Intervention de Laurent Béteille

Réunion du 10 mai 2011 à 14h30
Soins psychiatriques — Discussion générale

Photo de Laurent BéteilleLaurent Béteille :

Je vais vous parler de mon fils, que rien, apparemment, ne prédestinait à être concerné par la maladie psychiatrique : il a eu son bac et a entamé des études supérieures avant, un beau jour, de sombrer dans la schizophrénie. Sombrer est le mot juste, car c’est bien d’un naufrage qu’il s’agit.

Aujourd'hui, mon fils est clochard : il joue de la musique dans les rues d'Athènes et passe le reste de son temps à ramasser des mégots, qu’il conserve précieusement.

Cette dérive s’est produite assez brutalement ; elle s’est manifestée par des hurlements qu’il poussait dans la rue « pour chasser les démons », ainsi que par des menaces et des brutalités envers ma femme. Nous avons cherché un moyen de l’aider, mais il n'est pas facile de soigner quelqu'un qui ne se reconnaît pas malade et qui, de surcroît, considère que tous les médecins sont systématiquement des êtres malfaisants.

Après quelques mois, et grâce à l’appui d'un psychiatre qui a accepté de venir chez moi et de rencontrer mon fils un peu par surprise, j’ai réussi à obtenir une hospitalisation. Certes, on était un peu à la limite du droit au regard de la loi de 1990, mais qu'importe : il a au moins pu être soigné à ce moment-là. Au bout d'un certain temps, il a bénéficié d'une permission de sortie, qui s'est traduite, comme c'est généralement le cas, par un arrêt progressif, mais prématuré, du traitement. Les soins n'ont donc pas eu le succès que nous escomptions. Le problème a perduré et a donné lieu à toute une série de péripéties qu’il n'est pas opportun de relater ici.

Je veux insister sur le fait que, pour la famille, pour les proches, pour les amis, cette situation a été particulièrement pénible.

Aujourd'hui, je considère que la vie de ce garçon est gâchée. Il est dans une situation de souffrance particulière, car tout n’est que déceptions à ses yeux et il ne comprend pas pourquoi il en est là.

Il est en outre victime de violences beaucoup plus qu’il n’est auteur de violences : tout le monde peut en effet abuser de lui sans difficulté ; il est d'une grande naïveté et, par conséquent, il est une proie facile.

Mes chers collègues, si je vous raconte ce drame personnel, c'est surtout pour vous demander d'aborder ce débat dans un état d'esprit positif. Il me semble nécessaire aujourd'hui que nous examinions l’une après l’autre les dispositions que contient ce projet de loi pour déterminer celles qui sont utiles aux malades. Je souhaite vivement que nous appréhendions les questions sous-jacentes à ce texte en ayant le souci de penser d'abord aux malades et sans entrer dans d'autres considérations que, malheureusement, l’on a trop entendues.

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