Intervention de Didier Boulaud

Réunion du 16 juillet 2009 à 22h30
Programmation militaire pour les années 2009 à 2014 — Vote sur l'ensemble

Photo de Didier BoulaudDidier Boulaud :

Si, monsieur le rapporteur ! Nous sommes majoritaires. D’ailleurs, si vous souhaitez en avoir la confirmation, nous pouvons très bien retirer notre demande de scrutin public…

Le débat nous a apporté quelques précisions utiles, non pas tant sur le projet de loi de programmation militaire que sur la capacité du Gouvernement à imposer ses points de vue à une majorité devenue très docile. Ainsi, après avoir fait lanterner ce projet de loi pendant de très longs mois – un record en la matière –, on joue à présent la précipitation et on fait voter au canon. Les sénateurs UMP se plient aux volontés des députés UMP, eux-mêmes guidés par l’Élysée. Les deux malheureux amendements qui avaient été déposés par deux courageux sénateurs UMP ont été, l’un, retiré, l’autre, non défendu. Ils montraient pourtant l’inquiétude de nos collègues s’agissant de la mise à l’encan de la SNPE.

Le Sénat conservateur serait-il devenu le Sénat conformiste, c’est-à-dire le lieu où l’on vote conforme sans barguigner ?

Pourtant, ce texte méritait plus d’égards et de débats, et il méritait surtout d’être amélioré. Nous considérons en effet que les questions de défense doivent être au cœur de la cité. Pour cela, nos débats doivent être à la hauteur des enjeux, et non pas devenir le théâtre d’ombres d’une majorité trop sûre et dominatrice.

Sur la forme, nous récusons donc les conditions dans lesquelles nous avons examiné ce projet de loi, car elles sont peu démocratiques et risquent, in fine, d’alimenter la méfiance des citoyens à l’égard des institutions représentatives.

Sur le fond, nous avons exposé nos griefs, nos critiques, et nous avons avancé des propositions. Nos amendements visaient à apporter les améliorations nécessaires à ce texte. Nous n’avons pas été entendus ! Le couperet du « vote conforme » avait déjà été décidé avant même le début de l’examen du projet de loi.

Nous ne voterons pas ce projet de loi de programmation militaire parce qu’il inclut certaines mesures résultant d’un choix idéologique contestable, contenu dans le Livre blanc, dont la pire expression est vraisemblablement la décision de réintégrer la France dans le commandement militaire de l’OTAN. Nos propositions portaient notamment sur l’Europe de la défense, qui est à peine mentionnée dans le texte.

Nous ne voterons pas ce projet de loi parce que – nous y reviendrons lors du débat sur le projet de loi de sécurité intérieure – nous n’acceptons pas le concept de « sécurité nationale », qui fait tomber la frontière séparant la défense nationale de la sécurité intérieure et qui aboutit à une autre organisation de la sécurité à l’intérieur de notre pays, plaçant ainsi l’ensemble des pouvoirs entre les mains du Président de la République, qu’il s’agisse de l’organisation du renseignement, mais également de l’ensemble des forces de l’ordre.

Notre collègue et ami Robert Badinter vous a déjà dit ce qu’il fallait penser des dispositions relatives au secret défense. Je ne peux pas croire qu’aucun doute ne traverse l’esprit des éminents juristes siégeant sur les travées de la droite. Je ne peux pas croire que ceux-ci émettront un vote conforme sur de tels articles sans ressentir un petit pincement au cœur, même s’ils finiront, hélas ! par les adopter.

Mais n’oublions pas qu’il s’agit d’un texte prévu pour programmer l’avenir financier de notre défense. Et le bât blesse également là !

Nous ne voterons pas ce projet de loi de programmation militaire, qui ne nous paraît pas sincère dans son architecture budgétaire, trop soumise à un ministre amateur de paris audacieux. D’ailleurs, M. le ministre nous a indiqué hier qu’il n’y avait pas de vie sans aléas. Je suis donc allé regarder de plus près la définition de ce joli mot de la langue française et j’ai lu dans le dictionnaire qu’« aléa » signifiait « hasard » ou « événement imprévisible ».

Imprévisible, dites-vous ? En réalité, je ne crois pas qu’un tel adjectif puisse s’appliquer au financement des mesures contenues dans ce projet de loi. J’ignore s’il sera menacé par des événements imprévisibles, mais je sais que des événements très prévisibles le mettent en danger de mort. Nous les avons énumérés dans nos interventions. Je vous les rappelle pour mémoire.

Premièrement, nous constatons une surévaluation des recettes, qu’il s’agisse des recettes exceptionnelles de 3, 7 milliards d’euros devant résulter de la vente des fréquences et des actifs immobiliers du ministère de la défense, dont 1, 6 milliard d’euros ont été inscrits en loi de finances pour 2009 et dont le premier euro n’est toujours pas réalisé.

Deuxièmement, le plan social conduit par votre ministère au nom de la révision générale des politiques publiques, qui conditionne le financement des équipements dont nos armées ont besoin, est sous-évalué, tout comme le sont les opérations extérieures.

Troisièmement, les programmes d’armement sont mal calibrés.

Quatrièmement, les effets de la crise économique sont aggravés par votre politique sociale et budgétaire, ensevelis que vous êtes sous l’endettement de la nation et les déficits. Il suffisait d’assister au débat d’orientation budgétaire aujourd'hui ou à l’examen du projet de loi de règlement hier pour s’en convaincre.

Il n’est pas question de refaire ici le catalogue de nos critiques. Vous auriez gagné à incorporer nos amendements dans votre texte, mais c’est trop tard !

Plusieurs intervenants ont salué les personnels civils et militaires de la défense. Nous avons reconnu humblement le professionnalisme, le dévouement, le courage et la capacité d’adaptation de nos soldats. Or je crains que, pour ces femmes et ces hommes, pleinement intégrés dans la Nation et servant la République avec honneur et dévouement, ne vienne bientôt le temps de la déception, ce temps d’orage et de larmes qui survient après que s’est déchiré le voile des promesses non tenues.

Nous voterons contre ce projet de loi et nous vous donnons rendez-vous, monsieur le ministre, dès le mois de décembre 2010 pour analyser son adéquation avec le prochain budget de votre ministère !

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