Monsieur le président, mes chers collègues, il me revient aujourd'hui de vous présenter les crédits de la mission « Outre-mer » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020, dont notre commission s'est saisie pour avis. Le budget de l'année dernière visait à donner une traduction concrète aux orientations définies dans le « Livre bleu outre-mer » élaboré dans le prolongement des Assises des outre-mer. Le budget pour l'année 2020 vient consolider ces orientations.
En 2019, deux dépenses fiscales en faveur des territoires ultramarins ont été supprimées. Le Gouvernement s'était engagé à ce que les 170 millions ainsi dégagés abondent dans leur totalité le budget en faveur des outre-mer. Pour la deuxième année consécutive, ces engagements sont respectés.
Malgré cela, les crédits de la mission « Outre-mer » sont en diminution en 2020. Cela s'explique principalement par deux mesures de périmètre. Comme le souhaitent les Polynésiens, la dotation globale d'autonomie est transformée à l'occasion de ce projet de loi en prélèvement sur recettes. Il s'agit d'une disposition que nos deux assemblées avaient votée l'an dernier, mais que le Conseil constitutionnel avait censuré car il ne la trouvait pas suffisamment précise. Espérons que les précisions apportées soient suffisantes. La seconde mesure est la transformation d'un prélèvement sur recettes au bénéfice de la collectivité territoriale de Guyane en dotation budgétaire.
Une fois ces mesures de périmètre prises en compte, la baisse des crédits de la mission « Outre-mer » n'est plus que de 1,3 % en autorisations d'engagement et 3,9 % en crédits de paiement. Elle correspond à une adaptation à la sous-exécution récurrente des crédits consacrés aux conditions de vie outre-mer.
En réponse à cette sous-consommation, plusieurs actions de soutien à l'ingénierie devraient être mises en place en 2020. Une plateforme d'appui aux collectivités devrait voir le jour en Guyane. Des crédits de la ligne budgétaire unique seront destinés à l'aide au montage de projets. Enfin, l'Agence française de développement continuera sa mission d'accompagnement à la maîtrise d'ouvrage à Mayotte et à Saint-Martin.
Par ailleurs, les crédits présentés dans le budget de la mission « Outre-mer » ne prennent pas en compte la partie du produit de la cession des sociétés immobilières d'outre-mer qui viendra abonder la ligne budgétaire consacrée à la construction de logements dans les outre-mer.
Ces éléments permettent de relativiser la légère baisse des crédits de la mission « Outre-mer ». Par ailleurs, la mission ne représente qu'un peu plus de 9 % de l'effort financier global de l'État en faveur des outre-mer, ce qui incite à s'interroger sur la pertinence du périmètre budgétaire. L'action de l'État dans ces territoires comprend un volet budgétaire et un volet fiscal. L'effort budgétaire de l'État est porté par 90 programmes relevant de 30 missions, et s'élève à 22,05 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 21,5 milliards d'euros en crédits de paiement. À cela s'ajoutent les dépenses fiscales en faveur des outre-mer, estimées à 4,5 milliards d'euros en 2020.
Au total, l'effort financier de l'État en faveur des territoires ultramarins s'élève en 2020 à 26,55 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 26 milliards d'euros en crédits de paiement. Il est donc en hausse de respectivement 15,3 % et 17,3 % par rapport à 2019.
J'ai choisi de m'intéresser à l'occasion de cet avis budgétaire à une thématique spécifique. Il s'agit de l'insertion des collectivités ultramarines dans leur environnement régional.
Une bonne insertion de ces territoires dans leur bassin géographique permet en effet à la fois aux collectivités d'affirmer leur potentiel économique, culturel, scientifique et technique, mais aussi de contribuer au rayonnement de la France dans toutes les zones du monde.
Comme le rappelle la Constitution, il revient à l'État de conduire la politique extérieure de la France et de conclure des accords internationaux. Ce préalable étant posé, le législateur n'a cessé, au cours des 20 dernières années, de renforcer les compétences internationales des collectivités ultramarines.
Sous la responsabilité de la France, celles-ci peuvent participer voire conduire les négociations d'accords internationaux, représenter la France au sein d'organisations internationales, adhérer en leur nom propre à des organismes régionaux de leur zone géographique, ou encore affecter des agents chargés de les représenter au sein de missions diplomatiques.
Ces compétences s'accompagnent de nombreux outils de financement, tant nationaux qu'européens.
Au niveau national, il s'agit du fonds de coopération régionale, inscrit au budget de la mission « Outre-mer », et des fonds de la délégation pour l'action extérieure des collectivités territoriales, au sein du ministère des affaires étrangères. Ils visent à promouvoir les actions de coopération décentralisée.
Au niveau européen, s'ajoutent au financement du Fonds européen de développement 5 programmes INTERREG portés par nos collectivités ultramarines : un programme Amazonie, un programme Caraïbes, un programme Océan indien, et deux programmes transfrontaliers dédiés à Mayotte et à Saint-Martin.
Les collectivités ultramarines ne se sont toutefois pas entièrement saisi de leurs nombreuses compétences et des dispositifs de financement existants. Un bilan par zone fait apparaître de grandes différences.
Dans la zone océan Indien, la coopération régionale concerne principalement les pays voisins, mais des actions de coopération existent également avec des pays de l'Afrique australe et certains pays d'Asie. La Réunion, qui possède une tradition d'intervention bien établie, est plus active que Mayotte. Le conseil départemental de Mayotte se saisit toutefois progressivement de ses nouvelles compétences. Il a adopté, en juillet 2018, une stratégie de coopération décentralisée et d'action internationale, qui définit une feuille de route pour les années à venir. Par ailleurs, la France a signé en juillet 2019 un accord-cadre avec les Comores, qui vise à renforcer la coopération décentralisée avec ce pays.
Les territoires de la zone Antilles-Guyane sont particulièrement actifs en matière internationale : les collectivités ont une politique historiquement active d'adhésion aux organisations régionales. Elles sont, contrairement à La Réunion et à Mayotte, adhérentes en leur nom propre. La Guyane et Saint-Martin constituent deux cas particuliers, puisque ces territoires disposent de frontières terrestres avec des États de la zone. La volonté de coopération y est donc particulièrement forte, même si les résultats, notamment avec le Suriname, ne sont pas toujours à la hauteur des attentes.
La zone Pacifique rassemble quant à elle des collectivités dont les compétences sont largement supérieures à celles des collectivités régies par l'article 73 de la Constitution. Les trois collectivités françaises du Pacifique sont très intégrées dans les organisations internationales. La Nouvelle-Calédonie est particulièrement active à l'international : elle dispose de délégués auprès de plusieurs ambassades de France et a récemment professionnalisé son recrutement. La Polynésie française est quant à elle en train de s'ouvrir, que ce soit vers la Chine, la Nouvelle-Zélande, ou l'Amérique latine.
Afin d'encourager à l'utilisation par les collectivités ultramarines de leurs compétences internationales, une politique de soutien a été mise en place par l'État. Depuis 2002, des ambassadeurs délégués à la coopération régionale sont nommés dans chacune des zones géographiques de nos collectivités ultramarines. Depuis 2016, une conférence de coopération régionale est organisée chaque année dans la zone Antilles-Guyane et dans la zone de l'Océan indien. La conférence de coopération régionale de la zone Antilles-Guyane est actuellement en cours. Enfin, des conseillers diplomatiques ont été placés auprès de certains préfets pour faciliter les relations entre les collectivités ultramarines et leurs voisins.
Cette politique doit, à mon sens, être renforcée et certains blocages levés, afin d'encourager les collectivités ultramarines.
En premier lieu, il importe de favoriser les liens entre les habitants des différents territoires. L'article rattaché à la mission « Outre-mer » répond en partie à cette préoccupation : il permettra d'utiliser les aides à la mobilité pour des stages réalisés dans le bassin géographique de nos outre-mer. Cet aménagement est bienvenu.
Par ailleurs, les politiques facilitant l'octroi de visas doivent être encouragées. Pourraient notamment être mis en place des systèmes de visa permanent pour les résidents frontaliers, sur le modèle de ce qui existe entre la Guyane et le Brésil. J'émets cependant une réserve en ce qui concerne la relation entre Mayotte et les Comores, car ces territoires ne sont pas encore prêts à une telle évolution.
En deuxième lieu, nous devons travailler sur l'acceptation des actions de coopération décentralisée par les pays et territoires voisins. Nous pourrions envisager de mieux les associer à la définition des priorités poursuivies. Ou encore de co-construire les axes d'intervention des programmes INTERREG afin qu'ils correspondent pleinement aux besoins locaux.
En dernier lieu, la coopération décentralisée est pensée pour être réalisée entre collectivités de même taille et aux compétences équivalentes. Ce n'est toutefois pas toujours le cas. À titre d'exemple, les districts du Suriname sont les interlocuteurs privilégiés des communes guyanaises, mais n'ont pas de pouvoir de décision propre car l'État surinamais est fortement centralisé. Dans ce cadre, il importe qu'une fois les projets identifiés et lancés au niveau local, l'État puisse prendre le relai pour les faire avancer, au besoin par une négociation d'État à État. La délégation de votre commission des lois qui s'est récemment rendue en Guyane a eu l'occasion de relever cette difficulté.
En conclusion, il me semble que l'insertion des collectivités ultramarines dans leur environnement régional est en bonne voie, même si des ajustements pourraient être envisagés. Le développement de ces politiques relève toutefois surtout de la diffusion de bonnes pratiques.
Cette thématique est une manifestation visible de la difficulté d'appréhender le budget consacré par l'État à nos territoires ultramarins uniquement par le biais des crédits inscrits au budget de la mission « Outre-mer ».
De fait, si l'on peut déplorer la baisse des crédits de la mission Outre-mer, celle-ci est contrebalancée par la hausse des crédits globaux accordés aux outre-mer. La diminution s'explique en outre par les difficultés récurrentes de consommation du budget de cette mission. Je vous propose donc d'être collectivement attentifs à la portée qu'auront les différentes mesures annoncées en termes de soutien à l'ingénierie notamment.
L'ensemble de ces éléments me conduisent à vous proposer de donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits.
Je vous remercie de votre attention.