Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'auditionner Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Je me dois d'excuser M. Sébastien Lecornu, qui a un empêchement légitime et regrettable.
Madame la ministre, cette audition porte sur le budget des relations avec les collectivités territoriales que nous avons examiné hier et pour lequel nous souhaitons vous entendre. Notre commission vous reçoit chaque année dans ce cadre, comme vous le savez, puisque vous êtes à la fois ancienne présidente de la délégation du Sénat pour les collectivités territoriales et ancien membre de notre commission.
C'est aussi l'occasion pour nous d'évoquer certaines politiques publiques financées sur ces crédits. Le budget est l'acte majeur de l'action du Gouvernement. Nous parlerons donc de finances, mais aussi de votre politique. Pour nous, l'essentiel de ce qui se joue dans ce projet de loi de finances concerne la manière dont le Gouvernement entend procéder pour substituer à la taxe d'habitation (TH) d'autres ressources. Comme vous le savez, le report d'un an de la suppression de la taxe d'habitation, qui nous semble prématuré, a été acté en séance le 23 novembre dernier.
Ce report, sur une question fiscale et démocratique essentielle, n'épuise cependant pas les sujets d'inquiétude pour la commission des lois. La perte pour les départements de la taxe foncière sur les propriétés bâties, dont le produit serait transféré au bloc communal, amputerait leur pouvoir de fixation des taux et contribuera à rompre leur lien avec le contribuable.
Nous sommes également perplexes à l'idée que le bloc communal verrait se substituer à la taxe d'habitation une taxe acquittée par les propriétaires. Auparavant, tous les habitants, malgré les exemptions et les dégrèvements, étaient censés payer la taxe d'habitation. Il n'y aura désormais plus que les propriétaires qui paieront pour les services publics de la commune.
Par ailleurs, les très vives critiques formulées par le Président de la République à l'égard de la taxe d'habitation sont entièrement transposables à la taxe sur les propriétés foncières bâties du point de vue de l'assiette de cette taxe. Nous avons donc de nombreuses interrogations. Celles-ci expliquent le vote récent du Sénat.
Enfin, pour entrer dans le vif du sujet avec la mission « Relations avec les collectivités territoriales », nous vous interrogerons notamment sur la réalité du soutien de l'État au fonctionnement et à l'investissement des collectivités territoriales.
Je vous propose, madame la ministre, de prendre la parole pour un exposé liminaire qui sera suivi des questions de notre rapporteur pour avis, puis de celles de nos collègues.
Depuis 2017, le Gouvernement présente un budget en rupture avec les politiques antérieures. Il repose sur trois piliers : d'abord, un choix clair en faveur de la prévisibilité et de la stabilité des ressources versées aux collectivités ; ensuite, un soutien fort de l'État à l'investissement public local avec un montant historiquement élevé qui s'élève à environ 2 milliards d'euros ; enfin, un renforcement soutenable de la péréquation en faveur des collectivités les moins favorisées. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2020 ne déroge donc pas à ce triptyque.
La nouveauté, dont vous avez déjà beaucoup parlé, porte sur la réforme de la fiscalité locale. Elle modifie le panier de ressources des collectivités à partir de 2021. L'article 5 du PLF a été adopté en séance publique au Sénat samedi dernier. Vous avez confirmé l'architecture de la réforme, même si quelques évolutions paramétriques et le décalage d'un an de l'entrée en vigueur du nouveau panier de ressources pour les collectivités sont prévus.
Je rappelle que la suppression de la taxe d'habitation a été décidée et votée pour permettre une réduction d'impôts de 18 milliards d'euros pour les Français ainsi qu'une compensation juste des collectivités, par des ressources fiscales dynamiques.
J'en viens à la mission proprement dite, dont le montant alloué aux dotations est stabilisé. Les concours financiers de l'État aux collectivités s'élèvent à 48,7 milliards d'euros dans le cadre du PLF pour 2020, ce qui représente une très légère progression des crédits de paiement (CP) à hauteur de 464 millions d'euros par rapport à 2019.
Le montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) est fixé à 26,8 milliards d'euros pour 2020, soit un montant stable par rapport à 2019 hors mesures de périmètre. Pour mémoire, entre 2014 et 2017, la DGF avait baissé de plus de 11 milliards d'euros.
La contribution des collectivités à la trajectoire des finances publiques est désormais assurée par les « contrats de Cahors ». Ces pactes financiers fixent les dépenses de fonctionnement des 322 collectivités aux budgets les plus importants. Ces dispositifs ont produit leurs premiers résultats en 2019. C'est un succès puisque la cible a été largement atteinte. La plupart des collectivités disposent de marges de manoeuvre pour l'avenir. L'effort de solidarité au profit des collectivités les moins bien dotées poursuit sa hausse.
Le PLF pour 2020 prévoit une augmentation des montants consacrés à la péréquation verticale de 220 millions d'euros. Cette progression resterait intégralement financée par redéploiement au sein de la DGF. Avec l'augmentation proposée, ce sont donc près de 30 % de la DGF qui seraient consacrés à la péréquation verticale, soit environ 7,7 milliards d'euros. En revanche, le montant et les règles de calcul de la péréquation horizontale, en particulier le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), seraient stables, à l'exception de deux évolutions apportées lors de l'examen par l'Assemblée nationale.
Sur le montant du fonds de solidarité des communes de la région d'Île-de-France (FSRIF), l'Assemblée nationale a voté une majoration de 20 millions d'euros, reprenant la progression des années précédentes, interrompue seulement en 2019. La garantie de sortie du FPIC a été unifiée et améliorée pour plus d'une centaine d'ensembles intercommunaux, notamment ceux qui n'y auraient plus été éligibles en 2020. En l'état actuel du PLF, ils percevraient l'an prochain 50 % de leurs attributions de 2019. Je précise que la question de la trajectoire de la péréquation sera liée à la manière dont sera mesurée la richesse des collectivités après la réforme fiscale.
La question des indicateurs financiers a été évoquée longuement lors du congrès des maires. Il s'agit du potentiel financier, du potentiel fiscal et des critères retenus pour la péréquation. Ces sujets seront à l'ordre du jour des travaux du comité des finances locales (CFL) en 2020 et certainement en 2021. C'est un point important, car le Gouvernement a clairement indiqué que les indicateurs financiers des communes, des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et des départements devront être revus après la réforme fiscale pour neutraliser les effets de bord liés aux nouvelles ressources attribuées dès 2021.
Lors du printemps de l'évaluation, certains d'entre vous ont insisté sur la nécessité de mieux évaluer l'impact de la péréquation. Ce travail d'évaluation pourra rejoindre dès 2020 les travaux du Gouvernement et du CFL sur les critères et les indicateurs financiers. Je veillerai à ce que le Parlement et les délégations aux collectivités territoriales soient associés en amont à ce travail et aux simulations qui seront faites.
Lors de la réforme de la taxe professionnelle, la nouvelle carte de la richesse avait conduit le Gouvernement à approfondir la péréquation en créant le FPIC. Les conséquences ne seront effectives qu'en 2022, pour la première répartition, après l'entrée en vigueur du nouveau panier de ressources en 2021. Les réunions du CFL sur les indicateurs financiers sont déjà prévues le 14 janvier et le 5 février 2020.
Dans ce PLF, deux mesures spécifiques complètent le volet DGF. Il s'agit, tout d'abord, de l'accompagnement financier lors de la création de communes nouvelles. Depuis 2015, le pacte de stabilité sur la DGF des communes nouvelles a facilité un nombre important de regroupements communaux. Néanmoins, les critères d'éligibilité aux avantages du pacte ont fait l'objet d'une grande instabilité. Cela ne permet pas aux élus de préparer leur projet de fusion sereinement. Le Gouvernement souhaite pérenniser ce soutien aux regroupements, qui devait s'arrêter au 1er janvier 2021. Il propose de poser un cadre unique, simple, pour toutes les fusions qui suivront les élections municipales. Les communes nouvelles créées après cette étape bénéficieront donc, avec les mêmes seuils qu'aujourd'hui, de garanties sur le montant de leurs attributions au titre de la dotation forfaitaire et des dotations de péréquation pendant trois ans. Elles bénéficieront également d'une dotation d'amorçage adoptée par amendement à l'Assemblée nationale. Celle-ci remplace la majoration de 5 % de la dotation forfaitaire, peu pertinente aujourd'hui du fait de son montant très variable selon les communes. Je précise que la création de communes nouvelles reste totalement facultative et au libre choix des élus.
Il s'agit ensuite de la DGF locale, à savoir une répartition qui serait décidée localement au sein d'un EPCI. En effet, afin d'accroître les responsabilités locales, cette mesure a été inscrite dans le PLF. Il s'agit d'une capacité d'agir localement sur la répartition de la DGF des communes. Le constat est simple : la DGF est répartie selon des critères nationaux qui ne peuvent traduire l'ensemble des spécificités des différents territoires. La nouvelle carte intercommunale de 2017 avait eu de nombreux effets de bord sur les indicateurs financiers, notamment pour les communes rurales qui étaient entrées dans de grandes agglomérations. Or, à l'heure actuelle, les communes membres d'un même EPCI ne disposent pas de levier efficace pour procéder à une répartition alternative de la DGF. Nous proposons un système simple et facultatif de répartition dérogatoire de la DGF pour les communes des EPCI, sous réserve de l'accord de chaque commune, et selon des critères qu'elles estimeront les plus adaptés à leurs caractéristiques, à l'instar de ce qui existe pour le FPIC. Il ne faut à cet égard pas sous-estimer la part de 30 % des intercommunalités réalisant une adaptation du FPIC avec ce vote.
Je souhaite insister sur les indemnités des élus. Ce sujet a été débattu au cours de l'examen du projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et la proximité de l'action publique. Lors du congrès des maires, le Premier ministre a annoncé le renforcement du soutien financier aux maires des petites communes. Il se traduira par un abondement de l'enveloppe consacrée à la dotation particulière élu local (DPEL) en faveur des communes fragiles. Cet amendement a été évalué à 28 millions d'euros par le Gouvernement. Je sais que, hier soir, la Haute Assemblée a adopté une autre disposition, dont le coût représente à peu près le double. La mesure que nous avons présentée nous semble appropriée et répond à la philosophie que le Gouvernement soutient dans le projet de loi susmentionné.
Concernant les dotations d'investissement, entre 2015 et 2017, l'État a accru son soutien aux dépenses d'investissement des collectivités territoriales afin de compenser une partie de la contrainte budgétaire. Ce soutien s'est ensuite maintenu à un niveau élevé et avec une grande stabilité. Le PLF pour 2020 reconduit les montants de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) à hauteur de 1,460 milliard d'euros, de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) à hauteur de 570 millions et de la dotation politique de la ville (DPV) à hauteur de 150 millions, au niveau de 2019. La dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID), qui remplace la dotation globale d'équipement (DGE) des départements depuis 2019, est également reconduite à hauteur de 212 millions d'euros en 2020. Au total, l'État engage 2 milliards en 2020 sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales » en soutien à l'investissement local.
Les modalités de gestion de ces concours ont beaucoup évolué ces deux dernières années. D'abord il est prévu, à la suite de la suppression de la réserve parlementaire, une présence des parlementaires et des élus locaux dans les commissions DETR. Je connais toutes les critiques sur ce sujet, mais cette mesure a le mérite d'exister. Il est également prévu une plus grande transparence sur l'utilisation des crédits. Les listes de projets financés sont désormais publiques pour certaines dotations. Des bilans d'utilisation et des analyses ont été publiés en septembre sur le site Internet du ministère. Vous pouvez obtenir les informations pour chaque commune.
Le PLF pour 2020 ne prévoit pas de modification des règles qui encadrent la gestion des dotations. Nous pensons qu'il faut laisser vivre le cadre juridique encore récent, puis améliorer la procédure si nécessaire.
Afin de permettre à chaque élu ou citoyen de connaître les projets soutenus près de chez lui, nous avons rendu publique, il y a quelques jours, une nouvelle carte interactive des dotations d'investissement attribuées par l'État en 2018, commune par commune, en indiquant les montants et la nature des projets. L'information des citoyens est importante. Cette carte est accompagnée d'analyses précises et de documents de synthèse qui permettent de mieux connaître les priorités soutenues. Selon le département, les élus n'ont pas les mêmes objectifs. Nous avions fait de même au printemps pour la DGF, avec une mise en ligne d'une carte et de toutes les données. Je me félicite de cette transparence.
Concernant l'outre-mer, nous proposons une réforme de la dotation d'aménagement des communes et circonscriptions territoriales d'outre-mer (DACOM). Il s'agit d'une composante de la DGF spécifique aux communes ultramarines. Le Président de la République a annoncé un rattrapage financier pour l'outre-mer sur cinq ans, entre 2020 et 2024. Le PLF de cette année constitue une première étape de ce rattrapage. Elle conduit à augmenter la péréquation en outre-mer de 19 millions d'euros entre 2019 et 2020.
Les communes d'outre-mer bénéficient aujourd'hui de la péréquation verticale dans des conditions dérogatoires qui présentent deux difficultés. D'abord, les montants alloués sont inférieurs d'environ 55 millions à ceux qui résulteraient du droit commun. Ensuite, les critères de répartition ne permettent pas de cibler les communes les plus fragiles. Suivant les recommandations du CFL, ce surcroît est réparti de manière « péréquatrice » pour aider les communes qui en ont le plus besoin. Cette majoration s'inscrit dans une démarche plus large. Elle vise à mieux assurer l'autonomie financière des communes d'outre-mer en agissant tant sur leurs recettes, avec un meilleur recensement des bases fiscales, que sur la structure de leurs dépenses.
La mission confiée par le Gouvernement au sénateur Georges Patient et au député Jean-René Cazeneuve doit proposer prochainement de nouveaux outils d'accompagnement et de contrôle. Je souhaiterais que notre réforme de la DACOM tienne compte de leurs conclusions.
Un autre sujet spécifique a été abordé lors de l'examen à l'Assemblée nationale : il s'agit de la transition écologique avec la création d'une dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité. L'an dernier, avec la dotation « Natura 2000 », nous avions engagé une démarche. Nous l'avons confirmée et élargie aux communes situées dans les parcs nationaux. La création d'un onzième parc national aux confins de la Champagne et de la Bourgogne nous rappelle que l'atteinte de nos objectifs environnementaux repose sur des collectivités qui sont confrontées à des charges et des contraintes propres associées au zonage « Natura 2000 » ou au règlement des coeurs de parcs. Vous connaissez tous sûrement, dans vos départements, des personnes qui ont perdu énormément de ressources à cause de cette « labellisation ».
Concernant la péréquation horizontale entre les départements, le Gouvernement a fait adopter, à l'Assemblée nationale, un amendement dont le dispositif a été élaboré et soutenu par l'Assemblée des départements de France (ADF). Il permet de renforcer la lisibilité et l'intensité des trois dispositifs existants : le fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), le fonds de solidarité pour le développement (FSD) et le fonds de soutien interdépartemental (FSID).
Par ailleurs, à compter de 2021, un fonds de 250 millions d'euros sera créé au profit des départements. Il s'agit d'un accompagnement financier de la réforme fiscale, car nous compensons la perte de la taxe sur le foncier bâti par une fraction de TVA. Plus précisément, nous avons ajouté, en sus de la compensation intégrale déjà prévue, 250 millions d'euros supplémentaires, qui financeront en partie un fonds de sauvegarde pour les départements ayant des difficultés locales : ces 250 millions d'euros vont donc vers les départements, mais leur dynamique financera une réserve d'aide à des départements faisant face à des catastrophes. Un fonds géré par le CFL pourrait être activé notamment en cas d'intempéries.
Avec ce PLF, nous proposons une réforme juste, lisible, un calendrier large, une prévisibilité et une stabilité des ressources des collectivités. C'est également un soutien fort de l'État à l'investissement public local.
L'État doit relever de grands défis. Par exemple, le dédoublement des classes dans certains territoires implique de construire de nouvelles classes. Il convient alors d'aider les communes, puisqu'il s'agit d'une conséquence d'une décision de l'État. La transition écologique et la mobilité sont aussi des défis très importants.
Je vous remercie pour cette introduction très détaillée. Ma première impression, que mes collègues doivent partager, c'est que ces dispositifs sont extrêmement complexes et peu lisibles.
J'ai présenté hier devant la commission des lois mon rapport pour avis, qui a été adopté.
Lors de la montée en puissance de l'intercommunalité dans notre pays, l'exécutif et le législateur ont longtemps souhaité encourager l'intégration communautaire. Cet encouragement s'est traduit financièrement par un indicateur, qui est le coefficient d'intégration fiscale. De lui dépend le niveau de l'encouragement financier de l'État.
Selon la commission des lois, le paradigme a profondément changé. La carte des intercommunalités est aujourd'hui achevée : les fusions d'intercommunalités et la création de communes nouvelles donnent de nouvelles perspectives aux territoires. La discussion parlementaire portant sur le projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et la proximité de l'action publique offre de nouvelles perspectives. Celui-ci permettrait aux élus locaux, au titre du principe de subsidiarité auquel nous sommes tous très attachés, d'organiser dans les territoires de nouvelles répartitions des compétences entre les intercommunalités et les communes. Or, si nous voulons que cette réorganisation subsidiaire s'opère sur les territoires, il faut revenir sur la manière dont fonctionne le coefficient d'intégration fiscale.
Madame la ministre, qu'envisagez-vous pour tirer les conséquences des dispositions prévues dans ce projet de loi, afin que nous puissions avoir une vraie cohérence sur la question de l'intégration fiscale et de l'accompagnement de l'État ? Faute de quoi, ce sera un miroir aux alouettes dans la mesure où l'on ne permettra pas aux collectivités locales de mettre en oeuvre un droit qu'elles auront acquis avec cette loi. Les élus s'en rendront immédiatement compte et nous en feront le reproche.
Concernant la fiscalité, on sait que la réforme fiscale aura des impacts significatifs sur les indicateurs financiers des collectivités. Vous nous expliquez que le CFL fera un travail d'étude et envisagera les mécanismes de correction ultérieurement. Nous aurions préféré l'inverse. Tout porte à croire en effet que les mécanismes de correction seront lourds. Faut-il attendre 2020 ou 2021 pour avoir une évaluation de ces impacts sur les collectivités ?
Concernant les dotations d'investissement et plus précisément la DSID, le Gouvernement serait-il favorable à une proposition, que nous avons adoptée hier en commission des lois, qui conduirait à inscrire dans la loi la consultation des présidents de conseils départementaux préalablement à l'attribution des dotations par le préfet de région ?
Êtes-vous favorable à ce que les règles de publicité applicables à la DSIL et à la DETR soient étendues à la DSID ? Je suis pour ma part très favorable à un renforcement des règles de publicité.
Le Gouvernement a prévu, par un amendement adopté en séance à l'Assemblée nationale, le gel des enveloppes départementales de la DETR pour en réviser les critères de répartition en 2020. Avez-vous davantage de détails sur les contours de cette réforme à venir de la DETR ?
Par circulaire, les ministres prévoient que 35 % de l'enveloppe DSIL financeront les projets labellisés « grand plan d'investissement ». Comment le Gouvernement justifie-t-il ce préfléchage des crédits de la DSIL ? Cela ne revient-il pas à contourner, d'une part, la volonté du législateur, qui n'a prévu aucun critère de ce type, et d'autre part, l'intelligence locale permise par la déconcentration des décisions d'attribution ?
Au titre de l'article 29 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, les préfets peuvent accorder un « bonus » - il est perceptible sous la forme d'une majoration du taux de subventionnement au titre de la DSIL - aux collectivités qui auraient respecté leur « contrat de Cahors ». Selon la commission des lois, qui a déjà eu l'occasion de s'opposer à ces contrats léonins, ce bonus revient à organiser, à enveloppe fermée, un transfert des collectivités n'ayant pas pu respecter ces contrats discutables vers des collectivités jugées « vertueuses ». Le Gouvernement partage-t-il notre vision sur ce point ?
Enfin, le Gouvernement est-il favorable à ce que l'attribution des enveloppes de la DSIL à hauteur de 80 % soit confiée aux préfets de départements ? Pourquoi ne pas créer également auprès du préfet de région une commission d'élus chargée de l'assister, à l'instar de ce qui existe pour la « commission DETR » ?
Il me semble important de rappeler que le critère du coefficient d'intégration fiscale a été créé pour traduire la réalité de l'intégration communautaire. Je sais que la commission des lois a proposé un article dans le projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique visant à neutraliser les conséquences sur la DGF des restitutions de compétences d'un EPCI à ses communes membres. Le Sénat et l'Assemblée nationale ont rejeté cet amendement. Néanmoins, la commission des lois du Sénat a redéposé cet amendement dans le cadre du PLF. Le Gouvernement n'est pas favorable à cette évolution pour plusieurs raisons.
Cette proposition revient en effet sur la réforme de la dotation d'intercommunalité adoptée il y a moins d'un an. Or, les EPCI ont besoin de prévisibilité de leurs recettes. Par ailleurs, elle prive les EPCI de soutien financier. Avec le système proposé par la commission des lois, seuls les territoires restituant des compétences bénéficieraient d'une garantie de stabilité. Les autres territoires verraient à terme leurs dotations diminuer. Nous sommes favorables à un assouplissement des compétences, mais nous ne donnerons pas de prime à la désagrégation des EPCI. Quand une compétence est rendue, les attributions de compensations (AC) sont revues et permettent de financer la compétence restituée. Les restitutions sont donc possibles, mais ne doivent pas se traduire par une bonification de recettes pour les communes bénéficiaires. C'est l'AC qui compte et non le coefficient d'intégration fiscale.
J'aimerais revenir sur ce point. Il y a une incompréhension entre nous. Je ne crois pas que notre rapporteur, pas plus que la commission des lois qui avait adopté ces dispositions et qui réitère l'expression de sa conviction, n'ait voulu donner une prime à la désagrégation des EPCI. Ce n'est vraiment pas l'objet de cet amendement. Nous avons un désaccord politique certainement, mais nous avons aussi un désaccord technique.
Il y a eu des excès d'intégration parce que la loi, que vous souhaitez, comme nous, modifier, a un peu chargé la barque. Plus les intercommunalités ont été grandes, plus elles ont eu à s'intégrer, car elles étaient composées d'une diversité de communautés de communes. Elles se sont en général alignées sur la communauté de communes la plus intégrée pour constituer la grande communauté de communes. Le système fiscal encourageait lui aussi l'intégration.
Nous nous trouvons aujourd'hui confrontés à des situations - elles sont souvent exceptionnelles, mais nous recherchons cependant de la souplesse - où nous avons à la fois de grandes intercommunalités et une très forte intégration. Nous savons cependant que la grande intercommunalité n'est réellement supportable que lorsque l'intégration n'est pas trop forte et respecte au fond un principe de subsidiarité qui permet démocratiquement d'exercer un certain nombre de compétences au plus près du terrain. Mais il faut avoir l'esprit de nuance. Le système que nous voulons mettre en oeuvre est un correctif : il part du principe que nous sommes allés trop loin et qu'il nous faut juste faire quelques pas en arrière pour trouver un meilleur équilibre. Telle est d'ailleurs, nous l'avons vu lors du congrès des maires, l'attente de beaucoup de collectivités. Il nous faut trouver une solution. Il ne s'agit pas de monter une usine à gaz. Pourquoi récompenser les communautés de communes qui ont gardé leur niveau d'intégration et n'ont rien fait ? C'est absurde ! Ce qui est souhaitable, c'est d'imaginer ensemble un dispositif qui neutraliserait les effets financiers de restitutions exceptionnelles de compétences que le législateur déciderait de permettre. Nous sommes tous d'accord sur ce minimum nécessaire de souplesse et de différenciation.
Techniquement, il est inexact de dire que le dispositif adopté par la commission des lois pénaliserait des communautés de communes. Jamais le système n'a été conçu pour permettre de faire progresser les dotations des communautés de communes à partir de l'argent rendu par la baisse d'intégration d'autres communautés de communes. Le législateur n'avait jamais, jusqu'à présent, envisagé cette baisse d'intégration. C'est donc un effet non désiré et non désirable que vous souhaitez maintenir en vous opposant au dispositif que nous avons voulu adopter.
Je crois vraiment que nous devrions réussir à avancer sur ce point, tant politiquement que techniquement.
Je reviens sur le gel des enveloppes de DETR en 2020. Un travail très approfondi sur les variations annuelles des enveloppes départementales de DETR, mené conjointement avec les députés, a permis de mettre en exergue le fait que les variations s'expliquent aujourd'hui difficilement. L'augmentation globale de 62 % du volume de la dotation depuis 2014 avait en effet masqué les phénomènes de recomposition des enveloppes. Le Gouvernement a proposé, en accord avec les députés, de geler le montant des enveloppes départementales de DETR en 2020 afin de pouvoir retravailler les critères. Le Sénat sera associé à ce travail de réflexion.
Concernant la DSID, je n'ai pas bien compris votre question. Nous avons remplacé la DGE, qui était une enveloppe. Là, ce sont des subventions qui sont données en fonction de l'investissement des départements. Cela ne pose donc aucun problème de faire tout cela dans la publicité et en transparence.
Nous nous apercevons en discutant avec l'Assemblée des départements de France que la réalité n'est pas tout à fait la même d'un territoire à l'autre.
Cela dépend aussi des relations entre le préfet de région et les présidents de conseils départementaux.
La DSIL, bien évidemment, vient en complémentarité de la DETR. Pour rappel, la DSIL été créée par l'ancien gouvernement afin de compenser la baisse de la DGF. La DETR finance des priorités locales. Le Gouvernement, avec la DSIL, se donne aussi la mission de soutenir des grands objectifs qui s'inscrivent dans ses priorités.
Le Gouvernement veut continuer à flécher des politiques, par exemple sur la transition écologique. Je vois bien la tentation de faire de la DSIL un complément de la DETR, alors qu'elles ne sont pas exactement de même nature.
Il ne s'agit évidemment pas d'en faire un complément de la DETR - même si c'est souvent ce que font les préfets... Nous souhaiterions mettre un terme à un système « hypershadokien », qui pompe et verse entre différents niveaux : cela part du préfet de région et, en passant par le préfet de département, cela descend au sous-préfet d'arrondissement avant de remonter dans l'autre sens ! Ce système n'associe en aucune manière les élus locaux, et manque de cohérence. D'où l'idée de lui redonner de la visibilité.
Oui à la lisibilité, mais le Gouvernement continuera à avoir des priorités. Les élus sont parfois très heureux qu'on donne une priorité nationale à une politique locale, avec des dotations d'État. Je vois sur le terrain qu'ils sont satisfaits de recevoir les dotations d'investissement, DETR ou DSIL.
La démarche du Gouvernement, qui consiste à proposer des contractualisations avec les collectivités territoriales, me semble préférable à la pratique de baisse drastique et uniforme que nous avons connue. Il faudra toutefois une évaluation de ce dispositif de contractualisation, car il y a des évolutions qui méritent d'être prises en compte.
Le FPIC a été conçu dans un contexte qui n'est plus du tout celui d'aujourd'hui, avec un objectif de prélèvements et un certain nombre de contributeurs. À partir de 2017, l'évolution de l'organisation territoriale a fait que de gros contributeurs - notamment la région parisienne - ont disparu. Ils se sont regroupés en intercommunalité et, en même temps, les gouvernements ont maintenu le montant total de contribution. Les contributeurs qui restaient ont subi un prélèvement beaucoup plus significatif. Les règles de solidarité, qui sont nécessaires, doivent prendre en compte les évolutions du contexte et de l'environnement dans lesquels elles s'appliquent.
Je crains qu'au Sénat nous n'ayons pas su nous faire comprendre. Depuis que nous travaillons sur le projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et la proximité de l'action publique, nous avons du mal à parler la même langue que ceux qui nous caricaturent en experts du détricotage. D'abord, je ne maîtrise pas trop le tricot...
Pour nous, les structures ne sont que des outils au service de l'efficience de l'action publique, pas des objets sacrés. Grâce au Grand débat national, le Gouvernement a pris conscience des paralysies générées par les excès de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, la loi NOTRe. Il nous annonce un texte sur la différenciation, que nous attendons avec impatience. Quand nous proposons une libre administration de l'intercommunalité, il ne s'agit pas pour nous d'aller d'une manière malhabile, ou un peu curieuse, détricoter une intercommunalité qui existe et fait la satisfaction de beaucoup de territoires ! Nous apportons la volonté d'une action publique heureuse et d'une intercommunalité positive.
Nous demandons une neutralisation des effets négatifs du coefficient d'intégration fiscale. Je comprends votre argumentation. Mais quand une compétence est exercée par une intercommunalité, l'État considère que c'est une dépense puisqu'il bonifie sa dotation. Et quand cette même compétence est exercée, parce que c'est beaucoup mieux pour les territoires, par des communes, cela n'est plus une dépense et l'État retire de l'argent ! Difficile à expliquer à des élus qui cherchent à construire une action publique territoriale heureuse. On veut faire de la différenciation, mais on n'écoute pas les territoires. On dit qu'on ne détricote pas l'intercommunalité, mais on dissuade de faire du sur-mesure. Si vous donnez une liberté, madame la ministre, elle ne pourra s'exercer que s'il y a des moyens.
Sur les indemnités, j'ai entendu avec intérêt le Gouvernement reconnaître que la démocratie et la République doivent affirmer que, notamment dans les petites communes, quand des élus s'engagent, ils doivent être indemnisés de manière juste. Le Sénat a proposé, en parfaite intelligence avec le Gouvernement, un système qui nous paraissait plus efficient et ne plaçait pas les élus en difficulté. Dans un conseil départemental, il ne viendrait à l'idée de personne de débattre du montant de l'indemnité d'un conseiller départemental ou du président du conseil départemental. Nous pensons qu'il faut fixer une indemnité pour un élu et que, si le maire en fait le choix, pour des raisons diverses et variées, il puisse demander une diminution de son indemnité.
L'octroi de 28 millions d'euros est un geste que je reconnais. Mais pour être franche, il me semble que c'est une enveloppe qui nous est offerte par les départements et les régions à l'insu de leur plein gré !
Vous pouvez supprimer cela en commission mixte paritaire (CMP) ! La contractualisation est une bonne politique, qui peut se pratiquer à des niveaux de collectivités très différents et dans des contextes très différents. On peut ainsi aider des territoires en grande difficulté, comme nous l'avons fait dans la Sambre-Avesnois-Thiérache, avec la région Hauts-de-France.
Nous n'avons pas touché au FPIC.
Il y a en effet des solidarités nécessaires, mais on nous a demandé de ne pas accentuer celle-ci. Pour autant, nous pouvons inclure le coefficient d'intégration fiscale dans notre réflexion sur plusieurs éléments fiscaux.
Je comprends qu'on travaille sur l'attribution de compensations, mais il y a un problème d'effet avec le coefficient d'intégration fiscale, qui a été pensé en lien avec l'intégration des compétences dans l'intercommunalité. Si l'on redonne des compétences aux communes...
Le Gouvernement ne voit pas comment ce système peut fonctionner. Et le Sénat ne l'a pas voté...
En effet. Nous ne viderons pas ce débat ce soir. Au fond, nous vous demandons simplement de considérer l'intercommunalité qui rendrait quelques compétences comme si elle ne les avait pas rendues. Vous n'avez pas besoin de récupérer de l'argent dans ces intercommunalités, qui seront peu nombreuses, pour aller en donner à des intercommunalités qui n'auront rien fait. Actuellement, il n'y a pas de restitution de compétences. Par conséquent, votre système ne fonctionne pas, alors que des restitutions de compétences pourraient être avantageusement opérées dans des communautés de communes. Bref, nous sommes en train de nous faire des noeuds dans la tête pour un problème qui n'a de dimension financière, ni par le nombre de communautés de communes qui accepteraient des restitutions de compétences, ni par celui des communautés de communes qui attendraient impatiemment de recevoir de l'argent supplémentaire du fait que d'autres auraient diminué leur niveau d'intégration.
On reste dans l'idée que, au fond, c'est toujours bien d'intégrer le plus possible. Nous voudrions vous amener à sortir de cette religion, pour décider enfin que l'intégration maximale n'est pas forcément l'objectif le plus désirable dans l'organisation de nos communes et intercommunalités.
Des restitutions de compétences, il y en a déjà eu.
Ce n'est pas sur ces bases que fonctionne le système actuel de financement des intercommunalités, dont la mise en place est déjà derrière nous.
Pour les indemnités, nous avons repris l'amendement déposé à l'Assemblée nationale - c'est un sujet de CMP.
Le système de base est fixé par l'amendement de M. Darnaud.
Nous ne sommes pas obligés de nous interdire de réfléchir avant la CMP. Le but est de satisfaire aux exigences légitimes des élus. Il faut soulever la question de la dotation aux élus locaux. L'amendement que nous avons adopté au Sénat et que l'Assemblée nationale a modifié se fonde sur le plafond actuellement en vigueur : si les maires souhaitent une augmentation supérieure, il faut qu'ils prennent une délibération lors du premier conseil municipal, et les moyens leur en seront donnés par l'augmentation de cette dotation aux élus locaux. Il serait paradoxal que cette augmentation se fonde sur un complément de dotation aux élus locaux financé en faisant les poches du département et de la région ! Aussi veux-je tordre le cou à cette idée profondément malsaine, qui consiste à opposer une fois de plus entre elles les différentes strates de collectivités. Le Sénat a prévu une augmentation raisonnable et raisonnée, au moins-disant, d'ailleurs, et qui paraît plus en adéquation avec les finances des collectivités territoriales. Même s'il s'agit d'un sujet de CMP, le Gouvernement aurait tout à gagner en faisant vraiment la lumière sur cette augmentation de la dotation aux élus locaux.
Quand je dis qu'il s'agit d'un sujet de CMP, ce n'est pas un gros mot ! La CMP constituera une étape nécessaire pour reparler de cette question. C'est tout ce que je voulais dire.
Effectivement.
La progression de la DPEL, évaluée à 28 millions d'euros, sera prélevée sur les variables d'ajustement. En effet, celles-ci ont diminué de 120 millions d'euros cette année par rapport au budget de l'année prochaine. Nous ne prenons donc pas à d'autres collectivités pour augmenter la DPEL.
Si le sujet des indemnités relève d'une CMP, c'est parce la proposition du Sénat a été supprimée par l'Assemblée nationale.
Modification substantielle ! Cela donne une idée de la conception que peut avoir le Gouvernement du rôle de l'élu local, de son statut, etc.
Pourtant, j'ai cru comprendre en lisant le discours du Président de la République lors de la remise de la Légion d'honneur à Vanik Berberian qu'il avait prononcé à cette occasion le gros mot de « statut de l'élu ». Cette notion revient de temps en temps, comme cela, avant de disparaître de nouveau. Vous n'êtes pas les seuls à le faire.
J'aurais deux questions à poser qui intéressent les petites collectivités. La première porte sur le mode de fabrication du FPIC. Je suppose que vous avez précieusement conservé les coefficients logarithmiques dans le calcul de la richesse individuelle des communes, ce qui est une injustice complète. Ce n'est pas vous qui l'avez inventée, mais conserver une injustice revient à s'en faire le complice. Si je comprends bien, plus l'on est grand, plus l'on paye. C'est normal, d'ailleurs. Et plus le coefficient est bas, plus l'on a besoin de la solidarité, c'est évident.
Ma deuxième question porte sur un nouvel objet juridique encore mal identifié. Ce sont les maisons France Services, qui remplaceront les maisons de services au public (MSAP). Nous ne voyons pas bien la différence entre les deux. De même qu'il existe des agences Business France pour le développement extérieur, il semblerait qu'il soit prévu d'inventer des agences pour les territoires extérieurs de l'intérieur... Au terme de quels processus, au moyen de quels engagements financiers et à l'aide de quels accompagnements de l'administration territoriale de l'État cette révolution sémantique pourra-t-elle se transformer en révolution tout court ? Le service public et le service au public sont en effet fondamentaux.
Par ailleurs, fixer pour objectif l'établissement d'une maison France Services par canton semble un minimum, a fortiori compte tenu de l'étendue des cantons actuels en zone rurale. Comment voyez-vous le déploiement de ces réalités ? Et de quels moyens ces maisons bénéficieront-elles ?
Il existe environ 1 300 MSAP sur le territoire français. Force a été de constater qu'elles étaient de qualité très inégale. Ainsi, pour me rendre beaucoup dans les territoires, j'ai pu observer qu'à certains endroits les MSAP proposaient de nombreux services tandis que, dans d'autres, elles se limitaient à un ordinateur posé sur une table dans un coin d'une pièce.
Peut-être aussi, en effet.
Le Président de la République s'est inspiré d'un système en vigueur au Canada, baptisé Canada Services. L'idée est de rassembler dans un même lieu plusieurs services à la population. Nous avons voulu procéder à une montée en gamme et en qualité des MSAP à l'aune de ce système. Nous avons donc proposé de labelliser les MSAP « France Services » une fois atteint le niveau de qualité et d'ouverture correspondant aux conditions requises. Une charte d'engagement a été rédigée. Puis nous avons demandé aux préfets de nous indiquer les MSAP susceptibles de correspondre à ces critères.
Chaque maison reposera sur un socle de neuf partenaires obligatoirement présents, auxquels un dixième, l'Association générale des institutions de retraite des cadres - Association des régimes de retraite complémentaire (Agirc-Arrco), devrait s'ajouter prochainement. Parmi ces partenaires figurent des opérateurs dont la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), Pôle emploi, la Mutualité sociale agricole (MSA) ainsi que plusieurs administrations : parmi elles les ministères de l'intérieur, de la justice, mais également l'administration fiscale.
Les MSAP ne pourront pas être labellisées « France Services » en leur absence.
Ce n'est pas seulement une breloque. La labellisation conditionne l'octroi de financements.
De la part de l'État et des collectivités locales ou d'associations. Il faut savoir que les MSAP ou les maisons France Services sont portées la plupart du temps par des mairies ou des intercommunalités, voire par des départements ou des associations. J'en ai vu à Grenoble notamment, sous le nom de points information médiation multi-services (Pimms).
Elles sont parfois portées également par la MSA ou La Poste. La MSA s'est d'ailleurs non seulement engagée à être présente au sein des maisons France Services, mais en soutient elle-même directement certaines. Elle a en promis cinquante pour l'année prochaine. L'idée est donc de constituer un maillage territorial de services publics au plus près de la population.
J'ai visité une maison France Services extraordinaire le 18 novembre dernier à Thérouanne, commune de 1 200 habitants du Pas-de-Calais, qui draine tout un bassin de vie rural. À l'étage de cette maison se trouve en plus une maison médicale.
L'objectif du Gouvernement est qu'il y ait au moins une maison France Services par canton, soit environ 2 000 maisons sur le territoire national. Au total, 460 MSAP ont été labellisées à ce jour. Nous continuerons la labellisation au fil de l'eau. Si une nouvelle MSAP est d'un niveau suffisant, elle sera labellisée une fois auditée. Nous donnons aux 1 300 MSAP existantes deux ans pour se mettre à niveau. Les MSAP bénéficient d'un financement de 25 000 euros. Les maisons France Services disposeront, quant à elles, de 30 000 euros tirés du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT).
L'objectif est donc de replacer les services publics au plus près du territoire.
Par quels moyens ? C'est l'auberge espagnole !
Nous voyons bien l'objectif poursuivi et n'y trouvons rien à redire, mais comment sera-t-il possible d'assurer la montée en puissance de ces maisons aux endroits où cela ne s'est pas fait jusqu'à présent, en l'absence de financements dédiés et d'un peu de volonté ? Les préfets pourraient notamment stimuler des projets, au vu du travail d'influence qu'ils ont conduit pour avoir les plus grandes intercommunalités possibles...
Une vraie volonté est à l'oeuvre au sein du Gouvernement et chez le Président de la République lui-même.
Par ailleurs, les communes et les intercommunalités sont très demandeuses de l'installation de maisons France Services dans leurs territoires. Nous recevons de nombreuses demandes. Nous créerons également de nouvelles maisons. Certains territoires marqués par une forte absence de services publics en auront toutefois plus besoin que d'autres.
Concernant le FPIC, j'ai répondu précédemment.
Non, mais des évolutions pourraient survenir ultérieurement. Les indicateurs financiers et leurs effets seront étudiés, et le FPIC sera intégré à cette réflexion générale.
Jusqu'en 2022, date de l'application de la réforme, nous ne bougeons pas. Nous avons donc le temps d'étudier les indicateurs financiers.
Madame la ministre, les départements doivent toucher une part de TVA en contrepartie du transfert de la taxe sur le foncier bâti aux communes. Sauf erreur de ma part, la part de TVA devant revenir à l'État doit donc diminuer.
Cette baisse sera-t-elle compensée par une hausse du taux de TVA, par une baisse des charges de l'État ou par un recours à la dette ?
Le budget est construit chaque année. Chaque année, certains ministères sont appelés à faire des économies. C'était d'ailleurs le cas du mien cette année.
L'impact de la réforme de la taxe d'habitation a été intégré aux prévisions de notre trajectoire financière. Comme vous le savez, cette réforme devait s'appliquer initialement à 80 % de la population et s'appliquera finalement à 100 % de la population à la suite d'une décision du Conseil constitutionnel. Nous devons donc amplifier cette politique d'économies.
Qu'en est-il du montant supplémentaire représenté par la baisse de la part de TVA revenant à l'État ?
Ce montant est attendu à 7 milliards d'euros.
J'entends votre propos concernant les économies. Je suivrai ce sujet avec intérêt.
Par ailleurs, pourquoi la DGF majorée est-elle maintenue pour les communes nouvelles, alors que le but de leur création était de faire des économies et de dégager un budget pour l'investissement, et qu'une fois ces communes formées il n'est plus possible de revenir à la séparation antérieure entre plusieurs communes ? De plus, en quoi les communes anciennes seraient-elles incitées à créer des communes nouvelles ? Je ne comprends pas la politique que vous menez sur ce point.
La DGF majorée est maintenue pendant trois ans. Nous avons financé toutes les communes nouvelles qui se sont créées et nous pérennisons à présent le système.
Quelle est l'utilité de cette démarche ? Il n'existe pas de clause de divorce. Par conséquent, vous ne pouvez craindre en rétablissant la DGF à son niveau normal que les communes nouvelles se divisent.
Le maintien de la DGF majorée sur trois ans s'applique uniquement aux nouvelles créations.
Les communes nouvelles existantes se verront-elles appliquer une DGF normale ?
Oui, la bonification prévue dure trois ans, à la suite desquels les communes nouvelles concernées reviennent dans le droit commun.
La Direction générale des finances publiques (DGFiP) vient de transmettre aux départements concernés la liste des maisons labellisées France Services. Or il ne s'agit que de MSAP préexistantes, qui étaient financées par les départements ou les intercommunalités. À l'ouest, rien de nouveau ! Label mis à part, je ne vois pas où est le progrès.
S'agissant du financement des départements, deux chiffres du programme 119 me semblent édifiants. Tout d'abord, la DSID diminue de 39,62 % et la dotation générale de décentralisation (DGD) des départements de 0,38 %. Les départements semblent donc ciblés dans le PLF comme des victimes de la diminution indirecte des dotations.
Madame la ministre, vous avez mentionné la possibilité de compenser les dotations en fonction des réalités de certaines communes. Le département de la Gironde, dont la population croît de 20 000 habitants par an, s'est vu pénalisé pour avoir dépassé la limite de 1,2 % d'évolution de ses dépenses de fonctionnement. Or, en pareil cas, il faut bien construire des collèges, les doter de personnels pour la restauration scolaire, etc. Il est donc logique que les dépenses de fonctionnement augmentent, d'autant que les départements sont souvent tenus d'assumer des dépenses relevant normalement de la responsabilité de l'État - comme la prise en charge des personnes handicapées. Mais les éléments du PLF semblent figés et ne prennent pas en compte la dynamique réelle des territoires. Cette approche du budget très comptable et rigide me semble regrettable.
Envisagez-vous de mettre en place des outils pour y remédier ? En l'absence de tels outils, certains départements risquent l'asphyxie financière.
Il n'existe aucune intention politique de viser les départements. Parfois, les départements sont encore très marqués psychologiquement par le fait qu'ils ont failli passer par pertes et profits...
Je note que les départements sont très sensibles, si je puis dire, à leur propre existence. Car ils ont été marqués par le fait que leur disparition a été envisagée. En réalité, le nouveau découpage des régions de 2015 - porté par le même gouvernement, d'ailleurs - n'a fait que conforter les départements. L'exemple de la Nouvelle-Aquitaine en témoigne. Compte tenu de sa dimension, les départements de cette région ont de beaux jours devant eux !
J'y viens.
S'agissant des « contrats de Cahors », seuls trois départements sur cent ont dépassé la limite prévue d'évolution de leurs dépenses de fonctionnement, parmi lesquels la Gironde. Or d'autres départements qui avaient vu leur population augmenter ont réussi à éviter cette augmentation. Néanmoins, j'entends bien ce que vous dites. Le critère démographique joue d'ailleurs dans le calcul de la DGF pour les communes. Nous n'avons aucune volonté de « sacrifier » quoi que ce soit sur les départements.
Par ailleurs, donner aux départements une part de TVA pour compenser le transfert aux communes de la taxe sur le foncier bâti a l'avantage de clarifier le système pour les citoyens. Car cela revient à concentrer un même impôt sur un seul niveau de collectivité territoriale. Le système précédent manquait de lisibilité.
De plus, l'avantage de la TVA est qu'elle constitue la ressource la plus équitable pour l'ensemble des départements français. En effet, sa dynamique s'exerce partout sur le territoire, quelle que soit la richesse du département. Certains départements l'ont d'ailleurs fort bien compris.
En outre, les 250 millions d'euros supplémentaires que nous avons attribués aux départements, répartis en fonction de leur richesse, sont un signe fort du Gouvernement à l'égard des départements. J'étais à Bourges pour représenter le Gouvernement au Congrès de l'Assemblée des départements de France (ADF). C'était un moment délicat. Cependant, à mon sens la dynamique qui résultera de l'application d'une part de TVA pour les ressources des départements sera rapidement ressentie. D'ailleurs, plus personne dans les régions ne critique le remplacement de la DGF par une part de TVA. Cela constitue en effet des ressources très dynamiques.
La baisse de la DSID est liée quant à elle à un montant plus élevé en 2019 dû à une sur-dotation ponctuelle visant à apurer des crédits de DGE ouverts en 2018. Tous les crédits rendus ainsi disponibles en 2019 ont été intégrés à la DSID. À périmètre constant, le montant est maintenu.
Sur la DGD, des mesures de périmètre ont joué.
Madame la ministre, en 2011, le déficit public de la France représentait 5,3 % du PIB. Il a bien fallu trouver des solutions, même si elles étaient difficiles pour tout le monde, y compris pour les collectivités.
S'agissant de la neutralisation du coefficient d'intégration fiscale, je partage entièrement votre analyse. L'affichage de cette possibilité pourrait être vécu comme une volonté de « détricotage » de l'intercommunalité. Je suis content que l'amendement déposé sur ce point ait été repoussé au Sénat comme à l'Assemblée nationale.
Pour autant, cela ne lève pas toutes les difficultés. Il est regrettable que l'assouplissement que nous avions trouvé sur les compétences facultatives n'ait pas été repris à l'Assemblée nationale, car il s'agissait d'une possibilité de territorialiser l'intervention de l'intercommunalité.
Cette proposition a été réécrite, mais reprise.
Le texte du Sénat était plus inclusif.
Concernant les indemnités, je rejoins les précédents intervenants. Il faudra faire un choix. Nous ne pouvons pas dire qu'il faut valoriser l'engagement des élus des plus petites communes et ne pas en tirer les conséquences.
Selon les chiffres de la direction générale des collectivités locales (DGCL), dans les communes de moins de 500 habitants il est impossible d'indemniser même de façon théorique un ou plusieurs adjoints, soit du fait d'un manque de moyens financiers, soit parce que les communes choisissent de consacrer le montant des indemnités à d'autres actions. C'est un problème majeur.
Quant aux maisons France Services, elles ne sont guère qu'une reprise des MSAP existantes. On fait du neuf avec du vieux, d'autant que de nombreuses initiatives avaient déjà été prises dans les territoires. Les MSAP qui ne voudront pas ou ne seront pas labellisées « France Services » continueront-elles à percevoir des financements ?
Oui, pendant deux ans, pour leur laisser le temps de se mettre au niveau des critères des maisons France Services.
La DPEL a pour objet de soutenir l'amélioration des conditions d'exercice des mandats. Augmenter la DPEL pour accompagner le relèvement des plafonds des deux dernières strates ne me choque donc pas, d'autant que l'esprit de cette dotation est également de répondre ne serait-ce que partiellement à la crise des vocations des élus locaux. Toutefois, il ne semble pas souhaitable que ce relèvement de la DPEL s'effectue « sur le dos » des départements et des communes, ce qui reviendrait à opposer les collectivités locales entre elles.
Par ailleurs, le système antérieur de la taxe d'habitation était relativement simple, en réalité, malgré ses limites et ses imperfections. Or sa remise en cause qui répond à un engagement présidentiel revient à aggraver la construction byzantine de la fiscalité locale. Auparavant, les conseils municipaux élus, légitimes, avaient le droit de lever l'impôt. Désormais, ils bénéficieront d'un système de compensation. Le grand perdant dans cette affaire est le lien civique, le système ayant perdu en clarté, alors même que l'amélioration du lien entre les contribuables et les élus constitue une préoccupation majeure.
Madame la ministre, vous vous êtes félicitée du dynamisme de la TVA. Or, structurellement, la TVA est un impôt inique. Encore une fois, certains payeront plus que d'autres ! De manière générale, la réforme de la taxe d'habitation soulève un vrai problème en matière d'équité fiscale.
Nous n'ouvrirons pas le débat sur le caractère juste ou injuste de la TVA. Je ne suis pas d'accord, à titre personnel, avec vous sur ce point précis. Ceux qui ont beaucoup d'argent consomment des produits faisant généralement l'objet d'un taux de TVA élevé. La TVA est donc d'une certaine façon un impôt permettant de prélever plus d'argent chez les riches que chez les pauvres.
Notre proposition sur les compétences facultatives a-t-elle été rétablie par le rapporteur à l'Assemblée nationale ?
Une réécriture a été effectuée, qui va dans le sens de ce qu'a voté le Sénat, même si vous préférez peut-être votre écriture à vous... Nous n'avons pas changé les fondamentaux.
Le renforcement de la DPEL bénéficierait aux plus petites communes.
Je connais bien la question des indemnités des élus locaux. Lorsque j'étais sénateur, j'avais fait voter une proposition de loi visant à les automatiser. Certaines petites communes souffrent effectivement d'un manque de ressources, mais l'absence d'indemnités tient parfois aussi à d'autres causes. Certains élus ont ainsi parfois du mal à faire voter des indemnités en leur faveur en conseil municipal, car leurs prédécesseurs ne se versaient aucune indemnité, leurs ressources personnelles étant suffisantes. Cela a pu gêner le renouvellement des générations, et retenir certains jeunes de se présenter.
Pour ma part, j'ai toujours pensé que les indemnités devaient être automatiques.
Je vous rappelle que vous étiez revenus sur ma proposition de loi au moyen d'une proposition de loi portée par Jean-Baptiste Lemoyne, au motif que son application risquait d'empêcher les redistributions entre élus.
Sur le lien fiscal entre le citoyen et la collectivité, j'entends ce que vous dites. Cela dit, il s'opère lorsque l'on paye la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), lorsque l'on prend le bus, etc. Et la suppression de la taxe d'habitation représente une économie de 723 euros par foyer fiscal en moyenne pour les Français.
Des différences très importantes s'observent selon les lieux, du fait de la variation des taux appliqués. Ces différences se manifestaient également entre les communes et les départements, c'est pourquoi nous avons mis en place un coefficient correcteur pour compenser à l'euro près ce que touchaient auparavant les communes.
Je ne trouve pas le nouveau système plus compliqué que l'ancien. À titre de comparaison, lors de la réforme de la taxe professionnelle (TP), la suppression de la TP a conduit à la création de nouveaux impôts comme l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) ou la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Le système s'en est trouvé complexifié.
Je ne trouve pas que le nouveau système soit très compliqué. Au fond, il renforce le lien entre la commune et ses administrés.
Ici, au Sénat - une assemblée que vous connaissez bien, puisque vous êtes des nôtres - nous ne sommes pas forcément pour les grands soirs. Mais il est vrai que si une aube nouvelle pouvait se lever un jour sur le système de financement des collectivités locales et si nous pouvions y travailler ensemble, ce ne serait pas plus mal.
Tout cela est très complexe et peu lisible. Même les élus ne savent pas à quoi ils doivent s'attendre sur le plan de leurs ressources, malgré tous les efforts des gouvernements successifs. Je ne vous retranche pas du lot, car je vois bien toute la réflexion qui sous-tend les propositions du Gouvernement. Même si nous pouvons être en désaccord avec certaines d'entre elles, nous mesurons la complexité de votre travail et la difficulté de donner une vraie lisibilité à un système de financement qui ne repose plus depuis longtemps sur l'impôt - avec tous les défauts de l'impôt, mais aussi toutes ses vertus. L'impôt entretient en effet le lien démocratique entre le citoyen et la collectivité.
Vous n'êtes pas les premiers à avoir supprimé des impôts locaux. Mais nous arrivons à présent à l'os. Le système reposant sur un financement par l'impôt sur lequel les collectivités ont un pouvoir de taux est devenu extrêmement minoritaire.
Cela soulève des problèmes de principe. Je vois bien que, dans le feu de l'action, ces problèmes de principe ne sont pas ceux qui émergent en premier, mais je crois que nous avons à réfléchir à l'évolution de notre système également d'un point de vue démocratique - point de vue qui me semble essentiel.
Madame la ministre, merci d'avoir pris le temps et le soin de répondre précisément à nos questions.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 18 h 30.