Depuis 2017, le Gouvernement présente un budget en rupture avec les politiques antérieures. Il repose sur trois piliers : d'abord, un choix clair en faveur de la prévisibilité et de la stabilité des ressources versées aux collectivités ; ensuite, un soutien fort de l'État à l'investissement public local avec un montant historiquement élevé qui s'élève à environ 2 milliards d'euros ; enfin, un renforcement soutenable de la péréquation en faveur des collectivités les moins favorisées. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2020 ne déroge donc pas à ce triptyque.
La nouveauté, dont vous avez déjà beaucoup parlé, porte sur la réforme de la fiscalité locale. Elle modifie le panier de ressources des collectivités à partir de 2021. L'article 5 du PLF a été adopté en séance publique au Sénat samedi dernier. Vous avez confirmé l'architecture de la réforme, même si quelques évolutions paramétriques et le décalage d'un an de l'entrée en vigueur du nouveau panier de ressources pour les collectivités sont prévus.
Je rappelle que la suppression de la taxe d'habitation a été décidée et votée pour permettre une réduction d'impôts de 18 milliards d'euros pour les Français ainsi qu'une compensation juste des collectivités, par des ressources fiscales dynamiques.
J'en viens à la mission proprement dite, dont le montant alloué aux dotations est stabilisé. Les concours financiers de l'État aux collectivités s'élèvent à 48,7 milliards d'euros dans le cadre du PLF pour 2020, ce qui représente une très légère progression des crédits de paiement (CP) à hauteur de 464 millions d'euros par rapport à 2019.
Le montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) est fixé à 26,8 milliards d'euros pour 2020, soit un montant stable par rapport à 2019 hors mesures de périmètre. Pour mémoire, entre 2014 et 2017, la DGF avait baissé de plus de 11 milliards d'euros.
La contribution des collectivités à la trajectoire des finances publiques est désormais assurée par les « contrats de Cahors ». Ces pactes financiers fixent les dépenses de fonctionnement des 322 collectivités aux budgets les plus importants. Ces dispositifs ont produit leurs premiers résultats en 2019. C'est un succès puisque la cible a été largement atteinte. La plupart des collectivités disposent de marges de manoeuvre pour l'avenir. L'effort de solidarité au profit des collectivités les moins bien dotées poursuit sa hausse.
Le PLF pour 2020 prévoit une augmentation des montants consacrés à la péréquation verticale de 220 millions d'euros. Cette progression resterait intégralement financée par redéploiement au sein de la DGF. Avec l'augmentation proposée, ce sont donc près de 30 % de la DGF qui seraient consacrés à la péréquation verticale, soit environ 7,7 milliards d'euros. En revanche, le montant et les règles de calcul de la péréquation horizontale, en particulier le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), seraient stables, à l'exception de deux évolutions apportées lors de l'examen par l'Assemblée nationale.
Sur le montant du fonds de solidarité des communes de la région d'Île-de-France (FSRIF), l'Assemblée nationale a voté une majoration de 20 millions d'euros, reprenant la progression des années précédentes, interrompue seulement en 2019. La garantie de sortie du FPIC a été unifiée et améliorée pour plus d'une centaine d'ensembles intercommunaux, notamment ceux qui n'y auraient plus été éligibles en 2020. En l'état actuel du PLF, ils percevraient l'an prochain 50 % de leurs attributions de 2019. Je précise que la question de la trajectoire de la péréquation sera liée à la manière dont sera mesurée la richesse des collectivités après la réforme fiscale.
La question des indicateurs financiers a été évoquée longuement lors du congrès des maires. Il s'agit du potentiel financier, du potentiel fiscal et des critères retenus pour la péréquation. Ces sujets seront à l'ordre du jour des travaux du comité des finances locales (CFL) en 2020 et certainement en 2021. C'est un point important, car le Gouvernement a clairement indiqué que les indicateurs financiers des communes, des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et des départements devront être revus après la réforme fiscale pour neutraliser les effets de bord liés aux nouvelles ressources attribuées dès 2021.
Lors du printemps de l'évaluation, certains d'entre vous ont insisté sur la nécessité de mieux évaluer l'impact de la péréquation. Ce travail d'évaluation pourra rejoindre dès 2020 les travaux du Gouvernement et du CFL sur les critères et les indicateurs financiers. Je veillerai à ce que le Parlement et les délégations aux collectivités territoriales soient associés en amont à ce travail et aux simulations qui seront faites.
Lors de la réforme de la taxe professionnelle, la nouvelle carte de la richesse avait conduit le Gouvernement à approfondir la péréquation en créant le FPIC. Les conséquences ne seront effectives qu'en 2022, pour la première répartition, après l'entrée en vigueur du nouveau panier de ressources en 2021. Les réunions du CFL sur les indicateurs financiers sont déjà prévues le 14 janvier et le 5 février 2020.
Dans ce PLF, deux mesures spécifiques complètent le volet DGF. Il s'agit, tout d'abord, de l'accompagnement financier lors de la création de communes nouvelles. Depuis 2015, le pacte de stabilité sur la DGF des communes nouvelles a facilité un nombre important de regroupements communaux. Néanmoins, les critères d'éligibilité aux avantages du pacte ont fait l'objet d'une grande instabilité. Cela ne permet pas aux élus de préparer leur projet de fusion sereinement. Le Gouvernement souhaite pérenniser ce soutien aux regroupements, qui devait s'arrêter au 1er janvier 2021. Il propose de poser un cadre unique, simple, pour toutes les fusions qui suivront les élections municipales. Les communes nouvelles créées après cette étape bénéficieront donc, avec les mêmes seuils qu'aujourd'hui, de garanties sur le montant de leurs attributions au titre de la dotation forfaitaire et des dotations de péréquation pendant trois ans. Elles bénéficieront également d'une dotation d'amorçage adoptée par amendement à l'Assemblée nationale. Celle-ci remplace la majoration de 5 % de la dotation forfaitaire, peu pertinente aujourd'hui du fait de son montant très variable selon les communes. Je précise que la création de communes nouvelles reste totalement facultative et au libre choix des élus.
Il s'agit ensuite de la DGF locale, à savoir une répartition qui serait décidée localement au sein d'un EPCI. En effet, afin d'accroître les responsabilités locales, cette mesure a été inscrite dans le PLF. Il s'agit d'une capacité d'agir localement sur la répartition de la DGF des communes. Le constat est simple : la DGF est répartie selon des critères nationaux qui ne peuvent traduire l'ensemble des spécificités des différents territoires. La nouvelle carte intercommunale de 2017 avait eu de nombreux effets de bord sur les indicateurs financiers, notamment pour les communes rurales qui étaient entrées dans de grandes agglomérations. Or, à l'heure actuelle, les communes membres d'un même EPCI ne disposent pas de levier efficace pour procéder à une répartition alternative de la DGF. Nous proposons un système simple et facultatif de répartition dérogatoire de la DGF pour les communes des EPCI, sous réserve de l'accord de chaque commune, et selon des critères qu'elles estimeront les plus adaptés à leurs caractéristiques, à l'instar de ce qui existe pour le FPIC. Il ne faut à cet égard pas sous-estimer la part de 30 % des intercommunalités réalisant une adaptation du FPIC avec ce vote.
Je souhaite insister sur les indemnités des élus. Ce sujet a été débattu au cours de l'examen du projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et la proximité de l'action publique. Lors du congrès des maires, le Premier ministre a annoncé le renforcement du soutien financier aux maires des petites communes. Il se traduira par un abondement de l'enveloppe consacrée à la dotation particulière élu local (DPEL) en faveur des communes fragiles. Cet amendement a été évalué à 28 millions d'euros par le Gouvernement. Je sais que, hier soir, la Haute Assemblée a adopté une autre disposition, dont le coût représente à peu près le double. La mesure que nous avons présentée nous semble appropriée et répond à la philosophie que le Gouvernement soutient dans le projet de loi susmentionné.
Concernant les dotations d'investissement, entre 2015 et 2017, l'État a accru son soutien aux dépenses d'investissement des collectivités territoriales afin de compenser une partie de la contrainte budgétaire. Ce soutien s'est ensuite maintenu à un niveau élevé et avec une grande stabilité. Le PLF pour 2020 reconduit les montants de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) à hauteur de 1,460 milliard d'euros, de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) à hauteur de 570 millions et de la dotation politique de la ville (DPV) à hauteur de 150 millions, au niveau de 2019. La dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID), qui remplace la dotation globale d'équipement (DGE) des départements depuis 2019, est également reconduite à hauteur de 212 millions d'euros en 2020. Au total, l'État engage 2 milliards en 2020 sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales » en soutien à l'investissement local.
Les modalités de gestion de ces concours ont beaucoup évolué ces deux dernières années. D'abord il est prévu, à la suite de la suppression de la réserve parlementaire, une présence des parlementaires et des élus locaux dans les commissions DETR. Je connais toutes les critiques sur ce sujet, mais cette mesure a le mérite d'exister. Il est également prévu une plus grande transparence sur l'utilisation des crédits. Les listes de projets financés sont désormais publiques pour certaines dotations. Des bilans d'utilisation et des analyses ont été publiés en septembre sur le site Internet du ministère. Vous pouvez obtenir les informations pour chaque commune.
Le PLF pour 2020 ne prévoit pas de modification des règles qui encadrent la gestion des dotations. Nous pensons qu'il faut laisser vivre le cadre juridique encore récent, puis améliorer la procédure si nécessaire.
Afin de permettre à chaque élu ou citoyen de connaître les projets soutenus près de chez lui, nous avons rendu publique, il y a quelques jours, une nouvelle carte interactive des dotations d'investissement attribuées par l'État en 2018, commune par commune, en indiquant les montants et la nature des projets. L'information des citoyens est importante. Cette carte est accompagnée d'analyses précises et de documents de synthèse qui permettent de mieux connaître les priorités soutenues. Selon le département, les élus n'ont pas les mêmes objectifs. Nous avions fait de même au printemps pour la DGF, avec une mise en ligne d'une carte et de toutes les données. Je me félicite de cette transparence.
Concernant l'outre-mer, nous proposons une réforme de la dotation d'aménagement des communes et circonscriptions territoriales d'outre-mer (DACOM). Il s'agit d'une composante de la DGF spécifique aux communes ultramarines. Le Président de la République a annoncé un rattrapage financier pour l'outre-mer sur cinq ans, entre 2020 et 2024. Le PLF de cette année constitue une première étape de ce rattrapage. Elle conduit à augmenter la péréquation en outre-mer de 19 millions d'euros entre 2019 et 2020.
Les communes d'outre-mer bénéficient aujourd'hui de la péréquation verticale dans des conditions dérogatoires qui présentent deux difficultés. D'abord, les montants alloués sont inférieurs d'environ 55 millions à ceux qui résulteraient du droit commun. Ensuite, les critères de répartition ne permettent pas de cibler les communes les plus fragiles. Suivant les recommandations du CFL, ce surcroît est réparti de manière « péréquatrice » pour aider les communes qui en ont le plus besoin. Cette majoration s'inscrit dans une démarche plus large. Elle vise à mieux assurer l'autonomie financière des communes d'outre-mer en agissant tant sur leurs recettes, avec un meilleur recensement des bases fiscales, que sur la structure de leurs dépenses.