Intervention de Michelle Demessine

Réunion du 16 juillet 2009 à 22h30
Programmation militaire pour les années 2009 à 2014 — Vote sur l'ensemble

Photo de Michelle DemessineMichelle Demessine :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme d’un débat tronqué sur ce projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014.

Je dis bien « débat tronqué », car nous n’avons pas eu de véritable discussion au Sénat. En effet, cédant aux pressions du Président de la République, la majorité sénatoriale a accepté de voter « conforme », c’est-à-dire sans le modifier, le texte qui avait auparavant été examiné par l’Assemblée nationale.

Nous avons assisté au spectacle un peu dérisoire, mais dangereux pour la démocratie, d’un gouvernement qui ne se donnait pratiquement pas la peine de répondre à nos arguments – nous en avons eu l’illustration ce matin –, contrairement à M. le rapporteur et, parfois, à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois, qui ont au moins eu cette courtoisie.

Ce texte n’ayant en aucune manière évolué, vous comprendrez que nous y demeurions opposés.

Le projet de loi de programmation militaire, prétendument destiné à adapter nos armées aux réalités d’aujourd’hui, est fondé sur des conceptions stratégiques que nous ne partageons pas et utilise des moyens que nous récusons. Il est également très fortement inspiré par la logique purement comptable de la RGPP, qui prévoit de supprimer 54 000 emplois en cinq ans dans ce secteur. Nous le contestons donc sur plusieurs points.

D’abord, nous nous opposons à la réorientation stratégique fondamentale décidée par le Président de la République et consistant à réintégrer le commandement militaire de l’OTAN. Cette réorientation s’est faite sans conditions et sans avoir obtenu de réelles avancées dans la construction d’une politique européenne de défense.

Ensuite, la modification de quelques articles du code de la défense pour les adapter au nouveau concept de « stratégie de la sécurité nationale », qui se substitue à la défense nationale et à la sécurité intérieure, n’est pas compatible avec notre modèle républicain. Une telle évolution a pour conséquence une concentration des pouvoirs en la matière entre les mains du seul Président de la République, avec la création du Conseil de défense et de sécurité nationale, ce qui introduit un déséquilibre institutionnel.

L’extension du secret de la défense nationale à des lieux, et non plus seulement à des documents, qui restreint les pouvoirs d’enquête des magistrats, est également une disposition dangereuse pour la démocratie, de nature à modifier gravement l’équilibre des pouvoirs entre l’exécutif et le judiciaire. En outre, de telles dispositions n’ont pas leur place dans une loi de programmation militaire.

D’un point de vue budgétaire, nous critiquons tout aussi fortement la manière dont cette loi de programmation sera financée. Si nous ne remettons pas en cause la nécessité des programmes d’équipement de nos forces, à l’exception de la place trop importante qui est accordée à l’armement nucléaire, nous nous opposons au fait que l’essentiel du financement repose sur un aussi vaste plan de suppression d’emplois et sur des recettes exceptionnelles provenant de cessions immobilières et de ventes de fréquences très incertaines.

Enfin, cette loi de programmation souffre d’un manque de perspectives cohérentes en matière de politique industrielle de défense. Nous refusons tout particulièrement le processus de privatisation des deux industries stratégiques de ce secteur que sont DCNS et SNPE.

Telles sont les principales raisons pour lesquelles le groupe CRC-SPG votera contre ce projet de loi de programmation militaire.

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