Intervention de François-Noël Buffet

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 20 novembre 2019 à 9h05
Projet de loi de finances pour 2020 — Mission « immigration asile et intégration » - examen du rapport pour avis

Photo de François-Noël BuffetFrançois-Noël Buffet, rapporteur pour avis :

Je partage l'analyse de notre collègue Thani Mohamed Soilihi : il faut remédier aux faiblesses juridiques de notre système pour résoudre, à long terme, les problèmes tels que les reconnaissances de complaisance.

Pour répondre à Jean-Yves Leconte, je souhaite que personne ne se méprenne sur ce que j'ai voulu dire. La politique d'immigration, c'est un tout. Il convient de définir une stratégie globale dans laquelle la politique d'intégration joue, bien évidemment, un rôle essentiel. J'ai d'ailleurs affirmé à plusieurs reprises que la politique d'immigration ne pourrait être améliorée sans faire monter en gamme la politique d'intégration. Dès lors, tout l'enjeu est de savoir si nous avons bien les moyens d'assurer un accueil de qualité tout en gérant des flux migratoires de plus en plus importants. Même s'il s'agit d'une question difficile, nous n'avons pas d'autre choix que d'y répondre.

Cela n'aura pas échappé à notre collègue Philippe Bonnecarrère, le Gouvernement s'inspire aujourd'hui, pour constituer les 20 propositions de son plan, d'idées déjà formulées par le Sénat et qu'il avait pourtant rejetées au moment de l'examen de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie. Le Sénat proposait notamment d'organiser un débat au Parlement sur la question migratoire, d'établir des objectifs chiffrés en matière de migration régulière et de rétablir la liste des métiers en tension. Nous ne pouvons donc que saluer le changement de cap du Gouvernement sur ces sujets, mais que de temps perdu !

Par ailleurs, en ce qui concerne l'aide médicale d'État, les dépenses consacrées à ce dispositif ont explosé depuis quelques années, jusqu'à atteindre bientôt plus d'un milliard d'euros, selon la Cour des comptes. Il est bien évident que, dans le respect de nos traditions, nous devons continuer à soigner tout le monde, mais nous ne pouvons pas nier le fait que ce système est partiellement dévoyé, même s'il est difficile de donner des estimations chiffrées sur ce point. Nous ne pouvons pas le laisser se déliter. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé, en 2018 au Sénat, de mettre en place l'aide médicale d'urgence fondée sur un panier de soins qu'il conviendrait de déterminer avec les professionnels de santé. À ce mécanisme devait également s'ajouter un droit de timbre. Cette proposition présentait l'avantage de définir un cadre juridique clair permettant de continuer à s'acquitter de nos obligations sanitaires.

En parallèle, la question de la délivrance des titres de séjour pour raisons de santé continue de faire débat depuis la réforme de ce dispositif et notamment l'évolution des critères d'éligibilité, qui n'est plus celui de l'existence des soins dans le pays d'origine mais de l'accessibilité desdits soins.

Concernant la proposition du Gouvernement de reporter l'accès à la protection universelle maladie (PUMa) pour les demandeurs d'asile, je crains que des obstacles juridiques ne s'opposent à cette mesure. En effet, dès lors qu'une personne sollicite le statut de demandeur d'asile, elle est considérée comme séjournant régulièrement sur le territoire et, à ce titre, peut bénéficier de la PUMa. J'imagine que le Gouvernement y voit une opportunité de limiter la fraude sociale, mais je considère, à titre personnel, qu'il faut rester prudent sur ce type de mesures.

Pour conclure, il m'apparaît essentiel de redéfinir clairement les conditions de l'immigration régulière sur le territoire pour accueillir moins de personnes mais dans de meilleures conditions, et assurer la soutenabilité de la politique d'asile et d'immigration à long terme. Cela implique, dans le même temps, de faire preuve de plus de fermeté en ce qui concerne l'immigration irrégulière. La conjonction de ces deux éléments permettra de garantir la cohérence du système et de débattre enfin de manière apaisée de l'immigration.

Aujourd'hui, les propositions formulées par le Gouvernement sont encourageantes mais loin d'être suffisantes. À titre d'exemple, on peut mentionner les réflexions sur la modulation de l'aide au développement. Au regard des fonds mobilisés et des pays qui en bénéficient, il est évident que cette politique gagnerait à être mise en cohérence avec les objectifs de notre politique d'immigration. Il conviendrait de désigner, au sein de l'État, une personne chargée de traiter ces problématiques de façon transversale car celles-ci intéressent non seulement le ministère de l'intérieur mais aussi le ministère des affaires étrangères et le ministère des solidarités et de la santé.

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