Intervention de Anne-Marie Payet

Réunion du 10 mai 2011 à 14h30
Soins psychiatriques — Discussion générale

Photo de Anne-Marie PayetAnne-Marie Payet :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le présent projet de loi, relatif aux soins psychiatriques sans consentement, est un texte intermédiaire entre, d’une part, une simple mise en conformité constitutionnelle de la législation en vigueur, et, d’autre part, une réforme-cadre du droit de la santé mentale. Et c’est bien ce caractère d’entre-deux qui le rend problématique.

En effet, je le rappelle après d’autres, une intervention législative était imposée par la décision du Conseil constitutionnel du 26 novembre 2010 qui, prise sur le fondement d’une question prioritaire de constitutionnalité, a donné au Gouvernement jusqu’au 1er août 2011 pour organiser un recours systématique du juge judiciaire en cas de maintien d’une hospitalisation sans consentement.

Cette décision se comprend bien, l’autorité judiciaire étant constitutionnellement « gardienne de la liberté individuelle ». Ce qui est étonnant, c’est que ce contrôle systématique n’ait pas été prévu plus tôt !

Dans ses considérants, le Conseil constitutionnel établit une distinction entre les conditions de l’hospitalisation, selon qu’il s’agit d’une admission sans consentement ou d’un maintien de l’hospitalisation. Il les estime conformes à la Constitution dans le premier cas, mais pas dans le second.

Ainsi, le texte qui nous est soumis prévoit, d’une part, un contrôle de plein droit, par le juge des libertés et de la détention, des hospitalisations sans consentement avant le quinzième jour lorsque leur durée doit se prolonger au-delà de cette échéance, et, d’autre part, l’intervention de ce magistrat tous les six mois en cas de prolongation.

Le Gouvernement aurait pu se borner à organiser ce contrôle, mais il n’en est rien, puisque l’objet de ce texte n’est pas seulement judiciaire, il s’en faut : le projet de loi comprend également un volet médical, qui réforme en profondeur le système établi jusqu’à présent par la loi du 27 juin 1990.

En effet, l’objectif de ce texte est de remplacer la notion d’« hospitalisation sans consentement » par celle de « soins sans consentement », en développant par conséquent des solutions alternatives à l’hospitalisation complète ; il est aussi de créer une nouvelle procédure d’hospitalisation sans consentement « en cas de péril imminent » pour la santé du malade et une période d’observation de soins de 72 heures ; il est encore de renforcer le suivi des patients réputés les plus difficiles ; il est enfin d’élargir et d’accroître les droits des personnes en soins sans consentement.

La simple énumération de ces mesures, tant médicales que judiciaires, nous permet de nous rendre compte qu’il ne s’agit pas, loin de là, d’un texte à vocation exclusivement sécuritaire, contrairement à ce qui a pu lui être reproché.

Tout en allant bien au-delà de ce qu’imposait la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur le fondement de la question prioritaire de constitutionnalité, le présent texte n’est pas pour autant la grande loi sur la santé mentale préconisée par la commission Couty en 2008 et par l’Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé en avril 2009.

Dans une telle loi, ce dossier serait abordé sous toutes ses facettes, à savoir la prévention des troubles psychiatriques, l’accès à des soins rapides et adaptés, donc l’offre de soins du point de vue tant de sa quantité que de sa répartition, le suivi de personnalité, la rénovation de l’hospitalisation sans consentement elle-même et l’organisation des soins aux détenus.

Cette loi-cadre, nous l’appelions de nos vœux parce que seule une approche globale nous paraît garantir une réforme cohérente en la matière.

Nous regrettons que ce ne soit pas ce choix qui ait été fait et que l’on ait préféré opter pour un entre-deux. Les difficultés auxquelles nous sommes à présent confrontées sont inhérentes à cette décision ; ce n’est pas un hasard si elles concernent tant le volet médical du projet de loi que son volet judiciaire.

Ce qui est reproché à ce texte, c’est de ne pas aller assez loin dans l’explicitation de ce que seraient ces fameux « soins ambulatoires sans consentement ». Et c’est tout l’enjeu de l’énorme travail réalisé par Muguette Dini avec la commission des affaires sociales. Ses amendements n’ont pas été intégrés au texte, mais ils ont eu le mérite majeur d’avoir mis en lumière l’importante lacune du projet de loi sur ce point. Il s'agit déjà d’un acquis tout à fait considérable à mettre à l’actif de la Haute Assemblée.

En résumé, voilà un texte qui est audacieux sur le plan de la rénovation du système et qui va donc dans le bon sens. La réforme médicale dont il est porteur n’a rien d’anecdotique. Elle présente l’immense avantage de responsabiliser les médecins. Il s'agit aussi d’un texte fondamental sur le plan des droits et libertés, dont le volet judiciaire ne saurait être différé.

Bref, au travers de ce texte, on parvient à un équilibre entre ces trois grands enjeux du dossier que sont la santé, les droits individuels et la sûreté. Toutefois, le projet de loi ne saurait être adopté en l’état, car il est incomplet.

Aussi, mes chers collègues, nous ne sortirons de cette situation – c’est la logique même ! – qu’en comblant les lacunes de ce texte, c’est-à-dire en le poussant un peu plus loin.

À l’évidence, la notion nouvelle de « soins ambulatoires sans consentement » demeure problématique. C’est pourquoi nous soutiendrons l’amendement de clarification et de compromis présenté par notre collègue Alain Milon et sous-amendé par le rapporteur de la commission des affaires sociales, Jean-Louis Lorrain.

Cet amendement tend à préciser que les soins psychiatriques sans consentement sont administrés au moyen de tous les outils thérapeutiques adaptés à l’état du patient et à établir une typologie non plus des formes de soins mais des lieux de soins. Ainsi a-t-il pour objet de distinguer clairement les unités d’hospitalisation à temps plein de ces autres lieux de soins que sont les unités alternatives à l’hospitalisation à temps plein ou les lieux de consultation, les lieux d’activités thérapeutiques ou les lieux de vie habituels du patient.

Les dispositions du sous-amendement du rapporteur de la commission des affaires sociales seront sans doute, elles, de nature à rassurer le corps médical quant au plein maintien de sa liberté de prescription.

Sous réserve de ces modifications d’importance, le groupe de l’Union centriste soutiendra cette réforme, même s’il attend qu’elle soit complétée dans les meilleurs délais pour une rénovation globale du cadre des soins psychiatriques.

Il ne me reste plus qu’à féliciter nos commissions et nos rapporteurs de l’excellence de leur travail, notamment Muguette Dini et Jean-Louis Lorrain, avec tout de même, si vous me le permettez, mes chers collègues, une mention spéciale pour la présidente de la commission des affaires sociales, qui, avec le courage et la détermination que nous lui connaissons, est allée jusqu’au bout de ses convictions.

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