Il me revient de vous présenter les crédits relatifs au transport aérien pour l'année 2020. Pour rappel, contrairement à ceux dédiés aux transports ferroviaire, routier et maritime, les crédits alloués à la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) pour lui permettre d'effectuer ses missions de régulation et de contrôle du transport aérien ne sont pas retracés dans une mission budgétaire, mais dans un budget annexe, financé par le seul biais de taxes et de redevances directement prélevées sur les acteurs du transport aérien.
Je ne m'étendrai pas longtemps sur le budget annexe, dont les évolutions pour 2020 s'inscriront dans la continuité des exercices antérieurs. Les dépenses continueront d'augmenter à un rythme modéré, de 0,9 %, principalement en raison de la poursuite d'une stratégie d'investissements visant à renouveler et moderniser les instruments de navigation aérienne. En dépit d'un schéma d'emplois nul, la masse salariale devrait également augmenter, de 0,4 %, dans le cadre de la négociation du prochain protocole social pour la période 2020-2024, qui devra permettre, dans la continuité du protocole actuel 2016-2019, la mise en oeuvre d'actions de performance et de modernisation des services de la DGAC. Quant aux recettes, elles continueront d'augmenter, de 0,7 %, à un rythme bien inférieur à la croissance du trafic.
En conséquence, le budget de la DGAC devrait poursuivre son assainissement entamé en 2015. L'encours de la dette du budget annexe devrait atteindre 662 millions d'euros à la fin de l'exercice 2020, soit près de deux fois moins que 5 ans auparavant.
Enfin, j'aborderai rapidement les crédits relatifs aux lignes d'aménagement du territoire, qui ne relèvent pas du budget annexe mais du programme 203 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Comme l'a rappelé le récent rapport de notre collègue Josiane Costes, les lignes d'aménagement du territoire constituent des outils indispensables au désenclavement et à la cohésion des territoires et doivent à ce titre être pérennisées. On ne peut que se réjouir de voir les crédits affectés aux lignes d'aménagement du territoire continuer de croître d'environ 20 %, pour atteindre les 20 millions d'euros, permettant l'ouverture de nouvelles lignes, comme celle reliant Paris et Quimper.
J'aimerais surtout, ce matin, revenir sur deux sujets majeurs qui ont alimenté l'actualité de ces derniers mois : la situation du pavillon français et la limitation de l'impact environnemental du transport aérien.
J'aimerais tout d'abord commencer par évoquer la situation du pavillon français. Il n'est pas exagéré d'affirmer que 2019 a été une véritable année noire pour le transport aérien français. En septembre et octobre dernier, Aigle Azur et XL Airways ont fait faillite, occasionnant la suppression de près de 2 000 emplois. Si ces faillites contribuent à un indispensable mouvement de consolidation du pavillon français, elles mettent surtout en lumière la fragilité des compagnies nationales. Air France n'est pas totalement épargnée : malgré le redressement progressif de sa situation suite à l'accord de 2018 entre la direction et les représentants syndicaux, la compagnie française continue d'enregistrer des résultats largement inférieurs à ceux de ses principaux concurrents européens et de son partenaire KLM, avec une marge d'environ 2 % en 2018 contre 9 % pour la compagnie néerlandaise. Au total, le pavillon français continue de perdre du terrain face à la concurrence : la part des transporteurs français dans le trafic de passagers s'établit à 41 %, soit 20 points de moins qu'au début des années 2000.
Les faillites de XL Airways et d'Aigle Azur, les difficultés d'Air France, le recul des parts de marché du pavillon national, découlent de causes multiples. Cependant, le constat unanimement partagé lors des Assises du transport aérien de 2018 a à nouveau été dressé lors des auditions que j'ai menées : les difficultés de nos compagnies s'expliquent en grande partie par leur déficit de compétitivité. À ce sujet, on ne peut que déplorer l'absence de cohérence de la politique du Gouvernement, qui avait allégé la fiscalité de l'aérien d'environ 120 millions d'euros dans la loi de finances 2019, avant de proposer dans le présent projet de loi de finances une hausse de la taxe de solidarité d'environ 180 millions d'euros afin de financer l'Afitf. Plusieurs mois après la clôture des Assises du transport aérien, le Gouvernement semble donc avoir renoncé à faire du redressement du pavillon français un axe prioritaire de sa politique. En outre, il semblerait que le Gouvernement ne dispose pas d'un état des lieux précis de l'environnement fiscal dans lequel évoluent nos compagnies : la remise du rapport d'information portant sur les niveaux de fiscalité du secteur aérien en France en comparaison avec ses voisins européens, initialement prévue au 1er octobre 2019 par le projet de loi d'orientation des mobilités, a été repoussée à mars 2020. Le manque d'informations objectives sur les « coûts de touchée » des compagnies affaiblit grandement la capacité du Parlement à débattre de manière éclairée sur le sujet crucial de la compétitivité du pavillon français.
J'en viens maintenant à la question de l'impact environnemental du transport aérien, qui représente 2 % des émissions mondiales, et plus de 4 % des émissions françaises de gaz à effet de serre. La réduction du bilan carbone du secteur constitue un défi de taille ; selon les prévisions de l'Association internationale du transport aérien (AITA), le trafic international devrait être multiplié par deux d'ici 2040. Un effort colossal devra donc être entrepris pour contrebalancer cette croissance par une amélioration de la performance environnementale du transport aérien. De nombreux efforts sont d'ores et déjà engagés par le secteur pour relever ce défi : optimisation de la trajectoire des vols, progrès technologiques visant à renforcer l'efficacité énergétique des appareils... Au niveau mondial, le programme CORSIA permettra de compenser dès 2021 les émissions dépassant les niveaux enregistrés en 2020. Au niveau européen, les vols intracontinentaux sont soumis au marché ETS des droits à polluer. Cependant, pour accompagner le transport aérien français vers un développement conforme aux ambitions climatiques du pays, il est aujourd'hui indispensable de passer à la vitesse supérieure en matière de recherche et développement. Dès lors que les technologies hybrides ne pourront pas constituer une alternative sérieuse avant 20 ou 30 ans, la France doit massivement et rapidement investir dans la structuration d'une filière française de biocarburants de seconde génération, n'entrant pas en concurrence avec la production agricole à vocation alimentaire. Ces filières, qui sont aujourd'hui peu matures, pourraient constituer à moyen terme le principal levier de réduction des émissions de gaz à effet de serre du transport aérien. Malgré les efforts aujourd'hui consentis via les travaux du Conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC), qui investit environ 70 millions d'euros par an dans la recherche environnementale, un changement d'échelle de l'investissement public s'avère indispensable. Il est donc regrettable que l'accroissement de la fiscalité sur l'aérien prévue par le PLF 2020 ne bénéficie pas au développement de cette recherche, pourtant fondamentale.
Pour résumer, en accompagnant le secteur dans sa transition énergétique par un soutien massif à l'innovation, il me semble possible de concilier le redressement de la compétitivité du pavillon français et la limitation de son impact climatique : encore faut-il que le Gouvernement se donne les moyens de s'engager sur cette voie, qui doit être celle d'une nation du rang de la France, pionnière de l'aérien.
Voilà les principaux éléments que je voulais vous communiquer sur les transports aériens. Pour ce qui est du vote sur les crédits du transport aérien du projet de loi de finances pour 2020, compte tenu de l'assainissement du budget de la DGAC et de la poursuite d'une stratégie d'investissements visant à moderniser les instruments de la navigation aérienne, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption de ces crédits.