Il me revient de vous présenter les crédits du projet de loi de finances pour 2020 relatifs aux transports routiers, dans un contexte lourd marqué par l'effondrement avant-hier d'un pont en Haute-Garonne, qui a causé la mort de deux personnes et qui interroge sur la sécurité de nos ouvrages d'art.
Comme cela a été souligné à l'instant par M. Didier Mandelli, le PLF prévoit une augmentation du budget de l'Afitf pour le porter à près de 3 milliards d'euros l'année prochaine, conformément à la trajectoire prévue par le projet de loi d'orientation des mobilités.
Cette augmentation porte notamment sur les crédits dédiés à l'entretien du réseau routier national non concédé, qui atteindront 870 millions d'euros l'année prochaine, un montant en hausse par rapport à la moyenne des années précédentes.
Parmi ce montant, 79 millions d'euros seront consacrés à l'entretien des ouvrages d'art du réseau routier national, soit environ 10 millions d'euros de plus qu'en 2019.
Toutefois, comme nous avons eu l'occasion de le rappeler à plusieurs reprises, le montant consacré à l'entretien du patrimoine routier reste inférieur à celui recommandé par l'audit externe du réseau routier réalisé en 2018 et par le Conseil d'orientation des infrastructures, qui ont estimé qu'un milliard d'euros par an étaient nécessaires afin d'enrayer la dégradation du réseau et de le remettre à niveau en une dizaine d'années.
S'agissant des ouvrages d'art, le besoin estimé par ces audits est de 120 millions d'euros par an. Or, le Gouvernement prévoit d'atteindre un tel montant sur la période 2023-2027 seulement.
Les moyens augmentent donc trop lentement par rapport aux besoins d'entretien des infrastructures routières, qui sont très importants.
L'état du réseau routier national non concédé s'est en effet dégradé de manière continue ces dernières années et est aujourd'hui inquiétant, comme l'ont montré les récents travaux de notre commission sur le sujet. En ce qui concerne les chaussées, la proportion de chaussées en bon état structurel est passée de 85,4 en 2011 à 82 % en 2017. Cela veut dire qu'en 2017, 18 % des chaussées présentaient des dégradations structurelles nécessitant des interventions lourdes de régénération.
S'agissant des ouvrages d'art, le rapport de notre commission sur la sécurité des ponts a montré qu'entre 2007 et 2017, le pourcentage de ponts nécessitant un entretien sous peine de dégradation ou présentant des défauts a fortement augmenté, passant de 65 % à 79 %, tandis que le nombre de ponts en bon état apparent s'est réduit de 13 % à 11 %.
Cette dégradation est le résultat d'années de sous-investissements dans l'entretien du réseau routier, dont nous payons le prix, et nécessite aujourd'hui de réaliser un effort financier important pour remettre le patrimoine routier en état.
Au-delà du réseau routier national, les travaux de la mission sur la sécurité des ponts ont montré que l'état des ouvrages d'art gérés par les collectivités territoriales, en particulier par les communes et les intercommunalités, est inquiétant et pose des problèmes de sécurité et de disponibilité.
Les communes et les intercommunalités, qui gèrent entre 80 000 et 100 000 ponts, peuvent rencontrer des difficultés importantes pour gérer leurs ponts, en raison du coût que cela représente. La mission avait par conséquent souligné l'urgence de mettre en place un fonds d'aide aux collectivités territoriales.
Force est de constater que le projet de loi de finances pour 2020 est muet sur ce sujet puisqu'il ne comporte aucune mesure permettant d'aider ces collectivités à surveiller et entretenir leur patrimoine.
En application de la loi « Didier » de 2014, un recensement des ponts de rétablissement a été réalisé : 15 400 ponts ont été recensés, qui sont aujourd'hui à la charge des seules collectivités territoriales. Des négociations vont bientôt s'engager pour définir des conventions de partage de frais entre les collectivités, d'une part, et l'État, SNCF Réseau et Voies navigables de France (VNF) d'autre part.
L'aide financière qui pourra être apportée aux collectivités par ce biais, dont le montant est encore inconnu, ne saurait dans tous les cas être suffisante puisqu'elle ne concernera que 8 % des ponts gérés par les collectivités territoriales.
S'agissant des crédits consacrés à la modernisation et au développement du réseau routier national, qui permettent principalement de financer les opérations inscrites dans les contrats de plan État-région (CPER) 2015-2020, ils s'élèveront l'année prochaine à 671 millions d'euros, dont 63 % sont apportés par l'Afitf et 37 % par les collectivités territoriales.
Je m'inquiète toutefois du retard important pris dans l'exécution du volet « mobilité » des CPER, puisque, fin 2018, le taux moyen d'exécution était de 40 % - et seulement de 34 % pour le volet routier. Le Gouvernement souhaite par conséquent prolonger de deux ans les CPER actuels, jusqu'en 2022, et vise un objectif de réalisation à cette échéance de 80 %.
Pour terminer, je souhaiterais dire quelques mots du dispositif bonus-malus. M. Jean-François Longeot l'a indiqué la semaine dernière : le projet de loi de finances prévoit de durcir substantiellement le barème du malus automobile, en abaissant le seuil à partir duquel il s'applique de 117 à 110 grammes de CO2 par kilomètre.
Cela engendrera un gain d'environ 141 millions d'euros en 2020, permettant de financer les aides à l'acquisition de véhicules propres à hauteur de 800 millions d'euros, dont 405 millions d'euros au titre de la prime à la conversion et 395 millions d'euros au titre du bonus automobile.
Toutefois, le renforcement du malus automobile s'applique dans un contexte de restriction des aides à l'acquisition de véhicules propres. En effet, le Gouvernement a fortement resserré les conditions d'octroi de la prime à la conversion cet été, en excluant notamment les véhicules de plus de 60 000 euros et les véhicules d'occasion peu polluants classés Crit'Air 1 et 2.
Cette modification a été faite dans une logique budgétaire, en raison du succès rencontré par la prime : au 1er octobre, plus de 290 0000 demandes de primes ont été acceptées lorsque 255 000 primes ont été versées sur l'ensemble de l'année 2018.
Les professionnels de l'automobile sont inquiets de l'effet que cette restriction aura sur le nombre de primes versées.
Je regrette pour ma part qu'elle ne puisse plus bénéficier à l'achat de véhicules d'occasion peu polluants, ce qui constituait pourtant un levier important de renouvellement du parc automobile français, et que le plafonnement à 60 000 euros du prix des véhicules éligibles à la prime conduise à exclure les véhicules à hydrogène, compte tenu de leur coût.
Par ailleurs, le bonus est trop restrictif puisqu'il ne bénéficie plus aux véhicules hybrides rechargeables depuis 2018.
Le renforcement du malus automobile ne me paraît pourtant justifié que si, en parallèle, les aides à l'acquisition de véhicules propres sont ambitieuses pour permettre un renouvellement rapide du parc automobile français.
Il conviendra donc d'être très vigilants sur l'évolution du nombre d'aides versées dans les mois à venir, et de demander si besoin au Gouvernement d'ajuster rapidement leurs critères d'attribution.
Pour conclure, je tiens à rappeler que le projet de loi de finances entend mettre en place, au cours des premiers mois de l'année 2020 une nouvelle grille de malus calculée en fonction du système européen de mesure des émissions WLTP, ce qui pourra avoir pour effet d'augmenter le montant des malus dus par certains types de véhicules. Je salue donc l'amendement que nous avons adopté la semaine dernière à l'initiative de M. Longeot visant à reporter l'entrée de cette nouvelle grille de malus au 1er janvier 2021.
Comme j'ai déjà pu le faire, je dénonce la suppression du compte d'affectation spéciale relatif au « bonus-malus ». La ministre nous a affirmé que ce remplacement est motivé par la situation constatée durant l'année 2018 où, face au succès de ce dispositif, le compte s'est retrouvé insuffisamment pourvu de crédits et a dû être abondé en urgence Toutefois, compte tenu du durcissement du malus et du rétrécissement de l'accès aux aides à l'acquisition de véhicules propres, je crains que cette transformation cache une technique bien connue pour réaffecter l'argent du malus de ce compte sur d'autres politiques publiques de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, je vous proposerai d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs aux transports routiers du projet de loi de finances pour 2020.