Intervention de Guillaume Chevrollier

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 20 novembre 2019 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Mission « écologie développement et mobilité durables » - programmes 113 159 174 181 et 217 et mission « recherche et enseignement supérieur » - programme 190 - examen du rapport pour avis

Photo de Guillaume ChevrollierGuillaume Chevrollier, rapporteur pour avis :

Cette année encore nous vous présenterons successivement, pour des raisons de cohérence et de lisibilité, les trois avis de M. Houllegatte, de M. Médevielle et de moi-même. Ils seront tous trois regroupés au sein d'un même rapport portant sur les crédits relatifs à l'environnement. Il s'agit des crédits dédiés aux politiques de l'eau et de la biodiversité, de l'énergie, du climat et de l'après-mines, de l'expertise, de l'information géographique et de la météorologie, de la prévention des risques et de recherche en matière de développement durable. Ces crédits se retrouvent au sein des programmes 113, 159, 174, 181 et 217 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et du programme 190 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Avant d'en venir au détail des programmes que j'ai analysés, je souhaiterais formuler quelques observations liminaires plus générales.

Le Gouvernement a affiché cette année une forte ambition environnementale. Transformation du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), augmentation des crédits du bonus automobile, effort consenti aux investissements dans les transports du quotidien, ou encore préparation d'un « budget vert » pour 2021, autant de mesures censées répondre à « l'urgence écologique » dès 2020.

Dans ce cadre, le ministre des comptes publics s'est engagé à construire pour l'année prochaine un « PLF 2021 vert », sur la base des travaux de l'Inspection générale des finances et du Conseil général de l'environnement et du développement durable, qui ont proposé en septembre une « méthodologie » pour une « budgétisation environnementale ».

L'année dernière, nous avions déjà, au sein de notre commission, préconisé d'améliorer le système d'évaluation de performance budgétaire ainsi que l'évaluation de l'impact des impôts et subventions sur un certain nombre d'objectifs de développement durable (ODD), sur le modèle de la Finlande par exemple. Aucune suite n'avait pourtant été donnée. Il est ainsi permis de s'interroger sur celles qui seront données à cet affichage de « verdissement » de la présentation budgétaire alors que les avancées en elles-mêmes pour cette année paraissent bien maigres.

En effet, l'augmentation de 9 % des crédits de l'ensemble de la mission « Écologie » masque en réalité un grand nombre d'évolutions de périmètre.

Ils incluent ainsi par exemple la création d'un nouveau programme au sein de la mission consacré à la charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État ou encore le transfert dans le programme 174 des crédits du bonus automobile et de la prime à la conversion auparavant portés par le compte d'affectation spéciale.

Les effectifs sont par ailleurs en baisse de 1 073 équivalents temps plein (ETP), dont 797 pour l'État et 276 pour ses opérateurs. Alors que le ministère de la transition écologique est le deuxième ministère le plus touché par la réduction des effectifs, on peut s'interroger sur la cohérence de cette décision budgétaire avec les priorités affichées.

L'évolution des ETP des agences de l'eau, des parcs nationaux et de Météo-France, en baisse permanente depuis plusieurs années est, de ce point de vue, significative. J'en viens maintenant aux deux points que je voulais spécifiquement aborder sur mes crédits.

Le premier concerne les politiques de l'eau et de la biodiversité.

Les crédits du programme 113 augmentent de 26 % en crédits de paiement, soit 41,6 millions d'euros de plus qu'en 2019. Et une augmentation de 51 millions d'euros est prévue pour 2021.

Une des intentions politiques clairement exprimées par le Gouvernement, notamment dans la perspective de la prochaine Conférence des parties de la Convention sur la diversité biologique (COP 15), consiste à faire de la « biodiversité » une priorité aussi forte que le « climat ». Dans ce cadre, les 10 millions d'euros alloués l'année dernière à la mise en oeuvre du Plan biodiversité sont reconduits pour 2020, ce dont nous pouvons nous réjouir.

Cinq millions d'euros supplémentaires pour le plan et cinq millions d'euros pour les parcs nationaux sont prévus à partir de 2021, sachant qu'un 11ème parc national vient d'être créé.

Cependant, la quasi-intégralité de l'augmentation de ces crédits recouvre en réalité la compensation de la réforme de la chasse conduite en 2019.

En effet, la subvention pour charges de service public de 41,2 millions d'euros qui sera versée par le programme 113 au nouvel opérateur de la nature et de la biodiversité, l'Office français de la biodiversité (OFB), ne fera que compenser le manque à gagner causé au nouvel établissement par la baisse du montant des redevances cynégétiques que doivent payer les détenteurs d'un permis de chasser, par le transfert des missions relatives à la gestion des associations communales de chasse agréées et des plans de chasse de l'autorité préfectorale vers les fédérations départementales des chasseurs et par la contribution de l'État au financement d'actions de protection de la biodiversité incombant aux fédérations départementales.

En outre, la constante réorganisation de la gouvernance de la biodiversité - marquée par la création au 1er janvier 2020 de l'Office français de la biodiversité issu de la fusion de l'Agence française pour la biodiversité (AFB) et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) - fragilise depuis plusieurs années déjà le déploiement des politiques publiques de biodiversité, pèse sur la crédibilité de la France, notamment à l'occasion des rendez-vous importants en matière de biodiversité que constitueront le Congrès mondial de la nature à Marseille et la COP 15, mobilise des moyens et des efforts importants de la part des établissements concernés, qui pourraient être consacrés à des actions de préservation de la biodiversité et insécurise les agents de ces opérateurs.

Au-delà, nous devrons être attentifs à ce que le coût de la réforme de la chasse, qui à ce stade est entièrement financé par le programme 113, ne conduise pas, in fine, à peser financièrement sur les agences de l'eau, chargées du recouvrement des redevances cynégétiques pour le compte de l'OFB, leur plafond ayant été relevé sur la base d'un rendement prévisionnel. Or, il n'est pas impossible d'imaginer, à terme, une baisse du nombre de chasseurs et donc, mécaniquement, une baisse de ce rendement, avec le risque éventuel d'une compensation à verser à l'OFB.

D'une manière plus générale, deux chantiers importants devront rapidement être mis à l'ordre du jour en ce qui concerne le fonctionnement des agences de l'eau :d'une part la diversification des redevances qu'elles perçoivent afin de mieux les adosser à la diversité des atteintes à la biodiversité et aux milieux ;d'autre part, dans le prolongement des assises de l'eau, la réforme des redevances domestiques afin de les asseoir sur la performance des stations d'épuration.

Mon deuxième point d'attention concerne la situation de l'établissement public Météo-France. Je me suis rendu sur le site toulousain de la Météopole. Si l'action n° 13 du programme 159 augmente très légèrement cette année pour s'établir à 189,8 millions d'euros, c'est grâce à un financement complémentaire de 7,7 millions d'euros prévu pour le supercalculateur, tandis que, à l'inverse, la subvention pour charge de service public allouée par le programme à l'établissement public diminue d'1,7 million d'euros.

Les organisations syndicales, que j'ai pu rencontrer sur place, m'ont alerté sur la diminution de 20 % des effectifs en 10 ans. Cette année encore, le PLF prévoit une baisse de 95 ETP, pour arriver à un total de 2 736 emplois. Et 475 ETP supplémentaires devraient être supprimés d'ici 2020. Ce mouvement de restructuration s'est accompagné d'un vaste plan de fermeture des centres territoriaux. Je souligne néanmoins qu'un moratoire d'un an sur la fermeture des implantations territoriales de montagne semble avoir été acté par la nouvelle présidente, afin de se donner le temps d'évaluer comment limiter les éventuelles conséquences que pourrait avoir une telle réorganisation sur la qualité des données collectées et sur le fonctionnement de la chaîne d'alerte en matière de prévention et de gestion des risques.

Les missions de Météo-France sont essentielles : cette baisse de moyens ne doit pas mettre en péril les objectifs affichés.

Les progrès en matière d'anticipation des phénomènes extrêmes et de projections climatiques dépendent de la qualité et de la fiabilité des outils ainsi que de la puissance de calcul à disposition de Météo-France.

La priorité en matière d'investissement est ainsi mise sur le renouvellement du supercalculateur - avec un coût total du projet s'élevant à 144 millions d'euros. Ce dernier devra notamment permettre d'améliorer la prévision des phénomènes dangereux (avec un gain de une à deux heures d'échéance sur les prévisions) et d'améliorer la précision géographique et donc de mieux déterminer les risques.

Voici mes chers collègues, ce que je tenais à vous dire sur ces crédits, ainsi que les inquiétudes qu'ils soulèvent, qui m'amènent à vous proposer d'adopter, comme l'année dernière d'ailleurs, un avis défavorable à l'adoption des crédits des programmes 113, 159 et 174.

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