent des sujets d'urgence, mais ce sont plus des pompiers que des stratèges.
Il faut une autre ambition que celle de courir derrière les catastrophes. Il faut, au contraire, anticiper pour l'avenir et y mettre les moyens au plan national, parce que, sans stratégie nationale, il n'y a pas non plus de politique industrielle régionale.
Fin 2017 et début 2018, j'ai rédigé, avec Martial Bourquin, deux rapports sur la réindustrialisation de notre pays. Quasiment aucune des propositions de ces rapports n'a été reprise. J'en suis extrêmement déçu.
Je suis très inquiet s'agissant du Pacte productif. Les impôts de production coûtent environ 80 milliards d'euros à notre pays, quand il ne coûte que 30 milliards d'euros à l'Allemagne, où la production est supérieure d'un tiers. Je crains que l'on ne s'oriente vers une fiscalité qui frappe les collectivités. Je pense, notamment, à la contribution qui a remplacé l'ancienne taxe professionnelle, dont l'État pourrait essayer de récupérer une fraction.
Depuis six ans, je me bats aux côtés de l'association 60 000 Rebonds. Chaque année, 60 000 à 70 000 entreprises déposent le bilan. Or, dans 20 % des cas, les responsables ont engagé leur résidence principale. C'est une exception en Europe ! Cette situation est intolérable. Mes chers collègues, je sollicite votre soutien pour trouver, sur ce point, une solution qui nous permette d'accompagner les entreprises de manière cohérente et de manifester un minimum de reconnaissance à l'égard de ceux qui prennent les risques.
Je regrette que ce budget n'apporte pas de correctif à des politiques qui privilégient les métropoles et leur hinterland, à savoir les territoires directement périphériques. Je pense au programme « Territoires d'industrie », dont je déplore qu'il ait ciblé des entreprises en fonction de leur localisation géographique plutôt que des filières. Ce programme est aussi une opération de communication : quand on s'y penche de plus près, on ne trouve pas forcément de moyens supplémentaires...
Pour ma part, j'estime que les conseils régionaux jouent leur rôle en matière économique. Quoi qu'il en soit, la région Occitanie répond aux attentes en matière d'accompagnement des entreprises en développement - c'est du moins ce que disent les chefs d'entreprise.
La question de la fiscalité est importante. Il faudra que l'on étudie l'option consistant à déterritorialiser la fiscalité économique, en raisonnant sur des échelles territoriales de grand bassin de vie. Certains territoires ruraux sont concernés.
Enfin, je ne trouve dans ce budget nulle trace d'un accompagnement concret de nos entreprises dans les domaines du numérique et de la robotisation, dont on sait que l'impact sur la compétitivité est fort. C'est un manque important.
Je veux insister sur la grande inquiétude de la filière de la plasturgie, dont les acteurs se sentent agressés. La pollution des océans n'est pas de leur fait : elle tient au comportement de citoyens. Toutes les entreprises de la plasturgie cherchent à rendre leurs composants mieux recyclables. Ils réalisent un énorme travail en ce sens, mais il faut leur laisser du temps.
Comment peut-on en convaincre le Gouvernement ? On a vraiment l'impression de prêcher dans le désert. C'est un grand risque pour nos entreprises et pour leurs emplois. Il est lamentable que le Gouvernement ne puisse pas entendre raison sur ce point.
C'est un sujet très important : quand nous n'aurons plus d'entreprises françaises pour chercher et trouver des solutions, nous serons à la main d'entreprises étrangères, qui ne sont pas assujetties aux mêmes normes environnementales.
Aux termes de notre règlement, si nous souhaitons que nos amendements soient examinés, nous devons voter les crédits. Le vote des amendements changera évidemment complètement les choses !
L'accès au crédit est fondamental. Des centaines de PME et de TPE ne parviennent pas à y accéder. En effet, l'industrie et le commerce font partie des secteurs à risques définis par les banques. Il faut que Bpifrance cautionne à 60 %. L'amendement de l'Assemblée nationale est ridicule : si l'on veut garder une industrie, il faudra que Bpifrance ait une dotation beaucoup plus large ! C'est une bêtise que de chercher à économiser sur de tels sujets.
Je veux répondre à Michel Raison. Avec le crédit d'impôt pour le verdissement, les PME auront les moyens de financer un audit de leur outil de production. Celui-ci doit être effectué par un organisme agréé, capable d'émettre un avis solide, pour que les entreprises ne soient pas incitées à réaliser des investissements qui ne sont pas nécessaires et qui seront rapidement obsolètes.
Au-delà de la filière de la plasturgie, l'emploi dans le secteur du diesel se retrouve dans une situation terrible. Il faut faire attention aux choix technologiques : après le tout-diesel, ne versons pas dans le tout-électrique. Il convient de laisser les choix technologiques ouverts. Nos entreprises doivent consentir des efforts sur les moteurs thermiques pour améliorer leur consommation de CO2. Enfin, l'hydrogène est certainement la solution du futur.
Le risque des impôts de production est redoutable. L'État appelle les collectivités à faire des efforts. Nous ne cessons d'en faire ! Les collectivités sont les seules à avoir diminué leur dette. Nous ne pouvons pas accepter une baisse des dotations, parce que ce serait nous mettre à genoux.
L'amendement AFFECO.3 a pour objet de restaurer la dotation budgétaire de l'activité de garantie de Bpifrance, à hauteur de 20 millions d'euros. Depuis deux ans, le Gouvernement entend supprimer cette dotation qui permet aux TPE de bénéficier de près de 8,7 milliards de prêts bancaires garantis. Il faut aller plus loin que l'amendement cosmétique de l'Assemblée nationale, qui a abondé cette ligne budgétaire de 10 000 euros seulement... Il en va de l'accès au crédit de près de 60 800 entreprises.
L'amendement AFFECO.3 est adopté.
L'amendement AFFECO.4 vise à demander que le Gouvernement remette une étude, dans un délai de quatre mois suivant la promulgation du PLF, sur les dispositifs fiscaux et budgétaires déjà mobilisés et pouvant être mis en place pour faciliter la transformation de la filière de plasturgie.
L'amendement AFFECO.4 est adopté.
L'amendement AFFECO.5 tend à créer un crédit d'impôt pour le verdissement des PME industrielles. Ce dispositif couvrira 40 % des dépenses engagées pour des prestations de conseil ou d'ingénierie, dans la même logique qu'un suramortissement. Il réduira le montant de l'impôt et sera plafonné pour éviter les effets d'aubaine. Les prestataires devront être des organismes agréés. Nos PME et nos ETI en ont besoin !
L'amendement AFFECO.5 est adopté.
Le volet « numérique et postes » de la mission « Économie » comporte peu de changements par rapport à l'année dernière.
La compensation versée par l'État à La Poste pour sa mission de transport de presse continue à diminuer, conformément au contrat d'entreprise passé entre les deux entités. Je renouvelle, comme chaque année, mon interrogation sur le rattachement de ce poste à la mission « Économie ».
Le budget global traduit également la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires et la scission des activités de l'Agence du numérique. Seule la mission French Tech reste à Bercy. Elle bénéficie d'un budget en forte hausse, de plus 2,9 millions d'euros, pour un total de 6,68 millions d'euros. L'initiative France Num, lancée en 2018 et visant à favoriser la transformation numérique des TPE et PME, ce qui est un enjeu majeur, fait également l'objet d'une ligne budgétaire, relativement modeste, de 700 000 euros, notamment pour financer sa plateforme en ligne. L'Agence nationale des fréquences (ANFR) connaît également une légère hausse de son budget pour financer ses dépenses courantes.
Concernant le Fonds d'accompagnement de la réception télévisuelle (FARTV), mis en place en 2017, qui vise les zones où des difficultés chroniques de réception se manifestent - elles sont nombreuses - et où aucune modification du réseau TNT n'est envisagée, ce dispositif devrait être ouvert à de nouvelles communes de l'Hérault cette année. Il est malheureusement peu utilisé : seulement 1 % des foyers éligibles formule une demande d'aide et seules 544 aides ont été accordées, ce qui démontre une méconnaissance de la part du grand public. Je vous invite donc à communiquer sur ce fonds, qui permet une amélioration de la réception télévisuelle.
L'Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes (Arcep) bénéficie, pour sa part, de quelques emplois supplémentaires pour assurer sa nouvelle mission de régulation de la distribution de la presse : le nombre d'ETP passe de 171 à 176.
Je souhaite m'arrêter sur le financement du plan France Très haut débit. Pour mémoire, ce plan finance les projets de réseaux numériques à très haut débit dits « d'initiative publique ». Ces projets sont portés par les collectivités territoriales dans ce que la régulation appelle les « zones moins denses » - globalement, les zones rurales -, où il n'est pas rentable d'investir pour les opérateurs privés. Le budget arrêté par les gouvernements successifs est de 3,3 milliards d'euros versés par l'État pour atteindre l'objectif de 100 % de locaux couverts en très haut débit - 30 mégabits par seconde - d'ici à 2022, principalement en recourant à la fibre optique jusqu'à l'abonné.
La tâche est lourde. En 2018, la France était le dernier pays de l'Union européenne en termes de couverture en très haut débit, notre pays ayant fait le choix de la fibre. Aujourd'hui, la dynamique s'inverse doucement, mais sûrement : 58 % des locaux sont couverts, et 42 % le sont en fibre optique. On observe une accélération sans précédent du rythme des déploiements en fibre optique, qui devrait dépasser les 4 millions de prises cette année, contre moins de 3 millions il y a deux ans. Il faut saluer le travail réalisé par nos entreprises en ce sens.
Mais le plus dur reste à faire : si les grandes villes sont couvertes en fibre optique à 85 %, les villes moyennes le sont à 53 % et les zones rurales, à seulement 15 %. Or celles-ci sont évidemment les plus difficiles à couvrir, en raison de la dispersion de l'habitat.
Étonnamment, le Gouvernement avait décidé de fermer le « guichet » de subventionnement à la fin de l'année 2017, estimant que les financements déjà engagés suffiraient à remplir l'objectif de 100 % de très haut débit en 2022, laissant 27 départements, qui n'ont pas choisi de passer par un appel à manifestation d'engagements locaux (« AMEL »), dans l'incapacité de financer leur projet de réseau d'initiative publique (RIP). Le Gouvernement a annoncé, à la fin du mois d'octobre 2019, une réouverture du guichet. Concrètement, il recycle 140 millions d'euros économisés sur les dossiers déjà engagés, pour lesquels les appels d'offres sont moins-disants, du fait de conditions de marchés plus favorables, et compte sur d'autres opérations de recyclage à venir dans les prochaines années pour atteindre la « généralisation » de la fibre optique d'ici à 2025. Reconnaissons que le procédé est relativement aléatoire.
Or, selon l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel, le besoin total de financement pour les collectivités prêtes à se lancer dès 2020 s'élève à 462 millions d'euros. La Bretagne, à elle seule, aurait besoin de plus de 200 millions d'euros. Autrement dit, on peut craindre que le guichet ne soit fermé dès le lendemain de sa réouverture ! Face aux multiples dossiers en attentes, comment le Gouvernement priorisera-t-il ces projets ? Quelle collectivité méritera de passer devant l'autre et selon quels critères ?
Dans ce contexte, il paraît nécessaire d'abonder les crédits alloués au plan France Très haut débit de 322 millions d'euros d'autorisations d'engagement - l'année dernière, notre collègue Patrick Chaize avait présenté un amendement tendant à un abondement de 200 millions d'euros, qui avait été adopté par notre Assemblée. Tel est le sens de l'amendement que je vous soumets. Il s'agit d'équiper les 27 départements et toutes les zones rurales en attente, mais aussi de booster notre économie. En effet, nous savons que, derrière ces déploiements, il y a des armoires, des connectiques, des câbles fabriqués pour l'essentiel en France, par des entreprises locales.
J'ajoute que, face aux allers-retours sur ce guichet France Très haut débit, on peut s'interroger sur la stratégie du Gouvernement en matière de déploiement, notamment au regard des réseaux d'initiative publique, quand on considère, en parallèle, le dispositif des appels à manifestation d'engagements locaux, qui reposent sur une forme de partenariat public-privé. Demain, les réseaux d'initiative publique, qui appartiendront aux collectivités et pour lesquels elles auront des recettes, cohabiteront avec d'autres réseaux, fondés sur ces partenariats public-privé. Cela pose un certain nombre de questions à moyen et long termes qui ne sont absolument pas abordées à ce stade.
Afin d'assurer une plus grande transparence de ces processus, il conviendrait de discuter, au sein du comité de concertation France Très haut débit, qui réunit toutes les parties prenantes - État, opérateurs et collectivités -, de la fiabilité de la gestion à long terme et de ces opérations de recyclage sur lesquelles le Gouvernement appuie ses budgets, ainsi que sur le fonctionnement à moyen et à long termes de ces réseaux.
Il est également essentiel d'anticiper la décroissance prévisible des besoins en main-d'oeuvre. Quand le pic d'activité de 2020 sera passé, quelles seront les perspectives pour les entreprises et leurs salariés qualifiés ? La signature du contrat stratégique de la filière des « infrastructures numériques » paraît, de ce point de vue, essentielle. Elle devrait aboutir prochainement.
J'en viens à l'objectif du « bon haut débit » - 8 mégabits - pour tous fixé par le Président de la République en 2017 pour l'année prochaine. Le guichet « cohésion numérique », qui permet d'aider les particuliers à recourir à des solutions hertziennes comme la 4G fixe, la boucle locale radio ou le satellite, fait l'objet d'une mise en oeuvre difficile : les premières aides ne seront décaissées que d'ici à la fin de l'année, soit près de deux ans après l'annonce du guichet. Au reste, aucun suivi statistique n'est effectué à ce jour : l'objectif est donc, à ce stade, largement théorique.
Je souhaite terminer par quelques remarques sur la couverture mobile. Le « New Deal mobile », signé en 2018 entre l'État et les opérateurs, a renouvelé le traitement des zones blanches, en donnant davantage de poids aux collectivités pour décider du lieu d'installation des nouveaux sites en 4G dans les zones les moins bien couvertes. C'est ce que l'on appelle le dispositif de « couverture ciblée », piloté à l'échelle départementale, souvent entre les services du département et ceux de l'État. À ce jour, 1 172 sites ont déjà été sélectionnés par arrêté, mais seulement six sont en service. Cependant, les opérateurs se disent confiants quant au respect des échéances obligatoires. L'Arcep devra être vigilante sur ce point. Sur le terrain, une trentaine de sites rencontreraient des difficultés, notamment pour trouver du foncier exploitable. C'est une problématique dont le Gouvernement devrait se saisir.
Les élus doivent être informés de ce dispositif sur le territoire : les équipes-projets sur le terrain, qui réunissent les services de l'État et les représentants des collectivités, doivent davantage communiquer sur leur action. Je vous invite à solliciter auprès d'elles des informations.
Enfin, à l'heure où l'investissement dans les infrastructures est une priorité, une réflexion devrait être menée, peut-être dans la perspective du budget 2021, sur la fiscalité spécifique applicable aux opérateurs de communications électroniques - imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) mobiles et fixes, TOCE...-, qui représente près de 1,2 milliard d'euros chaque année. Cette fiscalité handicape d'autant le déploiement rapide des installations, notamment dans la perspective de la 5G. Elle a un effet « boule de neige » pour les opérateurs.
Mes chers collègues, je vous propose d'émettre un avis favorable sur ces crédits, sous réserve de l'adoption de mon amendement.
Je veux revenir sur le financement des RIP. N'oublions pas que ceux-ci ont initialement été pensés pour les zones rurales, particulièrement pour « fibrer » les zones d'activité économique dans ces dernières.
Les collectivités ont consenti des efforts. Les départements ont souvent été à la manoeuvre, ainsi que les régions. Les collectivités locales, particulièrement les communes et les intercommunalités, ont également été sollicitées pour abonder les RIP. Bien évidemment, les financements de l'État étaient attendus pour boucler ces plans de financement. Quand l'État a fermé les robinets, les collectivités ont été mises en difficulté.
Je me réjouis de la réouverture du guichet, mais il est vrai que les financements ne suffisent absolument pas. Nous avons interrogé le ministre sur la pérennité de ces financements sur les années suivantes. Il ne nous a pas répondu, disant simplement qu'il trouverait les financements. On peut en douter. Je suis inquiète, car les entreprises qui subsistent encore en milieu rural n'auront peut-être bientôt plus qu'une solution : partir, au risque de pénaliser une nouvelle fois nos territoires ruraux. Nous devons donc être très vigilants sur ce sujet.
L'amendement AFFECO.6 vise à abonder le plan France Très haut débit à la hauteur des dossiers prêts à ce jour dans les collectivités.
Je rappelle que 27 départements sont concernés par ces demandes de financement des RIP. Les besoins pour 2020 sont estimés à 462 millions d'euros. Il s'agit donc d'inscrire en autorisations d'engagement les 322 millions d'euros qui manquent pour accompagner ces territoires.
Notre collègue a insisté sur l'urgence de la situation. Aujourd'hui, des situations discriminantes sont créées sur un certain nombre de territoires. Dès lors qu'il n'y a pas de très haut débit, les entreprises et les acteurs économiques ne sont pas en capacité de travailler dans de bonnes conditions.
Il convient d'envoyer un signal au Gouvernement sur ce sujet. En effet, on ne peut accepter que le déploiement RIP soit aujourd'hui suspendu à des pseudo-opérations de recyclage ou à des gains que l'on pourrait faire sur des marchés moins-disants.
L'amendement AFFECO.6 est adopté.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Économie », ainsi qu'à l'adoption des articles rattachés, sous réserve de l'adoption de ses amendements.
Nous abordons maintenant le budget de la politique de la ville (programme 147). Je passe la parole à Mme Annie Guillemot, rapporteure pour avis.
Madame la Présidente, Mes Chers Collègues, il me revient de vous présenter les crédits du programme 147 « Politique de la ville » de la mission cohésion des territoires.
Si je voulais être lapidaire dans cette présentation, je pourrais vous dire que les crédits sont reconduits de 2019 à 2020 dans leur globalité à l'exception des crédits pour l'ANRU aux sujets desquels, malgré ses dénégations, le Gouvernement ne tient pas ses engagements. C'est le point principal de ce budget. Je l'ai dit à Julien Denormandie lors de son audition. Cela me conduira à vous proposer un amendement de principe.
Évidemment, vous vous en doutez, les choses sont un peu plus compliquées. Derrière cette apparente continuité se cache un changement de paysage qu'on pourrait facilement oublier si on n'avait pas un peu de mémoire. Souvenons-nous qu'il y a 18 mois, le rapport Borloo était enterré, le Gouvernement relançait néanmoins la politique de la ville avec une augmentation substantielle des moyens, + 20 % en crédits de paiement et + 57 % en autorisations d'engagement. Mais, un an après, nous subissons toujours le coup d'arrêt qui a été donné à cette politique. Plus encore peut-être que les moyens, c'est la philosophie même du projet qui manque cruellement. Jean-Louis Borloo avait intitulé son rapport « Vivre ensemble, pour une réconciliation nationale ». Il écrivait : « si on ajoute les territoires ruraux délaissés et certaines villes ou bassins en grave déprise, ce sont plus de 10 millions de compatriotes qui sont éloignés du moteur de la réussite » et plus loin « à défaut, fermenteront loin des yeux, le recroquevillement identitaire et le repli communautaire si trop de nos concitoyens ont le sentiment de ne pas participer au rêve républicain ». Entre les expressions identitaires et les revendications des Gilets jaunes, nous sommes, je crois, au coeur du sujet, notamment dans les quartiers où la tension est forte.
Selon moi, le budget que nous examinons n'est pas à la hauteur de cet enjeu.
Je vais vous présenter les grandes lignes des crédits et vous faire part de deux remarques principales sur l'Epareca et l'ANRU.
Les crédits sont en légère diminution. Les crédits de paiement baissent de 2,07 %. Les autorisations de programme connaissent une évolution plus marquée de - 29,23 % mais cela est dû au fait que toutes les autorisations du quinquennat pour l'ANRU ont été inscrites en 2018 et surtout 2019 (185 millions d'euros) et qu'aucune autorisation n'est prévue cette année. Les crédits sont donc en légère baisse avec des ajustements à la marge.
En matière d'éducation, les crédits s'élèvent à 125 millions d'euros. Au sein de ceux-ci des redéploiements sont opérés pour financer les cités éducatives à hauteur de 31 millions d'euros. Il n'y a donc pas de crédits à proprement parler nouveaux pour ce programme. C'est bien entendu une bonne initiative puisqu'il s'agit de généraliser une expérimentation qui avait réussi à Clichy-sous-Bois notamment et qui figurait dans le rapport Borloo. Il s'agit de construire un projet local pour fédérer les différents acteurs autour de l'école, y impliquer les parents et suivre les enfants jusqu'à 25 ans et leur insertion professionnelle.
Les moyens dévolus au lien social et à la participation citoyenne sont stables à hauteur de 87,4 millions d'euros. Au sein de cette action, j'avais relevé l'an passé le doublement et la revalorisation des postes Fonjep. J'avais exprimé mes doutes sur la possibilité d'y parvenir puisque l'essentiel du coût de ces postes restait à la charge des collectivités et des associations concernées. J'ai eu toutefois des informations encourageantes à l'occasion de mes auditions. Tous les postes devraient être pourvus d'ici la fin de l'année. Cependant, pour une large part, il ne s'agira pas de postes nouveaux. Mais il ne faut pour autant pas voir les choses négativement. Les postes Fonjep sont des postes d'encadrant et d'animateur d'associations. Ils donnent un label de qualité, une reconnaissance et une aide, même limitée, à un tissu associatif qui en a le plus grand besoin.
Concernant l'emploi, ce sont 49,3 millions d'euros qui y sont consacrés, là aussi stables par rapport à 2019. Parmi les actions menées, je voudrais mettre le projecteur sur les Écoles de la deuxième chance. Un peu plus de 15 000 jeunes de 16 à 25 ans, sans emploi ni formation, sont pris en charge avec un taux de sortie positive vers l'emploi ou la formation de 60 %. Cet effort sera significativement amplifié d'ici 2022 avec la création de 2 000 places supplémentaires. C'est un dispositif à développer.
Je regrette, enfin, la suppression de huit postes de délégué du préfet pour la politique de la ville. Cela me paraît aller à l'encontre de ce que nous vivons sur le terrain.
Je voudrais aborder maintenant deux points qui me semblent importants : le sort de l'Epareca et celui de l'ANRU.
Concernant l'Epareca, comme ce n'est pas un sujet budgétaire, je ne veux pas m'y étendre trop longuement mais je souhaite vous sensibiliser aux conséquences de l'absorption de cet établissement au sein de l'ANCT à partir du 1er janvier. L'Epareca insufflera, paraît-il, à la nouvelle agence sa culture du terrain, du projet et du monde économique. Je voudrais y croire ! Ceci étant les professionnels du commerce ne seront pas représentés au conseil d'administration de l'ANCT et pour l'instant aucune procédure n'est prévue pour les inclure dans le processus de décision. Or, je peux témoigner, en tant qu'ancienne présidente de l'Epareca mais aussi avec toute mon expérience des quartiers, qu'en matière d'implantation des commerces dans les quartiers difficiles, les professionnels ont toujours été précieux dans la conduite des projets et participaient étroitement aux décisions de l'Epareca pour sélectionner les projets les plus pertinents. Si on n'y porte pas remède, ce sont les maires qui se retrouveront en première ligne, sans aucun appui.
Enfin sur la situation de l'ANRU comme l'écrivait crument Jean-Louis Borloo en 2018 : « depuis quatre ans, la rénovation urbaine est à l'arrêt, l'ambition originelle s'est perdue. La bureaucratie a progressivement pris le pas sur la dynamique de projet ». C'est vrai que depuis juillet 2018, beaucoup d'efforts ont été déployés pour relancer la machine. L'ANRU s'est remise à travailler. Sur les 450 quartiers concernés, 329 ont vu leur projet validé. Cela correspond à huit milliards d'engagements sur les dix milliards du programme. Concrètement, ce sont : 65 000 démolitions, 53 000 reconstructions, 85 000 réhabilitations et 650 équipements, dont 180 écoles rénovées. Je salue bien volontiers ce résultat et le travail considérable qui a été accompli pour rattraper le temps perdu. Cependant, très peu de choses auront été concrètement faites dans les quartiers pendant ce mandat municipal alors que la situation est extrêmement difficile. On finance encore de nouvelles études dans des quartiers où l'ANRU intervient depuis plus de quinze ans alors que les habitants attendent des réalisations. C'est un sujet sur lequel Mme Valérie Létard se souviendra que nous avions déjà attiré l'attention.
D'autant que je trouve grave que l'État ne respecte pas son engagement de financement de l'ANRU. Le Président de la République avait affirmé que l'État apporterait un milliard d'euros d'ici à 2031 dans le cadre du doublement du NPNRU et a promis 200 millions d'euros durant son quinquennat. Cette année, l'État aurait dû inscrire 35 millions d'euros, seuls 25 sont au rendez-vous. Au regard du programme c'est peu, mais le signal est extrêmement négatif. Comment imaginer que l'État rattrapera son retard et tiendra sa promesse l'an prochain d'apporter 50 millions d'euros puis 75 millions d'euros l'année suivante ?
À titre personnel, je pense que c'est un véritable plan d'urgence en faveur des quartiers qui serait nécessaire pour améliorer le cadre de vie et rénover des écoles, des collèges ou des centres sociaux. L'État se devrait d'être moteur en avançant sa participation financière. Cela avait été fait par le Président Sarkozy lors du plan de relance.
Dans le cadre de notre commission, je vous propose un amendement moins ambitieux consistant à réinscrire au budget les 10 millions d'euros manquants.
En conclusion, je vous propose de donner un avis de sagesse sur les crédits du programme 147 assorti de l'amendement proposé.
Merci Mme Annie Guillemot pour ce rapport très engagé. J'ai été choquée de lire dans la presse que le Président de la République avait enfin demandé au Gouvernement d'agir au profit des quartiers après avoir vu le film Les Misérables. Mais il y a des centaines de personnes qui travaillent sur ces sujets et je ressens une exaspération certaine sur la méthode.
Je suis complètement d'accord avec l'analyse de la rapporteure sur le nouveau programme national de rénovation urbaine (NPNRU). Il faut mettre en oeuvre une vision comme celle qu'avait proposée Jean-Louis Borloo, prendre les quartiers dans leur globalité et à travers l'ensemble de leurs interactions avec la ville qui les environne en matière de logement, de sport ou de transport. Il faut avoir une vision équilibrée, ne pas financer que du logement mais également des infrastructures publiques, grâce au financement de l'État, et en même temps soutenir le tissu associatif et être présente auprès des populations, car on ne le sait que trop, la nature a horreur du vide. Ce n'est donc pas normal que l'investissement de l'État soit aussi faible.
Je rejoins tout à fait l'approche globale qui est proposée. Malgré nos divergences politiques, un consensus se dégage autour de cette vision globale, des crédits d'investissement et d'accompagnement et de la dimension humaine comme clef du succès. Je souhaiterais que notre commission fasse des propositions fortes. Il me semble que l'amendement proposé est trop raisonnable. Des moyens plus élevés permettraient d'ouvrir une perspective de moyen terme.
Notre groupe ne votera pas cet avis car c'est une véritable alerte politique qu'il faudrait lancer. Je voudrais insister sur l'importance de l'accompagnement humain et du travail avec les institutions républicaines en faveur de la formation, de l'emploi et de l'éducation populaire pour lutter contre le communautarisme et porter une offre d'émancipation. On constate une grave inconséquence du Président de la République et du Gouvernement à ce sujet sur lequel pourtant des maires ou la commission Borloo ont fait des propositions. Je souhaiterais que soit créée sur ce thème une mission d'information ou un groupe de travail au sein de la commission.
La question du logement est très importante pour la qualité de vie. Quel est l'impact de la baisse des crédits du logement sur la politique de la ville ?
Le processus de l'ANRU est d'une grande complexité. On ne voit pas l'intérêt de ces trop nombreuses études. Souvent, trois ans après l'annonce de l'entrée dans un programme de la politique de la ville, rien ne s'est passé. Cela nous décrédibilise, c'est pourquoi j'ai refusé de relayé des demandes de communication de l'État parce qu'il n'y avait pas de visibilité sur la réalisation de ce qui était annoncé. Arrêtons de complexifier les processus et cela coûte très cher !
Effectivement, on sait faire des exceptions pour les JO de 2024, pourquoi pas pour les quartiers prioritaires ? Cela le mériterait.
Je souscris pleinement à la proposition de Mme Marie-Noëlle Lienemann. Faire de la politique, c'est changer la vie des gens. Nous avons besoin pour les quartiers de politiques plus ambitieuses avec des propositions qui ne soient pas des gadgets.
Madame la Présidente, au sujet de votre observation de méthode à propos du film Les Misérables, je crois en effet que le problème est que les élus et les maires expérimentés ne sont pas écoutés voire bafoués.
Sur l'impact de la réduction du budget du logement dans les quartiers, il est très direct. Les bailleurs ont été obligés de reculer les réhabilitations, de baisser l'entretien et de réduire les personnels.
Je voudrais aussi vous alerter sur l'impact de la réforme de la taxe d'habitation car elle va perturber le calcul des dotations de solidarité au profit des villes les plus pauvres. Je me demande quelle commune aura dès lors intérêt à construire des logements sociaux.
Je mets aux voix l'amendement proposé afin de rétablir la participation de l'État au budget de l'ANRU à hauteur de 35 millions d'euros.
Il est adopté à l'unanimité.
Les crédits de la mission seront votés après l'examen du rapport sur le logement de Mme Dominique Estrosi Sassone la semaine prochaine.
Les crédits proposés en 2020 pour les outre-mer appellent deux séries d'observations : tout d'abord, on constate une baisse qui signale un risque de récession pour l'économie ultramarine ; j'avais évoqué ce risque dès l'an dernier mais les mesures prises en 2019 pourraient prendre leur plein effet cette année - j'y reviendrai. Cependant, une « session de rattrapage » de ce budget est en cours : en effet, certaines mesures approuvées en projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) peuvent améliorer la donne. Je précise qu'avant de repousser le PLFSS dans son ensemble sur la question des retraites, le Sénat y avait introduit un amendement qui prévoit très opportunément d'élargir les seuils d'exonérations de charges. Par ailleurs, dans les prochains mois, il faudra aussi relever le principal défi budgétaire qui est d'activer les crédits, en particulier dans le secteur du logement.
Ma première série de remarques porte sur l'évolution et le niveau des crédits. J'ai suivi ce budget pendant douze ans et c'est la première fois que je vois des crédits des outre-mer en diminution : auparavant on nous avait presque toujours présenté les chiffres sous un jour favorable. J'en tire deux principales leçons. Tout d'abord, il faut faire très attention aux changements de périmètre dans ce budget des outre-mer qui est très « composite ». Les outre-mer émargent bien entendu sur la quasi-totalité de la trentaine de missions du budget de l'État. Cependant, la mission outre-mer stricto sensu se limite à deux programmes et il suffit de faire varier leur périmètre pour faire apparaitre une hausse ou une baisse. Le plus bel exemple nous a été donné par la loi de finances 2017 : quelques mois avant des élections majeures, le budget des outre-mer a été artificiellement « gonflé » en décembre, grâce à une dotation qui a réintégré la mission « Éducation » quelques semaines après le vote. L'année suivante, on pouvait également faire croire à une hausse en dégonflant rétroactivement la base de calcul de l'année 2017...
Cette année, la documentation budgétaire me semble plus sincère avec une baisse marquée de 6,5 % en crédits de paiements et de 4 % en autorisations d'engagements.
Je mentionne quelques changements de périmètre qui concernent surtout la Polynésie et la Guyane avec un va-et-vient entre des dotations et des prélèvements sur recettes. J'attire votre attention sur le fait que ces modifications de « tuyauterie » ne sont pas neutres pour la liberté de manoeuvre des collectivités car les prélèvements sur recettes sont libres d'emploi alors que les dotations sont conditionnées et leur gestion relève assez largement des représentants de l'État.
Le Gouvernement s'efforce de trouver des qualificatifs rassurants, en parlant cette année d'un budget « préservé », avec, « à périmètre constant », une baisse des crédits de paiement limitée à 100 millions d'euros dont 34 millions « rattrapables » en loi de financement de la sécurité sociale et 66 qui sanctionnent la sous-consommation des crédits les années précédentes. Je reviendrai sur ces deux points.
J'ajoute un commentaire un peu plus lucide : ce budget démontre, une fois encore, que les arbitrages gouvernementaux conduisent à demander aux ultramarins de participer activement à l'effort de rigueur budgétaire alors qu'ils sont confrontés à des niveaux élevés de risques naturels et enregistrent un taux de chômage deux fois supérieur à celui de l'hexagone.
En ce qui concerne le niveau de ce budget, l'essentiel se résume, en fait, à la reconduction depuis huit ans d'une enveloppe avoisinant 2 milliards d'euros avec des crédits insuffisamment utilisés sur le terrain. J'ai entendu le Gouvernement faire valoir que l'enveloppe 2020 de 2,5 milliards d'euros se situe à un niveau historiquement élevé. Je rappelle que ce seuil a été atteint l'année dernière non pas dans l'enthousiasme mais avec un tollé de critiques d'une intensité rarement atteinte. En effet, les 500 millions supplémentaires correspondent d'une part, à la bascule du CICE en allègements de charges, avec un manque à gagner important, et d'autre part à la transformation de ponctions fiscales récurrentes en subventions par nature aléatoires et centralisatrices mais dont le Gouvernement nous avait garanti la pérennisation ; il s'agit de 100 millions d'euros sur les entreprises et 70 millions sur les ménages. Quand nous demandons au Gouvernement les modalités concrètes de réemploi de ces sommes, on nous répond que l'année en cours n'étant pas terminée, il nous faudra patienter jusqu'à l'année prochaine...
Sur des marchés ultramarins par nature étroits, la réduction des encaisses des ménages et des entreprises ainsi que l'imparfaite compensation du CICE produisent, en bonne logique, des effets récessifs. Je ne suis donc pas surpris des prévisions des organismes de sécurité sociale qui anticipent un moindre recours aux allègements de charges et le Gouvernement lui-même a compris qu'il fallait agir très vite pour rectifier le tir.
Pour relativiser l'importance des crédits, les rapports et avis budgétaires soulignent que les dépenses fiscales rattachées à la mission outre-mer représentent environ le double du budget. Or le montant des dépenses fiscales est très estimatif et elles obéissent à une politique restrictive : 5 milliards d'euros en 2018 et 4,6 milliards prévus pour 2020. J'ajoute que les taux de TVA réduits et les exonérations de taxe sur les carburants représentent plus de 80 % de ces dépenses fiscales. Par conséquent, il reste moins de 20 % pour les soutiens fiscaux plus particulièrement ciblés sur la construction et l'investissement productif.
S'agissant des préconisations sur ces aides fiscales : fondamentalement, je rappelle ma préférence pour le soutien ciblé sur des projets précis d'investissements à long terme. Ensuite, pour le logement, les opérateurs de terrain insistent sur le fait que les aides fiscales jouent un rôle moteur dans la réhabilitation et qu'il est donc pertinent de les perfectionner et, Madame la Présidente, comme vous l'avez rappelé, nous avons convaincu le Gouvernement qu'il fallait rétablir l'aide à l'accession à la propriété. Enfin, il faut aussi introduire plus de précision dans certaines définitions et favoriser ce qu'on peut appeler le « fair play » juridique et fiscal pour pas « casser » la confiance des investisseurs et ne pas fragiliser les entrepreneurs de bonne foi.
On cite également chaque année les calculs effectués dans le document orange de politique transversale qui totalise les crédits alloués aux outre-mer par les 30 missions du budget de l'État. Je me félicite du changement apporté à sa présentation : on ne parle plus d'« effort de l'État » pour les outre-mer mais de la nécessité de favoriser le « réflexe outre-mer » dans l'ensemble des ministères. Je précise que les 22 milliards d'euros qu'il retrace - ce chiffre étant stable par rapport aux années antérieures - correspondent à des services publics de base. Il s'agit non pas d'une « faveur » mais d'une participation encore insuffisante de l'État au développement ultramarin avec 3,9 % des dépenses du budget de l'État pour 4,3 % de la population.
Je vous propose, dans le second axe de mon exposé, des mesures immédiates et des propositions pour donner plus de percussion à ce budget pour 2020 : favoriser l'embauche, retenir les talents ultramarins, investir et activer les crédits.
Par souci de brièveté, je me concentrerai sur les deux points fondamentaux : les allègements de charges et les crédits au logement.
Les autres dotations sont, pour l'essentiel, reconduites et je mentionne ici simplement l'effort accru en matière de service militaire adapté (SMA) : la performance de ce dispositif est remarquable puisqu'il permet à 80 % des jeunes stagiaires de trouver un emploi et, au cours des auditions, la qualité de leur prestation au travail est régulièrement saluée par les entrepreneurs ultramarins.
J'en viens aux allègements de charges qui représentent à eux seuls plus de 60 % des crédits. Le budget des outre-mer est donc ici un prolongement des décisions prises en loi de financement de la sécurité sociale.
Aujourd'hui le problème posé renvoie à l'application de la « bascule », décidée l'an dernier, du CICE (un crédit d'impôt qui relevait des lois de finances) en allègements de charges (relevant du PLFSS) : à la base, le CICE à 9 % été transformé en un allègement de charges de 6 %. S'y ajoute le rabotage des exonérations qui avaient été introduites par la loi dite Ledeom : elles favorisaient l'embauche jusqu'à 3 voire 4 smic alors que le nouveau dispositif a concentré les allègements sur les bas salaires avec un risque de « smicardisation » et de fuite des talents. Les entreprises ultramarines ont donc subi un considérable manque à gagner dans ce recyclage. Cette année, les députés ont adopté en PLFSS une mesure de rattrapage présentée par le Gouvernement et le Sénat a approuvé le 13 novembre dernier un rehaussement des seuils d'exonérations dans les secteurs exposés à la concurrence. J'espère que cette mesure, qui a été adoptée par le Sénat contre l'avis de la commission et du Gouvernement, pourra être sauvegardée au cours de la navette qui va suivre l'échec de la commission mixte paritaire.
Je rappelle que seule la partie IV relative aux dépenses du PLFSS pourra revenir en discussion : il sera donc difficile de sauvegarder les mesures en faveur des outre-mer que le Sénat a tenté d'introduire à l'article 8 quinquies dans la troisième partie consacrée aux recettes et à l'équilibre de la sécurité sociale.
S'agissant du logement, le fait essentiel est que, depuis plusieurs années, nous constatons la baisse des chiffres de la construction dans les outre-mer. Comme l'a indiqué la ministre, pour 2020, les crédits de paiement de la LBU baissent de plus de 13 %, à 190 millions d'euros, pour « s'ajuster » à la sous-consommation des crédits.
Je rappelle que pour répondre aux besoins, nous nous battons pour obtenir des crédits LBU et, de plus, l'objectif a été fixé de façon claire et réaliste au moment du vote de la loi dite égalité réelle : 15 000 logements par an construits ou réhabilités pour le seul rattrapage du retard accumulé. On ne l'atteint pas et, plus inquiétant encore, on s'en éloigne : 9 267 en 2017 et 8 508 en 2018. On nous dit que les opérateurs ne vont pas assez vite et que les crédits ne sont pas consommés mais l'État crée des organismes et des avis supplémentaires - avec des notions assez subjectives d'intégration dans le paysage, par exemple - qui viennent, avant ou après l'obtention du permis de construire, retarder le processus, si bien que les mois passent et qu'on ne parvient pas en temps utile à consommer les crédits ouverts en loi de finances. Pendant ce temps, à La Réunion, les entreprises du BTP sont contraintes de jeter l'éponge les unes après les autres et le secteur s'effondre. Nos avis budgétaires ont constamment préconisé un parcours administratif des dossiers de construction plus fluide, mais tel n'est pas suffisamment le cas.
Je rappelle également que la délégation aux outre-mer a élaboré des propositions de fond pour adapter les normes de construction et les matériaux à la spécificité des outre-mer. Le Gouvernement semble y être attentif pour réduire les coûts et prendre en compte le vieillissement accéléré des infrastructures en climat tropical.
Pour 2020, l'accent est mis sur le renforcement de l'ingénierie avec, au total, 13 millions d'euros. Pour donner un contenu concret à ce terme, j'ai auditionné les opérateurs de terrain et, en particulier une filiale de la Caisse des Dépôts (CDC) qui augmente ses participations dans le capital des organismes locaux. Il y a trois ans, l'État, considérant que sa mission n'est pas d'intervenir directement dans la construction de logements sociaux, a cédé ses participations dans les Sociétés d'économie mixtes (SEM) ultramarines à la Société nationale immobilière (SNI) rebaptisée en 2018 CDC Habitat. Cette recomposition s'accompagne d'une volonté de redressement mais ce nouvel opérateur ne doit pas être, à son tour, freiné dans son action et j'insiste sur la nécessité de ne pas perturber les autres opérateurs locaux qui doivent être accompagnés dans leur mission.
La situation du logement ultramarin est donc critique et exige des mesures fortes de gestion du parc existant et de mobilisation du potentiel de construction. Dans ce contexte, nous n'avons guère d'autre choix que de parier sur la compétence et la « signature » d'opérateurs dont l'efficacité reconnue permettra, je l'espère, un raccourcissement des procédures d'instruction administrative.
Sur certains territoires, face à des taux d'inoccupation excessifs, la réhabilitation et la sécurisation des logements existants sont une priorité et nous l'avons inscrite, comme telle, dans la loi.
Enfin, la dynamique de reprise doit associer les opérateurs locaux pour bénéficier de leur savoir-faire et de leur capacité à territorialiser les projets de construction. S'agissant des PME du BTP en très grande difficulté, le « small business act ultramarin » (« Stratégie du bon achat ») que nous avons introduite en loi EROM devra être activé pour les associer systématiquement aux opérations de grande ampleur.
En conclusion, ce budget 2020 était assez mal parti en octobre et la séquence de rattrapage pour l'adapter et de le muscler à travers le PLFSS est compromise. Cependant, cette année comme les précédentes, face aux réticences de Bercy, le soutien positif de la ministre des outre-mer aux mesures de rééquilibrage que nous proposons, justifie, à mon sens, notre encouragement sous forme d'un avis favorable.
Ma conviction est que l'offensive économique crée du lien social et de la confiance, à condition d'être portée par un élan territorial ultramarin et « accompagnée » par un État qui doit refreiner ses tentations recentralisatrices. L'année prochaine, je prévois dès à présent un débat budgétaire sur ces crédits beaucoup plus difficile : j'y resterai attentif, mais de loin...
Je remercie vivement M. Michel Magras pour son exposé et, s'agissant de son allusion finale, nous verrons plus tard...
Je remercie le groupe socialiste de m'avoir confié, une fois encore, le chef de fil pour l'examen de ce budget. Je souligne que non seulement je ne milite pas pour la notion d'outre-mer mais encore je m'y oppose. J'en parle en l'appelant « ladite outre-mer » et j'attends le moment où on décidera d'arrêter de nous enfoncer dans un frac, un habit qui n'a aucun sens. Je ne suis pas « ultramarine », je ne vis pas dans les « outre-mer » et par respect pour tous les territoires, je préfère que chacun des élus puissent en parler de façon spécifique. C'est, pour moi, un postulat et j'espère qu'un jour l'idéologie qui sous-tend cette perception de nos territoires changera car tout ceci se rattache à la persistance d'un ministère des Colonies. Je n'ai jamais eu l'occasion de me rendre sur un certain nombre de territoires du Pacifique et je ne connais pas leurs besoins et je ne me sens pas vraiment habilitée à parler au nom de ces peuples envers qui j'ai un profond respect. Parler de ce budget me met donc particulièrement mal à l'aise.
J'ai écouté très attentivement, pendant toute cette matinée, les problèmes industriels bancaires et de la politique de la ville qui ont été évoqués par nos rapporteurs budgétaires pour avis. Je vous laisse imaginer la taille XXL des difficultés que nous vivons sur nos territoires éloignés. En matière bancaire, par exemple, nous subissons une double contrainte avec des établissements de crédit qui prennent en compte non seulement le risque entrepreneurial mais aussi un risque territorial. Je vous laisse également imaginer la difficulté voire l'impossibilité de parler d'industrialisation.
Nous examinons aujourd'hui un budget qui se limite, en fait, à deux principaux sujets - les exonérations de charges sociales et le logement - même s'ils sont habillés dans une « tenue sexy », avec, par exemple, l'appellation « conditions de vie » du programme 123. Pour ma part, je ne loue pas le SMA : c'est mieux que rien mais j'estime que les jeunes de mon pays méritent mieux que six à huit mois de formation pour ensuite gagner des bribes de salaires dans des entreprises ou des chantiers d'insertion. Comme l'a rappelé notre rapporteur et président de la délégation de « ladite outre-mer », notre ministre se bat pour défendre nos intérêts et j'éprouve de la compassion pour tous ceux qui s'évertuent à trouver des solutions et changer le regard porté sur nos territoires.
L'exercice auquel nous devons nous livrer, en examinant ce budget, est extrêmement compliqué et plus encore cette année. C'est pourquoi, en plagiant le tire d'un célèbre film, j'ai demandé, en séance publique : « Mais qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu » ? L'année dernière tous les « bouts de gras » fiscaux dont nous pouvions bénéficier ont été décapités. Encore pire, cette année, on voit le prolongement du mécanisme par lequel, avec cette manne collectée par l'État, on semble dire aux outre-mer : « vous allez payer vous-même pour sortir de votre sous-développement ». Mais ce n'est pas en prélevant quelques millions d'euros sur nos contribuables et en les recyclant qu'on va pouvoir combler les énormes écarts par rapport à la moyenne que l'on constate, en particulier en Guyane et à Mayotte.
Je remercie une fois de plus la Présidente Sophie Primas et Mme Dominique Estrosi Sassone d'être venues en Martinique pour constater elles-mêmes que parfois, en croyant récupérer des sommes minimes, on fait tomber en cascade des processus nécessaires à l'amélioration de l'habitat. Je viens d'ailleurs d'alerter une nouvelle fois le Gouvernement sur la situation de l'habitat insalubre dans le quartier de la Petite-Rivière-Salée car on m'avait promis une réponse en octobre dernier.
Je remercie également tous mes collègues qui visitent de plus en plus nos territoires et reviennent pour témoigner de la situation inacceptable qu'ils constatent : hier, de retour de Guyane, mes collègues se sont étonnés que nous restions si modérés face aux conditions révoltantes dans lesquelles nous vivons. Je vous appelle donc à aller sur place : les voyages sont une cure de jouvence et permettent de ressentir personnellement l'ampleur des difficultés et à rester à nos côtés quand nous proposons des solutions ; c'est la meilleure forme de respect que vous puissiez nous accorder. Nous sommes français mais nous ne sommes pas vraiment la France compte tenu des écarts que nous connaissons et qu'aucune région hexagonale n'accepterait.
Je conclue mon propos en rappelant que « la relation qu'on a avec quelqu'un dépend du regard qu'on lui porte »
Je me sens également un peu ultramarin puisque que mon territoire, à la pointe de l'hexagone, s'ouvre sur la méditerranée.
S'agissant de la question du logement, qui est centrale, j'avoue que la baisse de 13 % des crédits me parait incompréhensible par rapport aux enjeux et aux besoins. Je rappelle que ces territoires doivent faire face aux évolutions démographiques, à des tensions de plus en plus fortes sur le foncier et doivent être accompagnées pour réorienter le développement de l'urbanisme. La baisse des crédits consacrés au logement dans ce budget des outre-mer est d'autant plus dommageable que le secteur du BTP joue un rôle d'entrainement pour l'économie locale. Ne devrait-on pas proposer un réaménagement des crédits comme nous l'avons fait pour d'autres missions budgétaires ? Je conclus en remerciant notre collègue Michel Magras pour cet excellent rapport.
Je rappelle d'abord que le Gouvernement a tout de même rétabli l'APL-accession pour les outre-mer : c'est le moins qu'il pouvait faire et, lorsque notre collègue Catherine Conconne nous a fait visiter les quartiers dont elle a parlé, nous avons bien vu qu'une telle mesure était indispensable pour permettre la réalisation de projets d'accession à la propriété et l'amélioration de cet habitat particulièrement indigne et insalubre.
Dans l'hexagone, le Gouvernement s'obstine à ne pas rétablir cet APL-accession et nous soutiendrons un amendement tendant à le rétablir, ce qui représente une somme limitée à 50 millions d'euros. J'attire votre attention, et tout particulièrement celle de nos collègues des outre-mer, sur le fait que tout ceci est conditionné par la mise en place du revenu universel d'activité. Je suis opposée à l'inclusion des APL dans ce revenu universel mais le ministre ne nous a pas rassurés sur ce point lorsqu'il a répondu à nos interrogations et j'appelle donc à la vigilance sur les évolutions à venir.
Je reconnais que nous sommes les seuls français à relever d'un ministère de tutelle avec des services administratifs qui, en principe, contrôlent la régularité juridique des actes pris dans les outre-mer. Cependant, en pratique, la plupart des sujets font nécessairement l'objet d'un examen par les divers ministères spécialisés puis de discussions interministérielles : cela se traduit par des pertes de temps et on finit par s'interroger sur la nécessité de maintenir le ministère des outre-mer. Quoiqu'il en soit, je me suis toujours considéré comme un sénateur de la République.
S'agissant du SMA, tout en comprenant les appréciations de notre collègue, je fais observer, d'une part, qu'il ne concerne qu'environ 10 000 jeunes en difficulté par an sur une population totale de 2,7 millions d'ultramarins et, d'autre part, que les remontées de terrain témoignent de l'efficacité de la formation qui est dispensée en marge du système éducatif traditionnel.
S'agissant des crédits de la LBU, qui passent de 220 à 190 millions d'euros, la ministre justifie cette baisse par une somme de 30 millions d'euros qui a été rétrocédée par La Réunion. Bien entendu, nous sommes très vigilants sur les évolutions budgétaires et fiscales : c'est d'ailleurs une des qualités des ultramarins, ce qui ne veut pas dire qu'ils parviennent à obtenir satisfaction à chacune de leurs demandes.
J'en termine en indiquant que j'ai également proposé d'émettre un avis favorable par cohérence avec la position prise par la commission des finances.
Je constate que lorsque La Réunion rend des crédits on les supprime alors qu'ils auraient pu être utilisés par d'autres territoires. Le groupe socialiste s'abstiendra sur les crédits de la mission « outre-mer » en relevant le traitement budgétaire un peu « croupion » de territoires qui méritent mieux.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « outre-mer ».